Licenciement économique : 13 janvier 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/06856

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Licenciement économique : 13 janvier 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/06856
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AFFAIRE PRUD’HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 19/06856 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MT22

Société BURGER SOHNE TRADING AG – [Y]

C/

[V]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON CEDEX

du 13 Septembre 2019

RG : 18/00026

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRET DU 13 Janvier 2023

APPELANTE :

Société BURGER SOHNE TRADING AG – [Y]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat postulant inscrit au barreau de LYON, et représentée par Me Olivier VASSET de la SCP BAKER & MC KENZIE, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS substituée par Me Hugo DICKHARDT, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

[T] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Agathe BOISSAVY de la SELARL JOVE-LANGAGNE-BOISSAVY-AVOCATS, avocat au barreau de MELUN

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Octobre 2022

Présidée par Béatrice REGNIER, président et Catherine CHANEZ, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Ludovic ROUQUET, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Béatrice REGNIER, président

– Catherine CHANEZ, conseiller

– Régis DEVAUX, conseiller

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 13 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Béatrice REGNIER, président, et par Rima AL TAJAR, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

M. [T] [V] a été engagé dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée le 1er octobre 2014 par la société Burger Söhne Trading AG en qualité d’attaché commercial.

Après avoir été convoquée à un entretien préalable fixé au 28 novembre 2017, il a été licencié pour motif économique le 7 décembre suivant. Il a accepté le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) et son contrat a été rompu le 20 décembre 2017.

Contestant le bien-fondé de cette mesure, il a saisi le 4 janvier 2018 le conseil de prud’hommes de Lyon qui, par jugement du 13 septembre 2019, a :

– dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

– condamné la société Burger Söhne Trading AG à payer au salarié les sommes de :

– 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 5 695,62 euros, outre 569,56 euros de congés payés, à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 410,58 euros à titre de rappel de primes pour les ventes de l’année 2017,

– 2 800 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’article L. 1225-4-1 du code du travail,

– 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rappelé que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de jugement pour les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la décision pour les autres sommes allouées;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration du 3 octobre 2019, la société Burger Söhne Trading AG a interjeté appel du jugement en visant expressément les dispositions attaquées.

Par conclusions transmises par voie électronique le 8 juin 2020, la société Burger Söhne Trading AG demande à la cour d’infirmer le jugement déféré, de débouter M. [V] de l’intégralité de ses prétentions et de le condamner à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que :

– le licenciement est fondé dès lors que :

– la réorganisation de la société était nécessaire pour sauvegarder sa compétitivité du fait de la baisse de ses résultats consécutive à la chute de la consommation des cigarillos, des augmentations de prix de vente dues aux taxes et de la concurrence accrue ;

– le poste de M. [V] a bien été supprimé puisque la réorganisation a engendré la suppression des postes d’attaché commercial et d’un poste de responsable régional ; que la circonstance que le territoire de prospection de M. [V] soit encore partiellement couvert est sans incidence, l’intéressé ayant été désigné pour être licenciée après application des critères d’ordre ; que le poste d’assistant administratif créé en novembre 2017 est différent de celui d’attaché commercial ;

– elle a respecté son obligation de reclassement ; que les postes situés à l’étranger compatibles avec les compétences et qualifications de M. [V] nécessitaient de parler la langue locale, ce qui n’était pas le cas de l’intéressé ; que le poste d’assistant administratif a été pourvu avant le licenciement du salarié et qu’il ne portait pas sur des fonctions commerciales ;

– M. [V] ne peut se voir allouer une indemnité compensatrice de préavis alors même qu’il a bénéficié du CSP ;

– il ne peut lui être reproché d’avoir donné plus de poids à certains critères par rapport à d’autres ; que par ailleurs les critères fixés ont été respectés ;

– la somme de 410,38 euros allouée par le conseil de prud’hommes à titre d erappel d eprime pour vente sur l’année 2017 avait déjà été réglée au salarié ;

– la nécessité de sauvegarder sa compétitivité rendait impossible le maintien du contrat de travail de M. [V] ; que ce dernier ne peut donc prétendre à une indemnisation pour non-respect du statut de jeune père.

Par conclusions transmises par voie électronique le 19 avril 2022, M. [V], qui a formé appel incident, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf à voir fixer à 51 260 euros les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou subsidiairement à titre d’indemnité pour non-respect de l’ordre des licenciements et au même montant les dommages et intérêts pour non-respect de l’article L. 1225-4-1 du code du travail. Il sollicite enfin 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel.

Il fait valoir que :

– le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors que :

– la société Burger Söhne Trading AG ne rapporte pas la preuve d’une menace sur sa compétitivité et sur les entreprises du groupe auquel elle appartient ayant le même secteur d’activité ; qu’elle n’a fait qu’anticiper une hausse sur le prix du tabac qui aurait eu un impact sur son chiffre d’affaires, événements qui n’ont pas eu lieu ; qu’il a sommé, en vain, la société de communiquer des bilans et ceux du groupe pour 2016 et 2017 ;

– son poste n’a pas été supprimé puisque les trois quarts de son activité ont été repris par des collègues de travail ;

– la société Burger Söhne Trading AG a failli à son obligation de reclassement ; qu’il y avait de nombreux postes disponibles à l’étranger, qui ne lui ont toutefois pas été proposés ; que par ailleurs la société Burger Söhne Trading AG aurait dû lui proposer le poste d’assistant administratif pour lequel un recrutement a eu lieu le 6 novembre 2017 ; que la société n’a pas déféré à la sommation de communiquer les registres d’entrées/sorties du personnel de toutes les entités du groupe ;

– il a droit à une indemnité compensatrice de préavis ;

– la société Burger Söhne Trading AG se doit de communiquer les critères d’ordre retenus; que les attributions des points, et notament ceux au bénéfice de M. [G] [C], sont erronées ;

– il aurait pu être maintenu dans son emploi, alors même qu’il était affecté sur une zone géographique à fort potentiel ; que la bb a méconnu son statut protecteur de jeune père salarié et qu’il doit être indemnisé de ce chef ;

– il n’a pas été réglé de la prime des ventes 2017 de 410,58 euros à laquelle il pouvait prétendre ; que cette prime ne figure pas au solde de tout compte.

A l’audience, les parties ont été autorisées à produire une note en délibéré sur le périmètre d’appréciation du motif économique au regard du fait que [Y] France n’est qu’un établissement de la société Burger Söhne Trading AG.

Par note en délibéré transmise par voie électronique le 25 octobre 2022, M. [V] a fait valoir que la cause économique d’un licenciement doit s’apprécier au niveau de l’entreprise dans sa globalité, et non simplement au regard du seul établissement de la société situé sur le territoire national.

Par note en délibéré transmise par voie électronique le 14 novembre 2022, la société Burger Sôhne Trading AG a soutenu que le périmètre géographique à prendre en compte pour l’appréciation du motif économique était le territoire national compte tenu de l’autonomie de [Y] France.

SUR CE :

– Sur le licenciement :

Attendu qu’aux termes de l’article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable: ‘Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : / 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés./ Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à : / a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ; / b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ; / c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ; / d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ; / 2° A des mutations technologiques ; / 3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; / 4° A la cessation d’activité de l’entreprise. / La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise. / Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national. / Pour l’application du présent article, le groupe est défini, lorsque le siège social de l’entreprise dominante est situé sur le territoire français, conformément au I de l’article L. 2331-1 et, dans le cas contraire, comme constitué par l’ensemble des entreprises implantées sur le territoire français./ Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché. / Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l’une des causes énoncées au présent article, à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.’ ;

Que la cause économique d’un licenciement s’apprécie au niveau de l’entreprise ou, si celle-ci fait partie d’un groupe, au niveau du secteur d’activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, mais jamais à un niveau inférieur à celui de l’entreprise ;

Que si la réorganisation pour sauvegarder la compétitivité n’est pas nécessairement subordonnée à l’existence de difficultés économiques à la date du licenciement, elle implique cependant que soit caractérisée l’existence d’une menace sur la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe nécessitant une anticipation des risques et, le cas échéant, des difficultés à venir ;

Que, conformément à l’article L. 1233-16 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l’énoncé des motifs économiques invoqués par l’employeur ;

Attendu qu’en l’espèce M. [V] a été licencié par courrier du 8 décembre 2017 pour les motifs suivants :

‘Comme vous le savez, depuis plusieurs années, le marché français du cigarillo subit les conséquences de la baisse de consommation de tabac. De 2012 à 2015, la consommation a baissé de 11,1 % (passant de 1.323, 9 millions d’unités à 1.176, 7 millions d’unité). Une baisse des volumes encore plus forte est attendue à terme, à hauteur de -13% d’ici à 2020. / Le Groupe BS produit quasi-exclusivement des Cigarillos avec Filtre ; il s’agit d’un segment de marché moins important et ne représentant que 11 % du marché total du cigarillo en France. DAF détient une part de marché décroissante de 18% sur le Marché du Cigarillo avec Filtre en 2016, soit actuellement une part de 2% du Marché total du Cigarillo français. / La consommation de tabac, y compris de cigarillos, est impactée par un certain nombre de facteurs à long terme : / La publicité pour les produits du tabac via l’ensemble des circuits médiatiques et la distribution de cadeaux aux couleurs des marques de tabac sont strictement interdites en France. En outre, le parrainage d’événements sportifs / rnusicaux est également interdit. / Les prix sont fixes et la plupart des formes de marketing sont strictement interdites. / Ainsi, il est difficile pour les acteurs de ce marché d’exercer une concurrence efficace pour gagner des parts de marché. En raison des restrictions sur le marché français, la plupart des acteurs du marché hésitent à investir dans le développement de nouveaux produits. Au lieu de cela, ils s’efforcent de maintenir leurs parts de marché et comptent sur la réputation de leurs marques comme gage de qualité. / En raison de l’interdiction de fumer dans les lieux publics, les espaces où ces produits peuvent être fumés, en dehors du domicile, sont rares. / En outre, les cigarillos sont des produits qui s’adressent principalement à des consommateurs plus âgés qui sont nombreux à arrêter de fumer ou qui réduisent leur consommation pour des raisons de santé. Les cigarillos ont également une image assez démodée en France. / La distribution de cigarillos reste sous le contrôle direct du gouvernement français, par le biais de débitants autorisés, les buralistes. La plupart de ces débits exercent également des activités complémentaires ifin de limiter leur dépendance aux ventes de produits du tabac. Compte tenu de la situation actuelle et des contraintes toujours plus nombreuses, DAF n’est pas en situation de croissance et subira une pression financière plus forte à court terme. En conséquence, les prévisions pour les prochaines années en termes de ventes sont très préoccupantes dans la mesure où la situation de DAF n’est pas tenable et que nous n’avons pas d’autre choix que d’envisager la mise en place d’une réorganisation afin de sauvegarder notre compétitivité. / Dans ce contexte, le groupe a étudié toutes les options possibles sur la façon de changer son mode de distribution. / Après avoir examiné toutes les options potentielles, nous sommes parvenus à la conclusion qu’il fallait pourrsuivre et concentrer nos efforts sur les zones les plus rentables et à fort potentiel. Pour ce faire, nous souhaitons maintenir les relations directes avec les buralistes et offrir une qualité de service de haut niveau pour nos meilleurs produits. Nous devons recentrer notre activité sur Ies zones à fort potentiel, afin de sauvegarder notre compétitivité et améliorer notre rentabilité sur un marché extrêmement concurrrentiel. / Dans ce contexte, [Y] France doit limiter ses coûts et gérer efficacement sa structure opérationnelle. DannemannFrance évalue actuellement ses opérations afin d’améliorer ses performances et son efficacité. / L’objectif est de créer une structure plus efficace et dédiée afin d’améliorer la compétitivité de la société. / Toutes les raisons exposées ci-dessus nous mènent à la conclusion qu’il n’est plus possible de reporter un projet de réorganisation, qui devrait permettre d’améliorer la situation actuelle. / En conséquence, et compte tenu de cette réorganisation, nous sommes contraints de procéder à la suppression de votre poste d’attaché Commercial. / Nous vous avons remis en main propre le 28 novembre 2017 un questionnaire afin de déterrniner vos souhaits de reclassement au sein des sociétés du Groupe Banger Sonne Trading établi en dehors du territoire national. / A défaut de réponse de votre part à l’issue du délai de sept (7) jours ouvrables, et comme indiqué dans ce questionnaire, nous avons considéré que vous refusiez toute offre de reclassement au sein des sociétés du Groupe Burrger Sonne Trading établies en dehors du territoire national.’ ;

Attendu que, pour justifier de la réalité de la menace sur la compétitivité de l’entreprise, la société Burger Söhne Trading AG se borne à produire des documents concernant [Y] France ; que toutefois il est constant que cette structure n’est qu’un établissement de la société Burger Söhne Trading AG ; que, faute pour cette dernière de démontrer la menace invoquée au niveau de la société elle-même – la cour relevant que le périmètre d’appréciation de la menace n’a pas à être étendu à d’autres sociétés du groupe dans la mesure où il ne ressort pas des pièces du dossier qu’il existerait au sein du groupe d’autres entreprises établies sur le territoire français ayant pour activité la production de cigarillos, il y a lieu de retenir que le licenciement ne repose pas sur un motif économique réel;

Attendu que la cour observe surabondamment que, à supposer même qu’il soit considéré que les documents fournis sur la situation de [Y] France suffisent à établir celle de la société Burger Söhne Trading AG elle-même dès lors que [Y] France est son seul établissement de production, la cour estime que les pièces en cause ne permettent pas de caractériser une menace sur la compétitivité de l’entreprise ;

Attendu en effet qu’il ressort de l’examen du tableau des résultats financiers France pour la période 2010 à 2017 produit en pièce 31 par la société Burger Söhne Trading AG – seul document fourni certifié par un expert comptable, que les ventes ont augmenté entre 2010 et 2017, passant de 19 340 milliers à 27 849 milliers en 2017, 2017 étant la troisième meilleure année surles 7 dernières années avec 4 années consécutives à plus de 27 000 milliers d’unités vendues ; que le chiffre d’affaires net de 2017 est le plus élevé de cette 7 années, que la marge brute 2017 est la deuxième meilleure année et que le total des dépenses d’exploitation est stable depuis 2012 ; que l’Ebitba reste certes négatif en 2017, tout comme pour les six années précédentes, mais que le déficit est tout de même bien moindre que celui des trois dernières années ;

Que par ailleurs il résulte de la synthèse de l’évolution recettes / charges / résultats 2010 – 2017 produite en pièce 39 par la société Burger Söhne Trading AG – document au demeurant unilatéralement établi par l’entreprise, cette dernière s’abstenant au surplus de fournir son bilan des années 2016 et 2017 en dépit de la sommation de communiquer délivrée par la salariée – que la réorganisation ayant conduit au licenciement de M. [V] a été motivée par la hausse présumée des prix du tabac, et partant de la consommation, au regard en particulier d’un accroissement des taxes à venir, et donc par l’hypothèse d’une diminution du chiffre d’affaires ; que de telles suppositions ne peuvent constituer une menace actuelle sur la compétitivité de la société employeur ;

Attendu que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par M. [V], la cour retient que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu que, lorsque le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, le CSP que le salarié a signé devient également sans cause, de sorte que le salarié a droit à l’indemnité compensatrice de préavis qu’il aurait perçue si le CSP n’avait pas existé; que les dispositions du jugement lui allouant 5 695,62 euros, outre 569,56 euros de congés payés – montant sur lesquels la société Burger Söhne Trading AG ne formule aucune observation, sont confirmées ; que ces montants produiront intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2018, date de la réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation ;

Attendu que, compte tenu de son ancienneté (trois ans et deux mois) et du nombre de salariés dans l’entreprise – supérieur à dix, M. [V] a droit, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité comprise entre trois et quatre mois de salaire ; qu’il justifie avoir été demandeur d’emploi à tout le moins jusqu’en février 2018 (aucune pièce n’étant produite pour la période postérieure) ; qu’il lui est alloué la somme de 11 391,24 euros correspondant à quatre mois de salaire ; que ce montant produira intérêts au taux légal à compter du jugement à hauteur de 10 000 euros et du présent arrêt pour le surplus ;

Attendu qu’en application de l’article L. 1235-4 du code du travail il y lieu d’ordonner le remboursement par la société Burger Söhne Trading AG des indemnités chômage éventuellement versées par Pôle Emploi à M. [V] postérieurement à son licenciement, dans la limite de trois mois, sous déduction de la contribution prévue à l’article L. 1233-69 du code du travail ;

Attendu que, la demande d’indemnité pour non-respect des critères d’ordre n’étant présentée qu’à titre subsidiaire et la demande principale étant accueillie dans son principe, c’est à tort que le conseil de prud’hommes a statué de ce chef ;

-Sur l’indemnisation pour non-respect du statut de jeune père :

Attendu que M. [V] invoque à ce titre une méconnaissance des dispositions de L. 1225-4-1 du code du travail aux termes duquel : ‘Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié pendant les dix semaines suivant la naissance de son enfant. / Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant.’

Attendu toutefois que, selon le premier alinéa de l’article L. 1225-71 du même code, ‘L’inobservation par l’employeur des dispositions des articles L. 1225-1 à L. 1225-28 et L. 1225-35 à L. 1225-69 peut donner lieu, au profit du salarié, à l’attribution d’une indemnité déterminée conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3-1.’ ; que ce dernier texte dispose que : ‘L’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.’ ;

Attendu qu’en l’espèce M. [V], qui ne sollicite pas la nullité de son licenciement, ne peut, au visa de l’article L. 1225-4-1 du code du travail susvisé, solliciter des dommages et intérêts complémentaires aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu’il réclame dans le même temps ; que la seule sanction prévue en cas de non-respect du texte en cause est en effet la nullité de la rupture du contrat de travail et le paiement de l’indemnité visée à l’article L. 1235-3-1 auquel renvoie l’article L. 1225-71 ; que la demande indemnutaire présentée de ce chef ne peut donc qu’être rejetée ;

– Sur le rappel de prime pour les ventes 2017 :

Attendu qu’il résulte du second alinéa de l’article 1353 du code civil que celui qui se prétend libéré d’une obligation doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ;

Attendu qu’en l’espèce la société Burger Söhne Trading AG ne conteste pas qu’une somme de 410,58 euros devait être versée à M. [V] au titre de la prime de vente pour l’année 2017 ; que, si elle prétend que cette somme lui a déjà été réglée, elle ne l’établit pas ; que , contrairement à ce qu’elle afffirme, ce montant ne figure pas sur le bulletin de paie de l’intéressé pour 2017 ou encore sur le solde de tout compte ; que la demande en paiement présentée ce titre est donc, par confirmation, accueillie; que la somme allouée produira intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2018 ;

– Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu’il convient pour des raisons tenant à l’équité d’allouer à M. [V] la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel, les dispositions du jugement relatives aux frais exposés en première instance étant quant à elles confirmées ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré, excepté en ce qu’il a condamné la société Burger Söhne Trading AG à payer à M. [T] [V] la somme de 2 800 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’article L. 1225-4-1 du code du travail, et sauf à :

– porter à 11 392,24 euros le montant des dommages et intérêts alloués à M. [T] [V] à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette somme produisant intérêts au taux légal à compter du jugement à hauteur de 10 000 euros et du présent arrêt pour le surplus,

– dire que les intérêts au taux légal assortissant les montants alloués au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents et du rappel de prime pour les ventes 2017 sont dus à compter du 9 janvier 2018,

– dire qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire d’indemnité pour non-respect des critères d’ordre,

Ajoutant,

Ordonne le remboursement par la société Burger Söhne Trading AG des indemnités chômage éventuellement versées par Pôle Emploi à M. [T] [V] postérieurement à son licenciement, dans la limite de trois mois, sous déduction de la contribution prévue à l’article L. 1233-69 du code du travail,

Déboute M. [T] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de l’article L. 1225-4-1 du code du travail,

Condamne la société Burger Söhne Trading AG à payer à M. [T] [V] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,

Condamne la société Burger Söhne Trading AG aux dépens d’appel,

Le Greffier La Présidente

 


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