Les conditions de l’action en comblement de passif

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Les conditions de l’action en comblement de passif
Ce point juridique est utile ?

Le défaut de paiement de la TVA et des charges sociales et fiscales est une faute de gestion du dirigeant qui l’expose à une action en comblement de passif.

L’insuffisance d’actif

En application de l’article L651-2 du code de commerce, le tribunal de commerce peut condamner à supporter l’insuffisance d’actif d’une société placée en liquidation judiciaire tout dirigeant de droit ou de fait responsable d’une faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif.

Conditions de l’action en comblement de passif

Pour que l’action initiée par le liquidateur puisse prospérer il faut que soient établis :

— une insuffisance d’actif,

— une ou plusieurs fautes de gestion

— un lien de causalité entre la ou les fautes commises et l’insuffisance d’actif.

Affaire Manga Distribution  

En la cause, il était établi que la gérante de la société MANGA DISTRIBUTION, s’est abstenue de régler régulièrement la TVA de l’entreprise. Par ailleurs, la gérante s’est abstenue de régler les cotisations sociales de l’entreprise pour un montant total de 59 300, 51 euros. 

Les obligations essentielles de toute entreprise

S’agissant de créances super-privilégiées sanctionnant des obligations essentielles de toute entreprise, ce défaut de paiement ne peut qu’être volontaire de la part de la dirigeante qui ne pouvait ignorer le préjudice social et fiscal en découlant pour les autres entreprises et pour le tissu économique en général.

En l’occurrence, le défaut de paiement des dettes fiscales et sociales a constitué une trésorerie artificielle qui a permis à la société de poursuivre une activité (déficitaire) et générer un nouveau passif postérieurement à l’adoption de son plan de redressement aggravant, par voie de conséquence, son insuffisance d’actif.


COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 29 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/437

Rôle N° RG 21/00934 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BG2BY

[Y] [B]

C/

SCP BR & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de DRAGUIGNAN en date du 15 Décembre 2020 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2019/1857.

APPELANTE

Madame [Y] [B]

née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Maxime PLANTARD de la SCP PLANTARD ROCHAS VIRY, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Jean-loup NITOT, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMEE

SCP BR & ASSOCIES

Représenté par Maître [N], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SA MANGA DISTRIBUTION

demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Corinne BONVINO-ORDIONI de l’ASSOCIATION C.BONVINO ORDIONI V.ORDIONI, avocat au barreau de TOULON, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 15 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Muriel VASSAIL, Conseillère a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

Madame Agnès VADROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2022.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2022,

Signé par Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS PROCEDURES ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par jugement du 24 janvier 2006, la société MANGA DISTRIBUTION a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de BRIGNOLES.

Par jugement du 20 mars 2007, cette juridiction a arrêté un plan de redressement.

Par jugement rendu le 3 juillet 2012 à sa demande, le tribunal de commerce de DRAGUIGNAN a ouvert la liquidation judiciaire de la société MANGA DISTRIBUTION et désigné M. [V] [C] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par acte du 7 avril 2014, la SCP BR ASSOCIES, prise en la personne de M. [C], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société MANGA DISTRIBUTION a assigné Mme [Y] [J], épouse [B] (Mme [B]), devant le tribunal de commerce de DRAGUIGNAN pour obtenir sa condamnation à supporter l’insuffisance d’actif de la débitrice.

Après plusieurs renvois, par jugement du 24 novembre 2015, le tribunal de commerce de DRAGUIGNAN a ordonné la radiation de l’affaire.

A la suite d’une remise au rôle intervenue sur demande du 14 juin 2016, par jugement du 23 janvier 2018, le dossier a de nouveau été radié.

Elle a été rétablie sur demande de la SCP BR & ASSOCIES en date du 16 janvier 2019 reçue au greffe du tribunal de commerce le 21 janvier 2019.

Par jugement du 15 décembre 2020, le tribunal de commerce de DRAGUIGNAN a :

— déclaré l’action recevable,

— condamné Mme [B] à payer à la SCP BR & ASSOCIES, représentée par M. [N] ès qualités:

-200 000 euros au titre de l’insuffisance d’actif de la société MANGA DISTRIBUTION,

— les dépens et 1 500 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour prendre leur décision, les premiers juges ont considéré que :

— l’action de la SCP BR ASSOCIES était recevable puisque c’est elle qui a assigné Mme [B] et que, s’agissant de la même structure, il est inopérant pour invalider la procédure que M. [C] ait été régulièrement remplacé par M. [N] aux termes de jugements portés à la connaissance de la défenderesse,

— les éléments produits démontrent que, sur la partie des privilèges, des dettes ont bien été générées durant l’activité de la société MANGA DISTRIBUTION postérieure à l’adoption de son plan de redressement,

— la liquidation judiciaire de la société MANGA DISTRIBUTION fait apparaître une insuffisance d’actif de 7 136 821, 30 euros, dont une aggravation du passif générée pendant l’exécution du plan à hauteur de 563 569, 54 euros,

— Mme [B] a déclaré l’état de cessation des paiements de la société MANGA DISTRIBUTION le 1er juin 2012 et c’est cette date qui a été retenue par le tribunal dans son jugement d’ouverture du 3 juillet 2012,

— la date de cessation des paiements de la société MANGA DISTRIBUTION n’a jamais été reportée,

— si Mme [B] a déclaré tardivement l’état de cessation des paiements, il n’est pas établi que son abstention soit volontaire,

— la poursuite d’une activité déficitaire est caractérisée en ce que :

— après retraitement des provisions et des reprises sur provisions, la société MANGA DISTRIBUTION a enregistré des résultats d’exploitation négatifs entre 2008 et 2011,

— le stock, enregistré pour 4 485 761 euros sur le bilan de l’année 2011, a été cédé pour 327 000 euros dans le cadre de la liquidation judiciaire sans que Mme [B] ne puisse étayer son affirmation selon laquelle elle aurait trouvé un acquéreur pour 1 000 000 euros,

— au regard des valeurs finales, dont celle avouée de 1 000 000 euros, il est établi que la sincérité des comptes est douteuse pour l’année 2011,

— entre 2008 et 2011, le chiffre d’affaire de la société MANGA DISTRIBUTION a chuté de 59% et les frais de personnel de 39%,

— les chiffres évoqués par Mme [B] au titre des capitaux propres comprennent une valorisation du stock très au-dessus de la valeur réelle et s’en trouvent surestimés.

Le 20 janvier 2021, Mme [B] a fait appel de ce jugement.

Le 25 juin 2021, elle a fait déposer au greffe un acte en inscription de faux à l’encontre du jugement frappé d’appel en ce qu’elle affirme ne jamais avoir reçu le rapport du second juge commissaire désigné dans la procédure.

Dans ses dernières conclusions, notifiées au RPVA le 8 novembre 2021, elle demande à la cour :

In limine litis, d’annuler le jugement rendu le 15 décembre 2020 par le tribunal de commerce de DRAGUIGNAN en visa des articles 6-1 de la CEDH et 16 du code de procédure civile en ce que les rapports du juge commissaire et les réquisitions du ministère public ne lui ont pas été communiqués,

A titre subsidiaire, de déclarer la SCP BR& ASSOCIES ès qualités irrecevable faute de qualité à agir et la débouter de sa demande

A titre encore plus subsidiaire, de :

— dire qu’elle n’a commis aucune faute et que l’insuffisance d’actif de la société MANGA DISTRIBUTION ne s’est pas aggravée lors des exercices 2009, 2010 et 2011,

— débouter la SCP BR & ASSOCIES de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause, de condamner la SCP BR &ASSOCIES aux dépens et à lui payer 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, communiquées au RPVA le 12 novembre 2021, la SCP BR ASSOCIES, représentée par M. [N], demande à la cour :

A titre principal, de :

— confirmer le jugement rendu,

— débouter Mme [B] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement, de :

— la déclarer recevable en son action,

— fixer l’insuffisance d’actif à la somme de 7 262 331 euros et subsidiairement à la somme de 6 860 227 euros,

— reconnaitre comme établies à l’encontre de Mme [B] les fautes de gestion suivantes :

— le non-paiement des charges sociales et fiscales,

— le maintien d’une activité déficitaire,

— condamner Mme [B] à lui payer 200 000 euros au titre de l’insuffisance d’actif de la société MANGA DISTRIBUTION s’imputant à hauteur de 100 000 euros pour chacune des deux fautes reprochées,

En tout état de cause, de condamner Mme [B] aux dépens et à lui payer 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières réquisitions, notifiées au RPVA le 16 novembre 2021, le ministère public poursuit la confirmation du jugement frappé d’appel.

Le 23 avril 2021, les parties ont été avisées de la fixation du dossier à l’audience du 15 décembre 2021.

La procédure a été clôturée le 18 novembre 2021 avec rappel de la date de fixation.

Le 7 décembre 2021, elles ont été avisées du renvoi d’office du dossier au 15 juin 2022.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il conviendra de se référer aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens de fait et de droit.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les conclusions déposées au RPVA le 13 mai 2022 par le ministère public

L’ordonnance de clôture est intervenue le 18 novembre 2021. Il en résulte que les réquisitions déposées au RPVA le 13 mai 2022 par le ministère public sont radicalement irrecevables.

Elles seront, en conséquence, rejetées.

Sur la nullité du jugement frappé d’appel

Mme [B] poursuit la nullité du jugement frappé d’appel pour violation de l’article R651-5 du code de commerce et du principe du respect du contradictoire en ce que les rapports du juge commissaire et les réquisitions du parquet ne lui auraient pas été communiqués.

L’article R662-12 du code de commerce pose pour principe que pour tout ce qui concerne l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif, la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer le tribunal statue sur rapport du juge commissaire.

Les articles 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme et 16 du code de procédure civile qui consacrent le principe du respect du contradictoire imposent que ce rapport soit communiqué aux parties préalablement à l’audience de jugement.

Pour affirmer que le principe du respect du contradictoire a été respecté en l’espèce, la SCP BR & ASSOCIES s’appuie sur les mentions du jugement attaqué contre lesquelles Mme [B] s’est inscrite en faux.

Bien que le faux dont il est argué ne soit pas établi à ce stade, la cour relève que le premier juge n’a pas précisé par quel biais les rapports des juges commissaires successifs ont été communiqués à l’appelante.

Il l’a ainsi privée de la possibilité d’opérer les vérifications idoines et de s’assurer que le principe du contradictoire a été respecté.

Dans ces conditions, il convient de considérer qu’il n’est pas établi que Mme [B] a bien reçu communication des rapports des juges commissaires.

Il s’ensuit que, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur le moyen tiré du défaut de communication des réquisitions du ministère public, le juge frappé d’appel doit être annulé.

La cour fera usage de son pouvoir d’évocation dans la mesure où :

— les parties ne s’y opposent pas,

— elles ont toutes les deux conclu sur le fond du dossier.

Sur la qualité pour agir de la SCP BR & ASSOCIES

Il n’est pas contesté que :

— du 24 janvier 2016 (ouverture de la procédure collective) au 18 février 2014, M. [V] [C] a été désigné mandataire puis liquidateur judiciaire de la société MANGA DISTRIBUTION,

— par jugement du 18 février 2014, le mandat de M. [C] a été transféré à la SCP BR & ASSOCIES, représentée par M. [C],

— par jugement du 21 octobre 2014, le mandat de la SCP BR & ASSOCIES représentée par M. [C] a été transféré à la SCP BR & ASSOCIES représentée par M. [S] [N].

Mme [B] soulève l’irrecevabilité de l’action de la SCP BR & ASSOCIES au motif qu’en violation de l’article R123-122-1° du code de commerce, les diverses désignations de la SCP BR & ASSOCIES en lieu et place de M. [C] puis de M. [N] à la place de M. [C] ne lui ont jamais été notifiées, n’ont jamais été inscrites au registre du commerce et n’ont jamais été publiées.

Elle en conclut que ces désignations ne lui sont pas opposables de sorte que la SCP BR & ASSOCIES était dépourvue de qualité à agir lorsqu’elle lui a fait délivrer l’assignation.

L’article R123-122-1° u) du code de commerce pose pour principe que les décisions remplaçant les mandataires de justice sont publiées d’office au registre du commerce.

Contrairement à ce qui est soutenu par l’appelante, ce texte vise l’hypothèse d’un remplacement de mandataire judiciaire et non le simple transfert de l’exercice du mandat pour cause de modification de la structure juridique de la personne désignée et/ou de remplacement de la personne physique chargée du suivi du mandat au sein de la structure personne morale.

Dans le cas présent, il ressort des éléments du dossier que c’est la même structure, désignée depuis l’origine, qui s’est trouvée chargée du dossier de la société MANGA DISTRIBUTION de sorte que Mme [B] n’est pas fondée à soutenir qu’elle a fait face à un remplacement de mandataire judiciaire au sens de l’article R123-122-1° du code de commerce puisque :

— l’étude de M. [C] s’est constituée en SCP de sorte qu’il était légitime que le mandat de M. [C] soit transféré à la SCP BR & ASSOCIES représentée par M. [C],

— M. [C] ayant cessé son activité professionnelle, il était tout aussi légitime que le mandat soit transféré à la SCP BR & ASSOCIES représentée par M. [N].

Il en résulte que la société MANGA DISTRIBUTION et sa dirigeante ont toujours eu comme interlocuteur la même structure.

Il s’ensuit, ainsi que le fait valoir l’intimée, que les jugements objets du litige constituent bien des mesures de simple administration judiciaire et non des décisions de désignation ou de remplacement de mandataire judiciaire.

La forme de ces mesures étant inopérante pour modifier leur nature, il importe peu qu’elles aient été prises par jugement et non par ordonnance.

Dès lors, ces décisions de transfert n’avaient effectivement pas à être publiées ni même inscrites au registre du commerce et elles sont parfaitement opposables à Mme [B].

La fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir de la SCP BR & ASSOCIES soulevée par Mme [B] sera, en conséquence, rejetée.

Sur la demande de condamnation de Mme [B] à supporter l’insuffisance d’actif de la société MANGA DISTRIBUTION

Comme le rappelle l’article L651-2 du code de commerce, le tribunal de commerce peut condamner à supporter l’insuffisance d’actif d’une société placée en liquidation judiciaire tout dirigeant de droit ou de fait responsable d’une faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif.

Pour que l’action initiée par la SCP BR & ASSOCIES, représentée par M. [N], ès qualités puisse prospérer il faut donc que soient établis :

— une insuffisance d’actif,

— une ou plusieurs fautes de gestion imputables à Mme [B],

— un lien de causalité entre la ou les fautes commises et l’insuffisance d’actif.

Sur l’insuffisance d’actif

Mme [B] conteste toute insuffisance d’actif et aggravation du passif exposant que :

— contrairement à ce qui est soutenu par le liquidateur judiciaire, le passif de sa procédure collective n’a pas été aggravé puisqu’elle a réglé plus de 2 300 000 d’euros pendant l’exécution du plan, de sorte que le passif antérieur à la liquidation judiciaire a été diminué,

— ses difficultés proviennent des condamnations auxquelles elle a dû faire face dans les procédures engagées par les sociétés japonaises TOEI et DYNAMIC,

— dans le cadre de ces procédures, de 2005 à 2011, plusieurs décisions contradictoires sont intervenues et ont perturbé l’exécution de son plan de redressement,

— le passif déclaré dans le cadre de sa liquidation judiciaire de 5 723 328 euros a été accepté pour 243 061 euros à titre chirographaire et rejeté pour 3 426 810 euros,

— sur les 2 053 455 euros contestés, 1 874 491 euros (AUCHAN) ont été rejetés par le juge commissaire (ordonnance du 19 décembre 2017),

— le liquidateur retient des créances clients qui n’existent pas (CARREFOUR, AUCHAN, MELIMEDIA),

— les créances TOEI et DYNAMIC n’ont été acceptées que pour les sommes de 92 794 euros et 31 338 euros,

— le passif privilégié, déclaré à hauteur de 563 569 euros, concerne pour 309 361 euros le licenciement de ses 13 salariés après le prononcé de la liquidation judiciaire, somme qui ne doit pas être incluse dans le passif pour déterminer l’insuffisance d’actif puisque la dette est née après le jugement d’ouverture,

— il en est de même pour la taxe foncière due au 1er octobre 2012 et les loyers exigibles le 15 juillet 2012 dont le montant doit se compenser avec le dépôt de garantie,

— la société MANGA ne peut être tenue des charges sociales du 2ème trimestre 2012 pour la boutique de [Localité 6], cédée en avril 2012 et dont le personnel a été repris,

— pour la TVA, une compensation avait été acceptée par l’administration à hauteur de 214 248 euros et le solde dû de 180 238 euros couvre la période des exercices 2007 à 2009 jusqu’au 1er mai 2010,

— les créances du trésor pour les années 2007 à 2010 et de l’URSSAF ont été soit rejetées par le juge commissaire, soit inscrites au passif à titre chirographaire,

— la créance du trésor concerne des loyers impayés puisque la société MANGA était locataire de la ville de [Localité 3],

— si le loyer de juin peut être admis au passif pour 6 846, 24 euros, il convient de déduire le montant du dépôt de garantie à hauteur de 18 111, 43 euros,

— concernant l’actif réalisé, en avril 2012, le liquidateur a reçu de M. [X], suite à une cession partielle de fonds de commerce, la somme de 55 318, 91 euros et non de 37 594, 74 euros comme cela est porté sur son décompte,

— il en résulte que l’actif réalisé s’élève à plus de 500 000 euros (445 624 + 55 318, 91) et non à 400 000 euros comme le soutient le liquidateur.

— le stock, d’une valeur de 3 829 000 euros a été bradé en vente publique pour 327 000 euros soit pour 10% de sa valeur alors que M. [C] avait reçu une proposition d’achat amiable pour 1 000 000 d’euros,

— il faut tenir compte de la trésorerie disponible à hauteur de 500 000 euros.

Sur le passif de la société MANGA DISTRIBUTION

S’agissant du montant du passif résiduel de la première procédure, il s’évince des documents communiqués par la SCP BR & ASSOCIES que le passif résiduel du redressement judiciaire, initialement arrêté à 8 555 901, 81 euros, est de 6 600 000 euros.

Comme le souligne Mme [B], il ne s’est donc pas aggravé.

Au passif résiduel de la première procédure il convient d’ajouter le passif admis dans le cadre de la liquidation judiciaire.

Il ressort de la liste des créances déclarées communiquée en pièce 8 par la SCP BR & ASSOCIES que toutes les objections soulevées par Mme [B] concernant la consistance et le montant du passif de la société MANGA DISTRIBUTION ont été prises en considération.

Dès lors, le passif définitivement admis (à titre privilégié et chirographaire) est fixé à la somme de 7 657 914, 66, ce dont il résulte effectivement que le passif de la liquidation judiciaire peut être fixé à la somme de 934 824 euros.

En effet, ainsi que le fait valoir la SCP BR & ASSOCIES, les créances déclarées par les AGS et admises dans le passif correspondent à des salaires et non à des indemnités de licenciement.

Par ailleurs, ayant été définitivement admis le passif ne peut plus être valablement contesté par Mme [B] sauf à remettre en cause l’autorité de la chose jugée attachée aux décisions du juge commissaire.

En conséquence, le passif généré par la société MANGA DISTRIBUTION postérieurement à son redressement judiciaire s’élève à la somme de 934 824 (et non de 934 897 comme l’indique l’intimée).

En déduisant la somme de 279 014 euros que Mme [B] conteste en ce qu’elle représenterait le coût des licenciements, ce passif postérieur doit être arrêté à la somme de 655 810 euros (934 824 ‘ 279 014).

En retranchant les sommes dont Mme [B] affirme qu’elles ont été réglées et non déduites, le passif définitif de la procédure collective de la société MANGA DISTRIBUTION en son intégralité serait donc quant à lui de 7 534 824 euros.

Sur l’actif de la société MANGA DISTRIBUTION

Il s’évince du décompte produit en pièce 5 par la SCP BR & ASSOCIES que l’actif réalisé pour le compte de la société MANGA DISTRIBUTION était de 514 686, 62 euros.

Le même document révèle que sur cet actif, la SCP BR ASSOCIES a prélevé ses droits fixes et réglés des sommes (TVA, frais divers notamment pour la mise en ‘uvre de la présente procédure) pour un montant total de 171 439, 04 euros.

Le règlement de ces frais divers et TVA s’inscrit dans le cadre de l’article L622-17 du code de commerce et ne saurait être valablement contesté.

Il en résulte donc que, contrairement à ce que prétend Mme [B], l’actif net de la liquidation judiciaire de la société MANGA DISTRIBUTION doit être arrêté à la somme de 395 583 euros.

En effet, l’intéressée ne peut prétendre établir que le stock de son entreprise avait trouvé un acquéreur pour 1 000 000 euros et a été bradé aux enchères en s’appuyant sur sa seule pièce 19 qui est un courrier qu’elle a elle-même rédigé le 27 septembre 2012, qui ne porte mention d’aucune somme, qui fait référence à une simple visite et qui, en tout état de cause, doit être écarté des débats en application du principe selon lequel nul n’est fondé à se ménager de preuve à lui-même.

Elle ne peut pas non plus valablement affirmer que ce stock était valorisé à plus de 3 000 000 euros sans produire le moindre document sur ce point.

Comme l’indique la SCP BR & ASSOCIES, en retranchant la somme de 279 014 euros dont Mme [B] affirme qu’elle constitue le coût des licenciements, l’insuffisance d’actif de la société MANGA DISTRIBUTION est de 6 860 227 euros (7 534 824 ‘ 395 583 ‘ 279 014).

En outre, ainsi que cela résulte des développements précédents, en faisant la même déduction l’insuffisance d’actif générée postérieurement à l’adoption du plan de redressement de la société MANGA DISTRIBUTION doit être arrêtée à 655 810 euros.

Sur l’existence de fautes de gestion imputables à Mme [B]

Aux termes de l’assignation du 7 avril 2014 qui est relativement imprécise (sa pièce 29), la SCP BR & ASSOCIES semblait reprocher à Mme [B] :

— un défaut de paiement des dettes fiscales et sociales à partir de l’année 2008 jusqu’à l’année 2010,

— la poursuite d’une activité déficitaire sur les mêmes exercices et sur l’année 2011.

Devant la cour, les parties admettent que ce sont ces fautes de gestion qu’il convient d’examiner.

Il n’est pas remis en cause qu’il s’agit de fautes susceptibles d’être sanctionnées au sens de l’article L 651-2 du code de commerce sus-visé.

Comme elle ne le conteste pas, l’intimée n’a jamais reproché à Mme [B] un retard dans la déclaration de l’état de cessation des paiements. Les développements de l’appelante sont donc sans objet sur ce point.

Sur le défaut de paiement des charges fiscales et sociales

La SCP BR ASSOCIES reproche à Mme [B] d’avoir cessé de régler régulièrement les charges sociales et fiscales à compter de l’exercice 2008.

Pour ce que la cour croit pouvoir déduire de ses écritures, Mme [B] affirme que ce grief n’est pas fondé en ce que :

— jusqu’au prononcé de la liquidation judiciaire, elle a régulièrement payé les salaires et les charges salariales,

— le contrôle opéré par l’URSSAF pour les années 2009 à 2011 s’est conclu sans aucun redressement confirmant sa gestion rigoureuse,

— la société MANGA DISTRIBUTION étant locataire de la commune de [Localité 3], certaines créances déclarées par le trésor public correspondent à des loyers.

Ainsi que la cour l’a rappelé dans les développements précédents, la SCP BR & ASSOCIES s’appuie sur le passif définitivement admis que Mme [B] n’est plus fondée à discuter sauf à remettre en cause l’autorité de la chose jugée attachée aux décisions définitives du juge commissaire.

Il ressort de l’état du passif définitivement admis que le passif déclaré par le centre des finances publiques à hauteur de 468 812 euros a été admis pour 180 238 euros.

Il s’évince des pièces 4 de l’appelante et 30 de l’intimée qu’une fois déduits les abandons de pénalités et droits objets de la transaction du 15 décembre 2011 et le solde créditeur de TVA de la période d’avril à juin 2012, cette somme correspond à :

— des rappels de TVA pour les années 2008 à 2010,

— la participation des employeurs à l’effort de construction pour les années 2008 et 2009,

— la CFE 2012.

Il ne s’agit donc pas de loyers mais bel et bien d’une dette fiscale.

Par ailleurs, la transaction du 15 décembre 2011 révèle qu’à la suite d’un contrôle qu’elle a opéré l’administration fiscale a émis à l’encontre de la société MANGA DISTRIBUTION une proposition de rectification en date du 14 juin 2011.

Il est donc établi qu’en sa qualité de gérante de la société MANGA DISTRIBUTION, Mme [B] s’est abstenue de régler régulièrement la TVA de l’entreprise.

Enfin, si la créance déclarée par l’URSSAF à titre provisionnel pour 115 254 euros a été rejetée, ont été admises les créances déclarées à titre définitif :

— par l’URSSAF du VAR pour la somme de 53 170 euros,

— par l’URSSAF [Localité 6] REGION PARISIENNE pour 2 782, 51 euros et 3 348 euros.

La SCP BR & ASSOCIES démontre donc qu’en sa qualité de gérante de la société MANGA DISTRIBUTION Mme [B] s’est abstenue de régler les cotisations sociales de l’entreprise pour un montant total de 59 300, 51 euros (53 170 + 2 282, 51 + 3 348).

Il s’ensuit que la SCP BR & ASSOCIES démontre que la faute de non paiement des charges sociales et fiscales doit être retenue à l’encontre de Mme [B].

S’agissant de créances super-privilégiées sanctionnant des obligations essentielles de toute entreprise, ce défaut de paiement ne peut qu’être volontaire de la part de la dirigeante qui ne pouvait ignorer le préjudice social et fiscal en découlant pour les autres entreprises et pour le tissu économique en général.

Sur la poursuite d’une activité déficitaire

Pour contester la poursuite d’une activité déficitaire, Mme [B] se plaint en premier lieu de l’acharnement dont elle a dû faire face de la part de sociétés tierces.

Force est de constater que, même si elle a été réduite, la société MANGA DISTRIBUTION a finalement fait l’objet d’une condamnation civile pour contrefaçon qui en tout état de cause ne saurait exonérer sa gérante de ses obligations légales de gestion.

Par ailleurs, tout en formulant certaines objections relativement aux chiffres avancés par la SCP BR & ASSOCIES, Mme [B] soutient (page 16 de ses conclusions) que : « Ainsi contrairement à ce que prétend le liquidateur, l’évolution de la situation nette de la société pour les années 2008, 2009, 2010 et 2011 établit sans contestation que l’activité de la société MANGA DISTRIBUTION a été bénéficiaire puisque négative de 3 545 718 au 31/12/2008, elle est passée à -1 570 156 euros au 31/12/2009 et à ‘ 1 211 000 au 31/12/2010;

si l’on corrige le résultat en annulant la provision de plus de 2 000 000 euros, elle demeure négative mais à hauteur de 1 175 119 euros au 31/12/2011 ».

S’agissant de l’exercice 2009, dont le bilan comptable a été approuvé par Mme [B], même en ajoutant la somme revendiquée par l’appelante de 828 480 euros correspondant à un avoir, le résultat net de l’entreprise et négatif de 885 055 euros.

Dès lors, contrairement à ce que soutient Mme [B], même en retenant les chiffres qu’elle avance, la société MANGA DISTRIBUTION a enregistré une perte de 885 055 euros sur l’exercice 2009.

Mme [B] conteste le bilan de l’exercice 2010 au motif que des stocks ont été détruits pour une valeur de 620 000 euros.

Alors que les comptes de la société MANGA DISTRIBUTION pour l’année 2010 ont été approuvés, elle ne verse aux débats aucun élément extérieur pour en rapporter la preuve, ces propres courriers adressés à M. [X] étant inopérants de ce chef.

Il convient donc de retenir la perte comptable de 220 198 euros telle qu’elle ressort de la pièce 7 soumise à la cour par la SCP BR ASSOCIES.

Mme [B] qui, aux termes de ses écritures relatées ci-dessus, admet que l’activité de la société MANGA DISTRIBUTION était déficitaire entre 2008 et 2011 ne peut valablement prétendre qu’elle ne l’était pas au seul motif que le déficit aurait régressé.

Par ailleurs, la faute qu’elle a ainsi commise en poursuivant cette activité déficitaire jusqu’à la déclaration de l’état de cessation de paiement de la société ne saurait s’effacer aux motifs que :

— elle a réduit la masse salariale de l’entreprise,

— la société MANGA DISTRIBUTION disposait de capitaux propres qui permettaient de faire face aux déficits.

En effet, ainsi que le souligne la SCP BR & ASSOCIES :

— le capital social initial de 2 000 000 d’euros, non augmenté, a nécessairement été impacté par les pertes antérieures de l’entreprise,

— un dépôt de bilan est finalement intervenu, ce qui démontre que les capitaux propres de la société n’ont pas permis de faire face à son passif et à sa perte d’exploitation.

Enfin, Mme [B] ne saurait pas non plus valablement dégager sa responsabilité en exposant que la poursuite de l’exploitation de la société MANGA DISTRIBUTION lui a permis de régler les dividendes de son plan de redressement alors que dans le même temps cette société a généré de nouvelles dettes.

Pour le même motif, elle ne peut pas non plus s’exonérer en observant que le déficit s’est réduit d’année en année alors même que cette entreprise ne s’est pas rétablie et a été contrainte de déclarer son état de cessation des paiements.

Il est donc démontré que nécessairement au courant de l’évolution de la situation matérielle, comptable et financière de son entreprise, Mme [B] a poursuivi en pleine connaissance de cause une activité qui est demeurée déficitaire sur quatre exercices consécutifs.

Sur le lien de causalité qui existe entre les fautes de gestion commises par Mme [B] et l’insuffisance d’actif

Contrairement à ce que prétend Mme [B], le défaut de paiement des dettes fiscales et sociales a constitué une trésorerie artificielle à la société MANGA DISTRIBUTION qui lui a permis de poursuivre une activité déficitaire et a généré un nouveau passif postérieurement à l’adoption de son plan de redressement aggravant, par voie de conséquence, son insuffisance d’actif.

Mme [B] peut donc être tenue pour responsable de l’insuffisance d’actif à hauteur de 239 538 euros.

Au vu des éléments qui précédent et des procédures initiées par des sociétés tierces auxquelles elle a été contrainte de faire face, il est justifié de condamner Mme [B] à supporter l’insuffisance d’actif de la société MANGA DISTRIBUTION à hauteur de 200 000 euros qu’il conviendra d’imputer à hauteur de 180 000 euros au défaut de paiement des dettes fiscales et sociales et de 20 000 euros à la poursuite d’une activité déficitaire.

Sur les dépens

Considérant les fautes de gestion dont elle s’est rendue coupable, Mme [B] sera condamnée aux dépens d’appel. Elle se trouve, ainsi, infondée en ses prétentions au titre des frais irrépétibles.

Il serait inéquitable de laisser la SCP BR & ASSOCIES, représentée par M. [N], ès qualités supporter les frais qu’elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Mme [B] sera condamnée à lui payer 3 000 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, après débats publics et par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

Rejette les réquisitions déposées au RPVA le 13 mai 2022 par le ministère public ;

Annule le jugement rendu le 12 décembre 2020 par le tribunal de commerce de DRAGUIGNAN ;

Statuant à nouveau :

Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir de la SCP BR & ASSOCIES opposée par Mme [B] ;

Fixe l’insuffisance d’actif de la procédure collective de la société MANGA DISTRIBUTION à la somme de 6 860 227 euros ;

Fixe à la somme de 655 810 euros le passif généré par la société MANGA DISTRIBUTION postérieurement à l’adoption de son plan de redressement ;

Retient à l’encontre de Mme [B] les fautes de gestion suivantes ;

— défaut de paiement des dettes fiscales et sociales,

— poursuite d’une activité déficitaire,

Condamne Mme [B] à payer à la société BR & ASSOCIES, représentée par M. [N], ès qualités la somme de 200 000 euros au titre de sa participation à l’insuffisance d’actif de la société MANGA DISTRIBUTION imputable à hauteur de 180 000 euros au défaut de paiement des dettes fiscales et sociales et à hauteur de 20 000 euros à la poursuite d’une activité déficitaire ;

Déclare Mme [B] infondée en ses prétentions au titre des frais irrépétibles ;

Condamne Mme [B] à payer à la SCP BR & ASSOCIES, représentée par M.[N], ès qualités 3 000 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [B] aux dépens d’appel.

LA GREFFIERE

LA PRESIDENTE


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