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ARRÊT DU
27 Janvier 2023
N° 86/23
N° RG 22/00640 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UH6K
OB/NB
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Tourcoing
en date du
05 Avril 2022
(RG 20/00348)
GROSSES :
aux avocats
le 27 Janvier 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANT :
M. [X] [T]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Yamin AMARA, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉS :
S.A.S.U. BATISBAT en liquidation judiciaire
S.C.P. BTSG² HAUTS DE FRANCE, prise en la personne de Me [E] [N] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société BATISBAT en remplacement de la SELARL MJ VALEM
[Adresse 6]
[Localité 4]
Association L’UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA DE LILLE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentés par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI
DÉBATS : à l’audience publique du 29 Novembre 2022
Tenue par Olivier BECUWE & Isabelle FACON
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Séverine STIEVENARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Olivier BECUWE
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Frédéric BURNIER
: CONSEILLER
Isabelle FACON
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Olivier BECUWE, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Statuant sur assignation à jour fixe.
EXPOSE DU LITIGE :
Soutenant avoir été engagé en qualité de chef de chantier puis manager à compter du 15 septembre 2017 par la société Batisbat, elle-même placée en liquidation judiciaire selon jugement du tribunal de commerce de Lille métropole du 8 juillet 2019, M. [T], licencié pour motif économique à titre conservatoire selon lettre du 16 juillet 2019 par M. [G], mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société, a saisi le conseil de prud’hommes de Tourcoing de diverses demandes salariales et indemnitaires.
Par un jugement du 14 décembre 2021, le tribunal de commerce a écarté la gestion de fait de M. [T] contre lequel des sanctions avaient été requises.
Estimant qu’elle n’était pas liée par cette décision, la juridiction prud’homale a, par un jugement du 5 avril 2022 rendu en présence de l’association Unédic pour la gestion du régime d’assurance des créances des salariés, agissant par l’intermédiaire du centre de gestion et d’étude de Lille (l’AGS-CGEA), retenu que n’était pas caractérisée l’existence d’un contrat de travail entre le requérant et ladite société avant de se déclarer incompétente au profit du tribunal de commerce de Lille métropole.
Par déclaration du 25 avril 2022, M. [T] a fait appel de ce jugement puis a été autorisé à assigner à jour fixe.
Par ses dernières conclusions d’appel, il demande l’infirmation du jugement attaqué et réitère ses prétentions initiales.
Il invoque, pour l’essentiel, le bénéfice d’une présomption de salariat que n’auraient pas combattu les intimés et qu’en conséquence la juridiction prud’homale aurait à tort renversée.
Il est renvoyé aux conclusions en réponse du liquidateur, aux droits duquel se trouve la société de mandataire judiciaire BTSG² par suite du remplacement de M. [G], et de l’AGS-CGEA du 26 septembre 2022, assignés à jour fixe le 31 août 2022, qui, s’appropriant en substance les motifs du jugement, en demandent la confirmation.
MOTIVATION :
Produisant pour l’essentiel un document intitulé ‘contrat de travail’, des bulletins de paye et diverses attestations de personnes se déclarant clientes de la société ou se disant de collègues, l’appelant se prévaut d’un contrat de travail apparent.
Cette présomption pouvant toutefois être combattue, il incombe aux intimés de démontrer la fausseté de ces éléments ou, à les supposer matériellement exacts, que M. [T] n’était pas, dans les faits, salarié au sein de la société Batisbat.
C’est à juste titre que le conseil de prud’hommes ne s’est pas estimé lié par le jugement précité du tribunal de commerce du 14 décembre 2021 dès lors que l’objet des deux litiges était différent.
Et c’est par des motifs circonstanciés, que la cour adopte, qu’il s’est déterminé sur son incompétence matérielle, étant souligné que, contrairement à ce que soutient M. [T], le fait que le tribunal de commerce ait, par un jugement dont le caractère irrévocable n’est d’ailleurs pas établi, écarté sa gestion de fait n’implique pas qu’il ait été salarié.
Ce dernier a été, sur les dernières années, gérant de sociétés judiciairement liquidées et a entretenu d’étroites relations d’affaires ainsi que personnelles avec la personne statutairement déclarée gérante de droit de la société Batisbat.
Il doit être plus particulièrement observé que la signature attribuée au prétendu employeur sur ledit contrat de travail n’apparaît pas être celle dudit gérant de droit, par ailleurs lui-même condamné par le jugement précité du 14 décembre 2021 à une interdiction de gérer.
En outre, M. [T] bénéficiait, dès avant la conclusion du contrat de travail dont il se prévaut, d’une procuration générale sur les comptes de la société dont il a fait usage par la suite et qui n’a trouvé son terme qu’au jour du licenciement prononcé à titre conservatoire.
Par ailleurs, il apparaît avoir bénéficié d’une carte bancaire au nom de la société Batisbat alors que ledit gérant de droit n’en possédait pas.
Il y a également lieu de souligner que M. [T] gère depuis mai 2018 une société dont le siège social est au domicile du gérant de droit de la société Batisbat et qu’il a versé, par le biais cette société, à la société Batisbat la somme de 38 000 euros.
Que cette somme corresponde au paiement d’une facture ou qu’elle soit le fruit d’un apport importe peu au regard des liens entre les deux sociétés et donc de l’interpénétration des intérêts entre M. [T] et la société Batisbat censée l’employer.
Le salaire de M. [T] était près de trois fois supérieur à celui de la personne statutairement déclarée gérante de droit de la société Batisbat.
Tous ces éléments rendent invraisemblable l’existence d’un lien de subordination.
Il s’ensuit que le jugement sera confirmé.
La demande de frais irrépétibles de l’appelant, qui a succombé, sera rejetée.
Les intimés ne forment pas une telle demande.
PAR CES MOTIFS :
La cour d’appel statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi :
– met hors de cause la société MJ Valem associés, prise en la personne de M. [G] qui est remplacé par la société BTSG² ;
– confirme le jugement rendu le 5 avril 2022, entre les parties, par le conseil de prud’hommes de Tourcoing ;
– rejette la demande de frais irrépétibles ;
– met à la charge de M. [T] les dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER
Annie LESIEUR
LE PRESIDENT
Olivier BECUWE