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Le non-respect d’un Accord de coexistence de marque y compris par violation des valeurs de la marque emporte non seulement interdiction d’utiliser la marque mais également l’indemnisation du titulaire de la marque.
En la cause, le vin, commercialisé par la Cuvée des Chartreux (sous Accord de coexistence de la marque notoire Chartreuse), qui fait référence au Kamasutra, constitue une atteinte à l’accord signé entre les parties, en ce qu’il est susceptible d’impacter directement ou indirectement l’image de l’Ordre des Chartreux qui prône notamment la chasteté et par voie de conséquence la religion chrétienne. En conséquence, il a été fait interdiction à la Cuvée des Chatreux d’utiliser l’expression Chartreux sur tous ses supports publicitaires et commerciaux. La Compagnie Française de la Grande Chartreuse, fondée en 1930 et productrice de la liqueur CHARTREUSE, a assigné le Cellier des Chartreux, une cave coopérative créée en 1929, devant le tribunal de Marseille. La Compagnie accuse le Cellier d’avoir violé un accord de coexistence signé en 2017, qui régule l’utilisation du terme “CHARTREUX”. Elle demande la reconnaissance de la compétence du tribunal, la réparation de dommages de 100 000 €, et l’interdiction d’utiliser le terme “CHARTREUX” de manière non conforme à l’accord. La Compagnie soutient que le Cellier a continué à utiliser le terme “CHARTREUX” et à faire des références commerciales qui portent atteinte à l’image de l’Ordre des Chartreux et à la religion chrétienne, malgré des avertissements. Elle cite des exemples de violations, comme des noms de vins jugés indécents et des usages typographiques similaires à ceux de la Compagnie. De son côté, le Cellier des Chartreux conteste les accusations, affirmant qu’il n’a pas violé l’accord et qu’il a le droit d’utiliser le terme “CHARTREUX” en raison de son nom et de ses marques déposées. Il demande le rejet des demandes de la Compagnie et la condamnation de celle-ci à lui verser des dommages. L’affaire a été clôturée le 13 mai 2024 et sera examinée lors d’une audience prévue le 6 juin 2024. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
PREMIERE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT N°24/315 DU 05 Septembre 2024
Enrôlement : N° RG 22/10782 – N° Portalis DBW3-W-B7G-2RFK
AFFAIRE : S.A. COMPAGNIE FRANCAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE (Me Olivier MANENTI)
C/ S.C.A. LE CELLIER DES CHARTREUX (Me Isabelle BENETTI)
DÉBATS : A l’audience Publique du 06 Juin 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur
Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette
Vu le rapport fait à l’audience
A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 05 Septembre 2024
Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BESANÇON Bénédicte, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDERESSE
S.A. COMPAGNIE FRANCAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié en cette qualité, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Olivier MANENTI de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et par Me Laurent BADIANE de la SELAS KGA AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS
CONTRE
DEFENDERESSE
S.C.A. LE CELLIER DES CHARTREUX RCS NIMES 775 942 014, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Isabelle BENETTI, avocat postulant au barreau de MARSEILLE, et par Me Sophie HERRBURGER de la SAS CABINET HERRBURGER, avocat plaidant au barreau de PARIS
La Compagnie Française de la Grande Chartreuse, immatriculée le 10 juin 1930 au Registre du Commerce et des Sociétés de Grenoble fabrique et commercialise en France et dans le monde entier la célèbre liqueur verte ou jaune, de marque CHARTREUSE, avec l’accord express de l’Ordre des Chartreux, dépositaire de la recette élaborée à cet effet.
Le Cellier des Chartreux est une cave coopérative située à [Localité 5], dans Gard.
Le Cellier des Chartreux a vu le jour en 1929, et propose depuis lors à la vente des vins issus d’un vignoble de 750 hectares dans la région de [Localité 5].
Suivant exploit en date du 31 octobre 2022, la société COMPAGNIE FRANÇAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE a assigné devant le tribunal de céans la société coopérative agricole CELLIER DES CHARTREUX aux fins de :
– CONSTATER la compétence du Tribunal judiciaire de Marseille ;
– CONSTATER que la société CELLIER DES CHARTREUX a manqué aux engagementscontractuels lui incombant en vertu de l’accord de coexistence signé en 2017;
– CONSTATER les dommages qu’elle subit ;
– CONSTATER que le non-respect de l’Accord de coexistence signé en 2017 par la société CELLIER DES CHARTREUX a engendré un risque de confusion avec son activité.
En conséquence :
– DIRE que ses demandes sont recevables et bien-fondées et rejeter toutes les demandes plus amples ou contraires ;
– ORDONNER que la société CELLIER DES CHARTREUX engage sa responsabilité contractuelle ;
– PRONONCER I’exécution forcée de l’accord de coexistence signé en 2017 et enjoindre à la société CELLIER DES CHARTREUX de l’exécuter ;
– CONDAMNER la société CELLIER DES CHARTREUX à lui verser la somme de 100000€ en réparation des dommages subis au titre des violations contractuelles ;
– INTERDIRE à la société CELLIER DES CHARTREUX, sous astreinte provisoire d’une durée de deux mois et de 1 000€ par jour de retard passé un délai de 48 heures à compter de la signification du jugement à intervenir et par violation constatée, de reproduire ou faire usage, de quelque manière que ce soit, et à quelque titre que ce soit, du signe CHARTREUX dans un sens proscrit par l’Accord de coexistence signé en 2017;
– INTERDIRE à la société CELLIER DES CHARTREUX, sous astreinte provisoire d’une durée de deux mois et de 1 000€ par jour de retard passé un délai de 48 heures à compter de la signification du jugement à intervenir et par violation constatée, de faire référence à/ou toute thématique commerciale ou publicitaire à même d’impacter directement ou indirectement l’image de l’Ordre des Chartreux et/ou de la religion chrétienne dans un sens proscrit par l’Accord de coexistence signé en 2017 ;
– CONDAMNER la société CELLIER DES CHARTREUX à la réparation du préjudice subi à hauteur de 50.000€ du fait du risque de confusion avec son activité.
En tout état de cause :
– Se réserver la liquidation des astreintes provisoires ordonnées au titre du jugement à intervenir ;
– ORDONNER, sous astreinte provisoire d’une durée de deux mois et de 5.000€ par jour de retard la publication du dispositif du jugement à intervenir ou d’extraits du jugement à intervenir choisis par elle, dès le lendemain de sa mise à disposition et pour une durée d’un mois, dans un encadré parfaitement visible intitulé « Publication judiciaire››, en lettres noires sur fond blanc dans une police de caractère qui ne serait être inférieure à 12 ou équivalent, sur la partie immédiatement accessible de la page d’accueil et sur une surface égale à au moins 50% de la surface de la page d’accueil :
– du site internet disponible à I’adresse http://cellierdeschartreux.fr/ ou à toutes autres adresses qui pourraient lui être substituées par la défenderesse ; et
– des réseaux sociaux exploités par la défenderesse notamment le compte lnstagram disponible à l’adresse https://www.instagram.com/cellierdeschartreux/ et le compte Facebook disponible à l’adresse https://www.facebook.com/cellierdeschartreux ou à toutes autres adresses qui pourraient leur être substituées par la défenderesse ; et
– de 3 journaux, revues ou magazines au choix de la demanderesse parmi les
communications réalisées par la société CELLIER DES CHARTREUX.
– CONDAMNER la société CELLIER DES CHARTREUX à lui payer la somme de 15000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– CONDAMNER la société CELLIER DES CHARTREUX aux entiers dépens ;
– ORDONNER I’exécution de droit de la décision à intervenir nonobstant tout appel et sans constitution de garantie ou tout aménagement qui pourrait être sollicité par la société CELLIER DES CHARTREUX.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 19 mars 2024, la société COMPAGNIE FRANÇAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE maintient ses demandes sauf en ce qui concerne la condamnation au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile sollicitant la condamnation de la société CELLIER DES CHARTREUX à lui payer la somme de 20 000 €.
Elle fait valoir qu’elle est la seule entité française à être autorisée par les Pères Chartreux à utiliser, à titre commercial, un vocable – CHARTREUSE – dérivé du nom de l’Ordre monastique et ce, plus particulièrement dans le domaine des boissons alcooliques ; qu’en contrepartie de cette autorisation, la Compagnie Française de la Grande Chartreuse agit pour les intérêts de l’Ordre des Chartreux ; qu’en plus de jouir d’une protection sur l’appellation CHARTREUSE à titre de dénomination sociale, elle est ainsi titulaire de nombreux enregistrements de marque « CHARTREUSE » qu’elle exploite dans le cadre de ses activités, parmi lesquelles :
– La marque verbale de l’Union européenne CHARTREUSE n°000140251, déposée le 1er avril 1996 et enregistrée le 27 décembre 1999 en classes 5, 30 et 33 ;
– La marque semi-figurative française n°4405064, déposée le 16 novembre 2017 et enregistrée le 9 mars 2018 en classes 5 (Tisanes ; infusions médicinales ; thés médicinaux ; boissons médicinales ; digestifs à usage pharmaceutique ; produits hygiéniques ; élixirs (préparations pharmaceutiques) ; alcools médicinaux ; liqueurs médicinales) et 33 (Boissons alcooliques (autres que les bières) ; vins ; liqueurs ; liqueurs concentrées ; élixirs (liqueurs) ; liqueurs de fruits et/ou de plantes ; eaux-de-vie; vodka ; gin ; rhum ; whisky ; kirsch ; alcools (boissons) ; spiritueux ; boissons distillées; apéritifs, digestifs et cocktails (boissons alcooliques) ; essences et extraits alcooliques; extraits concentrés et essences pour la préparation de liqueurs ; extraits de fruits et/ou de plantes avec alcool ; boissons alcooliques à base de fruits et/ou de plantes) ;
– La marque semi-figurative française n°4651129, déposée le 27 mai 2020 et enregistrée le 25 février 2022 en classes 5:
– La marque semi-figurative de l’Union européenne n°018336700, déposée le 10 novembre 2020 et enregistrée le 30 mars 2021 en classes 5 :
– La marque verbale française CHARTREUSE n°4848677, déposée le 2 mars 2022 et enregistrée le 24 juin 2022 en classes 3 (Produits cosmétiques pour les soins de la peau, etc.), 5 (Cataplasmes, Boues médicinales, Infusions et tisanes médicinales, Alcools médicinaux, Elixirs (préparations pharmaceutiques), Gelée royale à usage) et 30 (Gelée royale, miel).
Elle indique que les moines Chartreux ont ainsi toujours veillé à ce que le terme «CHARTREUX » ne puisse être déposé à titre de marque, ni exploité sans encadrement contractuel précis ; que les Chartreux représentent un ordre vivant et non une réalité historique ; que c’est précisément pour cette raison que la Compagnie Française de la Grande Chartreuse prête une attention particulière à freiner l’expansion de commercialisation des produits Chartreuse, afin de préserver l’équilibre de vie de l’Ordre et en respecter ses racines à contre-courant du dogme de la croissance.
Elle soutient que l’affaire se fonde sur une action en responsabilité contractuelle, née de la violation, par le CELLIER DES CHARTREUX, de l’accord de coexistence signé au mois de novembre 2017 ; que cet accord ne souffre d’aucune difficulté d’interprétation, contrairement à ce que tente de faire croire le CELLIER DES CHARTREUX, qui insinue qu’il a signé cet accord sous la pression, et, que les engagements qu’il renferme ne peuvent s’interpréter de manière générale ; qu’ils doivent être circonscrits aux signes [H] & CHARTREUX et C CHARTREUX depuis 1929 ; que les violations invoquées sont de deux ordres principaux :
– la violation de l’interdiction d’exploitation du vocable « CHARTREUX » pris isolément (articles 3 et 6) n’a pas été respectée ;
– la violation de l’interdiction de faire mention de toute référence commerciale ou publicitaire susceptible d’atteinte à l’honneur et à la réputation de l’Ordre des Chartreux et/ou de la religion chrétienne, n’a pas non plus été respectée, l’ensemble des évènements et mentions indécentes relatées sur le site internet étant intégralement exploités, à titre de marque, dans la vie des affaires sous le signe,
objet de l’accord (article 5).
Elle indique qu’en effet en 2016, le Cellier des Chartreux a entrepris de déposer cette marque semi-figurative N°01630536 pour désigner notamment des vins ; que dans le cadre de sa mission de défense des marques [CHARTREUSE] au service de l’Ordre et afin de limiter le risque de confusion susceptible de naître avec ces dernières, mais également dans le cadre de sa mission de protection de l’image des moines qui en découle, elle a souhaité encadrer l’exploitation du terme « Chartreux » par le Cellier des Chartreux ; qu’elle lui a demandé de retirer la marque semi-figurative précitée, en raison d’un risque d’association avec la marque CHARTREUSE par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 décembre 2016 ; que le Cellier des Chartreux a favorablement accueilli cette demande ; que cette marque a donc fait l’objet d’un retrait total auprès de l’Office européen des marques (EUIPO) le 6 décembre 2017, conformément à l’engagement pris par le Cellier des Chartreux, dans un accord de coexistence signé en novembre 2017 avec la Compagnie Française de la Grande Chartreuse (ci-après l’«Accord») ; que cet Accord encadre, notamment, les modalités d’exploitation du signe «CHARTREUX» par le Cellier des Chartreux en ses articles 3 et 6, mais, également, les références commerciales et publicitaires liées à l’Ordre des Chartreux et, plus largement, à la religion chrétienne, en son article 5 ; qu’il n’a subi aucune pression pour signer cet Accord.
Elle indique que depuis la conclusion de l’Accord fin 2017, le Cellier des Chartreux n’a eu de cesse de porter atteinte aux droits de la Compagnie Française de la Grande Chartreuse en adoptant une utilisation du terme CHARTREUX non conforme aux engagements contractuels pris par ce dernier et en violation de l’esprit même de l’Accord ; qu’à maintes reprises, elle n’a pas manqué de réagir afin d’obtenir du Cellier des Chartreux qu’il corrige les exploitations non autorisées ; que malgré ces signalements répétés au cours des quatre dernières années, le Cellier des Chartreux a continué à agir de mauvaise foi et à contrevenir à l’Accord, ne laissant d’autre choix à la Compagnie Française de la Grande Chartreuse (CFGC) que de faire réaliser un procès-verbal de constat le 5 juillet 2022 ; que ce constat démontre non seulement la persistance d’utilisation du vocable « CHARTREUX » pris isolément qui viole l’article 3 de l’Accord, mais encore l’usage de dénominations triviales voire indécentes pour désigner certains vins (« Chamasûtra », « Je résiste à tout sauf à la tentation »), ou encore la référence à « l’âme des Chartreux », sans compter certains évènements organisés par le Cellier des Chartreux (« Les Chartreux partent en Live »), ou encore l’emploi d’une typographie proche de celle utilisée par la CFGC (« Marselan »), qui violent l’article 5 dudit Accord ; qu’un second constat de commissaire de justice le 17 juillet 2023 atteste les atteintes persistantes : la vente de fontaines à vins (Bib) par le Cellier des Chartreux sur les sites internet Calais Vins, le Caveau du Vigneron ou encore le Verre à vin l’Epicurien, en violation totale de l’Accord, aussi bien en son article 3 qu’en son article 5 dès lors que la fontaine de vin blanc Cuvée de Chartreux reprend une nuance de vert approchante de celle qu’elle-même utilise :
Elle indique que nonobstant la procédure en cours, le Cellier des Chartreux s’obstine à porter atteinte aux droits de la Compagnie Française de la Grande Chartreuse, comme en témoigne une publication récente du 02 février 2024 sur ses réseaux sociaux à l’occasion de la Chandeleur ; que les démarches entreprises amiablement pour faire cesser ces agissements seront demeurées vaines ; qu’après avoir alerté le Cellier des Chartreux sur l’emploi de termes utilisés sur les étiquettes portant atteinte à l’image de l’Ordre des Chartreux en inadéquation avec les termes de l’Accord qui le lie, M. [E], président du Cellier des Chartreux, répondait, de façon très étonnante, que son intention était davantage de viser le chat « de race Chartreux, que l’ordre des Chartreux » ; qu’il ne fait nul doute que le Cellier des Chartreux dénature les termes de l’Accord afin de justifier ses violations.
Qu’à titre d’exemples de violations de l’article 5 de l’Accord, elle reprend les références publicitaires et commerciales à même d’impacter l’image de l’Ordre des Chartreux et/ou de la religion chrétienne :
o Le vin « Châmasutra » constitue une référence sexuelle à même d’impacter l’Ordre monastique, et le vœu d’abstinence de ces derniers, dès lors qu’il renvoie au recueil indien Kamasutra (du sanskrit Kamasutra, composé de Kama, « le désir », et de sutra, «l’aphorisme», soit littéralement « les aphorismes du désir »), terme évoquant notamment dans les croyances indiennes le choix d’une épouse, ses devoirs et ses privilèges, en plus de toutes les pratiques directement liées à la sexualité. Souvent richement illustré de miniatures, il prodigue des conseils de séduction pour une vie harmonieuse dans le couple, notamment au travers de positions sexuelles ;
o L’évènement « Les Chartreux partent en live ! » du 30 juin 2018, du 28 juin 2019 et plus récemment du 1er juillet 2022, constitue une référence indécente à l’Ordre monastique organisé des Chartreux, l’expression familière « partir en live » signifiant littéralement être pris dans une spirale incontrôlable, prendre une tournure fâcheuse;
o Le vin « Sept Etoiles », faisant référence à [B] et ses six compagnons qui fondent en 1084 l’Ordre des Chartreux dans le Massif de la Chartreuse. Les Sept étoiles sont systématiquement reprises sur les bouteilles de la Compagnie Française de la Grande Chartreuse en lien authentique et vivant des Chartreux et de leurs produits artisanaux de qualité ;
o Le vin « Mas [J] », lequel désigne plusieurs saints des Eglises chrétiennes, mais se réfère plus particulièrement à [J] né à [Localité 3] en 1053, dans le département de la Drôme, il était le fils d’un officier. [J] était chanoine de [Localité 7] quand le légat du Pape [T] le nomma au siège épiscopal de [Localité 4] dans le Dauphiné. Ce fut lui qui procura à [B], son ancien professeur de [Localité 6], la solitude inaccessible qu’il cherchait pour y fonder son Ordre. Il l’installa dans la vallée de la Grande-Chartreuse d’où il tire son nom.
o Le vin « Je résiste à tout sauf à la tentation », par opposition aux versets de la Bible sur la tentation ;
Elle indique en outre qu’en violation de l’article 5 de l’Accord, relatif à l’usage de toutes nuances de vert ou de jaune ainsi que l’usage d’une typographie identique ou approchante de celle utilisée par COMPAGNIE FRANCAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE, le défendeur commercialise :
o Le vin « 100% Marselan » lequel reproduit une police de caractères fortement approchante de celle utilisée par la demanderesse pour l’appellation CHARTREUSE apposée sur ses liqueurs,
o Le Cellier des Chartreux fait également la promotion de verres à vin sur lesquels sont apposés la dénomination « C CHARTREUX depuis 1929 » mais dont il est adopté une disposition visuelle non autorisée par l’Accord, dès lors qu’il ne relève pas de « l’usage consenti par COMPAGNIE FRANCAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE du signe semi-figuratif C CHARTREUX depuis 1929 tant en Union européenne qu’en Chine ».
Elle soutient que cette succession d’atteintes n’est ni fortuite, ni innocente, et toute tentative du Cellier des Chartreux de détourner le débat et justifier les appellations employées en référence à la race de chats, les chartreux, est vaine et dénote un particulier manque de loyauté de la part du Cellier des Chartreux dans l’exécution de l’Accord.
Au terme de ses dernières conclusions signifiées le 30 avril 2024, la société CELLIER DES CHARTREUX demande au tribunal de :
– Constater l’absence de manquement aux engagements contractuels lui incombant en vertu de l’accord de coexistence signé en 2017 ;
– Constater l’absence de dommage subi par LA COMPAGNIE FRANCAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE ;
– Constater le respect de l’accord de coexistence signé en 2017 par la société CELLIER DES CHARTREUX n’a pas engendré un risque de confusion avec l’activité de la COMPAGNIE FRANCAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE.
En conséquence :
– Débouter la société COMPAGNIE FRANCAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE de l’ensemble de ses demandes y compris d’exécution provisoire du jugement à venir.
– Condamner la société COMPAGNIE FRANCAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE à payer à la société CELLIER DES CHARTREUX la somme de 25 000 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
– Condamner la société COMPAGNIE FRANCAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE aux entiers dépens.
Elle expose qu’elle exploite des vignes situées sur ses terres et commercialise des vins sous le nom CELLIER DES CHARTREUX depuis sa création ; qu’elle a à ce titre déposée sa marque semi figurative CELLIER DES CHARTREUX auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle le 22 mai 1991 :
Elle a en outre déposé d’autres marques et notamment :
– le 03 mars 2014, la marque semi figurative N°4073941 :
-le 29 août 2016 la marque verbale N°4295252 CELLIER DES CHARTREUX
– le 06 décembre 2016, la marque semi figurative N°4319934 :
– le 05 décembre 2016 la marque semi figurative N°016130536 :
– le 28 novembre 2017, la marque semi figurative N°4408271 :
– Le 05 avril 2018, la marque semi figurative N°4443158 :
Elle indique que les marques déposées en 1991 n’ont pas été renouvelées, de sorte qu’elle n’a redéposé sa marque CELLIER DES CHARTREUX qu’en 2016 ; qu’elle a développé parallèlement un partenariat avec Monsieur [R] [H], rugbyman de renommée mondiale, afin de promouvoir ses vins.
Elle soutient que pour éviter un conflit avec la compagnie Française de la Grande Chartreuse qui épiait ses faits et gestes, elle a été contrainte de signer un accord de coexistence au mois de novembre 2017 ; que l’accord de coexistence vise uniquement et exclusivement à règlementer l’usage du signe C Chartreux et la marque [H]&CHARTREUX ; qu’en aucun cas, la portée de cet accord ne peut être élargie et ne saurait être interprétée comme une interdiction de l’utilisation du vocable “chartreux” et une limitation de la liberté d’expression de la société CELLIER DES CHARTREUX.
Elle expose que l’accord conclu en 2017 a pour objet :
– Le retrait de la marque semi-figurative C CHARTREUX N°016130536 ainsi que de la marque internationale C CHARTREUX N°1337661 désignant la Chine enregistrée le 4 janvier 2017.
– l’accord de déposer la marque [H]&CHARTREUX désigner des vins en Europe et en Chine.
– l’autorisation de l’usage du signe semi-figuratif en Europe et en Chine par le CELLIER DES CHARTREUX :
Elle soutient que l’article 3 de l’accord de coexistence dispose que « CELLIER DES CHARTREUX s’engage à faire systématiquement usage de la marque [H]&CHARTREUX en caractères de même taille sur une même ligne, sans jamais mettre en exergue le vocable CHARTREUX et ce, en rapport avec des vins exclusivement, à quelque titre et sur quelque support que ce soit (y compris internet) tant en Union Européenne qu’en Chine. CELLIER DES CHARTREUX s’engage à ne jamais utiliser le vocable CHARTREUX pris isolément, à quelque titre que ce soit (y compris internet), tant en Union Européenne qu’en Chine » ; que cette disposition concerne l’usage de la marque [H]&CHARTREUX et ne peut en aucun cas être interprétée comme un engagement de ne pas utiliser le terme CHARTREUX sorti du contexte précis de l’accord de coexistence ; qu’il ne s’est jamais engagé à ne pas utiliser le terme CHARTREUX alors même qu’il dispose d’un droit antérieur sur le terme CHARTREUX par sa dénomination sociale et que sa marque verbale CELLIER DES CHARTREUX déposée en 2016 bénéficie incontestablement de la forclusion par tolérance prévue à l’article L.716-4-5 1° du code de la Propriété Intellectuelle.
Elle indique que l’article 5 de l’accord qui dispose que « CELLIER DES CHARTREUX s’engage à ne jamais porter atteinte aux intérêts de la COMPAGNIE FRANCAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE et/ou à l’image de l’Ordre des Chartreux dans le cadre de l’usage consenti par la COMPAGNIE FRANCAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE du signe semi-figurarif C CHARTREUX depuis 1929, tant en Union Européenne qu’en Chine. Notamment CELLIER DES CHARTREUX s’interdit :
– toute référence à/ou toute thématique commerciale ou publicitaire à même d’impacter directement ou indirectement l’Image de l’Ordre des Chartreux et/ou de la religion chrétienne ;
– l’usage de toute nuance de vert ou de jaune ainsi que l’usage d’une typographie identique ou approchante de celle utilisée par la COMPAGNIE FRANCAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE” doit s’interpréter au regard des engagements pris par le CELLIER DES CHARTREUX qui ne concernent que l’usage du signe semi figuratif C CHARTREUX ; qu’il ne saurait être interprété comme le prétend la COMPAGNIE FRANCAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE comme un encadrement «des références commerciales et publicitaires liées à l’ordre des Chartreux et plus largement à la religion chrétienne ».
Que l’article 6 de l’accord qui dispose :
« CELLIER DES CHARTREUX s’engage à faire précéder systématiquement le vocable CHARTREUX du logotype C et à veiller sur tous supports (y compris sur internet) à la prédominance de ce logotype C, dans le cadre de l’usage consenti par la COMPAGNIE du signe semi-figuratif C CHARTREUX depuis 1929, tant en Union Européenne qu’en Chine » ne concerne que l’usage consenti du logotype C CHARTREUX.
Par ailleurs, il soutient que depuis plus de 10 ans la société CELLIER DES CHARTREUX eut l’idée d’associer ses produits à l’image de chats de la race des chartreux ainsi qu’en attestent les nouveaux produits et cuvées “la nuit tous les chats sont gris”, “châmasutra”, “je donne ma langue au chat” ; qu’elle utilise sur ces étiquettes ou dans ses supports de communications des représentations de chats et s’y référe par différents jeux de mots tel que par exemple pour ses vins Côtes du Rhône si dessous reproduits :
Elle fait valoir que cette cuvée ne porte pas atteinte à l’image de l’ordre des Chartreux; que s’agissant de l’évènement “Les Chartreux partent en Live”, elle a mis en avant des visuels de chats de la race des Chartreux ; qu’en aucun cas, la COMPAGNIE FRANÇAISE DE LA GRANDE-CHARTREUSE ne dispose d’un monopole d’exploitation sur ce terme générique :
S’agissant du vin « une petite cuvée au poil » de la cuvée [R] [H] & Chartreux, elle indique qu’il est perçu comme signifiant, une cuvée proche de la perfection ; que cette expression fait également référence à la barbe de Monsieur [R] [H], qui collabore depuis des années avec le CELLIER DES CHARTREUX ; qu’il ne peut être raisonnablement soutenu que le consommateur de ces produits fera un lien avec l’ordre des Chartreux ou plus précisément les moines constituant cet ordre et le vin « une petite cuvée au poil » ; qu’en tout état de cause, le CELLIER DES CHARTREUX ne s’est pas engagé à ce qu’aucun risque de confusion ne se produise ; qu’en effet, un tel engagement aurait un caractère déraisonnable dès lors qu’il le priverait de l’usage de son nom CELLIER DES CHARTREUX sur lequel il dispose d’un droit antérieur, et du droit à ne pas être attaqué pour l’usage de sa marque CELLIER DES CHARTREUX qui bénéficie de la forclusion par la tolérance pour les vins ; que les indignations de la demanderesse à l’égard des usages prétendument de nature à impacter l’image de la religion chrétienne sont tout à fait déplacées ; qu’aucun des actes incriminés ne porte une quelconque attaque ou critique à l’encontre la religion chrétienne ou ses ordres monastiques qui ne sont à aucun moment représentés sous quelque forme que ce soit, ni même simplement évoqués ; que par ailleurs le dépôt de la marque SEPT ETOILES à laquelle il est reproché une référence biblique est antérieure à la conclusion de l’accord de coexistence ; que cette marque n’a fait l’objet d’aucune contestation ; que l’utilisation des étoiles est par ailleurs tout à fait usuelle dans le domaine des vins ; que les vins commercialisés par le CELLIER DES CHARTREUX proviennent de parcelles situées sur un ancien étang asséché et rendu cultivable par les Chartreux en 1612 et où se situent les anciennes fermes des Chartreux [L], [J], [B] et [Y]; que c’est donc tout naturellement que certaines de ces cuvées portent ces noms ; que s’agissant de la cuvée « je résiste à tout sauf à la tentation », il s’agit là encore d’une marque déposée et enregistrée par le Cellier des chartreux le 28 novembre 2017 ; qu’elle n’a aucun rapport avec la religion chrétienne ; qu’il s’agit d’une célèbre expression d’Oscar Wilde qui est devenue représentative de l’humour anglais ; que par ailleurs, les bouteilles de vin du CELLIER DES CHARTREUX ne comportent aucune similitude avec les bouteilles CHARTREUSE ; que la typographie figurant sur l’étiquette du vin MARSELAN est totalement différente de celle de la bouteille CHARTREUSE qui de sucroît ne présente aucune originalité ; que le vocable CHARTREUSE apparaît en lettres bâton de couleur noire alors que le vocable Marselan est représenté dans une typographie stylisée composée d’une lettre majuscules et de 7 lettres minucules :
Elle indique, s’agissant des verres à vin, que l’accord de coexistence avait entre autres pour objet l’accord de l’usage du signe semi-figuratif pour du vin en Europe ; que cet accord ne concerne pas les verres ; que la disposition visuelle adoptée sur les verres, ne montre aucunement « une prédominance du terme CHARTREUX » en premier plan mais plutôt la lettre C :
Elle expose enfin que l’accord dispose en son article 7 “sous réserve du respect des engagements contractés par CELLIER DES CHARTREUX et stipulés aux articles 1 à 6, la COMPAGNIE FRANCAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE s’engage à renoncer à toute action judiciaire à l’encontre de CELLIER DES CHARTREUX et consent à ce que la marque [H]&CHARTEUX et le signe semi figuratif C CHARTREUX depuis 1929 coexistent avec la marque notoire CHARTREUSE, tant en Union européenne qu’en Chine» ; que cet accord de coexistence ne prévoit pas le versement de dommages et intérêts en cas d’inexécution d’une des parties ; qu’elle est de bonne foi et a toujours respecté les termes de l’accord signé.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 mai 2024 et l’affaire renvoyée à l’audience du 6 juin 2024.
Les demandes principales :
S’agissant des atteintes à l’accord de coexistence et des interdictions sous astreinte sollicitées :
En application des articles 1103 et 1104 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
En l’espèce, la Compagnie Française de la Grande Chartreuse détient la marque notoire Chartreuse, protégée tant en France qu’à l’étranger ; la protection dans l’hexagone remonte à 1869 pour le compte des pères Chartreux, toujours propriétaires et concepteurs des célèbres liqueurs Chartreuse.
Considérant que l’utilisation par la société coopérative agricole Cellier des Chartreux de la terminologie des “chartreux” pour le nom du cellier ou pour des cuvées prestige, était susceptible de créer une confusion dans l’esprit des consommateurs, la Compagnie Française de la Grande Chartreuse a obtenu de la société Cellier des Chartreux qu’elles régularisent un accord de coexistence, qui a été signé entre les parties les 14 et 29 novembre 2017.
L’accord dispose notamment que :
– Article 3 :
« CELLIER DES CHARTREUX s’engage à faire systématiquement usage de la marque [H]&CHARTREUX en caractères de même taille sur une seule et même ligne, sans jamais mettre en exergue le vocable CHARTREUX et ce, en rapport avec des vins exclusivement, à quelque titre et sur quelque support que ce soit (y compris internet) tant en Union Européenne qu’en Chine.
CELLIER DES CHARTREUX s’engage à ne jamais utiliser le vocable CHARTREUX pris isolément, à quelque titre que ce soit et sur quelque support que ce soit (y compris Internet), tant en Union européenne qu’en Chine ».
– Article 5:
« CELLIER DES CHARTREUX s’engage à ne jamais porter atteinte aux intérêts de la COMPAGNIE FRANCAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE et/ou à l’image de l’Ordre des Chartreux dans le cadre de l’usage consenti par la COMPAGNIE FRANCAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE du signe semi-figuratif C CHARTREUX depuis 1929, tant en Union européenne qu’en Chine. Notamment, CELLIER DES CHARTREUX s’interdit :
– toute référence à/ou toute thématique commerciale ou publicitaire à même d’impacter directement ou indirectement l’image de l’Ordre des Chartreux et/ou de la religion chrétienne ;
– l’usage de toutes nuances de vert ou de jaune ainsi que l’usage d’une typographie identique ou approchante de celle utilisée par la COMPAGNIE FRANCAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE ».
– Article 6 :
« CELLIER DES CHARTREUX s’engage à faire précéder systématiquement le vocable CHARTREUX du logotype C et à veiller sur tous supports (y compris Internet) à la prédominance de ce logotype C, dans le cadre de l’usage consenti par la COMPAGNIE FRANCAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE du signe semi-figuratif C CHARTREUX depuis 1929 tant en Union européenne qu’en Chine.»;
– Article 7 :
“Sous réserve du respect des engagements contractés par la présente par CELLIER DES CHARTREUX et stipulés aux articles 1 à 6, la COMPAGNIE FRANCAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE s’engage à renoncer à toute action judiciaire à l’encontre de CELLIER DES CHARTREUX et consent à ce que la marque [H]&CHARTREUX et le signe semi-figuratif C CHARTREUX depuis 1929 coexistent avec la marque notoire CHARTREUSE, tant en Union européenne qu’en Chine.
C’est dans ces circonstances que la marque semi figurative de l’Union Européenne
a fait l’objet d’un retrait auprès de l’EUIPO le 07 décembre 2017, et que c’est l’usage du signe commercial qui est accepté.
En l’état de l’accord signé entre les parties, il convient de vérifier si la société CELLIER DES CHARTREUX a respecté ou non ses obligations contractuelles à l’égard de la COMPAGNIE FRANCAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE, le présent litige ayant lieu sur le terrain contractuel et non sur le terrain du droit des marques :
La cuvée CHAMASUTRA
Si l’étiquette portée sur la bouteille présente un chat en diverses positions en arrière fond, la référence au terme Kama-Sutra, traité scientifique conforme à la conception traditionnelle de l’Inde ancienne, selon laquelle la sexualité relève de la physiologie et de la vie religieuse, non pas de la morale ; il prodigue des conseils de séduction pour une vie harmonieuse dans le couple, notamment au travers de positions sexuelles.
Ce vin, commercialisé par la Cuvée des Chartreux, constitue ainsi indéniablement une atteinte à l’article 5 de l’accord signé entre les parties, en ce qu’il est susceptible d’impacter directement ou indirectement l’image de l’Ordre des Chartreux qui prône notamment la chasteté et par voie de conséquence la religion chrétienne.
En conséquence, il sera fait interdiction à la Cuvée des Chatreux d’utiliser cette expression sur tous ses supports publicitaires et commerciaux.
L’évènement “Les chartreux partent en live”:
De la même façon, l’expression “les chartreux partent en live” est contraire à l’Accord passé, en ce qu’il utilise de manière isolée le terme Chartreux, quand bien même la Cuvée des Chartreux tente habilement de contourner la règle en la justifiant par la référence à la race de chats des Chartreux ; l’expression porte atteinte à l’ordre monastique en associant le terme Chartreux à un évènement festif, dansant et alcoolisé.
En conséquence, il sera fait interdiction à la Cuvée des Chatreux d’utiliser cette expression sur tous ses supports publicitaires et commerciaux.
Le Mas [J] :
Il n’est pas contesté que le CELLIER DES CHARTREUX commercialise ses vins provenant de parcelles situées sur un ancien étang asséché et rendu cultivable par les moines chartreux en 1612, et qu’il exploite les anciennes fermes des chartreux [L], [J], [B] et [Y], noms utilisés pour certaines cuvées.
Aucune référence ou toute thématique commerciale ou publicitaire à même d’impacter directement ou indirectement l’image de l’Ordre des Chartreux ou de la religion chrétienne ne peut être reprochée au CELLIER DES CHARTREUX, de sorte que cette cuvée n’est pas concernée par les interdictions stipulées au contrat.
La cuvée SEPT ETOILES :
Un consommateur moyen ne peut faire un quelconque rapprochement avec l’Ordre des chartreux ; il n’y a ni atteinte à l’ordre ou à la religion, ni caractère offensant voir dérisoire dans l’emploi de cette expression.
La cuvée “Je résiste à tout sauf à la tentation”
Il est indéniable qu’il y a là une référence très claire à un verset biblique, de sorte qu’il s’agit d’une expression à même d’impacter directement ou indirectement l’image de l’Ordre des Chartreux ou de la religion chrétienne.
En conséquence, il sera fait interdiction à la Cuvée des Chatreux d’utiliser cette expression sur tous ses supports publicitaires et commerciaux.
Les cuvées “Une petite cuvée au poil!”, “Marselan” et “La nuit tous les chats sont gris”:
Il y a lieu de constater d’une part, qu’il n’y a pas d’emploi isolé du terme Chartreux ; d’autre part, il n’y a aucune référence ni atteinte à l’ordre monastique des Chartreux ou à la religion chrétienne.
La cuvée “Une petite cuvée au poil!” est sans doute un clin d’oeil au partenariat de la Cuvée des Chartreux avec le sportif [R] [H] connu pour sa barbe fournie, et l’expression a une connotation humoristique qui renvoie à un vin de bonne qualité.
La cuvée “Marselan”ne peut en aucune façon être associée aux liqueurs Chartreuse, la police utilisée n’étant pas identique contrairement à ce que soutient la demanderesse.
La cuvée “La nuit tous les chats sont gris” ne fait aucune référence à l’ordre monastique des Chartreux ou à la religion chrétienne.
Les cuvées “Chartreux Classic” et “l’âme des Chartreux”:
Il est indéniable que CELLIER DES CHARTREUX a mis en exergue le vocable CHARTREUX isolément contrairement aux dispositions de l’article 3 de l’Accord ; En conséquence, il sera fait interdiction à la Cuvée des Chatreux d’utiliser ces expressions sur tous ses supports publicitaires et commerciaux.
Sur la promotion de verres à vin
Contrairement à ce que soutient la demanderesse, si la disposition visuelle adoptée sur les verres litigieux du terme CHARTREUX est différente du signe commercial autorisé
il ne résulte cependant pas de cette disposition une proéminence du terme CHARTREUX en premier plan, la lettre C dont le graphisme est similaire à celui du signe commercial susvisé étant plus visible et non dissocié de l’expression qui suit : “CHARTREUX depuis 1929″.
En conséquence, il n’y a de ce chef, aucune violation aux termes de l’accord de coexistence.
***
En conséquence de ce qui précède, il y a lieu de faire interdiction à la société CELLIER DES CHARTREUX de reproduire ou de faire usage, de quelque manière que ce soit et à quelque titre que ce soit du signe CHARTREUX dans un sens proscrit par l’accord de coexistence signé entre les parties en novembre 2017.
Compte tenu d’un rappel d’une règle de portée générale s’imposant au co-contractant, il n’y a pas lieu de l’assortir d’une astreinte provisoire.
Par ailleurs, il y a lieu d’enjoindre à la société CELLIER DES CHARTREUX de cesser toute utilisation commerciale et publicitaire sur tous supports que ce soit des expressions et termes suivants:“ Chamasutra”, “Les Chartreux partent en live”, “Je résiste à tout sauf à la tentation”, “Chartreux Classic” et “l’âme des Chartreux”, et d’assortir les interdictions susvisées d’une astreinte provisoire de 500€ par infraction constatée, passé le délai de 15 jours suivant la signification du présent jugement.
Sur la demande de dommages et intérêts :
Les agissements susvisés qui caractèrisent une violation contractuelle des engagements de la société CELLIER DES CHARTREUX portent atteinte à l’honneur et à la probité de l’Ordre des Chartreux représenté par la société COMPAGNIE FRANÇAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE en charge de la commercialisation des liqueurs CHARTREUSE en France et à l’étranger, qui constituent un patrimoine essentiel à préserver pour cet Ordre vivant et actif depuis l’an 1084.
En effet, au-delà de l’activité séculaire développée par l’Ordre dans le cadre de la fabrication des liqueurs dont la recette est protégée, il poursuit concommitament sa vocation de prière et de solitude.
Ainsi, il y a lieu de protéger son image, sa vocation et les voeux des moines et frères de l’Ordre de toute atteinte à la dimension sacrée de leur engagement et de leur mission, d’assurer le respect des valeurs qu’ils prônent, et d’empêcher tout comportement de nature à porter atteinte au caractère sacré de leur vie religieuse.
Ainsi, en commercialisant un certain nombre de produits qui portent atteinte à l’image, à la mission, et aux voeux de l’Ordre des Chartreux en violation des engagements pris, la société CELLIER DES CHARTREUX a commis une faute contractuelle qui a généré un préjudice qu’il y a lieu d’indemniser.
Par une appréciation de la gravité des fautes contractuelles ci-dessus caractérisées, de leur mulptiplication et de la durée dans laquelle ils se sont inscrits et de la gravité du préjudice moral qu’ils ont pu engendrer, la société CELLIER DES CHARTREUX sera condamnée à payer à la société COMPAGNIE FRANÇAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE la somme de 50 000€ à titre de dommages et intérêts.
Sur la demande de publication :
Eu égard aux condamnations prononcées, il y a lieu d’ordonner la publication du dispositif du présent jugement ou d’extraits du jugement choisis par la société COMPAGNIE FRANÇAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE, dès le lendemain de sa significationet pour une durée d’un mois, dans un encadré parfaitement visible intitulé « Publication judiciaire››, en lettres noires sur fond blanc dans une police de caractère qui ne serait être inférieure à 12 ou équivalent, sur la partie immédiatement accessible de la page d’accueil et sur une surface égale à au moins 50% de la surface de la page d’accueil :
– du site internet disponible à l’adresse http://cellierdeschartreux.fr/ ou à toutes autres adresses qui pourraient lui être substituées par la société CELLIER DES CHARTREUX ;
– des réseaux sociaux exploités par la société CELLIER DES CHARTREUX notamment le compte lnstagram disponible à l’adresse https://www.instagram.com/cellierdeschartreux/ et le compte Facebook disponible à l’adresse https://www.facebook.com/cellierdeschartreux ou à toutes autres adresses qui pourraient leur être substituées par la société CELLIER DES CHARTREUX ;
– de 3 journaux, revues ou magazines au choix de la société COMPAGNIE FRANÇAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE, aux frais de la société CELLIER DES CHARTREUX, dans la limite de 5.000 € par publication.
Les demandes accessoires :
La société CELLIER DES CHARTREUX, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens.
Il n’est pas inéquitable de condamner la société CELLIER DES CHARTREUX à payer à la société COMPAGNIE FRANÇAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE la somme de 10 000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
LE TRIBUNAL, statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,
FAIT INTERDICTION à la société CELLIER DES CHARTREUX de reproduire ou de faire usage, de quelque manière que ce soit et à quelque titre que ce soit du signe CHARTREUX dans un sens proscrit par l’accord de coexistence signé entre les parties en novembre 2017 ;
DIT qu’il n’y a pas lieu d’assortir cette condamnation d’une astreinte provisoire ;
ENJOINT à la société CELLIER DES CHARTREUX de cesser toute utilisation commerciale et publicitaire sur tous supports que ce soit des expressions et termes suivants :
“ Chamasutra”, “Les Chartreux partent en live”, “Je résiste à tout sauf à la tentation”, “Chartreux Classic” et “l’âme des Chartreux” ;
DIT que cette interdiction sera assortie d’une astreinte provisoire de 500€ par infraction constatée passé le délai de 15 jours suivant la signification du présent jugement ;
CONDAMNE la société CELLIER DES CHARTREUX à payer à la société COMPAGNIE FRANÇAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE la somme de 50 000€ à titre de dommages et intérêts ;
CONDAMNE la société CELLIER DES CHARTREUX à payer à la société COMPAGNIE FRANÇAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE la somme de 10 000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
ORDONNE la publication du dispositif du présent jugement ou d’extraits du jugement choisis par la société COMPAGNIE FRANÇAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE, dès le lendemain de sa signification et pour une durée d’un mois, dans un encadré parfaitement visible intitulé « Publication judiciaire››, en lettres noires sur fond blanc dans une police de caractère qui ne serait être inférieure à 12 ou équivalent, sur la partie immédiatement accessible de la page d’accueil et sur une surface égale à au moins 50% dela surface de la page d’accueil :
– du site internet disponible à l’adresse http://cellierdeschartreux.fr/ ou à toutes autres adresses qui pourraient lui être substituées par la société CELLIER DES CHARTREUX ;
– des réseaux sociaux exploités par la société CELLIER DES CHARTREUX notamment le compte lnstagram disponible à l’adresse https://www.instagram.com/cellierdeschartreux/ et le compte Facebook disponible à l’adresse https://www.facebook.com/cellierdeschartreux ou à toutes autres adresses qui pourraient leur être substituées par la société CELLIER DES CHARTREUX ;
– de 3 journaux, revues ou magazines au choix de la société COMPAGNIE FRANÇAISE DE LA GRANDE CHARTREUSE, aux frais de la société CELLIER DES CHARTREUX, dans la limite de 5.000 € par publication.
CONDAMNE la société CELLIER DES CHARTREUX aux entiers dépens.
AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 05 Septembre 2024
LE GREFFIER LE PRESIDENT