Le piège de l’effet dévolutif de l’appel

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Le piège de l’effet dévolutif de l’appel
Ce point juridique est utile ?

En appel, attention à bien reprendre vos conclusions assorties de demandes précises sous peine de les voir écartées en raison de l’effet dévolutif.  

En vertu de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. Les conclusions de l’appelant peuvent restreindre le champ des demandes mais pas l’augmenter, ce que seule peut faire une nouvelle déclaration d’appel rectificative effectuée dans le délai imparti par l’article 910-4 du code de procédure civile pour conclure au fond.

En la cause, l’effet dévolutif lié à la déclaration d’appel a bien opéré pour deux chefs du dispositif du jugement (dont le rejet de la demande de révocation d’une ordonnance de clôture).

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
 
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2022
 
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 20/06102 – n° Portalis 35L7-V-B7E-CBXHU
 
Décision déférée à la Cour : jugement du 24 janvier 2020 – Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre 3ème section – RG n°19/00003
 
APPELANTE
 
Société AMCO SOLUTIONS, société de droit suisse, agissant en la personne de son président, M. [N] [M], domicilié en cette qualité au siège social situé
 
[Adresse 3]
 
c/o Des Gouttes & Associés
 
Avocats
 
[Adresse 1]
 
SUISSE
 
Représentée par Me Marie-Hélène DUJARDIN, avocate au barreau de PARIS, toque D 2153
 
Assistée de Me Olivier SCHNEIDER plaidant pour la SELARL ASKEA AVOCATS, avocat au barreau de STRASBOURG, case 55
 
INTIMEE
 
S.A.S. CHANNELADVISOR FRANCE, anciennement BLUEBOARD, prise en la personne de sa présidente, Mme [I] [W], domiciliée en cette qualité au siège social situé
 
[Adresse 2]
 
[Localité 4]
 
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 815 174 941
 
Représentée par Me Matthieu BOCCON-GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C 2477
 
Assistée de Me Stéphane COLOMBET plaidant pour la SELAS ELTEA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque R 012
 
COMPOSITION DE LA COUR :
 
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 8 juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Agnès MARCADE, Conseillère
 
Mmes Laurence LEHMANN et Agnès MARCADE ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
 
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente
 
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
 
Mme Françoise BARUTEL, Conseillère, désignée pour compléter la Cour
 
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
 
ARRET :
 
Contradictoire
 
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
 
Signé par Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
 
Vu le jugement contradictoire rendu le 24 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Paris,
 
Vu l’appel interjeté le 22 avril 2020 par la société Amco Solutions,
 
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 avril 2022 par la société Amco Solutions, appelante,
 
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 10 mai 2022 par la société Channeladvisor France (Channeladvisor), anciennement dénommée Blueboard, intimée,
 
Vu l’ordonnance de clôture du 19 mai 2022.
 
SUR CE, LA COUR,
 
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
 
La société de droit suisse Amco Solutions, créée en 2009, a pour activité la conception, le développement et l’organisation d’actions marketing, parmi lesquelles la création et la gestion de l’image des entreprises.
 
Elle expose avoir développé une solution nommée «Buzzwell», consistant notamment en un service de remontée d’informations et de comptes-rendus sous forme de bases de données accessibles par une interface web, relatives à la vente de produits par l’intermédiaire des plates-formes e-commerce (revendeurs en ligne), présentés de manière claire, complète et synthétique sous forme de tableaux.
 
La société Channeladvisor, anciennement dénommée Blueboard, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Paris, indique être spécialisée dans le secteur de l’édition de logiciels comparatifs et avoir développé en septembre 2015 une «solution Channeladvisor» ayant pour vocation d’offrir à ses utilisateurs une vue analytique complète sur la distribution de leurs produits en structurant et en qualifiant la masse d’informations disponible en ligne. Elle avance qu’une organisation structurée des données existait depuis 2015 autour de trois thèmes différents : la disponibilité des produits, leur prix et les notes des utilisateurs.
 
La société Amco Solutions expose avoir été informée par deux de ses clients, en juin 2017, que la société alors dénommée Blueboard offrait le m ême type de services qu’elle sous forme de tableaux mais a pu constater, à cette époque, que ladite société ne proposait ni analyse qualitative, ni rapports quantitatifs sous forme de tableaux et qu’elle ne reprenait pas les spécificités de la solution «Buzzwell».
 
Elle précise en revanche avoir découvert, au mois de mars 2018, que la société Blueboard avait inclus dans sa proposition une copie du tableau de remontées d’informations quantitatives hebdomadaire Buzzwell qu’elle a élaboré et selon elle protégé par le droit de l’auteur.
 
Autorisée par ordonnance présidentielle du 26 octobre 2018, la société Amco Solutions a fait pratiquer une saisie-contrefaçon au siège de la société Blueboard suivant procès-verbal du 13 novembre 2018. Puis, par acte du 12 décembre 2018, elle a fait assigner cette société devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Paris pour obtenir indemnisation de son préjudice du fait de l’atteinte à ses droits d’auteur et de producteur de bases de données ou subsidiairement, sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme.
 
Le jugement du tribunal judiciaire de Paris dont appel a :
 
— rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture du 4 juillet 2019,
 
— déclaré irrecevables les pièces produites et les conclusions déposées par les parties respectivement les 8 et 22 novembre 2019,
 
— débouté la société Amco Solutions de ses prétentions, au titre du droit d’auteur,
 
— débouté la société Amco Solutions de ses prétentions, au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,
 
— condamné la société Amco Solutions aux dépens,
 
— condamné la société Amco Solutions à payer à la société Blueboard, la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
 
— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
 
Les dernières conclusions de la société Amco Solutions sollicitent de la cour de :
 
— Déclarer la société Amco Solutions recevable et bien fondée en son appel,
 
— Déclarer les demandes de la société Amco Solutions recevables et bien fondées,
 
Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris dans son intégralité ;
 
A TITRE LIMINAIRE :
 
— Déclarer l’effet dévolutif de l’appel interjeté par la société Amco Solutions plein et entier en ce que les chefs du jugement critiqués visent expressément le débouté des demandes de la société Amco Solutions ;
 
STATUANT A NOUVEAU :
 
— Juger que la société Channeladvisor se livre sans accord à une reproduction, commercialisation et diffusion de bases de données et de leurs interfaces graphiques, propriétés de la société Amco Solutions, actes constitutifs de contrefaçon au sens de l’article L.122-4 et L.342-1 du code de la propriété intellectuelle ;
 
En conséquence,
 
— Interdire à la société Channeladvisor de poursuivre la reproduction, commercialisation et diffusion des tableaux et bases de données contrefaisants, ce, sous astreinte définitive et non comminatoire de 5.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ;
 
— Juger que la cour restera compétente pour connaître de la liquidation éventuelle des astreintes qu’elle aura ordonnées ;
 
— Ordonner le rappel des documents commerciaux relatifs à ces tableaux, la suppression de toute référence à ces tableaux et bases de données sur le site de l’intimée ainsi que sur tous les réseaux sociaux, leur mise à l’écart définitive des circuits commerciaux et leur destruction, conformément aux dispositions de l’article L.331-1-4, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle ;
 
— Condamner la société Channeladvisor à verser à la société Amco Solutions les sommes de 95.000 euros, 1.260.000 euros et 106.400 euros de dommages et intérêts au titre des pertes consécutives au détournement de clientèle ;
 
— Condamner la société Channeladvisor à verser à la société Amco Solutions la somme de 420.000 euros de dommages et intérêts au titre des bénéfices et économies d’investissements dont la société Blueboard a indûment profité en raison de son activité contrefaisante ;
 
— Condamner la société Channeladvisor à verser à la société Amco Solutions la somme de 2.565.000 euros de dommages et intérêts au titre des marchés obtenus grâce à l’exploitation des tableaux contrefaits, somme dont elle aurait dû s’acquitter en exécution d’un contrat de licence ;
 
— Condamner la société Channeladvisor à verser à la société Amco Solutions la somme de 100.000 euros de dommages et intérêts au titre des préjudices moral et d’image confondus ;
 
— Ordonner la publication ou l’affichage aux frais de la société Channeladvisor, par extrait ou en entier, de l’arrêt à intervenir dans trois journaux ou revues au choix de la société Amco Solutions, dans la limite de 5.000 euros par publication, ainsi que sur les sites Internet de l’intimée et les réseaux sociaux auprès desquels la société Channeladvisor a ouvert un compte à son nom, cela pendant une durée de 2 mois, conformément aux dispositions de l’article L. 331-1-4, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle ;
 
A TITRE SUBSIDIAIRE :
 
— Juger que la société Channeladvisor s’est livrée à des actes de concurrence déloyale et de parasitisme en s’étant fait communiquer par un client commun les tableaux de la société Amco Solutions dans le seul et unique but avoué de les copier servilement ;
 
En conséquence,
 
— Interdire à la société Channeladvisor de poursuivre la reproduction, commercialisation et diffusion des tableaux contrefaisants, ce, sous astreinte définitive et non comminatoire de 5.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ;
 
Juger que la cour restera compétente pour connaî tre de la liquidation éventuelle des astreintes qu’il aura ordonnées ;
 
— Ordonner le rappel des documents commerciaux relatifs à ces tableaux, la suppression de toute référence à ces tableaux sur le site de l’intimée ainsi que sur tous les réseaux sociaux, leur mise à l’écart définitive des circuits commerciaux et leur destruction, conformément aux dispositions de l’article L. 331-1-4, alinéa 1er, du Code de la propriété intellectuelle ;
 
— Condamner la société Channeladvisor à verser à la société Amco Solutions les sommes de 95.000 euros, 1.260.000 euros et 106.400 euros de dommages et intérêts au titre des pertes consécutives au détournement de clientèle ;
 
— Condamner la société Channeladvisor à verser à la société Amco Solutions la somme de 420.000 euros de dommages et intérêts au titre des bénéfices et économies d’investissements dont la société Blueboard a indûment profité en raison de son activité contrefaisante ;
 
— Condamner la société Channeladvisor à verser à la société Amco Solutions la somme de 2.565.000 euros de dommages et intérêts au titre des marchés obtenus par la société BUEBOARD grâce à l’exploitation des tableaux contrefaits, somme dont elle aurait dû s’acquitter en exécution d’un contrat de licence ;
 
— Condamner la société Channeladvisor à verser à la société Amco Solutions la somme de 100.000 euros au titre des préjudices moral et d’image confondus ;
 
— Ordonner la publication ou l’affichage aux frais de la société Channeladvisor, par extrait ou en entier, de l’arrêt à intervenir dans trois journaux ou revues au choix de la société Amco Solutions, dans la limite de 5.000 euros par publication, ainsi que sur les sites Internet de l’intimée et les réseaux sociaux auprès desquels la société Channeladvisor a ouvert un compte à son nom, cela pendant une durée de 2 mois, conformément aux dispositions de l’article L. 331-1-4, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle ;
 
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
 
— Condamner la société Channeladvisor à payer à la société Amco Solutions 15.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
 
— Condamner la société Channeladvisor aux entiers dépens.
 
Les dernières conclusions de la société Channeladvisor demandent à la cour de :
 
A TITRE PRINCIPAL :
 
— Déclarer que l’effet dévolutif de l’appel interjeté par la société AMCO Solutions est strictement limité au seul chef de jugement critiqué, expressément mentionné dans la déclaration d’appel du 22 avril 2019, refusant de révoquer l’ordonnance de clôture rendue le 4 juillet 2019 par le Tribunal judiciaire de Paris ;
 
— Ne se déclarer saisie que de la demande d’infirmation relative à la révocation de l’ordonnance de clôture rendue le 4 juillet 2019 par le Tribunal judiciaire de Paris ;
 
— Confirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Paris du 24 janvier 2020 en ce qu’il a rejeté la demande de révocation de clôture du 4 juillet 2019 et déclaré irrecevables les pièces produites et les conclusions déposées après cette date ;
 
— Débouter la société AMCO Solutions de sa demande à ce titre.
 
A TITRE SUBSIDIAIRE,
 
1/ Sur les demandes au titre de la contrefaçon de droits d’auteur
 
— constater l’absence d’originalité des « tableaux » sur lesquels la société Amco Solutions revendique des droits d’auteur ;
 
— constater qu’aucun acte constitutif de contrefaçon ne peut être imputé à la société Channeladvisor France ;
 
— constater le caractère excessif et injustifié des demandes indemnitaires de la société Amco Solutions ;
 
En conséquence,
 
— confirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Paris du 24 janvier 2020 en ce qu’il a débouté la société Amco Solutions de ses prétentions au titre du droit d’auteur.
 
2/ Sur les demandes au titre de la concurrence déloyale
 
— constater l’absence de faute constitutive de concurrence déloyale imputable à la société Channeladvisor France ;
 
— constater l’absence de justification du préjudice allégué par la société AMCO Solutions au titre des actes de concurrence déloyale reprochés à la société Channeladvisor France ;
 
En conséquence,
 
— confirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Paris du 24 janvier 2020 en ce qu’il a débouté la société Amco Solutions de ses prétentions au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.
 
3/ Sur les autres demandes
 
— confirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Paris du 24 janvier 2020 en ce qu’il a débouté la société Amco Solutions de ses demandes de condamnation de la société Channeladvisor à 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
 
En tout état de cause :
 
— débouter la société Amco Solutions de toutes demandes, fins ou prétentions contraires au présent dispositif ;
 
— condamner la société Amco Solutions à verser à la société Channeladvisor France la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
 
— condamner la société Amco Solutions aux entiers dépens.
 
Sur l’effet dévolutif de l’appel
 
En vertu de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
 
Seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. Les conclusions de l’appelant peuvent restreindre le champ des demandes mais pas l’augmenter, ce que seule peut faire une nouvelle déclaration d’appel rectificative effectuée dans le délai imparti par l’article 910-4 du code de procédure civile pour conclure au fond.
 
Le début du document joint à l’unique déclaration d’appel formée le 22 avril 2020 par la société Amco Solutions est rédigé comme suit :
 
«Infirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Paris 3ème chambre 3ème section le 24 janvier 2020 n°19/00003 en ce qu’il déboute la SA AMCO SOLUTIONS de ses demandes et statuant à nouveau :
 
Vu les dispositions des articles L.122-4, L.342-1, 331-1-3 et L.332-1-4 du Code de la propriété intellectuelle, 1382 et 1383 du Code civil
 
Vu les faits tels qu’ils viennent d’être rappelés,
 
Vu les pièces versées aux débats :
 
La dire recevable et bien fondé en son action,
 
Infirmer le jugement en ce qu’il a refusé de révoquer l’ordonnance de clôture rendue le 4 juillet 2019, afin de respecter le principe du contradictoire».
 
Il se poursuit par la reprise mot à mot du dispositif des dernières conclusions de première instance prises dans l’intérêt de la société Amco Solutions et se termine par un bordereau de 19 pièces.
 
La société Channeladvisor soutient que le seul chef de jugement critiqué est celui refusant la révocation de l’ordonnance de clôture rendue le 4 juillet 2019, afin de respecter le principe du contradictoire et que le reste de la déclaration d’appel consiste seulement en une reprise des demandes formulées en première instance devant le tribunal judiciaire de Paris.
 
Pour autant, la cour constate que la société Amco Solutions sollicite expressément l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes étant rappelé que le jugement déféré avait débouté la société Amco Solutions de ses prétentions d’une part au titre du droit d’auteur et d’autre part au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.
 
Ainsi, l’effet dévolutif lié à la déclaration d’appel a bien opéré pour ces deux chefs du dispositif du jugement ainsi que s’agissant du dispositif relatif au rejet de la demande de révocation de l’ordonnance de clôture du 4 juillet 2019.
 
Les dernières conclusions prises devant la cour par la société appelante ne reprennent pas le chef de demande relatif à la révocation de l’ordonnance de clôture et la société intimée demande quant à elle la confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté la demande de révocation de clôture du 4 juillet 2019. La cour n’est ainsi plus saisie de ce chef.
 
Il appartient dès lors à la cour de se prononcer sur la demande principale fondée sur le droit d’auteur et sur celle subsidiaire sur la concurrence déloyale et parasitaire de la société Amco Solutions.
 
Sur le droit d’auteur
 
Le jugement entrepris avait dans sa motivation retenu que si l’article L.342-1 du code de la propriété intellectuelle relatif à la protection sui generis du producteur de la base de données était visé par les conclusions de la société Amco Solutions, celle-ci ne consacrait aucun développement ni aux conditions légales exigées par l’article L.341-1 du code de la propriété intellectuelle, permettant à celui qui a pris le risque de la constitution de la base, la vérification, l’actualisation ou la présentation de son contenu, en y consacrant des investissements financiers, matériels ou humains substantiels, de revendiquer la protection spécifique et indépendante qui en découle, ni même aux atteintes portées, à savoir l’extraction par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données sur un autre support ou la réutilisation par la mise à disposition du public de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base.
 
La cour effectue le même constat au regard des conclusions d’appel de la société Amco Solutions qui ne justifie en rien des investissements financiers, matériels ou humains substantiels qui lui permettraient de revendiquer la protection sui generis du producteur d’une base de données, ni d’ailleurs de l’existence d’extractions frauduleuses.
 
La société Amco Solutions ne motive sa demande principale que sur une contrefaçon d’oeuvres  qu’elle prétend originales et protégées au titre du droit d’auteur des articles L.111-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.
 
La cour rappelle que si l’article L.112-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que les auteurs de bases de données peuvent prétendre à la protection du droit de l’auteur c’est à la condition de justifier l’apport créatif intellectuel de la structure de la base de données par «le choix ou la disposition des matières» et non du seul contenu de la base. L’originalité d’une base de données doit s’exprimer à travers des choix arbitraires et créatifs reflétant l’empreinte de son auteur.
 
La société Amco Solution expose en réponse au reproche d’absence d’identification des oeuvres  que sa demande est parfaitement identifiée et qu’elle est relative à trois tableaux
 
«Tableaux ‘Parrot’ «Etailers’ assortment & stock report» du 5 juin 2017 (pièce n°8)
 
Tableaux ‘Parrot’ «Etailers’ price report» du 1er mai 2017 (pièce n°6)
 
Tableaux ‘Parrot’ «Consumer ratings report» du 1er mai 2017 (pièce n°7) »
 
Elle précise que ces trois tableaux constituent «des bases de données et leurs interfaces graphiques et que leur originalité relève d’une longue période de maturation ayant permis d’en créer les caractéristiques tant organisationnelles que graphiques. Ce travail et les choix opérés sont le fruit de l’expérience et de la personnalité des dirigeants de la société Amco Solutions.
 
Ces multiples développements réalisés sur une période de deux années et demi ont mené à la création de ces bases de données et interfaces graphiques protégées par le droit d’auteur et considérées par la société Blueboard comme une solution «intéressante» et une «bonne idée», de même que par les clients de la société Amco Solutions comme un «service intéressant» et novateur.»
 
Pour autant ni la longue élaboration des tableaux revendiquée, ni l’expérience ou la personnalité des dirigeants de la société, ni les avis donnés par des tiers quant au caractère intéressant ou novateur de la solution constitutive d’une «bonne idée» ne peuvent permettre de caractériser l’originalité d’une œuvre.
 
Il appartient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue.
 
Seul l’auteur est en mesure d’identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole, et le défendeur doit pouvoir, en application du principe de la contradiction, connaître précisément les caractéristiques qui fondent l’atteinte qui lui est imputée et apporter la preuve qui lui incombe de l’absence d’originalité.
 
L’originalité d’une oeuvre  doit s’apprécier de manière globale de sorte que la combinaison des éléments qui la caractérise du fait de leur agencement particulier lui confère une physionomie propre qui démontre l’effort créatif et le parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
 
La nouveauté arguée par la société est une notion différente de l’originalité requise et ne peut servir de critère pour l’octroi de la protection au titre du droit d’auteur.
 
La cour constate que les trois tableaux produits en pièces 6, 7 et 8 sont en langue anglaise et non traduits et que si l’intérêt de chacune des bases de données par la collecte des éléments qu’elles reproduisent est précisé, il n’est aucunement indiqué ce qui dans leur présentation ou structuration dénoterait d’un effort créatif et le parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
 
Ainsi, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a retenu qu’à défaut d’établir les choix arbitraires de l’auteur tant dans la sélection des informations à traiter et à classer, que dans l’architecture graphique de la présentation, la société Amco Solutions doit être déboutée de ses prétentions au titre du droit d’auteur.
 
Sur la concurrence déloyale et parasitaire
 
La société Amco Solution reprend à titre subsidiaire ses demandes sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire.
 
Le principe de la liberté du commerce implique qu’un produit qui n’est pas l’objet de droits privatifs peut être librement reproduit et commercialisé à moins de la caractérisation d’un comportement déloyal constitutif d’une faute au sens de l’article 1240 du code civil.
 
Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.
 
La demande en concurrence déloyale et/ou parasitaire présente un fondement délictuel et il incombe en conséquence à la société appelante de rapporter la preuve d’un agissement fautif de la société intimée commis à son préjudice par la captation des investissements consentis pour développer un produit phare.
 
La société Amco Solution reproche à la société intimée de s’être fait communiquer par un client commun, la société Parrot, les tableaux qu’elle même avait créés dans le but avoué de les copier servilement.
 
Elle tire argument des déclarations de M. [G], présent lors des opérations de saisies-contrefaçon en qualité de président de la société Blueboard qui, sur interrogation de l’huissier de justice instrumentaire a indiqué avoir reçu de la société Parrot une copie des tableaux Buzzwell qu’il avait trouvé intéressant et avoir décidé de travailler à la base de ceux-ci mais que la version commercialisée était le fruit d’un processus de création aboutissant à quelque chose de distinct.
 
Cette seule affirmation de M. [G] lors des opérations de saisies-contrefaçon ne peut suffire à caractériser des actes de concurrence déloyale ou de parasitisme.
 
Il ne peut non plus être tiré argument de la mention «Top secret» utilisée par la société Parrot dans son mail d’envoi du 4 octobre 2017 pour retenir que les tableaux étaient couverts par un secret professionnel et que la société Blueboard n’était pas en droit d’en prendre connaissance.
 
Le simple fait d’avoir reçu, sans fraude ni manoeuvre  illicite, d’un tiers la communication des tableaux de son concurrent et d’avoir travaillé au regard de ceux-ci à l’amélioration de ses propres tableaux ne peut caractériser de concurrence déloyale alors qu’il n’est démontré aucune copie servile, ni aucun risque de confusion entre les tableaux proposés par les deux sociétés.
 
Ce simple fait ne peut non plus suffire à retenir le parasitisme alors que la société Amco Solutions n’apporte ni la preuve que les «tableaux» revendiqués constituent une valeur économique individualisée du fait de leur notoriété ou des investissements matériels, financiers et humains consentis par elle dans leur développement, ni que la société Channeladvisor s’est placée dans son sillage en copiant, sans bourse délier, cette valeur individualisée.
 
Le jugement sera ainsi également confirmé en ce qu’il a débouté la société Amco Solutions de ses prétentions, au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.
 
Sur les frais et dépens
 
Les dispositions du jugement relatives aux frais et dépens de première instance seront confirmées.
 
La société Amco Solutions sera également condamnée aux dépens d’appel et à verser, au vu de l’équité, une somme complémentaire de 6.000 euros à la société Channeladvisor pour ses frais irrépétibles d’appel.
 
PAR CES MOTIFS
 
La cour,
 
Rejette la demande de la société Channeladvisor France de voir limiter l’effet dévolutif opéré par la déclaration d’appel de la société Amco Solutions et dit que la dévolution s’étend aux chefs du jugement entrepris relatifs au débouté des prétentions de ladite société, d’une part, sur le droit d’auteur et, d’autre part, sur la concurrence déloyale et parasitaire,
 
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
 
Y ajoutant,
 
Déboute les parties du surplus de leurs demandes contraires à la motivation,
 
Condamne la société Amco Solutions à payer à la société Channeladvisor France la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
 
Condamne la société Amco Solutions aux dépens d’appel.
 
La Greffière La Conseillère,
 
Faisant Fonction de Présidente
 
 

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