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ARRÊT DU
27 Janvier 2023
N° 186/23
N° RG 21/00600 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TSXR
LB/NB
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LILLE
en date du
25 Mars 2021
(RG F20/00612)
GROSSE :
aux avocats
le 27 Janvier 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANT :
Association L’UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA DE [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI
INTIMÉE :
S.A.R.L. B. LIGNE en liquidation judiciaire
Me [E] [J] es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL B.LIGNE
[Adresse 2]
représenté par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI
M. [U] [P]
[Adresse 1]
représenté par Me Aurélie VAN LINDT, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS : à l’audience publique du 01 Décembre 2022
Tenue par Laure BERNARD
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Nadine BERLY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre NOUBEL
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Virginie CLAVERT
: CONSEILLER
Laure BERNARD
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 novembre 2022
EXPOSE DU LITIGE
La SARL B. Ligne exerçait une activité de transport public de personnes et de location de véhicule n’excédant pas 9 places, avec conducteur.
M. [U] [P] a signé avec la société B. Ligne un contrat de travail à durée indéterminée daté du 12 juillet 2017 en qualité de chauffeur.
Par jugement du 4 février 2019, le tribunal de commerce de Lille a ordonné la liquidation judiciaire de la société B. Ligne et a désigné Maître [J] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par courrier du 18’février 2019, M. [U] [P], a été licencié pour motif économique.
Le 21 juillet 2020, M. [U] [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Lille aux fins de voir fixer au passif de la société B. Ligne un rappel de salaire pour le mois de janvier 2019, une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés.
Par jugement rendu le 25 mars 2021, la juridiction prud’homale a :
– dit que M. [U] [P] était lié par un contrat de travail à la société B.Ligne,
– fixé en conséquence le salaire brut mensuel de M. [U] [P] à 1 498,50 euros sur la base d’une durée hebdomadaire de 35 heures,
– débouté M. [U] [P] de sa demande de rappel de salaire au titre du mois de janvier 2019, outre les congés payés afférents,
– condamné Maître [J], en qualité de liquidateur, solidairement avec le CGEA à fixer au passif de la société B. Ligne :
– 530,71 euros nets à titre d’indemnité de licenciement,
– 1’498,50 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 149,85 euros à titre de congés payés afférents,
– 124,87 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
– condamné Maître [J], en qualité de liquidateur, à remettre à M. [U] [P] ses documents de fin de contrat,
– fixé au passif de la société B.Ligne la somme de 500’euros sur le fondement des articles 37 et 38 de la loi du 10 juillet 1991,
– dit que le CGEA de Lille n’interviendra que dans le cadre de sa garantie légale et réglementaire.
L’AGS CGEA de Lille a régulièrement interjeté appel contre ce jugement par déclaration en date du 3’mai 2021.
Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 24 janvier 2022, l’AGS CGEA de Lille demande à la cour de :
– infirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté M. [U] [P] de sa demande de rappel de salaire,
– juger qu’aucune demande de condamnation solidaire ne peut être prononcée à son encontre et celle de Maître [J], en qualité de liquidateur,
– juger que M. [U] [P] n’a pas la qualité de salarié,
– débouter M. [U] [P] de l’ensemble de ses demandes,
– juger que l’astreinte n’entre pas dans sa garantie,
– dire que l’arrêt à intervenir n’est opposable que dans la limite de sa garantie légale et réglementaire,
– statuer ce que de droit quant aux dépens.
Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 6 août 2021, Maître [J], en qualité de liquidateur, demande à la cour de :
– infirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté M. [U] [P] de sa demande de rappel de salaire,
– juger qu’aucune demande de condamnation solidaire ne peut être prononcée à son encontre, et celle du CGEA,
– juger que M. [U] [P] n’a pas la qualité de salarié,
– débouter M. [U] [P] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner M. [U] [P] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– statuer ce que de droit quant aux dépens.
Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 28 octobre 2021, M. [U] [P] demande à la cour de :
– confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il l’a débouté de sa demande de rappel de salaire pour le mois de janvier 2019 ainsi que les congés payés afférents,
– fixer au passif de la société B. Ligne :
– 1’498,50 euros bruts à titre de rappel de salaire pour le mois de janvier 2019 outre 149,85 euros au titre des congés payés afférents,
– 3’00 ‘euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, la cour se réservant la possibilité de liquider ladite astreinte,
– fixer au passif de la société B. Ligne les entiers dépens.
Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA en application de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’existence du contrat de travail
Maître Malfaisan et le CGEA soutiennent que contrat de travail écrit signé entre la société B.Ligne et M. [U] [P] est un contrat fictif ; elles font valoir que les attestations produites par ce dernier sont dépourvues de force probante, car elles ont été rédigées, soit par des membres de sa famille, soit par des salariés qui étaient absents lorsqu’il a travaillé pour le compte de la société ; que M. [U] [P] a fait l’objet de plusieurs déclarations d’embauche par les sociétés d’intérim Adecco et Supplay en octobre 2018 ; que le relevé de carrière de M. [U] [P] ne porte mention d’aucun emploi au sein de la société B.Ligne et ne mentionne aucun salaire perçu de cette société, alors que des fiches de paie ont été établies ; qu’en outre M. [U] [P] a saisi le conseil de prud’hommes tardivement, 17 mois après la liquidation judiciaire. Maître Malfaisan et le CGEA soulignent que celui-ci ne démontre pas avoir réellement effectué des prestations de travail pour la société B.Ligne, et ne justifie pas de sa carte professionnelle en tant que conducteur de VTC ou conducteur de taxi ; qu’il était le fils de la gérante de la société, Mme [Z] [P], et que l’existence d’un lien de subordination n’est pas démontré.
M. [U] [P] expose quant à lui que l’appelant ne rapporte pas la preuve du caractère fictif du contrat de travail qui le liait avec la société B.Ligne, et se contente de critiquer les attestations versées aux débats, de contester sans preuve la réalité des salaires versés, et des prestations effectuées ; que le fait que la gérante de la société soit sa mère ne fait pas obstacle à l’existence d’un lien de subordination, le CGEA n’établissant pas que ce lien n’existait pas.
Sur ce,
Aux termes de l’article L.1221-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter.
Le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s’engage à travailler pour le compte d’une autre et sous sa subordination moyennant une rémunération.
En présence d’un contrat de travail écrit, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve.
En l’espèce, M. [U] [P] se prévaut d’un contrat de travail à durée indéterminée signé le 12 juillet 2017 avec la société B.Ligne pour un emploi en qualité de chauffeur, moyennant une rémunération de 1 498,47 euros brut par mois, pour une durée hebdomadaire de travail de 35 heures.
Il appartient donc au CGEA de démontrer que celui-ci a un caractère fictif.
M. [U] [P] a fait l’objet d’une déclaration préalable à l’embauche auprès de l’Urssaf le 12 juillet 2017.
Il est produit les bulletins de paie établis par la société B.Ligne pour la période du 1er janvier 2018 au 31 janvier 2019 mentionnant un paiement des salaires en espèces.
En outre, M. [U] [P] verse aux débats de nombreuses attestations rédigées par des personnes se présentant comme d’anciens clients, ou d’anciens chauffeurs de la société qui indiquent qu’il effectuait des prestations de travail pour la société B.Ligne pendant la période considérée.
Enfin, M. [U] [P] a fait l’objet d’un licenciement par le liquidateur de la société B.Ligne le 18 février 2019.
Si les attestations produites par M. [U] [P] émanent, pour certaines, de membres de sa famille, ce seul élément ne peut permettre de remettre en cause leur caractère probant ; rien ne permet de retenir qu’elles revêtent un caractère mensonger.
De la même manière, l’existence d’un lien de parenté entre la gérante de la société B.Ligne et M. [U] [P] (qui est son fils) ne permet pas à lui seul d’exclure l’existence d’un lien de subordination entre eux.
En outre, le fait pour M. [U] [P] d’avoir été ponctuellement mis à disposition d’autres employeurs courant 2018 dans le cadre de contrats d’intérim n’est pas exclusif de l’existence d’un contrat de travail à temps complet entre celui-ci et la société B.Ligne.
