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Une chute des abonnements presse et donc du chiffre d’affaires d’un groupe de presse peut justifier le licenciement économique du directeur de rédaction.
En l’occurrence, le nombre d’abonnements ‘sociétaires’ de Moto Magazine est passé de 102.000 en 2000 à 61.000 en 2010 et s’est réduit à 37.000 abonnements. Sur les six dernières années, l’érosion d’abonnements représentait 40% soit une perte de chiffre d’affaires cumulée de 2.400 K euros.
Une baisse des ventes généralisée des titres de presse a été constatée depuis 2003. Ainsi, entre 2011 et 2016 la vente en kiosque de Moto Magazine a baissé de 50%, soit un niveau de 10 à 20 points supérieurs aux autres titres. Quant au chiffre d’affaires de la publicité, il a enregistré une baisse de 23% sur les parutions papier en 2016 correspondant à un tassement général de la publicité dans les médias traditionnels constaté auprès des concurrents.
Au cours des deux derniers exercices, les pertes d’exploitation de la société représentent un montant total de 694K euros, tandis que le résultat net est négatif.
Au cours des 9 premiers mois de l’exercice 2016, les Éditions de la FFMC ont réalisé un chiffre d’affaires d’environ 3.300 K euros soit un chiffre d’affaires en retrait de 5% par rapport à l’exercice N-1. La perte d’exploitation sur cette période s’établit à environ 236K euros et à 400 K euros sur les 12 mois de l’exercice 2016.
C’est dans ce contexte que les Éditions de la FFMC ont été contraintes de déclarer au Tribunal de Commerce un état de cessation des paiements et qu’une procédure de redressement judiciaire a été ouverte. Pour faire face à ses difficultés économiques et pour permettre la sauvegarde de leur activité, les Éditions de la FFMC ont décidé de mettre en oeuvre une procédure de licenciement collectif pour motif économique affectant treize postes.
La juridiction a validé la réalité des difficultés économiques et la régularité de la procédure.
Tout licenciement pour motif économique doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Selon l’article L1233-3 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.
Ces dispositions sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l’exclusion de la rupture conventionnelle.
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRET DU 17 MAI 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/03531 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB4SC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Mai 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° 17/01301
APPELANT
Monsieur [B] [N]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Khalil MIHOUBI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0237
INTIMEES
SOCIÉTÉ ASSURANCE MUTUELLE DES MOTARDS
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Marc ARTINIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1759
SARL LES ÉDITIONS DE LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DES MOTARDS EN COLÈRE ( FFMC)
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean-claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Véronique MARMORAT, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Véronique MARMORAT, présidente
Madame Fabienne ROUGE, présidente
Madame Anne MENARD, présidente
Lors des débats : Madame Sarah SEBBAK, greffière
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Véronique MARMORAT, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [B] [N] a été engagé à compter du 1er février 1984 en qualité de rédacteur en chef de la revue Moto Magazine éditée par la Sarl Les éditions de la Fédération française des motards en colère (FFMC) dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée. Par avenant en date du 17 septembre 2001, il a été promu directeur des rédactions.
Le capital social de la Sarl Les éditions de la FFMC est détenu à parts égales par la société d’assurance Mutuelle des motards (AMDM) et la Fédération française des motards en colère (FFMC).
La convention collective applicable est celle des journalistes.
Par jugement en date du 30 novembre 2016, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la Sarl Les éditions de la FFMC.
Par ordonnance sur requête en date du 21 décembre 2016, le juge commissaire du redressement judiciaire a autorisé l’administrateur judiciaire de la Sarl Les éditions de la FFMC a procédé au licenciement économique de treize salariés parmi lesquels M. [B] [N].
La Sarl Les éditions de la FFMC a notifié à ce dernier son licenciement pour motif économique par lettre recommandée en date du 23 décembre 2016.
M. [B] [N] a contesté son licenciement par lettre du 5 mars 2017.
Le 14 mars 2017, M. [B] [N] a saisi la commission arbitrale des journalistes.
Puis le 4 mai 2017, soutenant que la Sarl Les éditions de la FFMC et la société d’assurance Mutuelle des motards avaient la qualité de co-employeur à son égard, contestant le motif économique de son licenciement et invoquant notamment des manquements des deux sociétés, ce dernier a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny.
Par jugement du 7 décembre 2017, le tribunal de commerce de Bobigny a arrêté un plan de redressement.
Le 6 avril 2018, la commission arbitrale des journalistes a rendu sa décision accordant à M. [B] [N] la somme totale de 225 000 euros à titre d’indemnité de licenciement en application des articles L.7112-3 et L.7112-4 du code du travail.
Par jugement rendu le 30 janvier 2020, le conseil de prud’hommes de Bobigny a prononcé la mise hors de cause de l’Ags Cgea Idf Est, débouté M. [B] [N] de toutes ses demandes, débouté la Sarl Les éditions de la FFMC et la Sarl Les éditions de la FFMC de leurs demandes reconventionnelles respectives.
M. [B] [N] a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 13 juin 2020.
Par conclusions signifiées par voie électronique, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, M. [B] [N] demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a débouté des demandes suivantes :
A titre principal :
– juger que la société les Éditions de la FFMC et la Mutuelle des Motards sont co-employeurs et les condamner conjointement et solidairement aux paiements
– constater que son licenciement est dépourvu de motif économique
– constater que la société les Éditions de la FFMC et la Mutuelle des Motards ont manqué à leur obligation de reclassement
– juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse
– juger qu’il a subi un préjudice de ce fait
Par conséquent,
– condamner conjointement et solidairement la société les Éditions de la FFMC et la Mutuelle des Motards à lui payer la somme de 175 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– condamner conjointement et solidairement la société les Éditions de la FFMC et la Mutuelle des Motards à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamner conjointement et solidairement la société les Éditions de la FFMC et la Mutuelle des Motards au remboursement à Pôle emploi des indemnités qui lui ont été versées au titre de l’assurance chômage, dans la limite de 6 mois, conformément à l’article L1235-4 du code du travail
– condamner conjointement et solidairement la société les Éditions de la FFMC et la Mutuelle des Motards aux entiers frais et dépens d’instance
A titre infiniment subsidiaire, si le co-emploi n’était pas retenu :
– constater que son licenciement est dépourvu de motif économique
– constater que la société les Éditions de la FFMC a manqué à son obligation de reclassement
– juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
– juger qu’il a subi un préjudice de ce fait
Par conséquent :
– condamner la société les Éditions de la FFMC à lui payer la somme de 175 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– condamner la société les Éditions de la FFMC au remboursement à Pôle emploi des indemnités qui lui ont été versées au titre de l’assurance chômage, dans la limite de 6 mois, conformément à l’article L1235-4 du code du travail
– condamner la société les Éditions de la FFMC à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamner la société les Éditions de la FFMC aux entiers frais et dépens d’instance
A titre infiniment subsidiaire, si le co-emploi n’était pas retenu :
– constater qu’aucune application des critères d’ordre n’a été faite s’agissant du licenciement économique
– juger qu’il a subi un préjudice de ce fait
Par conséquent :
– condamner la société les Éditions de la FFMC à lui payer la somme de 175 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d’ordre
– condamner la société les Éditions de la FFMC à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamner la société les Éditions de la FFMC aux entiers frais et dépens d’instance
Statuant à nouveau, il est demandé à la Cour d’appel de Paris de :
A titre principal :
– juger que la société les Éditions de la FFMC et la Mutuelle des Motards sont co-employeurs et les condamner conjointement et solidairement aux paiements
– constater que son licenciement est dépourvu de motif économique
– constater que la société les Éditions de la FFMC et la Mutuelle des Motards ont manqué à leur obligation de reclassement
– juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse
– juger qu’il a subi un préjudice de ce fait
Par conséquent,
– condamner conjointement et solidairement la société les Éditions de la FFMC et la Mutuelle des Motards à lui payer la somme de 175 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– condamner conjointement et solidairement la société les Éditions de la FFMC et la Mutuelle des Motards à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamner conjointement et solidairement la société les Éditions de la FFMC et la Mutuelle des Motards au remboursement à Pôle emploi des indemnités qui lui ont été versées au titre de l’assurance chômage, dans la limite de 6 mois, conformément à l’article L1235-4 du code du travail
– condamner conjointement et solidairement la société les Éditions de la FFMC et la Mutuelle des Motards aux entiers frais et dépens d’instance
A titre infiniment subsidiaire, si le co-emploi n’était pas retenu :
– constater que son licenciement est dépourvu de motif économique
– constater que la société les Éditions de la FFMC a manqué à son obligation de reclassement
– juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse
– juger qu’il a subi un préjudice de ce fait
Par conséquent :
– condamner la société les Éditions de la FFMC à lui payer la somme de 175 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– condamner la société les Éditions de la FFMC au remboursement à Pôle emploi des indemnités qui lui ont été versées au titre de l’assurance chômage, dans la limite de 6 mois, conformément à l’article L1235-4 du code du travail
– condamner la société les Éditions de la FFMC à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamner la société les Éditions de la FFMC aux entiers frais et dépens d’instance
A titre infiniment subsidiaire, si le co-emploi n’était pas retenu :
– constater qu’aucune application des critères d’ordre n’a été faite s’agissant du licenciement économique
– juger qu’il a subi un préjudice de ce fait
Par conséquent :
– condamner la société les Éditions de la FFMC à lui payer la somme de 175 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d’ordre
– condamner la société les Éditions de la FFMC à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamner la société les Éditions de la FFMC aux entiers frais et dépens d’instance
Dans ses conclusions signifiées par voie électronique, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société les Éditions de la FFMC demande à la cour d’appel de Paris de :
– juger que la justification économique du licenciement de M. [B] [N] est établie
– juger qu’elle a rempli son obligation de reclassement à l’égard de M. [B] [N]
– juger en conséquence que le licenciement de M. [B] [N] repose sur une cause réelle et sérieuse
– juger qu’elle a rempli ses obligations au titre des critères d’ordre des licenciements
En conséquence,
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions
– débouter M. [B] [N] de l’ensemble de ses demandes
– condamner M. [B] [N] au paiement d’une indemnité de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens
Subsidiairement, si la Cour devait juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse :
– réduire le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à de plus justes proportions
– fixer le remboursement des indemnités chômage à de plus justes proportions
Dans ses conclusions signifiées par voie électronique, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société Assurance Mutuelle des Motards demande à la cour d’appel de :
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [B] [N] de toutes ses demandes et l’a condamné à des éventuels dépens
– l’infirmer en ce qu’il l’a déboutée de toutes ses demandes reconventionnelles
Et, statuant à nouveau,
– condamner M. [B] [N] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Y ajoutant,
– condamner M. [B] [N] aux entiers dépens de l’instance d’appel et à lui verser, en cause d’appel, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
MOTIFS
Sur le co-emploi :
Hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de co-employeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière.
M. [B] [N], bien que lié par un contrat de travail à la Sarl Éditions de la FFMC, fait valoir qu’il était en réalité sous la subordination conjointe de la Mutuelle des Motards, qui a exercé son pouvoir de direction et de contrôle à son égard pendant plus de 30 ans.
En effet, il indique que :
– il établissait les publications destinées exclusivement aux sociétaires de la Mutuelle des Motards, des documents de communications,
– il réalisait des questionnaires, études et enquêtes
– il intervenait sur le site internet de la Mutuelle des Motards en fournissant textes, photos et liens
– il contribuait à la mise en place et à l’animation du réseau de la Mutuelle des Motards
– il était tenu d’assister aux réunions de la Mutuelle des Motards, fixées à son siège social à [Localité 7].
Il indique que l’immixtion de la Mutuelle des Motards est caractérisée, même quand il travaillait pour le compte de la FFMC comme ayant été contraint, dès le début de sa collaboration avec la Sarl Les éditions de la FFMC et jusqu’à son licenciement, d’insérer dans les diverses revues de la FFMC les publications qu’il réalisait pour le compte de la Mutuelle des Motards :
– articles sur les finances et le fonctionnement de la Mutuelle des Motards
– guides pratiques, études et enquêtes sur la sécurité
– mensuel ‘Passion Mutuelle’
– bi-annuel Commuters
Enfin, il expose que son travail ne se limitait pas à la réalisation de publications mais consistait également à insérer dans les contenus diverses informations sur la Mutuelle des Motards, à promouvoir la Mutuelle des Motards en réalisant des tracts, affiches publications, application Iphone…
Selon lui, il travaillait de façon permanente pour la société d’assurance Mutuelle des motards, laquelle s’immisçait dans son travail, même quand il travaillait pour le compte de la FFMC.
La Sarl Les éditions de la FFMC soutient qu’elle a été le seul employeur de l’appelant, que ce dernier a dû dans le cadre de l’exécution par elle des prestations convenues avec la société d’assurance Mutuelle des motards, sa cliente, collaborer avec les salariés de la mutuelle, sans que cela ne permette de caractériser un lien de subordination.
La société d’assurance Mutuelle des Motards fait observer que si des liens capitalistiques existent et s’il a toujours été convenu qu’elle puisse ponctuellement solliciter la Sarl Les éditions de la FFMC, il n’y a pour autant jamais eu de confusion ni entre les deux structures ni entre les deux activités, ni encore entre les personnels des deux sociétés, les relations entre les deux sociétés étant encadrées par des conventions et les travaux commandés donnant lieu à facturation aux conditions du marché.
L’Assurance Mutuelle des Motards communique une convention datée du 17 mars 2009, faisant suite à une précédente convention, relative à la parution de la revue Pratique 125, dérivé de Passion Mutuelle, et prévoyant la réalisation et la diffusion de cette nouvelle publication de la mutuelle par la Sarl Les éditions de la FFMC, ainsi qu’une autre convention d’édition du 30 juillet 2013 signée, renouvelable tacitement, avec la société les éditions de la FFMC.
Ces conventions définissent toutes deux les prestations demandées par l’Assurance Mutuelle des Motards notamment la confection de publications à destination de ses sociétaires par la société les éditions de la FFMC ainsi que la fourniture de contenus pour le site web de l’Assurance Mutuelle des Motards, cette prestation faisant l’objet d’une facturation à l’Assurance Mutuelle des Motards, comme le montre la facture numéro 2016-192 du 19 décembre 2016.
C’est dans ce cadre juridique que M. [B] [N], dont il y a lieu de rappeler qu’il est directeur des rédactions, a travaillé à l’élaboration de la revue de la société d’assurance Mutuelle des motards, ainsi au demeurant que le confirment de façon concordante les rédacteurs des attestations qu’il verse aux débats, qui indiquent qu’il rencontrait effectivement les équipes de travail de la société d’assurance Mutuelle des motards, et qu’il se déplaçait dans ses locaux.
L’examen des nombreux courriels relatifs aux échanges entre l’appelant et l’AMDM montre que s’il recevait des demandes précises correspondant aux commandes et attentes de la mutuelle, lui-même, en retour, n’hésitait pas à faire part de ses observations.
Rien ne permet de constater qu’il recevait des ordres ou directives de la société d’assurance Mutuelle des motards, qu’il devait lui rendre des comptes concernant notamment l’organisation de son travail ou que cette dernière usait de moyens de contrôle destinés à en vérifier la bonne exécution et encore moins qu’elle ait pu faire un quelconque usage de son pouvoir disciplinaire à son égard.
M. [B] [N] n’apporte pas la preuve d’un quelconque lien de subordination envers la société d’assurance Mutuelle des motards.
Il est expressément prévu dans la convention d’édition du 30 juillet 2013 que la société d’assurance Mutuelle des motards souhaite ‘ confier la réalisation rédactionnelle, co-élaboration avec le service communication de l’AMDM, … aux éditions FFMC’.
La convention du 17 mars 2009, précise :’…Le directeur des rédactions des éditions devra s’assurer de la bonne coordination des activités éditoriales avec les services concernés de la mutuelle’ et concernant la publicité ‘… Les éditions de la FFMC sont autorisées à introduire de la publicité dans cette nouvelle revue mais en respectant la charte qui prévaut pour les autres publications des Éditions quant à l’espace autorisé en la matière…’.
Dès lors, et malgré l’existence de lien capitalistique entre les deux intimées, la validation comme le contrôle des contenus et lignes éditoriales proposés par la Sarl Les éditions de la FFMC, effectués par la société d’assurance Mutuelle des motards, ne peut s’analyser comme constituant une immixtion permanente de cette dernière société dans la gestion économique et sociale de la société avec laquelle M. [B] [N] était lié par un contrat de travail.
La situation de co-emploi soutenue par M. [B] [N] n’est pas démontrée.
C’est à juste titre que le conseil de prud’hommes l’a débouté des demandes formées à ce titre.
Sur le licenciement économique :
Tout licenciement pour motif économique doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Selon l’article L1233-3 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.
Ces dispositions sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l’exclusion de la rupture conventionnelle.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :
‘Les Editions de la FFMC sont confrontées depuis plusieurs années à une baisse de chiffre d’affaires. Cette baise résulte :
De la baisse des abonnements dits ‘sociétaires’ (abonnements vendus par la Mutuelle des Motards à ses assurés) : depuis 1999, il est fait interdiction de réaliser des ventes d’abonnements forcées liées à la souscription d’assurance.
Ainsi le nombre d’abonnements ‘sociétaires’ est passé de 102.000 en 2000 à 61.000 en 2010 et s’est réduit à 37.000 abonnements aujourd’hui. Sur les six dernières années, l’érosion d’abonnements représente 40% soit une perte de chiffre d’affaires cumulée de 2.400 K euros.
D’une baisse des ventes généralisée des titres de presse constatée depuis 2003. Ainsi, entre 2011 et 2016 la vente en kiosque de Moto Magazine a baissé de 50%, soit un niveau de 10 à 20 points supérieurs aux autres titres. Quant au chiffre d’affaires de la publicité, il a enregistré une baisse de 23% sur les parutions papier en 2016 correspondant à un tassement général de la publicité dans les médias traditionnels constaté auprès des concurrents.
Au cours des deux derniers exercices, les pertes d’exploitation de la société représentent un montant total de 694K euros, tandis que le résultat net est négatif.
Au cours des 9 premiers mois de l’exercice 2016, les Éditions de la FFMC ont réalisé un chiffre d’affaires d’environ 3.300 K euros soit un chiffre d’affaires en retrait de 5% par rapport à l’exercice N-1. La perte d’exploitation sur cette période s’établit à environ 236K euros et à 400 K euros sur les 12 mois de l’exercice 2016.
C’est dans ce contexte que les Éditions de la FFMC ont été contraintes de déclarer au Tribunal de Commerce un état de cessation des paiements et qu’une procédure de redressement judiciaire a été ouverte. Pour faire face à ses difficultés économiques et pour permettre la sauvegarde de leur activité, les Éditions de la FFMC ont décidé de mettre en oeuvre une procédure de licenciement collectif pour motif économique affectant treize postes. Les représentants du personnel de la structure ont été valablement consultés.
Par ordonnance en date du 21 décembre 2016, le juge commissaire du Tribunal de Commerce de Bobigny a autorisé les treize licenciements envisagés.
C’est dans ces conditions que votre poste est supprimé.
Malgré les recherches de reclassement effectuées, nous n’avons malheureusement pas de postes de reclassement à vous proposer et c’est ainsi que nous avons été contraints d’envisager votre licenciement pour motif économique.
Nous vous avons remis le 22 décembre 2016 la documentation relative au dispositif du contrat de sécurisation professionnelle. Nous vous rappelons que vous bénéficiez d’un délai de réflexion de 21 jours à compter de la date de remise, soit jusqu’au 12 janvier 2017, pour adhérer au contrat de sécurisation professionnelle.
Si vous adhérez au dispositif du contrat de sécurisation professionnelle, votre contrat de travail sera rompu d’un commun accord pour motif économique à l’échéance de ce délai de 21jours, conformément à la réglementation applicable. Si vous adhérez au dispositif du contrat de sécurisation professionnelle, vous ne bénéficierez pas d’indemnité compensatrice de préavis qui sera alors versée au pôle emploi dans le cadre du financement de ce dispositif.
Si vous n’adhérez pas au dispositif du contrat de sécurisation professionnelle, la présente lettre constituera la notification de votre licenciement économique. La date de première présentation de cette lettre marquera alors le point de départ de votre préavis d’une durée de 2 mois que nous vous dispensons d’exécuter. Votre salaire vous sera réglé durant la période de préavis aux échéances normales de paie’.
À titre subsidiaire, M. [B] [N] invoque l’absence de recherche sérieuse de reclassement par la Sarl Les éditions de la FFMC qui n’a émis aucune proposition sérieuse de reclassement ainsi que la violation des critères d’ordre de licenciement.
La réalité des difficultés économiques de la Sarl Les éditions de la FFMC, qui n’est pas expressément remise en cause par M. [B] [N] dans le cadre de ses demandes subsidiaires, est en tout état de cause établie par les pièces produites notamment par le bilan des exercices comptables des années 2016 et 2017 faisant ressortir un résultat négatif de 299 216 euros en 2016 et de 1 327 842 euros en 2017, pris en considération par le juge-commissaire du tribunal de commerce de Bobigny ayant autorisé le licenciement.
La Sarl Les éditions de la FFMC justifie avoir sollicité le 4 décembre 2016 ‘la coordination nationale de la FFMC’ afin de connaître les différents postes disponibles au sein de cette association et avoir reçu la 6 décembre suivant une réponse négative s’agissant des fonctions occupées par M. [B] [N].
La FFMC a, le 17 décembre 2016, indiqué à la Sarl Les éditions de la FFMC qu’elle ne disposait pas de postes à pourvoir correspondant à la liste transmise.
La Sarl Les éditions de la FFMC communique en outre son registre du personnel outre celui de la FFMC et de l’AMDM permettant de constater qu’elle ne disposait d’aucun poste disponible.
Le fait que les compétences de M. [B] [N] ne soient pas détaillées, ainsi qu’il le souligne, est sans incidence car parfaitement connues de la société d’assurance Mutuelle des motards avec laquelle il collaborait depuis plusieurs années pour la rédaction de sa publication.
La Sarl Les éditions de la FFMC a effectué une recherche loyale de reclassement et sérieuse au sein des deux autres entités du groupe, étant relevé de plus qu’aucune adaptation du poste n’était envisageable en raison de sa suppression.
Il est établi par ailleurs que la Sarl Les éditions de la FFMC a procédé à la consultation des délégués du personnel et régulièrement transmis à la Direccte la note d’information/consultation de ces derniers.
Elle indique qu’en sa qualité d’adhérente à la fédération nationale de la presse spécialisée, elle relève de cette catégorie spécifique laquelle prévoit expressément dans la classification l’emploi de directeur des rédactions, distincte de celle de rédacteur en chef.
M. [B] [N] a été nommé directeur des rédactions, en charge notamment de ‘coordonner l’activité des différentes branches d’activité des éditions’ et également, ‘en cas de désaccords entre les rédacteurs en chef ‘, d’arbitrer.
Il occupait donc des fonctions distinctes de celles de rédacteur en chef.
Etant seul dans sa catégorie d’emploi, il n’y avait pas lieu de faire application des critères d’ordre de licenciement.
Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
L’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de chacune des parties.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions.
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE M. [B] [N] aux entiers dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE