Licence de marque et franchise : l’esbroufe sanctionnée

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Licence de marque et franchise : l’esbroufe sanctionnée
Ce point juridique est utile ?

Une marque (‘Groupe Corede Bât’ ) qui est en réalité, déposée depuis quelques mois et pas même encore enregistrée au jour de la conclusion d’un contrat, et étant détenue par une société créée l’année précédente, sans salarié, sans succursale, sans licencié et sans réseau encore constitué, est dépourvue de toute notoriété.

L’utilisation de cette marque ne pouvait donc justifier à elle seule le versement par sa cocontractante d’un droit d’entrée significatif et de la somme qualifiée ‘redevance’ qui n’auraient pas à ce titre eu de réelle contrepartie, mais qui à l’inverse se justifiaient en contrepartie de ce qu’apporte un franchiseur, savoir mise à disposition d’un signe notoire de ralliement ou marque, assistance et savoir-faire.

C’est ainsi à bon droit que la convention conclue entre les parties, dénommée ‘ contrat de licence de marque’, a été qualifiée par le tribunal de contrat de franchise mais également annulée pour absence de contrepartie.

Il ressort des éléments déjà recensés que faute de la moindre notoriété, comme de tout caractère distinctif approprié, la marque procurée par la société Groupe Corede Bât n’était pas du tout de nature à procurer à son cocontractant le profit que son propre engagement impliquait.

Ainsi les obligations souscrites par le cocontractant étaient, dès la naissance du contrat, dépourvues de contrepartie autre que dérisoire ou illusoire.

Le contrat liant les parties est donc nul, en application de l’article 1169 du code civil, et le jugement sera confirmé en ce qu’il a prononcé son annulation.

La société [H] [F], spécialisée dans les installations électriques, et la SAS Groupe Corede Bât, fournissant des services de direction générale, ont signé un contrat de licence de marque le 29 octobre 2018, rétroactivement effectif au 1er octobre 2018. Ce contrat prévoyait des obligations pour les deux parties, notamment le versement de redevances par [H] [F] et l’acquisition de 5% du capital de [H] [F] par Groupe Corede Bât.

Cependant, [H] [F] a cessé de payer les redevances dès le deuxième mois, ce qui a conduit Groupe Corede Bât à dénoncer le contrat et à intenter une action en justice pour récupérer les sommes dues. En réponse, [H] [F] a contesté la validité du contrat, arguant qu’il s’agissait en réalité d’un contrat de franchise irrégulier, sans cause, et qu’il avait été signé sous un vice de consentement.

Le tribunal de commerce de Poitiers a requalifié le contrat en contrat de franchise, l’a déclaré nul et a condamné Groupe Corede Bât à rembourser les sommes versées par [H] [F]. Groupe Corede Bât a fait appel de cette décision, soutenant que le contrat était valide en tant que licence de marque et que [H] [F] avait manqué à ses obligations.

Les deux parties ont formulé des demandes de dommages et intérêts et de remboursement, chacune contestant les arguments de l’autre. L’affaire est en cours d’examen par la cour d’appel, avec des écritures récentes soumises par les deux sociétés.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

9 juillet 2024
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
22/02795
ARRÊT N°276

N° RG 22/02795

N° Portalis DBV5-V-B7G-GVMQ

S.A.S. GROUPE COREDE BAT

C/

S.A.R.L. [H] [F]

Loi n° 77 – 1468 du 30/12/1977

Copie revêtue de la formule exécutoire

Le aux avocats

Copie gratuite délivrée

Le aux avocats

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 09 JUILLET 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 septembre 2022 rendu par le Tribunal de Commerce de POITIERS

APPELANTE :

S.A.S. GROUPE COREDE BAT

N° SIRET : 829 752 708

[Adresse 4]

[Localité 3]

ayant pour avocat Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉE :

S.A.R.L. [H] [F]

N° SIRET : 839 633 534

[Adresse 1]

[Localité 2]

ayant pour avocats Me Maxime BARRIERE et Me Chloé PERICHOU de la SELAS ACTY, avocat au barreau des DEUX-SEVRES

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 23 Mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

qui a présenté son rapport

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,

ARRÊT :

– Contradictoire

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre et par Madame Elodie TISSERAUD, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ :

La société [H] [F], qui a pour activité la réalisation de travaux d’installations électriques, et la SAS Groupe Corede Bât, qui fournit des prestations de services de direction générale auprès d’entreprises chargées de maîtrise d’oeuvre, ont conclu le 29 octobre 2018 un contrat qualifié de ‘contrat de licence de marque’ pour une durée de trois années à compter, rétroactivement, du 1er octobre 2018.

Ce contrat stipulait, notamment, à la charge de Groupe Corede Bât la mise à disposition de documents publicitaires, financiers et administratifs, de signes distinctifs, de panneaux de chantier, de supports ainsi que les services de la centrale d’achat pour les matériels et matériaux utilisés, et à la charge de l’entreprise [H] [F] le versement d’un droit d’entrée de 10.000 euros et le paiement de redevances mensuelles. Il stipulait également l’acquisition par la SAS Groupe Corede Bât de 5% du capital social de la SARL [H] [F], ce qui a été fait.

Faisant valoir que la société [H] [F] avait cessé de lui verser dès le deuxième mois les redevances mensuelles convenues, et qu’elle ne lui avait jamais réglé certains matériels, la société Groupe Corede Bât a notifié le 21 mars 2021 à sa cocontractante qu’elle dénonçait la convention et l’a fait assigner, par acte du 9 avril 2021, devant le tribunal de commerce de Poitiers pour obtenir paiement des redevances dues d’octobre 2018 à septembre 2021 terme du préavis, ainsi que l’indemnisation de son préjudice.

La société [H] [F] s’est opposée à ces demandes et a réclamé le remboursement des sommes versées ainsi que l’indemnisation de ses préjudices, en soutenant que le contrat qualifié de licence de marque était en réalité un contrat de franchise irrégulier, qi’il était dépourvu de cause et qu’elle l’avait souscrit par l’effet d’un vice de son consentement.

Par jugement du 19 septembre 2022, le tribunal de commerce de Poitiers a :

* dit que le contrat litigieux était un contrat de franchise

* dit que le contrat ainsi requalifié en contrat de franchise était sans cause pour la SARL [H] [F] et qu’il était nul et de nul effet

* condamné la SAS Groupe Corede Bât à payer à la société [H] [F] la somme de 10.760 euros correspondant pour 10.000 euros au droit d’entrée versé à la conclusion de la convention et pour 760 euros à l’unique redevance réglée

* condamné la SAS Groupe Corede Bât à céder dans le délai d’un mois au prix de 50 euros 5% des parts qu’elle détient dans le capital de la SARL [F] [H] et à supporter les frais de rédaction des actes

* rejeté la demande de dommages et intérêts de la SARL [F] [H]

* débouté la SAS Groupe Corede Bât de l’ensemble de ses demandes

* dit que l’exécution provisoire du jugement s’appliquait de plein droit

* condamné la SAS Groupe Corede Bât aux dépens et au paiement d’une indemnité de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, la juridiction consulaire a retenu, en substance :

-que le contrat, s’il était qualifié de licence de marque, avait en réalité le contenu d’un contrat de franchise, avec ses références à la marque Groupe Corede Bât, au savoir faire développé par celle-ci et à l’assistance et aux outils qu’elle mettait à la disposition du licencié

-que le contrat était nul

-qu’il était aussi de nul effet, la société Groupe Groupe Corede Bât ne prouvant pas avoir respecté ses engagements, notamment de transmettre son savoir faire, de fournir une assistance et de remettre les documents prévus

-que les parties devaient être remises dans l’état où elles se trouvaient avant que de conclure

-que Groupe Corede Bât ne justifiait pas avoir fourni les matériaux dont elle réclamait le prix

-que la société [H] [F] ne démontrait pas de préjudice à l’appui de sa demande de dommages et intérêts.

La SAS Groupe Corede Bât a relevé appel le 7 novembre 2022.

Saisi par la société [H] [F] d’un incident tendant à voir radier le dossier du rôle faute d’exécution de la décision déférée, le conseiller de la mise en état a dit par ordonnance du 12 décembre 2023 n’y avoir lieu à radiation du fait que l’appelante était dans l’impossibilité financière d’exécuter les causes du jugement.

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l’article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique :

* le 5 mars 2024 par la société Groupe Corede Bât

* le 25 janvier 2024 par la société [H] [F].

La société Groupe Corede Bât demande à la cour de réformer le jugement sauf en ce qu’il a débouté la société [H] [F] de sa demande de dommages et intérêts, et statuant à nouveau, de :

-juger que le contrat conclu le 29 octobre 2018 entre les deux sociétés est un contrat de licence de marque et non de franchise

Vu les articles 1103 et 1104 du code civil :

-juger que la société [H] [F] a manqué à ses obligations

-condamner en conséquence la société [H] [F] à lui payer

.la somme à parfaire de 20.870 euros outre intérêts de retard au taux légal majoré de trois points à compter de la mise en demeure du 14 mai 2019

.celle de 2.500 euros au titre des matériaux fournis et non réglés

.10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée par application de l’article 1231-6, alinéa 3, du code civil

-débouter la société [H] [F] de toutes ses demandes

-la condamner aux entiers dépens et à lui payer 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que le contrat conclu entre les parties contenait toutes les caractéristiques de la licence de marque telles qu’annoncées dans le document d’information précontractuelle, qui visait clairement l’objet de la convention comme l’exploitation d’une marque.

Faisant valoir que le contrat de franchise suppose pour exister la réunion de trois conditions cumulatives tenant à la transmission d’un savoir-faire, la mise à disposition de signes distinctifs et la fourniture d’une assistance, elle soutient que la convention conclue le 29 octobre 2018 n’érigeait aucune obligation pour le concédant d’avoir à transmettre un savoir-faire spécifique au sens requis par une franchise, à savoir substantiel.

Elle indique qu’un tel savoir-faire spécifique ne doit pas être confondu avec l’assistance qu’elle s’engageait à fournir au licencié, avec ses conseils et ses recommandations ainsi que des services en matière de supports administratifs, de fournitures et de documents commerciaux, dans le cadre de l’exploitation de son cabinet de maîtrise d’oeuvre.

Elle précise en réponse au moyen tiré par l’intimée de l’article 6 du contrat que si elle avait certes développé une méthode et une qualité de travail favorisant son activité, c’est l’usage de la marque et non ce savoir-faire qui constituait l’unique objet du contrat.

Elle conteste avoir prodigué une assistance technique ou commerciale à la société [H] [F], et ajoute qu’à considérer même pour les besoins du raisonnement qu’elle soit regardée comme l’ayant fait en mettant à la disposition du licencié des supports administratifs, des modèles de documents, des panneaux de chantiers et des cartes de visite, il n’en resterait pas moins que l’un des trois éléments cumulativement requis, la transmission d’un savoir-faire, serait absent de la relation contractuelle, empêchant de la qualifier de contrat de franchise.

Elle récuse tout vice du consentement en observant que la société [H] [F] n’en articule pas et notamment ne se réfère ni à l’erreur ni au dol, et elle ajoute qu’elle ne pouvait donner plus de renseignements sur ses licenciés et ses succursales car le contrat conclu avec l’entreprise [H] [F] était le premier contrat de licence de marque qu’elle passait.

Elle fait valoir que le tribunal ne pouvait pas annuler le contrat au motif qu’il était sans cause, alors que la notion de cause a disparu de l’ordre juridique, et qu’il a été tenu compte de prétendus défauts d’exécution des obligations pesant sur le franchiseur alors que la nullité s’apprécie au stade de la conclusion et non de l’exécution du contrat, et alors qu’elle n’avait pas à exécuter de telles obligations puisqu’elle n’a pas conclu de contrat de franchise.

Elle soutient avoir été en droit de résilier le contrat du fait de l’inexécution adverse, la société [H] [F] ayant cessé de régler les redevances dès le deuxième mois et ne lui ayant pas payé des matériaux d’une valeur de 2.500 euros qu’elle lui avait fournis.

Elle sollicite des dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui a causé la défaillance de sa cocontractante.

Elle conteste l’appel incident en niant avoir commis une faute et en objectant qu’aucun préjudice en lien de causalité avec les manquements invoqués n’est démontré à l’appui de la demande de dommages et intérêts de l’intimée, dont elle constate qu’elle est expressément qualifiée de forfaitaire, ce qui est prohibé.

La société [H] [F] demande à la cour de la dire bien fondée en son appel incident, d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de dommages et intérêts et en ce qu’il lui a alloué 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau, et y ajoutant de :

-condamner la SAS Groupe Corede Bât à lui verser 5.000 euros de dommages et intérêts

-condamner la SAS Groupe Corede Bât à lui verser 5.000 euros au titre de l’application de l’article 700 du code de procédure civile en premiènre instance

-dire que la cession des cinq parts sociales que la société Groupe Corede Bât détient dans son capital, pour un montant de 50 euros, sera assortie d’une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir et dont la cour se réservera le pouvoir de liquidation

-condamner la SAS Groupe Corede Bât aux dépens d’appel

-condamner la SAS Groupe Corede Bât à lui payer 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle maintient que le contrat doit être requalifié en contrat de franchise et fait valoir à cet égard, que l’appelante avait pris soin d’en faire précéder la conclusion d’un document d’information précontractuelle -même incomplet- tel que requis par l’article L.330-3 du code de commerce ; que le préambule du contrat énonce que la société Groupe Corede Bât a développé une méthode et un savoir-faire spécifique et original dans le secteur d’activité concerné dont la société [H] [F] reconnaît la pertinence et souhaite bénéficier en intégrant son réseau des services et outils spécifiques développés pour favoriser son activité ; qu’elle était, de fait, intéressée à bénéficier d’un savoir-faire pour la gestion de chantiers, et les services visés au contrat ; qu’à l’inverse, la marque ‘Corede Bât’, qui ne bénéficiait d’aucune antériorité et n’était pas même alors enregistrée, n’avait rien pour l’intéresser ; que la clause de non-concurrence stipulée dans les deux ans de la fin du contrat n’a de sens qu’en cas de franchise et pas dans le cadre d’une licence de marque dont le titulaire s’est réservé l’exclusivité ; que le dirigeant de la société Groupe Corede Bât, [L] [I], a lui-même qualifié de ‘franchise’ leur contrat dans la lettre qu’il lui a adressée le 16 juillet 2019.

Elle relate sa déconvenue dès les premières semaines d’exécution du contrat, où elle a constaté l’absence de contre-partie au paiement de son droit d’entrée et des redevances, et l’inexistence du réseau allégué, et elle maintient que l’annulation du contrat requalifié s’impose, à titre principal au visa de l’article 1169 du code civil car la contrepartie convenue était illusoire ou dérisoire.

Elle sollicite subsidiairement son annulation pour vice du consentement, en affirmant que son dirigeant, novice, s’est engagé sous l’effet de manoeuvres, en croyant intégrer un réseau d’agences qui n’existait pas et bénéficier d’un savoir-faire et de services qui n’existaient pas davantage.

Elle demande plus subsidiairement à la cour de prononcer la résolution du contrat aux torts de la société Groupe Corede Bât faute pour celle-ci d’avoir exécuté ses obligations.

Elle sollicite la confirmation du jugement quant aux condamnations prononcées,

Elle reprend par voie d’appel incident sa demande de dommages et intérêts en disant qu’elle a été gravement affectée par les carences de l’appelante.

L’ordonnance de clôture est en date du 18 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

* sur la qualification du contrat liant les parties

La convention conclue le 29 novembre 2018 entre les parties est qualifiée de ‘contrat de licence de marque’.

Le tribunal a fait droit à la prétention de la société [H] [F] de la voir requalifier en contrat de franchise.

À la date de conclusion de ce contrat, la société Groupe Corede Bât, immatriculée le 19 mai 2017, avait moins d’un an et demi d’existence.

Son capital social était de 1.000 euros ; elle n’avait pas de salarié ; et elle avait réalisé pour son premier exercice un chiffre d’affaires de 5.720 euros (cf sa pièce n°1 et l’annexe 3 de sa pièce n°2 ).

Elle venait de déposer quelques mois plus tôt, le 6 juin 2018, dans les classes de produits ou services 35, 37, 41 et 42 la marque ‘Groupe Corede Bât’, dont la convention litigieuse indique qu’elle était encore ‘en cours d’enregistrement’ (pièce n°2).

Le contrat mentionne par l’indication ‘néant’ et ses annexes 4 et 5 qu’elle n’avait aucune succursale ni filiale, ni aucun licencié, et que son réseau d’agences Groupe Corede Bât était ‘en cours de constitution’.

Ainsi que les juges consulaires l’ont fait ressortir en citant son exposé préalable, et ses articles 1, 6 et 10, ce contrat comprenait en contrepartie du versement d’un droit d’entrée puis d’une somme périodique qualifiée ‘redevance’ l’engagement par la société Groupe Corede Bât de fournir les trois éléments dont la réunion caractérise un contrat de franchise, savoir :

-la mise à disposition d’un signe distinct, constitué de sa marque ‘Groupe Corede Bât’, avec engagement de sa cocontractante ‘d’exploiter….sous la bannière de cette marque son activité de cabinet de maîtrise d’oeuvre’, avec un ‘cahier des charges’ à respecter

-la transmission d’un ‘savoir-faire’, expressément désigné tel et qualifié de ‘spécifique et original dans le secteur d’activités concerné’

-la fourniture d’une assistance commerciale ou technique pendant la durée de l’accord, avec fourniture de conseils ; de supports publicitaires et administratifs ; de documents commerciaux, administratifs, et financiers ; d’une ‘bible d’exploitation’, et un accès à sa centrale d’achat pour se fournir en matériels et matériaux.

La société Groupe Corede Bât avait aussi remis à la société [H] [F] un documents d’information précontractuelle qui, s’il ne remplissait pas intégralement les exigences, des articles L.330-3 et R.330-1 du code de commerce requises en matière de franchise, en était fort proche.

Il est significatif que le dirigeant de la SAS Groupe Corede Bât ait explicitement qualifié le contrat liant les parties de ‘contrat de franchise’ le 16 juillet 2019 lorsqu’il a écrit à la société [H] [F] pour ‘rétablissement d’un contact’ en récapitulant les obligations respectives des parties (‘…Après, à vous de payer vos redevances mensuelles comme vous l’avez signé dans votre contrat de franchise’ : cf pièce n°7 de l’intimée).

L’appelante, qui indique que c’était là le premier contrat ‘de licence de marque’ qu’elle concluait, ne peut exciper de l’absence de caractère substantiel ou spécifique du savoir-faire qu’elle s’engageait à fournir à sa cocontractante, alors que le contrat vise explicitement son ‘savoir-faire spécifique’, et que le caractère ‘substantiel’ s’entend, au vu du règlement (UE) n°330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 invoqué par l’appelante, d’un savoir-faire significatif et utile au partenaire, c’est-à-dire, en définitive, d’un ensemble d’informations pour la connaissance desquelles un acteur économique est prêt à payer une certaine somme pour avoir un avantage concurrentiel ou améliorer sa position concurrentielle, en particulier en l’aidant à accroître ses résultats ou à pénétrer un nouveau marché, ce que visait précisément le contrat en énonçant en sa page 2 que la société [H] [F] reconnaissait ‘la pertinence et la qualité du travail et des méthodes développées par la société Groupe Corede Bât’, souhaitait ‘pouvoir intégrer le réseau de celle-ci et bénéficier des services et outils spécifiques développés pour favoriser son activité’, et ‘bénéficier des meilleures opportunités de développement et du soutien d’une entreprise expérimentée dans le savoir-faire spécifique des différents métiers’.

La marque ‘Groupe Corede Bât’ étant, en réalité, déposée depuis quelques mois et pas même encore enregistrée au jour de la conclusion du contrat, et étant détenue par une société créée l’année précédente, sans salarié, sans succursale, sans licencié et sans réseau encore constitué, comme le mentionne expressément le contrat, elle était dépourvue de toute notoriété, et son utilisation ne pouvait justifier à elle seule le versement par sa cocontractante d’un droit d’entrée significatif et de la somme qualifiée ‘redevance’ qui n’auraient pas à ce titre eu de réelle contrepartie, mais qui à l’inverse se justifiaient en contrepartie de ce qu’apporte un franchiseur, savoir mise à disposition d’un signe notoire de ralliement ou marque, assistance et savoir-faire.

C’est ainsi à bon droit que la convention conclue entre les parties, dénommée ‘ contrat de licence de marque’, a été qualifiée par le tribunal de contrat de franchise.

* sur la demande d’anéantissement du contrat

La société [H] [F] sollicite à titre principal l’annulation du contrat, requalifié de franchise, en vertu de l’article 1169 du code civil.

Ce texte dispose en sa rédaction applicable en la cause, issue de l’ordonnance du 10 février 2016, qu’un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire, ou dérisoire.

Comme tel, il reprend la solution antérieure fondée sur la nullité pour absence de cause que l’appelante reproche au tribunal d’avoir appliquée, selon laquelle l’obligation sans cause ne peut avoir aucun effet.

Il ressort des éléments déjà recensés que faute de la moindre notoriété, comme de tout caractère distinctif approprié, la marque procurée par la société Groupe Corede Bât n’était pas du tout de nature à procurer à la société [H] [F] le profit que son propre engagement impliquait.

S’agissant du savoir-faire, la société Groupe Corede Bât, très récemment constituée, à l’activité très réduite et à l’expérience limitée aux chantiers de quelques boutiques et maisons selon les énonciations mêmes du contrat, sans personnel autre que ses deux animateurs eux-mêmes peu expérimentés, n’en avait aucun spécifique, et a fortiori substantiel, à transmettre à sa cocontractante.

Quant à l’assistance, au-delà de généralités et de la fourniture de cartes de visites, de quelques vêtements professionnels, de panneaux de chantier à son nom et d’un flocage publicitaire destiné au véhicule d’entreprise de sa cocontractante, elle ne recouvrait aucune réalité.

Ainsi les obligations souscrites par la société [H] [F] étaient, dès la naissance du contrat, dépourvues de contrepartie autre que dérisoire ou illusoire.

Le contrat liant les parties est donc nul, en application de l’article 1169 du code civil, et le jugement sera confirmé en ce qu’il a prononcé son annulation.

* sur les conséquences de l’annulation du contrat

L’annulation du contrat impliquant la remise des parties dans l’état où elles se trouvaient avant de contracter, c’est à bon droit que les premiers juges ont condamné la société Groupe Corede Bât :

-d’une part, à payer à la société [H] [F] la somme de 10.760 euros correspondant pour 10.000 euros au droit d’entrée versé à la conclusion de la convention et pour 760 euros à l’unique redevance réglée

-d’autre part, à céder dans le mois au prix de 50 euros les 5% des parts sociales de la SARL [H] [F] qu’elle avait acquises en vertu du contrat dans le capital de la SARL [F] [H] et à supporter les frais de rédaction des actes requis par cette cession.

Les premiers juges n’ont pas statué sur la demande que formulait la société [H] [F] d’assortir d’une astreinte cette obligation de cession des parts sociales.

Au vu de la disparition ancienne et irréversible de toute relation entre les deux entités, il est justifié d’assortir cette condamnation d’une astreinte pendant une durée de deux mois, le jugement étant complété à ce titre.

* sur la demande en dommages et intérêts de la société [H] [F]

La société [H] [F] sollicite, par voie d’appel incident, une somme qu’elle qualifie de ‘forfaitaire’ en réparation du préjudice financier et moral qu’elle dit subir du fait de la conclusion du contrat litigieux.

Ainsi que l’objecte l’appelante, il ne peut être alloué d’indemnisation forfaitaire.

L’intimée ne rapporte aucun élément caractérisant un préjudice qui, s’il avait été articulé, n’aurait pu être constitué que d’une perte de chance de ne pas contracter et d’éviter ainsi les désagréments et/ou pertes pour l’avoir fait, ce qui n’est pas invoqué.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté la société [H] [F] de sa demande de dommages et intérêts.

* sur les demandes en paiement de la société Groupe Corede Bât

Le contrat étant annulé, la société Groupe Corede Bât n’est pas fondée à réclamer à la société [H] [F] paiement des redevances qui y étaient stipulées, et le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de cette prétention.

Il sera également confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande en paiement d’une somme de 2.500 euros formulée au titre du coût des matériaux qu’elle prétend avoir fournis sans en être réglée à sa cocontractante, la preuve de cette fourniture, contestée en son principe même, n’étant pas plus rapportée devant la cour qu’en première instance, étant observé qu’il n’est pas fourni de facture visant de telles fournitures, et que celles-ci ne sont pas visées dans la lettre du 16 juillet 2019 dans laquelle le président de GroupeCorede Bât réclamait ce qui était dû selon lui à celle-ci.

L’appelante sera également déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, l’action de la SARL [H] [F], dont les prétentions sont pour l’essentiel accueillies, n’ayant rien d’abusif ni plus généralement de fautif.

* sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Les chefs de décision du jugement afférents aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile sont pertinents et adaptés et seront confirmés.

La société Groupe Corede Bât succombe en son recours et supportera les dépens d’appel.

Elle versera une indemnité de procédure à la société [H] [F] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

CONFIRME le jugement entrepris

ajoutant :

ASSORTIT d’une astreinte de 20 euros par jour pendant deux mois à la charge de la société Groupe Corede Bât la condamnation prononcée à son encontre de céder à ses frais dans le mois au prix de 50 euros les 5% des parts sociales de la SARL [H] [F] qu’elle avait acquises dans le capital de la SARL [F] [H], cette astreinte courant faute pour elle d’y avoir procédé dans le mois de la signification du présent arrêt

DÉBOUTE la société Groupe Corede Bât de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

REJETTE toutes demandes autres ou contraires

CONDAMNE la société Groupe Corede Bât aux dépens d’appel

LA CONDAMNE à verser par application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel la somme de 2000 euros à la SARL [H] [F].

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


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