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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 10
ARRÊT DU 04 Novembre 2014
(n° , 05 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S 13/06350
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Avril 2013 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS RG n° 11/10928
APPELANTE
SA NDBM1
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Jean-Luc BRAMI, avocat au barreau de PARIS, toque : J105
INTIME
Monsieur [C] [Q]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne
assisté de Me Isabelle-victoria CARBUCCIA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1561
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 09 Septembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Claudine PORCHER, Présidente de chambre
Mme Marie-Aleth TRAPET, Conseillère
Madame Christine LETHIEC, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Claudine PORCHER, présidente et par Madame Caroline CHAKELIAN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par contrat à durée indéterminée du 18 mars 2010 à effet du 1er avril 2010, la société NDBM1, faisant partie du groupe NEUBAUER et concessionnaire BMW, a embauché Monsieur [C] [Q], en qualité de chef des ventes de véhicules d’occasion.
Par courrier remis en mains propres le 11 juillet 2011, Monsieur [C] [Q] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 19 juillet 2011 et mis à pied à titre conservatoire.
Un licenciement pour faute grave lui a été notifié par courrier recommandé du 26 juillet 2011.
Par jugement rendu le 16 avril 2013, le conseil de prud’hommes de Paris a qualifié le licenciement de Monsieur [C] [Q] sans cause réelle ni sérieuse et condamné la société NDBM1 au paiement des sommes suivantes :
– 1.654,55 € à titre de rappel de salaire
– 165,45 € à titre de congés payés afférents
– 12.654 € à titre de préavis
– 1.265,40 € à titre de congés payés afférents
– 1.054,50 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement
– 14.000 € à titre de dommages et intérêts
– 600 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le 28 juin 2013, la société NDBM1 a interjeté appel de cette décision et Monsieur [C]
[Q] a formé un appel incident.
Par conclusions enregistrées au greffe le 9 septembre 2014 et soutenues oralement, la société NDBM1 demande à la cour de réformer le jugement entrepris, de retenir le licenciement pour faute grave de son salarié et de condamner celui-ci au paiement d’une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’appelante reproche à ce dernier d’avoir, de sa propre initiative et sans l’aval de sa direction, acquis un véhicule d’occasion aux deux tiers de sa valeur argus et ce, en violation des règles édictées au sein de l’entreprise.
La société NDBM1 relève qu’en sa qualité de chef des ventes de véhicules d’occasion, il appartenait à Monsieur [C] [Q] de respecter lui- même et de faire respecter les règles d’acquisition en interne des véhicules qu’il avait fixées dans un courriel adressé aux collaborateurs concernés le 3 décembre 2010.
L’appelante fait valoir que Monsieur [C] [Q] ne pouvait se dispenser d’un accord hiérarchique dans la mesure où il était, lui-même, concerné par l’acquisition d’un véhicule d’occasion et que, de ce fait, il ne représentait pas la direction.
Elle reproche au mis au cause d’avoir violé, dans son unique intérêt personnel et mercantile, les règles édictées pour la vente en interne de véhicules d’occasion et ce, au mépris des intérêts de l’entreprise et de ses clients.
De ce fait, la société NDBM1 estime que le comportement de Monsieur [C] [Q], en charge de fonctions d’encadrement, caractérise une faute grave.
Par conclusions enregistrées au greffe le 9 septembre 2014 et soutenues oralement, l’intimé réfute les moyens et l’argumentation de la partie adverse.
Monsieur [C] [Q] conclut à la confirmation du jugement entrepris ayant, notamment, dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il forme un appel incident en sollicitant l’infirmation du jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 16 avril 2013 en ce qu’il a condamné la société NDBM1 au paiement d’une somme de 14 000 € à titre de dommages et intérêts.
Monsieur [C] [Q] affirme que les griefs allégués à son encontre ne peuvent justifier une quelconque mesure de licenciement.
Il fait valoir que son poste ne semble pas avoir été pourvu ainsi qu’il ressort des informations disponibles sur le site de la société NDBM1, concession [1], et que, du fait de la suppression de son poste, il a fait l’objet d’un licenciement économique déguisé.
L’intéressé souligne les conditions vexatoires de la mesure brutale de licenciement dont il a été l’objet ainsi que les difficultés rencontrées pour retrouver un emploi du fait du dénigrement de son ex-employeur.
C’est pourquoi, étant resté au chômage pendant 13 mois, il demande à la cour de :
Statuant à nouveau :
Condamner la société NDBM1 à payer à Monsieur [C] [Q] à titre de dommages et intérêts la somme de 54834.00€ avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de l’arrêt à intervenir,
Ajouter au titre de la condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile une somme de 2500€ au titre des frais d’appel
Condamner la société NDBM1 en tous les dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Me CARBUCCIA.
Pour le plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées oralement lors de l’audience des débats.
SUR QUOI, LA COUR,
Sur la faute grave alléguée
Les fautes reprochées à Monsieur [C] [Q] sont ainsi exposées dans la lettre de licenciement notifiée le 28 juillet 2011 :
« Le 8 juin 2011, dans le cadre de vos fonctions de responsable véhicule d’occasion, vous avez validé la reprise d’un véhicule d’occasion de marque BMW modèle 118d ( immatriculé [Immatriculation 1]) à Monsieur [Y] [E] pour la somme de 13441.24€, ce véhicule était immatriculé du 15/09/2009 et présentait seulement 2918km. La cote Argus de ce dernier était de 22924€ et déduction faite des frais de remise en état et des frais professionnels de 1798 €, étant précisé que le pourcentage maximum de frais professionnels de 15% a été appliqué pour ce véhicule de deux ans d’âge et 2918km.
Le 15 juin 2011, vous avez rempli un bon de commande véhicule d’occasion pour cette même voiture à votre nom propre, bon de commande que vous avez contre signé pour la concession. Vous avez réglé par chèque le montant de la vente, soit 14120€ frais de carte grise inclus ( prix du véhicule 13744.50€).
A aucun moment vous n’avez jugé bon de demander l’autorisation à la direction pour acquérir ce véhicule. Vous avez vous-même déterminé le prix de vente. Vous avez donc délibérément caché à la société NDBM1la vente de cette voiture pour votre propre compte ».
Considérant qu’il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement; que la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis ; que l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Considérant qu’en sa qualité de cadre, chef des ventes du service véhicules d’occasion, Monsieur [C] [Q] était, directement, rattaché au responsable du service véhicules neufs/véhicules d’occasion et qu’en application des dispositions de l’article 5 de son contrat de travail, il lui appartenait de :
« Soumettre au Chef des Ventes VN/VO, pour accord, toute réalisation d’une affaire présentant des critères de négociation particuliers ».
Considérant qu’il résulte des pièces régulièrement communiquées aux débats et notamment du courriel adressé le 3 décembre 2010 par Monsieur [C] [Q] à tous les collaborateurs concernés, avec copie à l’employeur et libellé en ces termes :
« Bonjour à tous,
Je vous rappelle que la vente de véhicule d’occasion aux personnels de l’entreprise doit être exceptionnelle et doit faire l’objet de l’approbation de la direction ou de moi-même. Le prix de vente est le prix d’achat plus trois cent euros de frais de gestion sans garantie contractuelle.
La vente est assimilée à une vente à professionnel de l’automobile….»
que cette transaction doit répondre à des critères de prix fixés par la société et que cette situation est confirmée par l’attestation de Monsieur [G] [D].
Considérant qu’en l’espèce, l’intimé a, de sa propre initiative le 8 juin 2011, validé la reprise d’un véhicule d’occasion de marque BMW, modèle 118 D, immatriculé [Immatriculation 1] à Monsieur [Y] [E] pour la somme de 13.441,24 €, alors même que ce véhicule immatriculé le 15 septembre 2009 présentait seulement 2918 km, avec une cote argus de 22924 € et qu’après déduction des frais de remise en état de ce véhicule et des frais professionnels, sa valeur était de 17.985 €.
Considérant que Monsieur [C] [Q] a lui-même estimé la cote argus réelle à 22.924 € et déduit les frais professionnels et les frais de remise en état pour aboutir à une valeur de 17.985 €, en proposant au vendeur, Monsieur [E] [Y], une valeur de reprise de 13.441,24 €, soit une différence de 4.543,76 € par rapport à la valeur réelle du véhicule.
Considérant qu’en s’affranchissant des modalités relatives aux ventes en interne de véhicules d’occasion, Monsieur [C] [Q] a signé lui-même pour le compte de la concession, le 15 juin 2011, un bon de commande de ce véhicule à son propre nom, alors même qu’en raison de ce conflit d’intérêts manifeste, il avait l’obligation de demander l’autorisation à la Direction de la société NDBM1.
Considérant que l’intimé a pris l’initiative de fixer, seul, le prix de vente à Monsieur [E] [Y] et de déterminer, dans les mêmes conditions, celui entre la concession et lui-même, qu’il a délibérément caché, dans son propre intérêt, cette opération à son employeur, que ces agissements sont, manifestement, déloyaux de la part d’un salarié en charge d’une mission d’encadrement du service des véhicules d’occasion et traduisent une absence totale de considération des intérêts de l’entreprise qui l’emploie et de ceux de ses clients.
Considérant que Monsieur [E] [Y] a soldé son crédit auprès de BMW GROUP FINANCIAL SERVICES par le versement d’un chèque de 11.000 € et qu’une facture a été établie entre ce service de financement et la société NDBM1 le 28 juin 2011, l’intéressé ayant, au final, payé une somme globale de 29.708,35 € pour l’utilisation d’un véhicule BMW pendant 2 ans, n’ayant que 2918 km à son compteur.
Considérant que les modalités de la vente incriminée ont porté préjudice tant au vendeur non professionnel qu’à la société NDBM1 qui s’est vue privée d’une marge raisonnable si le véhicule avait été vendu à sa véritable valeur et que le comportement mercantile de ce salarié, bénéficiant d’une voiture de fonction et n’ayant que 13 mois d’ancienneté, a provoqué chez son employeur une perte de confiance totale qu’une éventuelle annulation de la transaction ne pouvait rétablir.
Considérant qu’il ressort de l’ensemble de ces éléments que Monsieur [C] [Q] a commis une faute grave, que la mise à pied conservatoire était justifiée.
Considérant qu’il résulte des articles L. 1234-1 & L. 1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé pour une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement ; qu’il y a lieu de réformer le jugement entrepris, d’ordonner le remboursement des sommes versées par la société NDBM1 à Monsieur [C] [Q] au titre de l’exécution provisoire et de débouter l’intimé de son appel incident tendant au paiement d’une somme de 54834.00€ à titre de dommages et intérêts.
Considérant qu’en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, il appartient à Monsieur [C] [Q] dont l’argumentation est rejetée de supporter la charge des dépens en versant à l’appelante une indemnité de 800 € au titre des frais irrépétibles exposés et d’être débouté de sa propre demande sur ce fondement.