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M. [M] soutient que son licenciement est économique en raison de la réforme législative impactant le marché de la formation. Il conteste les motifs de son licenciement et affirme que les griefs énoncés ne lui sont pas opposables. La société Forget Formation II soutient que les motifs de licenciement sont sérieux.
La société reproche à M. [M] un manque d’implication dans le développement commercial du centre de formation. M. [M] conteste ces accusations en mettant en avant les contraintes économiques et les moyens limités mis à sa disposition. La cour conclut que le manque d’implication n’est pas établi.
La société reproche à M. [M] un manque de communication avec les équipes. M. [M] conteste ces accusations et affirme que la décision de licenciement était déjà prise avant les griefs énoncés. La cour estime que le manque de communication n’est pas démontré.
M. [M] obtient une indemnité pour licenciement abusif. La cour confirme le montant alloué en première instance.
La société est condamnée à rembourser les indemnités de chômage versées à M. [M] depuis son licenciement.
La nullité de la convention de forfait en jours est confirmée. M. [M] obtient gain de cause sur la demande d’heures supplémentaires.
Les dépens de première instance sont confirmés. M. [M] est condamné aux dépens d’appel. Aucune indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’est allouée.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/05804 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MRM3
[M]
C/
Société FORGET FORMATION II
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de LYON CEDEX
du 09 Juillet 2019
RG : 15/03573
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 29 JUIN 2022
APPELANT :
[O] [M]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Aurélie NALLET de la SELARL LEXAVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Michaël MLADENOVIC, avocat au barreau de LYON,
INTIMÉE :
Société FORGET FORMATION II
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Florian DA SILVA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Youna KERMORGANT-ALMANGE de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de RENNES substitué par Me Olivier BARRAUT, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Mai 2022
Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Joëlle DOAT, présidente
– Nathalie ROCCI, conseiller
– Antoine MOLINAR-MIN, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 29 Juin 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE, ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société Forget Formation II a pour activité la formation, le perfectionnement, l’enseignement sous toutes ses formes et notamment dans le domaine des véhicules à moteur.
M.[O] [M] a été embauché par la société Forget Formation, suivant contrat de travail à durée indéterminée, à effet du 18 juillet 2011, en qualité de directeur du centre de formation de [Localité 5], niveau I A, statut cadre.
La société Forget Formation II applique la convention collective des services de l’automobile du 15 janvier 1981.
Le 5 mars 2015, la société Forget Formation adressait à M. [M] un courrier d’observations relatif au manque de résultats pour le centre de formation de [Localité 8], à l’insuffisance de ses actions commerciales, à ses difficultés managériales et de communication et l’invitait à prendre les mesures nécessaires afin que ces faits ne se reproduisent plus et que les résultats du centre de [Localité 5] soient conformes aux objectifs fixés conjointement.
M. [M] a été placé en arrêt de travail pour maladie du 9 avril au 19 avril 2015 et du 23 avril au 3 mai 2015.
Par courrier en date du 22 avril 2015 remis en main propre, la société Forget Formation a convoqué M. [M] à un entretien préalable à un licenciement, fixé au 5 mai 2015.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 mai 2015, la société Forget Formation II a notifié à M. [M] son licenciement pour cause réelle et sérieuse, au motif ‘d’un manque d’implication dans l’exécution de sa mission engendrant de fait un développement commercial insuffisant’, et de son ‘manque de communication compromettant sa posture managériale’.
Par requête en date du 21 septembre 2015, M.[M] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon en lui demandant de dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société Forget Formation à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, un rappel d’heures supplémentaires et les congés payés afférents.
Le conseil de prud’hommes s’est déclaré en partage de voix, par procès verbal du 14 décembre 2017.
Par un jugement en date du 9 juillet 2019, le conseil de prud’hommes, en sa formation de départage, a :
– dit que le licenciement de M.[M] par la société Forget Formation II est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– dit que la convention de forfait jours conclue entre M. [M] et la société Forget Formation II est nulle,
– dit que M. [M] a effectué des heures supplémentaires durant l’exécution du contrat de travail avec la société Forget Formation II,
– condamné la société Forget Formation II à payer à M.[M] les sommes suivantes :
celle de 4 875,15 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre celle de 487,51 euros au titre des congés payés y afférents, assorties des intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2015, date de l’audience devant le bureau de conciliation, la date de réception de la convocation étant illisible,
celle de 31 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– ordonné le remboursement par la société Forget Formation II aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M.[M] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de deux mois dans les conditions prévues à l’article L.1235-4 du code du travail,
– dit que le secrétariat greffe en application de l’article R.1235-2 du code du travail adressera à la direction générale de pôle emploi une copie certifiée conforme du jugement en précisant si celui-ci a fait ou non l’objet d’un appel,
– dit que la société Forget Formation II délivrera à M.[M] l’ensemble des documents de travail et de rupture rectifiés conformes à la présente décision dans un délai de deux mois suivant la notification de la présente,
– condamné la société Forget Formation II à verser à M. [M] la somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté la demande de la société Forget Formation II au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties de plus amples demandes contraires au présent dispositif,
– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision en application de l’article 515 du code de procédure civile,
– condamné la société Forget Formation II aux dépens de la présente instance,
Monsieur [M] a interjeté appel de ce jugement, le 7 août 2019.
Monsieur [M] demande à la cour de :
– déclarer son appel recevable et bien fondé ;
– affirmer le jugement déféré du chef critiqué et statuant à nouveau :
– condamner la société Forget Formation II à lui payer la somme totale de 69 609,51 euros à titre d’heures supplémentaires de janvier 2013 à avril 2015, outre 6 960,95 euros au titre des congés payés correspondants ;
– confirmer le jugement déféré pour le surplus en ce qu’il a condamné la société Forget Formation II à lui payer les sommes suivantes :
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 31 500,00 euros
Article 700 du code de procédure civile : 1 800,00 euros
En conséquence,
– condamner la société Forget Formation II au paiement d’une somme d’un montant de
3 000,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
– condamner la société Forget Formation II aux entiers dépens de première instance et d’appel, y compris les frais d’exécution forcée, distraits au profit de Maître Laffly, avocat, sur son affirmation de droit.
– dire que dans l’hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, l’exécution forcée devrait être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l’huissier en application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 (tarif des huissiers) devra être supporté par le débiteur en sus de l’article 700 du code de procédure civile.
Il soutient :
– que la société Forget Formation II a connu une dégradation de sa situation économique et que la véritable cause du licenciement est d’ordre économique
– qu’il ne peut lui être reproché un manque d’implication engendrant un développement commercial insuffisant puisque le retard budgétaire de mars 2015 procède à la fois d’une situation économique générale en nette décroissance et d’un chiffre d’affaire prévisionnel irréalisable et non coopté, ce qui n’est pas la conséquence d’une action commerciale limitée mais celle de moyens qui n’ont pas été mis à sa disposition
– qu’il conteste le grief sur le manque de communication compromettant sa posture managériale puisqu’il confirme avoir organiser la formation en question et avoir informé les commerciaux
– que les griefs énoncés postérieurement à la décision de rompre son contrat de travail prise le 2 avril 2015, et rendue effective auprès du personnel du centre le 15 avril 2015, soit bien avant la tenue de l’entretien préalable du 22 avril 2015, et la notification de son licenciement le 14 mai 2015, ne peuvent justifier le licenciement
– que sa convention de forfait jours est nulle et de nul effet puisque les stipulations de la convention collective des services de l’automobile ont été invalidées par la Cour de Cassation, ce qui le rend recevable à solliciter le paiement des heures supplémentaires réalisées par ses soins.
La société Forget Formation II demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a dit le licenciement de M. [M] dépourvu de cause réelle et sérieuse et l’a condamnée à des dommages-intérêts à hauteur de 31 500 euros
– en conséquence, débouter M.[M] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre – à titre subsidiaire, confirmer le quantum retenu par le conseil de prud’hommes
– infirmer le jugement en ce qu’il a dit que la convention de forfait annuelle en jours était nulle, en ce qu’il a dit que M.[M] avait accompli des heures supplémentaires et en ce qu’il l’a condamnée à un rappel d’heures supplémentaires à hauteur de 4 875,15 euros, outre 487,51 euros au titre des congés payés y afférents
en conséquence,
– débouter M. [M] de sa demande de rappel d’heures supplémentaires et de congés payés y afférents
à titre subsidiaire,
– confirmer le quantum retenu par le conseil de prud’hommes
– infirmer le jugement en ce qu’il a ordonné le remboursement des indemnités de chômage à Pôle emploi
– à titre subsidiaire, confirmer le quantum retenu par le conseil de prud’hommes
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à délivrer des documents de fin de contrat rectifiés
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée au titre de l’article 700 du code de procédure civile
En conséquence :
– condamner M. [M] à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M.[M] aux éventuels dépens.
Elle soutient :
– qu’il est parfaitement possible pour l’employeur d’entamer une procédure de licenciement sur le terrain disciplinaire mais de prononcer le licenciement pour un motif non disciplinaire, et qu’aucune prescription des faits ne pourrait lui être reprochée, monsieur [M] ayant été licencié en raison de son insuffisance professionnelle
– que M. [M] a manqué d’implication dans l’exécution de ses missions, que le manque de chiffre d’affaires est la résultante manifeste de l’insuffisance dans le développement et la diversification stratégique du portefeuille clientèle de M. [M], qui s’est reposé sur les acquis commerciaux du centre et qui n’a pas été en mesure de conquérir de nouveaux marchés, malgré les investissements considérables établis durant l’exécution de son contrat de travail
– que les difficultés de communication de M. [M] ont compromis sa posture managériale, ont conduit à son manque d’action commerciale faute de communication envers les équipes du centre dont il avait la charge et ont engendré un certain nombre de dysfonctionnements dans la bonne marche du centre de formation
– que le licenciement de M. [M] ne lui a pas permis de réaliser des économies permettant de laisser penser à un licenciement pour motif économique déguisé puisque le salarié a été remplacé, qu’aucune baisse d’effectif n’est intervenue dans le centre de [Localité 5] ou les autres centres du groupe, et que les difficultés de résultats enregistrées sur le centre de [Localité 5] ne sont que la conséquence de l’insuffisance de M. [M] dans la gestion du centre dont il était directeur
– que les partenaires sociaux ont un conclu un avenant le 3 juillet 2014 et apporté des modifications à la convention collective des services de l’automobile pour se conformer aux nouvelles exigences jurisprudentielles
– que M.[M] qui occupait les fonctions de directeur, sous le statut cadre, travaillait en autonomie au regard de ses responsabilités et remplissait tous les critères permettant de mettre en place un forfait annuel en jours
– que M.[M] n’a jamais émis de contestation relative à son temps de travail au cours de l’exécution de son contrat, qu’il ne prouve pas, par ses décomptes, la réalité des heures qu’il prétend avoir effectué au regard des nombreuses incohérences relevées, et que le seul fait d’avoir accompli des tâches relevant de ses fonctions n’est pas un élément de nature à démontrer la réalisation d’ heures supplémentaires.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 avril 2022.
SUR CE :
– Sur le licenciement:
M. [M] soutient, à titre principal, que la véritable cause de son licenciement est économique en raison d’une dégradation du marché de la formation consécutive à la réforme législative qui a remplacé le dispositif du droit individuel à la formation par le compte personnel de formation.
M. [M] soutient que la société Forget Formation II s’en est trouvée fortement impactée et a entrepris dans le cadre du plan 2015-2018, de procéder à une restructuration du ‘business model’ et des fonctions managériales de l’entreprise, laquelle comportait une contraction des effectifs.
M. [M] cite l’exemple de plusieurs directeurs de centres dont le contrat de travail a été rompu entre 2014 et 2016, ainsi que le licenciement de M. [R], PDG, en décembre 2015, de M. [J] [I] ( directeur grand compte), ou encore les démissions de M. [A] et de M. [L], commerciaux grand compte, en octobre 2014 et juin 2015.
M. [M] soutient que son licenciement est fondé sur des motifs d’emprunt et que la proposition de rupture conventionnelle en alternative au licenciement, qui lui a été faite démontre l’absence de grief réel et sérieux.
A titre subsidiaire, M. [M] expose que les griefs énoncés par la lettre de licenciement ne lui sont pas opposables.
La société Forget Formation II fait valoir à titre liminaire qu’il appartient au juge, d’abord de vérifier si les faits invoqués par l’employeur pour justifier la mesure de licenciement sont établis et ensuite, d’apprécier si ces motifs sont suffisamment sérieux.
****
Il est constant que les juges du fond doivent rechercher, au delà des énonciations de la lettre
de licenciement, la véritable cause du licenciement. Il en résulte que le juge doit apprécier et analyser concrètement les griefs formulés à l’encontre du salarié afin de déterminer s’ils sont fondés ou non.
1°) sur le manque d’implication dans l’exécution des missions engendrant de fait un développement commercial insuffisant :
La société Forget Formation II invoque à l’appui de ce grief la réalité du manque de chiffre d’affaires et le fait que le centre de [Localité 8] affichait sa plus mauvaise performance depuis sa création. Il est fait grief au salarié de n’apporter aucun élément démontrant une activité de prospection commerciale et de se reposer sur les acquis commerciaux du centre.
M. [M] expose que le centre de [Localité 5] a été créé en 2011, sans aucune étude d’implantation préalable, ni étude de marché; que cette création était uniquement adossée au marché du client KEOLIS lequel a été perdu en 2013 par M. [E], Directeur Général en charge des négociations.
M. [M] expose encore que le groupe SAMSIC a transféré le centre de [Localité 7] sur le site de [Localité 8] entre 2012 et la fin du mois de septembre 2013 et qu’il a, pendant cette période, découvert un marché et du gérer et découvrir une équipe et un centre; que l’objectif de chiffre d’affaires 2014 a été atteint avec une économie de 100 KE sur les pertes prévisionnelles.
M. [M] en déduit que le retard budgétaire de mars 2015 ne lui est pas imputable tant il procède à la fois d’une situation économique générale en nette décroissance et d’un chiffre d’affaires prévisionnel irréalisable et non coopté qui lui a été imposé pour 2015 à hauteur de 900KE alors que la proposition du salarié pour l’exercice était de 774 KE.
M. [M] en déduit que ce n’est pas son action commerciale qui a été limitée mais les moyens mis à sa disposition.
M. [M] fait valoir :
– que la constitution d’une force commerciale ne s’est concrétisée qu’au début de l’année 2015 après maintes relances et préconisations de sa part
– qu’il a entrepris un certain nombre d’actions commerciales innovantes.
****
Il est constant qu’une insuffisance de résultats ne peut, en soi, constituer une cause de licenciement et qu’il appartient au juge de rechercher si les mauvais résultats reprochés au salarié procèdent de son insuffisance professionnelle ou de sa faute.
Ainsi, l’insuffisance de résultats peut justifier un licenciement lorsque le salarié disposait des moyens nécessaires à l’accomplissement de ses objectifs, que ceux-ci étaient réalisables et que le secteur d’activité ne connaissait pas de difficultés particulières de nature à expliquer des résultats limités.
En l’espèce, la société Forget Formation II produit des documents comparatifs des résultats d’exploitation de tous les centres Forget Formation pour l’exercice 2015 ainsi que les chiffres comparatifs du centre de [Localité 5] sous la direction de M. [M] et sous celle de Mme [B] qui lui a succédé.
Il en résulte, que le résultat d’exploitation du centre de [Localité 5] a été le plus mauvais de tous les centres sur le territoire national (tableau pièce n°1 de l’employeur) et que Mme [B] a rapporté un chiffre d’affaires de 313 052 euros pour la période de septembre à décembre 2016, alors qu’à celle même période en 2014, M. [M] rapportait 183 533 euros de chiffre d’affaires soit un écart de 129 519 euros.
La cour observe que ces chiffres s’inscrivent dans une période marquée par :
– le déménagement du centre de [Localité 7] à [Localité 8] et le transfert des agréments au cours de l’années 2013 ;
– une conjoncture économique défavorable décrite en préambule de la réunion de direction des 4 et 5 avril 2013 par M. [E], Directeur Général, dans les termes suivants:
‘ en ces temps difficiles dus à la crise de l’emploi et la baisse de la consommation, nous sommes touchés par la baisse fulgurante du transport de marchandises donc par le recul soudain des formations de ce secteur d’activité qui représente pour Forget Formation prés de 60% du CA. Les mois de mai, juillet et août seront des périodes encore plus difficiles à passer. Il est donc nécessaire d’orienter nos ventes vers des produits tels que la sécurité (…)’ ;
– la perte de la société Keolis, principal client du centre de [Localité 5] au cours de l’année 2013, étant précisé que le marché Keolis représentait plus de la moitié du chiffre d’affaires du centre en 2011 et en 2012, soit 151 526 euros pour un chiffre d’affaires de 173 111 euros en 2011 et 221 470 euros pour un chiffre d’affaires de 424 404 euros en 2012.
Si la société Forget Formation II soutient que la perte du client Keolis a été effective en 2013, soit trois ans avant le licenciement de M. [M], cette situation a nécessairement eu un impact important sur l’activité commerciale du centre de [Localité 5] au cours des exercices 2014 et 2015 qui sont immédiatement consécutifs à la perte de ce client.
La société Forget Formation II est d’autant moins fondée à nier l’impact à moyen terme de cette perte dés lors qu’elle se prévaut d’un accompagnement du centre de [Localité 5] suite à la perte de Keolis, sous la forme d’une feuille de route datée du 31 juillet 2013 pour le 3ème quadrimestre 2013 laquelle exige de M. [M] qu’il mette en oeuvre une action commerciale à deux niveaux.
En conclusion de cette feuille de route, M. [E] indique :
‘ Le seuil de rentabilité a été défini ( 80 000 euros). Il permet d’avoir une meilleur visibilité des objectifs à atteindre. Vous avez présenté une synthèse d’actions à développer pour gagner en visibilité dont certaines ont retenu notre attention ( journée PRT, mailing, flyer), toutefois nous vous rappelons que vous devez être le premier garant de l’action commerciale. Votre défrichage dans un marché à fort potentiel doit être plus soutenu. L’installation a [Localité 8] a été, certes, laborieuse mais l’outil de travail est aujourd’hui opérationnel. Il vous appartient maintenant de le rendre productif.’
Or, la cour observe qu’en dépit d’une conjoncture particulièrement défavorable pour le centre de [Localité 5], le chiffre d’affaires a continué de progresser, passant de 424 404 euros en 2012 à 561 805 euros en 2013, 649 939 euros en 2014 et 655 043 en 2015.
La société Forget Formation II juge cette progression insuffisante à celle constatée sous la direction de Mme [B] ( 1 144 996 euros en 2016 et 756 247 euros en 2017), alors que cette progression traduit au contraire une action commerciale efficace puisqu’elle a permis de pallier la perte du client Keolis tout en assurant la croissance du chiffre d’affaires.
Ainsi, à titre d’exemple, le plan d’action que M. [M] a adressé à sa hiérarchie par courriel du 25 janvier 2015 mentionne depuis juin 2014, neuf appels d’offres contre 4 entre 2011 et 2013 et la société Forget Formation II n’apporte aucun élément contraire, ni aucune observation relative au non respect de la feuille de route sus-visée.
M. [M] justifie enfin qu’il a sollicité le 1er et le 2 septembre 2014 des agréments auprès de la DIRRECTE pour l’organisation des sessions de validation conduisant aux titres professionnels de ‘préparateur de commandes en entrepôt’ et ‘conducteur du transport routier de marchandises sur porteur’ et que ces agréments ont été obtenus à compter des 1er et 2 mars 2015, soit quelques semaines avant son licenciement.
L’affirmation selon laquelle M. [M] n’aurait pas été en mesure de conquérir de nouveaux marchés et se serait reposé sur ses acquis commerciaux est par conséquent contraire aux éléments versés aux débats et on voit mal sur quels acquis commerciaux M. [M] aurait pu se reposer compte tenu de la perte du principal acquis, le client Keolis, et de la nécessité subséquente d’aller à la conquête de nouveaux marchés.
Il résulte des développements ci-dessus que le manque d’implication à l’origine d’un développement commercial insuffisant n’est pas établi.
2°) sur le manque de communication compromettant la posture managériale de M. [M]
Il est reproché à M. [M] un mode de management caractérisé par son incapacité à définir les priorités et objectifs du personnel à court et plus long terme ainsi que des difficultés de communication envers les équipes.
La société Forget Formation cite deux exemples :
– l’action de formation ‘agent logistique ‘ du 4 mai 2015 pour laquelle M. [M] aurait omis d’informer les conseillers en formation sur la nécessité de cibler en priorité leurs actions commerciales sur cette session afin d’honorer le planning prévisionnel, et aurait par ailleurs omis de valider l’organisation et les outils pédagogiques avec Mme [X] ou M. [T] ;
– le constat fait M. [R], PDG de la société, à l’occasion d’échanges avec des collaborateurs le 10 avril 2015, d’une absence de transparence et de communication, notamment sur la situation du centre.
M. [M] conteste fermement ce grief et produit le témoignage de Mme [F] selon laquelle M. [R] aurait annoncé, à l’occasion des entretiens du 1 avril 2015, qu’il avait décidé de rompre le contrat de travail de M. [M], de sorte que la décision a été prise avant l’entretien préalable et que les griefs articulés postérieurement ne sont qu’un simulacre.
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Il est constant que l’insuffisance professionnelle doit reposer sur des faits précis et vérifiables.
En l’espèce, le manque de communication compromettant la posture managériale ne repose que sur les témoignages excessivement subjectifs de M. [E], directeur général de la société et de Mme [B], qui a succédé à M. [M] sur son poste, ces deux salariés se trouvant dans un lien de subordination à l’égard de l’employeur.
Ces témoignages n’étant corroborés par aucun élément objectif permettant de confirmer la réalité d’un manque de communication à l’égard des équipes, ainsi que les conséquences de ce manque de communication sur la posture managériale, ce grief sera écarté comme non démontré par les pièces du débat.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. [M] par la société Forget Formation II est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
– Sur les dommages-intérêts :
En application des articles L.1235-3 et L.1235-5 anciens du code du travail, M. [M] ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l’absence de réintégration dans l’entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu de l’effectif de l’entreprise, dont il n’est pas contesté qu’il est habituellement de plus de 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [M] âgé de 55 ans lors de la rupture, de son ancienneté de trois années et dix mois, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture a été justement indemnisé par le premier juge.
M. [M] qui ne justifie pas de conditions vexatoires du licenciement, sera débouté de sa demande au titre du préjudice moral.
En conséquence, le jugement qui lui a alloué la somme de 31 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au caractère abusif du licenciement doit être confirmé et M. [M] sera débouté de sa demande pour le surplus.
– Sur le remboursement des indemnités de chômage :
En application de l’article L.1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d’indemnisation; le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
– Sur la demande au titre de la nullité de la convention de forfait et des heures supplémentaires :
M. [M] expose que les stipulations de la convention collective de l’automobile ayant été invalidées par la cour de cassation, la convention de forfait mentionnée dans son contrat de travail étant établie au visa de la dite convention est, par voie de conséquence, également nulle.
M. [M] demande le paiement d’heures supplémentaires sur la base d’un horaire de travail journalier minimal et certain de 10 heures selon les horaires suivants : de 8H à 12H 30 et de 14H à 19H30.
M. [M] fait valoir que contrairement à ce qui a été jugé en première instance, il a pris le soin de décompter les jours de RTT, les congés payés, les jours fériés, le jour de solidarité ainsi que les arrêts de travail pour maladie.
La société Forget Formation II soutient que la décision de la cour de cassation datée du 9 novembre 2016 qui a estimé que les dispositions de la convention collective des services de l’automobile ne protégeaient pas assez la santé des salariés ayant conclu une convention de forfait en jours a sanctionné le texte tel que prévu en 2012.
La société Forget Formation II soutient que les partenaires sociaux ont conclu un avenant le 3 juillet 2014 et apporté des modifications à la convention collective de l’automobile pour se conformer aux nouvelles exigences jurisprudentielles de sorte que le salarié ne peut se prévaloir de cette jurisprudence pour solliciter la nullité de sa convention de forfait en jours
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a) Une convention de forfait en jours pour être valable doit être prévue par un accord collectif de branche étendu ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement lequel doit définir les catégories de cadres concernés, fixer le volume des forfaits (nombre normal, dépassements maximum), les principales caractéristiques du forfait.
Ces stipulations doivent assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.
Si l’accord collectif est invalidé, il entraîne la nullité de la convention individuelle de
forfait en jours.
La société Forget Formation ne peut se prévaloir des nouvelles dispositions résultant de l’avenant du 3 juillet 2014 dés lors que la convention de forfait signée par M. [M] étant annulée, il appartenait à l’employeur de soumettre au salarié une nouvelle convention de forfait, conforme aux nouveaux accords.
En effet, toute convention de forfait, par les dérogations au droit commun de la durée du travail qu’elle entraîne, est assortie de garanties non seulement collectives mais également individuelles, et seul le consentement par écrit du salarié à sa mise en place, sur la base d’un accord collectif valable au moment de l’engagement garantit sa protection.
En conséquence de la nullité de la convention de forfait en jours, la demande de M. [M] relative aux heures supplémentaires est recevable. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
b) sur les heures supplémentaires :
M. [M] produit, à l’appui de sa demande, les témoignages de M. [S], responsable d’agence de la société ADD Phenix pour la période 2012/2015 qui travaillait dans les mêmes locaux que lui, ainsi que le témoignage de M. [K], formateur de la société Forget Formation de mars 2014 à novembre 2014, lesquels attestent qu’ils croisaient régulièrement M. [M] entre 6h et 8H le matin, jusqu’à 19H/20H et après 20H, et occasionnellement le week-end.
Il produit également le témoignage de Mme [U] ,relatif aux nombreuses heures de travail effectuées par son mari [V] [U], ancien directeur du centre de formation de [Localité 9], lequel s’est suicidé sur son lieu de travail le 14 février 2018.
M. [M] invoque aussi à l’appui de sa demande sa très large délégation de pouvoirs et sa participation aux réunions mensuelles du CODIR qui se déroulaient pendant deux jours, le jeudi et le vendredi à [Localité 4] ou à [Localité 6] et dont la durée moyenne était comprise entre 8 et 10 heures.
M. [M] soutient que de l’aveu même de la société Forget Formation II, les fonctions de directeur du centre imposent une durée de travail minimum de 45 heures par semaine, soit 10 heures supplémentaires par semaine.
M. [M] produit en pièce n°65 un décompte forfaitaire de ses heures de travail basé sur l’horaire de travail journalier et hebdomadaire minimal qu’il a établi pour les années 2013, 2014 et pour la période du 1er janvier au 3 avril 2015.
La société Forget Formation II s’oppose à la demande au titre des heures supplémentaires aux motifs que le salarié produit un décompte établi pour les besoins de la cause qui n’est au demeurant ni précis ni étayé.
La société Forget Formation II fait valoir que les jours fériés ou chômés et les jours de congés n’ont pas été systématiquement neutralisés pour déterminer le nombre d’heures supplémentaires effectuées, de sorte que la demande du salarié comporte un certain nombre d’incohérences au regard des calendriers qu’il produit.
La société Forget Formation II souligne ainsi que M. [M] sollicite le paiement de 97 heures supplémentaires qui ne sont pas mentionnées sur les décomptes qu’il produit.
L’employeur conclut à titre subsidiaire à la confirmation du quantum retenu par le conseil de prud’hommes qui a estimé, en considération des éléments sus-visés que le salarié avait accompli 2 heures supplémentaires par semaine, représentant la somme totale de 4 875,15 euros, outre les congés payés afférents.
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Il résulte des dispositions des articles L. 3171-2, alinéa 1, L. 3171-3, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Un tableau établi pour les besoins de la demande constitue un document suffisamment précis dés lors qu’il permet à l’employeur, lequel est tenu à une obligation de contrôle du temps de travail afin de garantir au salarié le respect des règles relatives au dépassement des durées journalières et hebdomadaires de travail, de répondre en produisant ses propres éléments.
En l’espèce, la société Forget Formation II met en évidence un certain nombre d’incohérences entre le tableau objet de la pièce N°65 et la demande de M. [M].
Il apparaît en effet que si les jours fériés, chômés, congés payés et journée de solidarité sont effectivement distingués par une couleur et un nombre théorique de 7 heures par jour dans le dit tableau, ces journées sont comptabilisées dans le temps de travail effectif et le nombre d’heures supplémentaires mentionnées dans le tableau correspond à la différence entre ce temps de travail effectif erroné et le temps de travail théorique.
Par ailleurs, le calcul détaillé qui figure dans les conclusions de M. [M], pages 27 à 29, ne reprend pas le total des heures figurant dans le tableau de la pièce n°65.
A titre d’exemple, pour le mois d’avril 2014: le tableau mentionne 41 heures supplémentaires, alors qu’en tenant compte d’un travail effectif de 10 heures par jour et en décomptant les jours fériés mentionnés, le total d’heures de travail effectif est de 160 heures par rapport à un temps de travail théorique de 154 heures, ce qui correspond à 6 heures supplémentaires. Dans ses conclusions, M. [M] sollicite au total 32 heures supplémentaires majorées à 25% et 19 heures supplémentaires majorées à 50%.
Pour le mois de mai 2014: le tableau mentionne 24 heures supplémentaires alors qu’en tenant compte d’un travail effectif de 10 heures par jour et en décomptant les jours fériés mentionnés, le total d’heures de travail effectif est de 150 heures par rapport à un temps de travail théorique de 154 heures. Or, M. [M] sollicite pour le mois de mai 2014 un total de 27 heures supplémentaires majorées à 25% et de 18 heures majorées à 50%.
Pour le mois de janvier 2015: le tableau mentionne 56 heures supplémentaires. Dans ce cas, les heures supplémentaire correspondent à la différence entre le temps de travail effectif et le temps de travail théorique en l’absence de jours de jours de congés. Cependant, M. [M] demande pour ce mois de janvier 2015, 40 heures supplémentaires majorées à 25% et 35 heures majorés à 50%, soit un total de 75 heures supplémentaires dans le mois.
Compte tenu des incohérences mises en évidence sur la totalité de la période, tant au niveau du décompte des jours fériés, chômés et jours de congés, que du report du total des heures supplémentaires invoquées dans la demande chiffrée, la cour confirme l’estimation qui a été faite par le premier juge au vu des éléments produits et déboute M. [M] de sa demande pour le surplus.
– Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de la société Forget Formation II les dépens de première instance et en ce qu’il a alloué à M. [M] une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [M], qui succombe en son appel, sera condamnée aux dépens d’appel.
L’équité et la situation économique respective des parties ne justifient pas qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
REJETTE la demande de M. [M] au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,
CONDAMNE M. [M] aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE