Your cart is currently empty!
L’article L 114-2 du code de la sécurité intérieure prévoit des enquêtes administratives pour les emplois liés à la sécurité des personnes et des biens dans les entreprises de transport.
Monsieur [B] conteste son licenciement en raison d’un avis d’incompatibilité sollicité après son recrutement, sans respecter la procédure de recours.
La RATP affirme que Monsieur [B] était en période probatoire et que l’avis d’incompatibilité a été demandé dans le cadre d’un recrutement.
La RATP n’a pas respecté la procédure applicable aux salariés en contrat de travail, privant ainsi Monsieur [B] de son recours effectif devant les juridictions compétentes.
La réintégration de Monsieur [B] est ordonnée, et la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral est rejetée faute de preuves.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRET DU 24 MAI 2023
RENVOI APRES CASSATION
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/09858 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGYHJ
Décision déférée à la Cour : jugement du 01 février 2019 rendu par le Conseil de Prud’hommes de Paris, infirmé partiellement par par un arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 18 mai 2021, cassé partiellement par un arrêt de la chambre social de la Cour de cassation en date du 19 octobre 2022.
DEMANDEUR A LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION
Monsieur [G] [B]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Michel GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
DEFENDEUR A LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION
E.P.I.C. REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Thomas ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0920
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Fabienne ROUGE, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Fabienne ROUGE, présidente
Madame Anne MENARD, présidente
Madame Véronique MARMORAT, présidente
Greffier, lors des débats : Sarah SEBBAK
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Fabienne ROUGE, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [G] [B] a été engagé par la RATP en qualité de conducteur (métro), par contrat à durée indéterminée à compter du 2 novembre 2017, en contrepartie d’un salaire annuel brut de base 19861,79€. Il était affecté sur la ligne 12 du métro.
Dans le cadre des dispositions de la loi n° 2016-339 du 22 mars 201- et du décret n° 2017-757- du 3 mai 2017, codifiées dans le code de la sécurité intérieure, la RATP a saisi le ministère de l’intérieur d’une demande d’enquête administrative le 15 décembre 2017.
Le 11 mars 2018, lorsque M. [B] se présentait sur son lieu de travail afin de prendre son service, la RATP lui a remis en main propre contre décharge une lettre lui notifiant sa suspension de service à effet immédiat.
Le lendemain, 12 mars 2018, la RATP informait M. [G] [B] par lettre recommandée avec accusé réception de son licenciement pour cause d’avis d’incompatibilité:
« Monsieur,
Vous exercez vos fonctions sur le poste de conducteur de métro, fonctions qui sont visées par le décret n°2017-757 du 3 mai 2017. Conformément aux dispositions de la loi n°2016-339 du 22 mars 2016, vous avez fait l’objet d’une enquête administrative par les services du ministère de l’Intérieur.
Nous vous informons que cette enquête a débouché sur l’émission d’un avis d’incompatibilité vous concernant.
Cet avis d’incompatibilité constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. Par conséquent, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour ce motif. La rupture de votre contrat de travail prendra effet à compter de la date d’envoi de cette lettre à votre domicile.
Nous vous dispensons d’effectuer votre préavis de 8 (huit) jours au terme duquel votre contrat sera définitivement rompu ».
Le 1er février 2019, le conseil de prud’hommes déboutait Monsieur [B] de l’ensemble de ses demandes.
Monsieur [B] relevait appel de la décision le 21 février 2019.
Le 18 mai 2021, la Cour d’Appel de Paris confirmait le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [B] de ses demandes principales, l’infirmait en ce qu’il l’a débouté de ses demandes subsidiaires, et disait que le licenciement de M. [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamnait l’EPIC RATP a payer à M. [B] les sommes suivantes :
– 2000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Monsieur [B] a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt. La régie a par la même occasion formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le 19 octobre 2022, la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’appel en ce qu’il déboute M. [B] de ses demandes de nullité du licenciement, de réintégration dans son emploi, de condamnation de la RATP à lui payer son salaire depuis la date de son licenciement jusqu’à sa réintégration, de remise des bulletins de salaire afférents, de dommages-intérêts pour préjudice moral, dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne l’établissement public industriel et commercial RATP à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, l’arrêt rendu le 18 mai 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Paris et a motivé son arrêt de cassation ainsi :
« Vu l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, l’article L. 1235-3-1 du code du travail et l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure, dans sa version issue de la loi no 2017-258 du 28 février 2017 Selon le deuxième de ces textes, est nul le licenciement intervenu en violation de la liberté fondamentale d’agir en justice.
Aux termes du premier alinéa de l’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure, les décisions de recrutement et d’affectation concernant les emplois en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens au sein d’une entreprise de transport public de personnes peuvent être précédées d’enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes intéressées n’est pas incompatible avec l’exercice des fonctions ou des missions envisagées.
Aux termes du deuxième alinéa de cet article, si le comportement d’une personne occupant un emploi mentionné au premier alinéa laisse apparaître des doutes sur la compatibilité avec l’exercice des missions pour lesquelles elle a été recrutée ou affectée, une enquête administrative peut être menée à la demande de l’employeur ou à l’initiative de l’autorité administrative.
Le septième alinéa de cet article dispose que, lorsque le résultat d’une enquête réalisée en application du deuxième alinéa fait apparaître que le comportement du salarié concerné est incompatible avec l’exercice des missions pour lesquelles il a été recruté ou affecté, l’employeur lui propose un emploi autre que ceux mentionnés au premier alinéa et correspondant à ses qualifications et, en cas d’impossibilité de procéder à un tel reclassement ou en cas de refus du salarié, l’employeur engage à son encontre une procédure de licenciement, l’incompatibilité constituant la cause réelle et sérieuse du licenciement.
Selon le neuvième alinéa de cet article, dans le cas d’un avis d’incompatibilité émis par l’autorité administrative à la suite d’une enquête administrative menée sur le fondement du deuxième alinéa de cet article, le salarié peut contester, devant le juge administratif, l’avis de l’autorité administrative dans un délai de quinze jours à compter de sa notification et, de même que l’autorité administrative, interjeter appel puis se pourvoir en cassation dans le même délai. Les juridictions saisies au fond statuent dans un délai de deux mois. La procédure de licenciement ne peut être engagée tant qu’il n’a pas été statué en dernier ressort sur ce litige.
Il en résulte, d’une part, que l’avis d’incompatibilité émis sur le fondement du premier alinéa de ce texte a pour seul effet de faire obstacle à l’affectation de la personne concernée sur le poste envisagé mais ne peut justifier un licenciement, une telle mesure n’étant autorisée que sur le fondement d’un avis d’incompatibilité délivré en application du deuxième alinéa, à l’issue du recours spécifique exercé le cas échéant par l’intéressé et, d’autre part, que la saisine de l’administration par l’employeur sur un fondement qui ne correspond pas au statut du salarié, constitutive d’un détournement de procédure privant ce dernier du recours suspensif prévu par le texte susvisé, rend le licenciement nul.
Pour rejeter la demande de nullité du licenciement, l’arrêt, après avoir constaté que la lettre de licenciement reposait, non pas sur les dispositions de l’article 47 du statut de la RATP, mais sur le seul avis d’incompatibilité émis par l’administration en application du premier alinéa de l’article L. 114-2, retient d’abord que le salarié, élève conducteur de métro, candidat à un emploi au cadre permanent, bénéficiait certes d’un statut de stagiaire pendant une année mais était néanmoins titulaire d’un contrat de travail et occupait déjà un emploi, ce dont il résultait que l’enquête sollicitée par la RATP ne correspondait pas à la situation de l’intéressé et ne relevait pas des dispositions applicables avant recrutement, de sorte que la RATP ne pouvait prononcer son licenciement en raison de l’avis d’incompatibilité sans avoir préalablement recherché une possibilité de reclassement dans un autre emploi.