Enfin, il doit être relevé que la gestion de la société B.Ligne s’est révélée particulièrement défaillante, aucune comptabilité n’ayant notamment été établie depuis 2017 ; il s’ensuit que l’absence de mention des salaires perçus par M. [U] [P] de la part de la société B.Ligne dans son relevé de carrière ne peut permettre à elle seule de remettre en cause la réalité du contrat de travail dont il se prévaut.
Ainsi, le CGEA ne rapporte pas la preuve du caractère fictif du contrat de travail entre M. [U] [P] et la société B.Ligne.
Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a dit que M. [U] [P] était lié par un contrat de travail à la société B.Ligne.
Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail
M. [U] [P], qui a été licencié pour motif économique le 18 février 2019 n’a pas perçu d’indemnité de licenciement, ni d’indemnité de préavis, ni les congés payés y afférents, ni l’indemnité compensatrice de congés payés.
Au regard du montant du salaire fixé dans le contrat de travail, il est donc bien fondé à obtenir la somme de 530,71 euros nets à titre d’indemnité de licenciement, 1’498,50 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 149,85’euros au titre des congés payés afférents et 124,87 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés.
C’est donc à juste titre que le conseil de prud’hommes a estimé que ces sommes devaient être fixées au passif de la liquidation de la société B.Ligne. Le jugement doit cependant être infirmé en ce qu’il a condamné solidairement le CGEA et Maître [J] à la fixation de ces sommes au passif de la liquidation de la société.
Sur la demande de rappel de salaire
M. [U] [P] sollicite un rappel de salaire pour le mois de janvier 2019, outre les congés payés afférents.
Le bulletin de paie du mois de janvier 2019 a été établi et mentionne un paiement du salaire le 31 janvier 2019 en espèces ; M. [U] [P] a en outre attesté auprès du liquidateur avoir reçu l’intégralité de ses salaires pour la période travaillée, en espèces.
Il se déduit de ces éléments que le salaire du mois de janvier 2019 et les congés payés afférents ont bien été réglés, et que l’employeur n’était plus redevable d’aucune somme à ce titre.
Le jugement de première instance sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire pour le mois de janvier 2019 et de congés payés y afférent.
Sur la demande de communication de documents
Il sera enjoint au liquidateur de communiquer à M. [U] [P] un bulletin de paie et les documents de fin de contrat rectifiés, sans qu’il soit nécessaire, en l’état, d’assortir cette obligation d’une astreinte.
Sur la garantie due par le CGEA
Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu’il a dit que le CGEA n’interviendra que dans le cadre de sa garantie légale et réglementaire.
Sur les dépens et l’indemnité de procédure
Le jugement de première instance sera confirmé concernant le sort des dépens et l’indemnité de procédure.
Maître [J] en qualité de liquidateur sera condamné aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile. Ceux-ci seront recouvrés selon les règles applicables en matière de liquidation judiciaire.
Il n’y a pas lieu en l’espèce de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Les parties seront déboutées de leur demande présentée sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement rendu le 25 mars 2021 par le conseil de prud’hommes de Lille sauf en ce qu’il a condamné solidairement Maître [J] en qualité de liquidateur et le CGEA à fixer les sommes allouées à M. [U] [P] au passif de la liquidation ;
Statuant à nouveau,
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la SARL B.Ligne les sommes suivantes :
– 530,71 euros nets à titre d’indemnité de licenciement,
– 1’498,50 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 149,85’euros à titre de congés payés afférents,
– 124,87 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
ENJOINT à Maître [J] en qualité de liquidateur de la SARL B.Ligne de communiquer à M. [U] [P] un bulletin de paie et les documents de fin de contrat rectifiés ;
CONDAMNE Maître [J] en qualité de liquidateur de la SARL B.Ligne aux dépens, qui seront recouvrés selon les règles applicables en matière de liquidation judiciaire ;
DEBOUTE les parties de leur demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER
Annie LESIEUR
LE PRESIDENT
Pierre NOUBEL