Alors qu’elle avait constaté que l’employeur avait saisi l’administration sur un fondement qui ne correspondait pas au statut du salarié et ainsi privé celui-ci du recours suspensif prévu au neuvième alinéa de l’article susvisé, la cour d’appel a violé les textes susvisés. ”
Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA, le 15 mars 2023 , auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [B] demande à la cour de le dire recevable et et bien fondé en ses demandes, de fixer sa rémunération mensuelle à 1773.55€,d’infirmer le jugement et de juger nul et de nul effet le licenciement de Monsieur [B] prononcé le 12 mars 2018 d’ordonner la réintégration de Monsieur [B] dans son emploi, sous astreinte de 1000 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir , de condamner la RATP à verser à Monsieur [B] son salaire depuis la date de son licenciement jusqu’à sa réintégration effective, d’ordonner la remise des bulletins de salaire afférents, de condamner la RATP à verser à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral la somme de 10 000 € , la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure Civile et aux dépens et ordonner que les condamnations portent intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes ,
Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA, le 27 février 2023 , auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens la , RATP demande à la cour de
‘ Constater que Monsieur [B] était en recrutement lorsque la RATP a demandé la réalisation d’une enquête auprès du Ministère de l’Intérieur dans le cadre du recrutement
de celui-ci sur un poste dit « sensible »,
‘ Constater l’absence de violation par la RATP du droit au recours effectif de Monsieur
[B],
‘ Constater que Monsieur [B] a été licencié pour avis d’incompatibilité, qui constitue un motif de licenciement pour cause réelle et sérieuse tel que prévu par la loi,
‘ Constater l’absence de préjudices subis à l’encontre de Monsieur [B],
En conséquence,
‘ Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Paris en date du 1 er
février 2019 en ce qu’il a dit le licenciement de Monsieur [B] fondé sur une cause
réelle et sérieuse et débouté celui-ci de l’ensemble de ses demandes.
‘ Débouter Monsieur [B] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
En tout état de cause :
‘ Condamner Monsieur [B] à verser à la RATP la somme de 1.000 euros au titre
de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Condamner Monsieur [B] aux dépens de l’instance.
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
Sur la demande de nullité et de réintégration
L’article L 114-2 du code de la sécurité intérieure, dans sa version applicable au litige dispose:«Les décisions de recrutement et d’affectation concernant les emplois en lien direct avec la sécurité des personnes et des biens au sein d’une entreprise de transport public de personnes ou d’une entreprise de transport de marchandises dangereuses soumise à l’obligation d’adopter un plan de sûreté peuvent être précédées d’enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes intéressées n’est pas incompatible avec l’exercice des fonctions ou des missions envisagées.
Si le comportement d’une personne occupant un emploi mentionné au premier alinéa laisse apparaître des doutes sur la compatibilité avec l’exercice des missions pour lesquelles elle a été recrutée ou affectée, une enquête administrative peut être menée à la demande de l’employeur ou à l’initiative de l’autorité administrative.
L’autorité administrative avise sans délai l’employeur du résultat de l’enquête.
La personne qui postule pour une fonction mentionnée au même premier alinéa est informée qu’elle est susceptible, dans ce cadre, de faire l’objet d’une enquête administrative dans les conditions du présent article.
L’enquête précise si le comportement de cette personne donne des raisons sérieuses de penser qu’elle est susceptible, à l’occasion de ses fonctions, de commettre un acte portant gravement atteinte à la sécurité ou à l’ordre publics.
Selon les dispositions de l’article R114-8 du même code, dans sa version applicable au litige: I. ‘ L’employeur peut demander par écrit au ministre de l’intérieur, avant le recrutement ou l’affectation d’une personne sur un emploi correspondant à l’une des fonctions mentionnées à l’article R. 114-7, de faire procéder à une enquête destinée à vérifier que son comportement n’est pas incompatible avec l’exercice des missions envisagées au regard du critère prévu au cinquième alinéa de l’article L. 114-2(…)
L’employeur informe par écrit la personne susceptible d’être recrutée ou affectée sur un emploi correspondant à l’une des fonctions mentionnées à l’article R. 114-7 qu’elle peut, dans ce cadre, faire l’objet d’une enquête administrative conformément aux dispositions de l’article L. 114-2.
II.-Lorsque le comportement d’un salarié occupant un emploi correspondant à l’une des fonctions mentionnées à l’article R. 114-7 laisse apparaître des doutes sur sa compatibilité avec l’exercice de cette fonction, l’employeur peut également demander au ministre de l’intérieur de faire procéder à une enquête dans les conditions prévues aux cinq premiers alinéas du I du présent article. La demande comprend les éléments circonstanciés justifiant ces doutes. Le ministre n’est pas tenu de donner suite aux demandes répétitives ou insuffisamment justifiées.
L’employeur informe par tout moyen la personne qui occupe un emploi correspondant à l’une des fonctions mentionnées à l’article R. 114-7 qu’elle peut, dans ce cadre, faire l’objet d’une enquête administrative conformément aux dispositions de l’article L. 114-2.
Enfin selon les dispositions de l’article R 114-10 applicables à la date du litige :
I.-Après avoir diligenté une enquête administrative, en application du I de l’article R. 114-8, sur demande de l’employeur, le ministre, au vu des éléments dont il dispose, transmet à l’employeur, dans un délai de deux mois, le résultat de l’enquête sous la forme d’un avis indiquant si le comportement de l’intéressé est compatible avec les emplois correspondant aux fonctions mentionnées à l’article R. 114-7.
II.-Lorsque, dans le cas d’une enquête administrative réalisée en application du II de l’article R. 114-8, le ministre constate, au vu des éléments dont il dispose, que le comportement du salarié est incompatible avec l’emploi occupé, il notifie au salarié l’avis motivé d’incompatibilité dans un délai d’un mois.
Le salarié peut effectuer un recours administratif devant le ministre de l’intérieur dans le même délai que celui prévu au neuvième alinéa de l’article L. 114-2 dans le cas d’un recours contentieux. Le recours administratif interrompt le délai de recours contentieux. Le silence gardé par le ministre de l’intérieur pendant quinze jours vaut décision de rejet. Le salarié peut contester, devant le juge administratif, la décision de rejet dans les mêmes conditions et délais que ceux prévus au neuvième alinéa de l’article L. 114-2 pour le recours devant le juge administratif contre le résultat de l’enquête.
La procédure de licenciement prévue au septième alinéa de l’article L. 114-2 ne peut être engagée avant l’expiration du délai de recours contentieux prévu au neuvième alinéa de cet article, prolongé, le cas échéant, en cas de recours administratif. Elle ne peut non plus être engagée, en cas de recours administratif, tant que la décision du ministre de l’intérieur n’est pas intervenue ou, en cas de recours contentieux contre le résultat de l’enquête ou contre la décision de rejet du recours administratif, tant qu’il n’a pas été statué en dernier ressort sur le litige.
Le ministre de l’intérieur informe l’employeur, le cas échéant, sans délai, du recours administratif ou contentieux effectué par le salarié ainsi que des suites qui lui sont données.
Monsieur [B] demande à la cour de prononcer la nullité de son licenciement et, par voie de conséquence, sa réintégration au motif que l’avis d’incompatibilité a été sollicité sur la base d’un recrutement alors qu’il était déjà en poste depuis novembre 2017 , et donc sans respecter la procédure lui permettant de contester l’avis d’incompatibilité devant le juge administratif, le licenciement étant suspendu dans cette hypothèse. Il considère, en conséquence, que la RATP a violé les articles 6.1 8 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et du citoyen qui prévoit que toute personne a droit au recours effectif à un juge.
La RATP réplique que Monsieur [B] a été intégré en tant que stagiaire en période probatoire, dans le cadre d’une formation, pendant une durée d’un an n’étant pas encore commissionné, son contrat de travail prévoyant expressément qu’il ne serait définitivement admis qu’à l’issue de la période d’un an et en cas de confirmation d’embauche il était donc en période de recrutement, le licenciement pendant la période probatoire étant prévu par l’article 47 de son statut ; elle a donc formulé la demande d’enquête administrative dans le cadre d’un recrutement, conformément à l’article L 114-2 du code de la sécurité intérieure;
La RATP a sollicité un avis d’incompatibilité postérieurement à l’embauche de Monsieur [B] en tant que conducteur de métro , lequel était alors titulaire d’un contrat de travail même s’il occupait cet emploi en qualité de stagiaire, auquel il ne pouvait être mis fin que par un licenciement conformément à l’article 47 de ses statuts.
Elle devait donc solliciter l’avis du ministre de l’intérieur sur le fondement des dispositions des articles L 114-2 alinéa 2 et R114-8 II du code de la sécurité intérieure et respecter la procédure correspondante, à savoir notifier au salarié l’avis d’incompatibilité motivé et, en cas de recours de ce dernier devant le ministre de l’intérieur, puis, le cas échéant devant la juridiction administrative, suspendre sa décision d’engager la procédure de licenciement dans l’attente des décisions
En l’espèce le SNEAS a le 22 février 2018 rendu un avis d’incompatibilité non motivé , ce qui, a selon l’employeur, justifié le licenciement de monsieur [B], le 12 mars 2018.
La RATP en ne respectant pas la procédure adéquate applicable aux salariés bénéficiant d’un contrat de travail éventuellement en qualité de stagiaire ,et en ne notifiant pas l’avis d’incompatibilité et les voies de recours possibles, la RATP prive le salarié de son recours effectif devant les juridictions compétentes et porte atteinte à une liberté fondamentale justifiant l’annulation du licenciement.
Si en l’espèce le tribunal administratif a déclaré recevable la contestation et si monsieur [B] a bénéficié du recours effectif à ces juridictions il convient de constater que celui-ci n’a pu bénéficier des dispositions applicables au salarié recruté qui impose à l’employeur de suspendre sa décision d’engager la procédure de licenciement jusqu’à épuisement des voies de recours.
Il sera observé que l’arrêt de la cour administrative d’appel a rendu son arrêt maintenant l’avis d’incompatibilité le 22 septembre 2020 et que durant cette période la RATP devait suspendre sa décision et payer le salaire du salarié en lui proposant le cas échéant un emploi compatible et que le licenciement n’aurait dû être prononcé que postérieurement à cette date.
La RATP souligne qu’au regard des enjeux de sécurité publique, elle ne pouvait conserver dans son effectif un salarié ayant fait l’objet d’un avis d’incompatibilité dans le cadre d’une enquête de sécurité et qu’elle était contrainte de le licencier , sa réintégration s’avérant impossible pour le même motif.
En application des dispositions de l’article L 1235-11 du code du travail, la réintégration du salarié qui la demande est de droit lorsque son licenciement est annulé. Il convient de faire droit à la demande de Monsieur [B] à ce titre, d’ordonner sa réintégration sans qu’il y ait lieu d’ordonner une astreinte, et de lui allouer, en réparation du préjudice subi, un rappel de salaires correspondant à ceux dont il a été privé entre son licenciement et sa réintégration.
Sur la demande au titre du préjudice moral et de l’atteinte à la réputation et à l’honneur
La RATP fait valoir, à juste titre, qu’elle n’est pas l’auteur de l’avis d’incompatibilité qui a été émis par le SNEAS ; en outre, Monsieur [B] ne présente, dans le corps de ses écritures aucun élément permettant d’établir l’existence d’un préjudice moral ou qu’il a été porté atteinte à sa réputation et à son honneur ; il convient de confirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
PRONONCE la nullité du licenciement de Monsieur [G] [B] en date du 12 mars 2018.
ORDONNE sa réintégration dans l’emploi qu’il occupait avant son licenciement ou sur un poste équivalent au sein de la RATP ;
CONDAMNE la RATP à payer à Monsieur [B] le montant de son salaire entre la date de son licenciement et celle de sa réintégration ;
ORDONNE à la RATP de délivrer à Monsieur [B] les bulletins de paye correspondants.
CONDAMNE la RATP à payer à Monsieur [B] la somme de 2.500 Euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes ;
MET les dépens de première instance et d’appel à la charge de la RATP.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE