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Les idéogrammes ne sauraient constituer une déclinaison d’une marque ‘ombrelle’ en ce que leur caractère faiblement distinctif ne permet pas au public pertinent de retenir une différenciation avec la marque du déposant.
En l’absence de caractère distinctif de la marque (en raison de son usage), il ne saurait exister d’usage sérieux à titre de marque. Un idéogramme qui ne fait que renseigner sur l’origine d’un produit, n’est que descriptif , et se trouve dépourvu de tout caractère distinctif L’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle énonce que ‘Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l’enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d’Etat. Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa : 1° L’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ; 2° L’usage fait par une personne habilitée à utiliser la marque collective ou la marque de garantie ; 3° L’usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ; 4° L’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l’exportation.’ Il est constant qu’en application de ce texte, le point de départ de la période de référence de cinq ans doit être appréciée au plus tôt à la date d’enregistrement de la marque ou à compter du dernier acte d’exploitation, si celui-ci est postérieur au cinquième anniversaire de la publication de l’enregistrement. L’article L.716-3-1 du même code prévoit quant à lui que ‘La preuve de l’exploitation incombe au titulaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.’ |
Résumé de l’affaire : La SAS Castel Frères a déposé deux marques figuratives en chinois pour des boissons alcooliques, l’une en 2006 et l’autre en 2008. La société Shangaï Panati Wine Co Ltd a commercialisé des vins en Chine sous une marque similaire, entraînant une assignation de Castel Frères devant le tribunal de Bordeaux en 2018 pour demander la déchéance des marques. Le tribunal a rejeté les demandes de Shangaï Panati Wine en avril 2021, mais cette dernière a fait appel. Parallèlement, l’office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle a prononcé la déchéance de la marque européenne de Castel Frères. En octobre 2022, le tribunal de l’Union européenne a rejeté le pourvoi de Castel Frères. Castel Frères a ensuite déposé de nouvelles marques en 2021. Shangaï Panati Wine a formulé des demandes en appel, incluant la déchéance des marques de Castel Frères et des accusations de mauvaise foi concernant les nouveaux dépôts. Castel Frères a également déposé des conclusions en appel pour confirmer le jugement initial et demander des dommages et intérêts. L’affaire est fixée pour audience en mai 2024, avec l’instruction clôturée en janvier 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 18 SEPTEMBRE 2024
N° RG 21/04255 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MHQQ
Société SHANGHAÏ PANATI WINE CO LTD
c/
S.A.S. CASTEL FRERES
Nature de la décision : AU FOND
Copie exécutoire délivrée le : 18/09/2024 à
à Maître Albin TASTE et Maître Charlotte DE REYNAL
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 avril 2021 par le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 18/05641) suivant déclaration d’appel du 22 juillet 2021
APPELANTE :
Société SHANGHAÏ PANATI WINE CO LTD, société chinoise à Responsabilité Limitée, immatriculée au Bureau du Commerce et des Sociétés, District Hongkou, Shanghai, sous le numéro 0900 0000 2017 0525 0121, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège sis [Adresse 2] -CHINE
représentée par Maître Albin TASTE de la SELAS CABINET LEXIA, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître Catherine MATEU de l’AARPI ARMENGAUD – GUERLAIN, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.A.S. CASTEL FRERES agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège social sis [Adresse 1]
représentée par Maître Charlotte DE REYNAL de la SELARL CABINET REYNAL – PERRET, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Benoît DENIAU, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 mai 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel BREARD, conseiller, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Paule POIREL, présidente,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Greffier lors des débats : Véronique SAIGE, greffier
Greffier lors du prononcé : Mélina POUESSEL, greffier placé
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
La SAS Castel Frères a déposé deux marques figuratives françaises rédigées en langue chinoise :
– la n°3458398 déposée le 20 octobre 2006 et publiée le 30 mars 2007 pour des ‘boissons alcooliques à l’exception des bières’ exprimée en lettres chinoises.
– la n°3551386 déposée le 23 janvier 2008 et publiée le 29 février 2008 pour des produits ‘vins tranquilles’ exprimée en lettres chinoises.
La société Shangaï Panati Wine Co Ltd a commercialisé des bouteilles de vin en Chine sous une marque reprenant les lettres chinoises composant la marque déposée par la société Castel Frères.
Par acte d’huissier du 6 juin 2018, la société Shangaï Panati Wine Co Ltd a fait assigner la société Castel Frères devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins, notamment, de voir prononcer la déchéance des marques françaises précitées détenues par la société Castel Frères.
Le 9 avril 2021, la société Castel Frères a déposé une nouvelle marque figurative française n°4753565.
Par jugement contradictoire du 13 avril 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Castel Frères,
– rejeté toutes les demandes,
– condamné la société Shangai Panati Wine à payer à la société Castel Frères la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Shangai Panati Wine aux dépens,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
La société Shangai Panati Wine Co Ltd a relevé appel de ce jugement par déclaration du 22 juillet 2021, en ce qu’il a :
– rejeté toutes les demandes présentées par la société Shangai Panati Wine Co Ldt,
– condamné la société Shangai Panati Wine à payer à la société Castel Frères la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Shangai Panati Wine aux dépens,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Parallèlement, la société Shangai Panati Wine Co Ltd a engagé une procédure devant l’office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle qui a prononcé la déchéance de la marque de la société Castel Frères déposée au niveau eurpéen pour les mêmes signes.
Par arrêt du 19 octobre 2022, le tribunal de l’Union européenne a rejeté le pourvoi formé par la société Castel Frères.
Le 21 octobre 2021, la société Castel Frères a déposé une nouvelle marque figurative française n°4907366 et une marque figurative européenne n°018779257.
Par conclusions déposées le 21 décembre 2023, La société Shangai Panati Wine Co Ltd demande à la cour de :
– recevoir la société Shangai Panati Wine Co Ltd en son appel dirigé à l’encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 13 avril 2021,
– déclarer la société Castel irrecevable et mal fondée en son appel incident et l’en débouter,
Statuant à nouveau,
– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a dit que les marques françaises n°3458398 et n°3551386 ont été exploitées en France pendant une période ininterrompue de 5 ans conformément aux dispositions de l’article L. 714- 5 du code de la propriété intellectuelle,
– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté la société Shangai Panati Wine Co Ltd de sa demande en déchéance des marques n°3458398 et n°3551386 pour les «boissons alcooliques à l’exception des bières » et les « vins tranquilles » respectivement à compter du 30 mars 2012 et du 1er mars 2013,
– juger que les marques françaises n°3458398 et n°3551386 n’ont pas été exploitées en France conformément aux dispositions de l’article L. 714- 5 du code de la propriété intellectuelle pendant une période ininterrompue de 5 ans,
– prononcer la déchéance totale des droits de la société Castel Frères sur les marques
françaises n°3458398 et n°3551386, respectivement à compter du 30 mars 2012 et du 1er mars 2013,
– juger que les marques françaises n°4753565 et n°4907366 ont été déposées de mauvaise foi par la société Castel Frères,
– prononcer la nullité pour dépôt frauduleux des marques française (i) n°4753565 déposée 4 jours avant le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 13 avril 2021 et 18 jours après la décision de la chambre des recours de l’EUIPO du 22 mars 2021 prononçant la déchéance de la marque de l’Union européenne n°6785109 et (ii) n°4907366 déposée 2 jours après la décision du tribunal de l’Union européenne confirmant la déchéance de la marque de l’Union européenne précitée, et subsidiairement prononcer la nullité pour dépôt frauduleux de la marque française n°4753565 et de la marque française n°4907366 en ce qu’elle vise des produits de la classe 33,
– juger que la société Castel Frères a commis un abus de droit en déposant la marque de l’Union européenne n°18779257,
– condamner sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de quinze jours suivant la signification de la présente décision la société Castel Frères à procéder au retrait de la marque de l’Union européenne n°18779257,
– condamner la société Castel Frères à verser la somme de 50 000 euros à la société Shangai Panati Wine Co Ltd en réparation des actes d’abus de droit et de fraude constitués par les dépôts précités,
– ordonner la transmission de la décision à intervenir par la partie la plus diligente à l’institut national de la propriété industrielle aux fins d’inscription sur le registre national des marques conformément aux dispositions de l’article R. 714-3 du code de la propriété intellectuelle,
– infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné la société Shanghai Panati Wine Co Ltd à payer à la société Castel Frères la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’elle a condamné la société Shanghai Panati Wine Co Ltd aux dépens,
– débouter la société Castel Frères de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– condamner la société Castel Frères à payer à la société Panati la somme de 20 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Castel Frères aux entiers dépens de première instance et d’appel en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 2 janvier 2024, la société Castel Frères demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté l’intégralité des demandes de la société Shanghai Panati Wine et l’a condamnée aux dépens,
– reformer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Castel Frères et ses demandes reconventionnelles,
Statuant à nouveau,
– déclarer irrecevable la demande de la société Shanghai Panati Wine d’une part comme étant nouvelle en cause d’appel en ce qui concerne les demandes relatives aux marques françaises n°4753565 et européenne n° 018779257, et d’autre part à défaut d’intérêt légitime,
– débouter la société Shanghai Panati Wine de l’ensemble de ses demandes, fins et
conclusions,
– condamner la société Shanghai Panati Wine à payer à la société Castel Frères la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– condamner la société Shanghai Panati Wine à payer à la société Castel Frères la somme de 15 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamner aux entiers dépens.
L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 13 mai 2024.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 04 janvier 2024.
I Sur la recevabilité des demandes relatives aux marques n°4753565, n°4907366 et n°18779257.
La société intimée, arguant des articles 564, 565, 566 et 910-4 du code de procédure civile, indique que les demandes de l’appelante interviennent 4 ans après le dépôt de l’assignation initiale, pour juger de la validité de nouveaux dépôts, en écartant un premier degré de juridiction, alors que ceux-ci portent sur des signes et/ou des libellés et/ou des territoires différents et des dates et périodes d’usages distinctes.
Elle estime qu’il s’agit d’un nouveau litige relatif à de nouvelles marques et souligne le caractère tardif des demandes au vu des dépôts effectués et donc que les prétentions adverses à ce titre sont irrecevables.
La société Shangaï Panati Wine Co Ltd met pour sa part en avant le fait qu’elle a découvert 4 jours avant le délibéré des premiers juges le dépôt de la marque n°4753565, soit après la décision de l’EUIPO du 22 mars 2021 prononçant la nullité d’une des deux marques initialement objet du présent litige, puis 2 jours avant le même délibéré et donc également après la même décision européenne, le dépôt de la marque n°4907366.
S’agissant de la marque européenne n°18779257, elle note que le dépôt a été effectué le 21 octobre 2022, soit deux jours après l’arrêt du Tribunal de l’Union Européenne rejetant la demande de pourvoi de son adversaire.
Elle soutient que ces dépôts sont nouveaux et frauduleux, n’ayant été découverts qu’après, au mieux, la mise en délibéré de la décision attaquée. Elle considère que la position de son adversaire ne tient pas compte du fait qu’il s’agit de signes identiques.
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En vertu de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
La cour constate qu’il est soutenu par la société en demande que les marques attaquées, qu’il s’agisse des n°348398 ou 35511386 objets des demandes initiales, ou de celles déposées depuis la décision attaquée portent sur des idéogrammes chinois identiques et sur le même marché pertinent, à savoir le marché français, alors qu’il n’est pas contesté que ces signes sont toujours utilisés.
Les demandes de la société Shangaï Panati Wine Co en ce qu’elles tendent à l’annulation de marques française figuratives déposées par la société intimée en cours de procédure portant sur le même signe que celui des marques initialement en litige pour désigner des produits identiques, tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, à savoir la protection des droits de la société Shangaï Panati Wine Co sur le signe rédigé en lettres chinoises déposé à titre de marque par la société Castel Frères pour désigner des ‘boissons alcooliques à l’exception des bières’ et des ‘vins tranquilles’ ne constituent pas, conformément aux dispositions de l’article 565 du code de procédure civile, des demandes nouvelles en appel qui partant seraient irrecevables.
II Sur la recevabilité de l’action en déchéance de marque.
La société Castel Frères, au visa des articles L.714-5 du code de la propriété intellectuelle et 31 du code de procédure civile, avance que la société Shangaï Panati Wine Co Ltd n’établit pas avoir d’intérêt à agir, faute d’être sa concurrente ou de potentiellement l’être.
Elle expose que son adversaire n’a pas de projet avancé de commercialisation de ses produits sur le territoire français, faute d’acte concret pour s’implanter sur ce marché. Elle soutient qu’il s’agit d’une volonté de la part de l’appelante de s’emparer de sa marque en contournant une décision l’empêchant d’étiqueter en France son vin destiné au marché chinois, alors qu’elle n’établit pas avoir l’usage de cette marque pour vendre du vin sur le territoire national.
Elle rappelle que la société appelante importe des vins français en Chine, lesquels portent la marque objet du présent litige grâce à un étiquetage réalisé en France, ce qui constitue à ses yeux une contrefaçon et que son action est frauduleuse.
Elle dénonce le caractère opaque de la demande adverse, relevant que s’il est allégué que les bouteilles de vin sont destinées au marché français, elle ne voit aucun intérêt à les voir dotées de mentions chinoises, faute d’être identifiées par le consommateur français.
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L’article 31 du code de procédure civile mentionne que ‘L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.’
La cour observe dans un premier temps que l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de Cassation en date du 17 janvier 2018 dont se prévaut la société intimée ne concernait pas la société Shangaï Panati Wine Co Ltd, faute d’avoir été partie à ce litige. S’il est exact que cette décision a condamné d’autres membres du même groupe, elle ne saurait avoir autorité de chose jugée sur le présent litige, ni justifier à ce titre l’existence d’une fraude à la seule vue de cet élément.
Il résulte des conclusions mêmes de la société Castel Frères que la société Shangaï Panati Wine Co est bien un concurrent car si elle commercialise des vins sur le marché chinois elle importe également en chine des vins français portant la marque litigieuse.
Dès lors, si la société Shangaï Panati Wine Co Ltd souhaite éviter des actions en contrefaçon et pouvoir exploiter le signe attaqué dans le cadre de son négoce, elle a un intérêt certain à pouvoir agir.
Il s’ensuit que l’intérêt à agir de l’appelante est avéré que la fin de non recevoir soulevée à ce titre sera rejetée et la décision attaquée confirmée de ce chef.
III Sur l’usage sérieux des marques n°3458398 et n°3551386.
La société appelante reproche sur ce point aux premiers juges d’avoir retenu que la société intimée a réalisé un usage conforme à celui attendu de la marque et de ce qu’elle a tenté d’acquérir une position commerciale sur le marché français.
Elle affirme, se prévalant des articles L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, que les signes litigieux n’ont pas fait l’objet d’usage à titre de marque en France par son adversaire.
Ainsi, elle dénonce la confusion par la décision attaquée des critères d’emploi à titre de marque et d’altération du signe distinctif, outre qu’elle s’est gardée de définir le public pertinent.
A ce propos, elle considère que la fonction des idéogrammes chinois reproduits aux côtés des marques Kasite et Dragon de Chine n’étaient pas compris par le public concerné, qui n’est pas en mesure de le prononcer ou de le mémoriser, donc de garantir l’identité d’origine du produit pour lequel elle a été enregistrée.
Elle précise sur ce point qu’en cas d’usage conjoint avec une autre marque, l’élément litigieux doit néanmoins conserver ce caractère.
Elle relève que les premiers juges ont retenu le seul public sinophone et qu’ils feraient l’effort d’assimiler les signes objets du litige avec leur traduction en langue latine, à savoir Kasite.
Elle dénonce le fait qu’il ne peut être retenu lors du présent litige un micromarché, les marques concernées ayant un objet général (boissons alcooliques à l’exception des bières et vins tranquilles) et estime que le public de référence est le public général ou le consommateur de vin français.
Elle insiste sur le fait que la décision de l’EUIPO, à l’inverse de la décision attaquée, a rappelé que les signes objets du présent litige sont perçus par les consommateurs comme abstraits, purement décoratifs, faiblement distinctifs et qu’il n’est pas perçu comme la traduction du mot écrit en alphabet latin Kasite, quand bien même ils seraient vendus par un grossiste à destination d’un large public professionnel.
Elle souligne que le public ne pourra se référer aux signes concernés qu’avec le signe Dragon de Chine, s’agissant du signe le plus visible et le plus utilisé par la société Castel Frères et que cette faiblesse a été reconnue par celle-ci en ce qu’elle a précisé lors des 3 dépôts de ses 3 nouvelles marques la signification des signes concernés, tant littérale en revoyant à sa marque ‘Kasite’ qu’au fait que cette dernière est également la traduction du mot Castel.
Elle met en effet en avant que les signes objets du présent litige sont toujours utilisés avec ces deux autres signes, que la société Castel Frères n’apporte aucune preuve relative à l’utilisation autonome de ces signes et qu’il s’agit donc d’un usage sous forme modifiée, donc non sérieux. Or, s’agissant d’un positionnement secondaire du fait de son absence de visibilité, le public concerné ne pouvant le prononcer, ni le retenir, celui-ci retiendra la marque Dragon de Chine.
Elle dénonce l’absence d’approche concrète des signes par le jugement attaqué, alors qu’il s’agit uniquement de signes figuratifs situés à côté de signes verbaux, toujours plus distinctifs, sans qu’ils soient compréhensibles et aient de ce fait une signification particulière, y compris en ce que le consommateur commande par référence à un élément verbal identifiant une boisson alcoolique ce qui rend moins distinctif les marques concernées.
Elle remarque que les signes mis en avant par son adversaire dans les différentes pièces versées au dossier altèrent ceux objets du présent litige, du fait d’un usage simultané de plusieurs d’entre eux, de la taille prédominante du signe Dragon de Chine et de la primauté du terme Kasite avant les idéogrammes, qui n’ont pas été enregistrés comme translittération de cette dénomination. De même, il n’existe pas selon ses dires d’usage autonomes des signes objets du présent litige en l’absence d’élément contraire apporté par la partie intimée.
Elle ajoute que l’usage fait, en ce qu’il est recouru à d’autres éléments supplémentaires dominants, que les idéogrammes en cause ne sont plus que décoratifs, alors que l’ensemble, s’il résulte d’une combinaison de marques distinctes, n’a pas été enregistré lui-même comme une marque.
Elle remet également en cause l’existence d’une marque ombrelle en ce qu’il n’existe pas de regroupement de plusieurs produits sur le marché bénéficiant de notoriété de la marque principale ou ombrelle pour les doter d’une image spécifique facilitant la communication, faute de preuve d’une marque de forte notoriété, de caractère distinctif propre du signe Dragon de Chine ou disposant d’une image valorisante et désirant se diversifier.
Elle en déduit que les idéogrammes objets du présent litige ont un caractère décoratif, comme l’a retenu la chambre de recours de l’EUIPO, notamment en ce qu’ils ne figurent qu’en dessous des signes Dragon de Chine et Kasite et donc ne constituent qu’une référence à la Chine. En outre, elle note que les signes litigieux n’apparaissent pas dans certaines pièces versées par l’intimée, en particulier dans les menus, factures et catalogues et que la seule mention sur une étiquette d’une bouteille ne saurait être suffisante.
S’agissant de l’argument tiré du fait que les signes litigieux seraient la translitération de la dénomination sociale de la société intimée, elle rappelle que cet élément ne constitue pas un usage à titre de marque et s’il est allégué qu’elle se réfère à du vin rosé, il n’existe pas de preuves suffisantes d’exploitation.
Elle entend que la décision attaquée soit infirmée sur ce dernier point en ce qu’il a retenu comme période de référence de l’exploitation celle entre le 8 juin 2013 et le 8 juin 2018, alors, sans exclure les 3 mois précédant la demande de déchéance, alors même que la société Castel Frères avait connaissance du risque de demande de déchéance et a pu se constituer des preuves à elle-même.
Elle remet en cause également la reprise de l’exploitation des signes objets du présent litige à compter du mois de septembre 2018, celle-ci étant selon elle inopérante, retenant la période allant du 6 mars 2013 et le 3 mars 2018.
Elle dénonce l’absence de références d’exploitation aux marques litigieuses de la part de son adversaire, notamment en ce qu’il s’agit de signes figuratifs, alors que la plupart des pièces adverses mentionnent les signes Dragon de Chine et Kasite, mais non les idéogrammes objets du litige, outre qu’un certain nombre d’entre elles ne sont pas datées. De même, les volumes mis en avant par la société Castel Frères ne permettent pas à ses yeux d’établir la preuve de l’usage des marques contestées.
Elle explique que les rares pièces faisant apparaître ces derniers le font, comme exposé ci-avant, seulement à titre secondaire, accessoire et difficilement visible en raison de leur taille et positionnement.
Elle insiste sur le fait que les dépôts de marques attaqués ne sont que figuratifs et non semi-figuratif et donc que la protection s’applique uniquement à l’image et non à la translitération, ce qui a d’ailleurs fondé les nouveaux dépôts réalisés en 2021, également contestés lors du présent litige.
Elle s’oppose à ce que les pièces mettant en avant l’absence de possibilité de recourir aux idéogrammes chinois lors d’un traitement de texte soient retenues, faute de caractère probant de celles-ci, et que le recours au signe Kasite puisse pallier cette carence.
Pour sa part, la société Castel Frères sollicite à ce qu’il soit reconnu un usage réel et sérieux de sa part des marques n°3458398 et n°3551386. Ainsi, elle soutient que le public pertinent est celui qui est confronté à ces marques et donc que le consommateur chinois ou comprenant le mandarin est avant tout visé.
Elle indique avoir choisi de faire connaître ses vins chinois à travers les restaurant chinois, ceux-ci vendant auprès de leur clientèle des boissons chinoises et donc un public ayant une appétence pour celles-ci.
Elle estime donc avoir un réseau spécifique de distribution destiné à un public particulier du fait de la nature du produit, alors que la France est le pays le plus visité par les chinois et qui présente la plus importante diaspora de cette nationalité en Europe.
Elle souligne au surplus que la marque est le nom sous lequel elle s’est fait connaître en Chine, qu’il s’agit d’un signe atypique mais nécessaire du fait du marché visé, auprès d’un public ayant pour point commun leur appétence pour les produits chinois.
Elle estime que les considérations sur lesquelles s’est basé le TUE sont inopérantes en ce qu’il n’est pas possible de préciser dans le libellé le public de destination et donc que cet argument ne peut être retenu.
Elle considère les marques attaquées comme distinctives, notamment en ce qu’un idéogramme peut être inscrit comme une marque, même à défaut de lire le chinois.
Ainsi, le signe litigieux permet, notamment apposé sur les étiquettes de vin, d’identifier son origine commerciale, notamment pour la clientèle sinophone, et en tout état de cause peut être reconnu par tout consommateur.
Elle dénie que la marque concernée soit utilisée sous une forme modifiée, pouvant être utilisée de manière conjointe avec d’autres, notamment au titre d’une marque ‘ombrelle’, pratique courante en matière de vin.
Elle précise que le signe objet du présent litige désigne un vin spécifique, le vin rosé, au sein de la gamme Dragon de Chine qui désigne sa gamme de vins chinois, alors que la transcription phonétique Kasite de la marque attaquée est destinée à aider le consommateur français non sinophone à se l’approprier phonétiquement.
Elle avance que la pratique de la marque ombrelle n’exige pas une marque notoire, ni un usage indépendant, contrairement à ce qu’a retenu l’office européen à son égard et que cet élément ne saurait donc être décoratif, du fait de ses liens avec sa traduction Kasite retranscrite à côté sur l’étiquette de la bouteille.
Elle rappelle également que sa marque est présentée de manière neutre, parfaitement visible, qu’elle attire l’attention du consommateur en ce qu’elle est placée à côté de sa traduction en caractères latins dont il est la translittération.
Elle verse en ce sens aux débats divers documents, notamment des étiquettes de bouteilles, des fiches d’information du produit, un extrait de catalogue de vin, et conteste les éléments non datés communiqués par son adversaire, faute de pouvoir contrôler les captures d’écran présentées.
Elle s’oppose à ce que le signe contesté constitue un usage de dénomination sociale, ne reprenant pas totalement le nom de la société, en particulier le mot ‘frères’ qui y contenu et rappelle que son choix s’explique du fait qu’elle s’est fait connaître sous ce nom en Chine et qu’il s’agit également de la traduction du nom de son fondateur.
Elle s’offusque du raisonnement de son adversaire, notant que la dénomination de ses vins rouges chinois est différente, alors qu’elle n’a pas deux dénominations sociales.
De même, elle note que le vin rosé constitue non seulement une boisson alcoolique visée par la marque n°345398 et un vin tranquille au sens de la marque n°3551386, ce qui justifie ses deux dépôts au vu des usages des produits visés.
Elle considère ses preuves d’exploitation de la marque admissibles et pertinentes pour la période allant du 8 juin 2013 au 8 juin 2018, en particulier pour l’usage entre 2014 et 2016, précisant que celui-ci perdure et a évolué.
Elle indique que le vins chinois en France constitue un vin de niche, qu’il vise un public ciblé, est commercialisé par le biais de restaurant et de la grande distribution, mais représente dans ce domaine une forte implantation de sa part du fait de sa stratégie en la matière et donc qu’il existe un usage sérieux, comme l’a retenu l’EUIPO.
Elle conteste que le caractère figuratif des marques concernées remette en cause toute translittération, celle-ci n’étant qu’optionnelle et n’ayant qu’un caractère informatif pour l’INPI.
Elle met en avant des brochures imprimées entre 2014 et 2016, les étiquettes apposées sur les bouteilles de vin, une fiche produit de 2015, un barème des tarifs de 2016, des menus de restaurants chinois datés de 2016, des factures de vente, même s’il manque les signes sur certains, pour des questions d’incorporation des polices chinoises, du fait des liens entre les bouteilles concernées permettant en tout état de cause l’identification du produit précité. Elle se prévaut enfin des attestations du commissaire aux comptes sur le chiffre d’affaire relatif au vin référencé faisant référence aux produits portant la marque litigieuse, respectant les conditions de l’article 202 du code de procédure civile, lesquelles confirme en outre l’absence d’intégration possible des caractères chinois dans les documents du fait de son logiciel de gestion et de facturation.
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L’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle énonce que ‘Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l’enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d’Etat.
Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa :
1° L’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ;
2° L’usage fait par une personne habilitée à utiliser la marque collective ou la marque de garantie ;
3° L’usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ;
4° L’apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l’exportation.’
Il est constant qu’en application de ce texte, le point de départ de la période de référence de cinq ans doit être appréciée au plus tôt à la date d’enregistrement de la marque ou à compter du dernier acte d’exploitation, si celui-ci est postérieur au cinquième anniversaire de la publication de l’enregistrement.
L’article L.716-3-1 du même code prévoit quant à lui que ‘La preuve de l’exploitation incombe au titulaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.’
Les parties s’accordent sur le fait que les marques objets du présent litige ont été enregistrées respectivement les 30 mars 2007 et 29 février 2008, que la demande de déchéance a été introduite par assignation du 8 juin 2019.
En application de l’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle et au vu de ces éléments, la période de référence pour déterminer si un usage sérieux a existé est celle allant du 8 juin 2013 au 8 juin 2018.
En ce qui concerne la définition du public pertinent et sa perception de la marque contestée, il est constant que le produit visé, à savoir des bouteilles de vin rosé importées de Chine, sont disponibles tant dans les restaurants ou cafés que les rayons d’alimentation de grandes surfaces. Il est d’ailleurs à souligner que la société Castel frères se prévaut du fait qu’elle souhaite pouvoir développer son activité en la matière.
Dès lors, quand bien même la stratégie commerciale de l’intimée vise un public sinophile, il sera constaté que c’est le grand public, du fait du réseau de distribution précité et en ce qu’une clientèle non spécialisée ou sinophone fréquente les établissements où sont distribuées les bouteilles concernées, qui est confrontée aux signes objets du litige.
La cour constate par ailleurs, s’agissant de l’usage de la marque, que celui-ci résulte essentiellement, au vu de l’ensemble des pièces versées, pour la période retenue ci-avant, des étiquettes de bouteilles de vin rosé de la partie intimée, en particulier sur la période allant du mois de juin 2013 à la fin de l’année 2016, auxquelles se réfèrent les catalogues, factures, fiches d’information versées aux débats par la société Castel Frères.
Il ressort de ces éléments que la présentation suivante a notamment été utilisée :
Au vu de cet élément non remis en cause, il apparaît que le public pertinent, comme retenu ci-avant le grand public, n’est pas en mesure de prononcer ou de mémoriser la marque figurative.
En effet, s’il est exact que les caractères d’alphabet chinois peuvent faire l’objet d’une marque, en ce qu’ils possèdent un caractère distinctif propre, celui-ci se heurtera à un déficit de reconnaissance par le public français moyen confronté à celui objet de la présente contestation, ne pouvant à sa lecture ni le comprendre, ni l’interpréter comme un signe de langue latine. Surtout, il ne sera pas en mesure de saisir le caractère atypique des trois idéogrammes concernés, faute de pouvoir en saisir le sens et donc le caractère peu usité et bien spécifique dans la langue chinoise mis en avant par la partie intimée.
De même, la marque contestée est, selon les dires mêmes de la société Castel Frères, toujours accompagnée d’autres marques, à savoir celle présentant les éléments verbaux ‘Dragon de Chine’ accompagné du dessin d’un dragon et souvent, de celle dénommée ‘Kasite’.
Il sera relevé que l’ensemble des pièces versées aux débats représentant la bouteille dotée de l’étiquette mentionnant la marque contestée, les catalogue, fiches d’information montrent tous une prédominance de taille de la marque ‘Dragon de Chine’, souvent rapprochée de la représentation du dragon, alors que les idéogrammes concernés sont toujours plus petits, en dessous et la plupart du temps précédés de la mention ‘kasite’ située sur la gauche et donc lue en première par le public concerné.
Ainsi, l’impression d’ensemble est dominée non seulement par la marque ‘Dragon de Chine’, mais en outre, notamment en ce que la marque attaquée n’est que figurative, il n’apparaît pas de lien évident avec la mention ‘kasite’ dont elle constitue la translittération.
Dès lors, il résulte de la combinaison de ces éléments qu’il existe bien une altération du caractère distinctif, ce d’autant qu’il n’est pas rapporté la preuve de ce que le public puisse faire le lien avec la mention ‘Kasite’ et ne prenne pas la marque attaquée comme un caractère de fantaisie uniquement destiné à souligner l’origine du vin, et donc décoratif.
Or, un signe qui ne fait que renseigner sur l’origine d’un produit, n’est que descriptif , et se trouve dépourvu de tout caractère distinctif.
De surcroît, les idéogrammes objets du litige ne sauraient constituer une déclinaison d’une marque ‘ombrelle’ en ce que leur caractère faiblement distinctif ne permet pas au public pertinent de retenir une différenciation et de la rapporter à la déclinaison de la gamme des vins d’origine chinoise mise en avant par la société Castel Frères. Cet élément ne saurait donc s’appliquer.
En l’absence de caractère distinctif de la marque (en raison de son usage), il ne saurait exister d’usage sérieux à titre de marque.
Par conséquent, la déchéance des marques n°3458398 et n°3551386 sera prononcée à compter du 8 juin 2013, date de départ de la période de référence, et la décision attaquée sera infirmée de ce chef de demande.
IV Sur la nullité des marques n°4753565 n°49073366 et la marque communautaire n°18779257.
La société appelante, arguant des articles L.711-2 11°, L.714-3 du code de la propriété intellectuelle, retient pour les deux nouvelles marques déposées en France leur caractère frauduleux en ce que leur dépôt concerne le même signe et est destiné à prémunir la société intimée des conséquences de la présente décision si elle lui est favorable et la déchéance prononcée.
Elle souligne que la première citée a été déposée 18 jours après la décision de la chambre des recours de l’EUIPO du 22 mars 2021 et 4 jours avant le jugement attaqué, les deux autres étant intervenus quelques jours après.
Elle en déduit que la société Castel Frères ne pouvait ignorer que ces dépôts ne pouvaient que contrecarrer la déchéance prononcée par les instances européennes et une éventuelle décision française défavorable, ce d’autant qu’elle a pris le soin de préciser la signification de son signe.
Elle conteste que le nouveau signe soit destiné au marché des boissons non alcoolisées en ce qu’il a été déposé également en classe 33, donc également pour les produits visés par la présente procédure.
Il s’agit à ses yeux d’un détournement du droit des marques pouvant être sanctionné sur le fondement de l’article 1240 du code civil au titre de l’abus de droit en ce qu’il existe une intention de lui nuire, fondant sa demande de dommages et intérêts.
La société Castel Frères entend quant à elle qu’il soit retenu sa bonne foi, affirmant que les nouveaux dépôts sont plus larges, en ce qu’ils visent également les boissons non alcoolisées, répond donc à l’évolution du marché et qu’ils tiennent compte des éléments mis en avant par le Tribunal de l’Union Européenne précité du 19 octobre 2022 et de la décision attaquée.
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Il résulte de l’article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle que ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d’être déclarée nulle, une marque dont le dépôt a été effectué de mauvaise foi par le demandeur.
L’article L.714-3 du même code ajoute que ‘L’enregistrement d’une marque est déclaré nul par décision de justice ou par décision du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle, en application de l’article L. 411-4, si la marque ne répond pas aux conditions énoncées aux articles L. 711-2, L. 711-3, L. 715-4 et L. 715-9″.
En application de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
La cour observe à propos des dépôts effectués que ceux-ci ne sauraient avoir été effectués de mauvaise foi par la société Castel frères, celle-ci pouvant se prévaloir d’une part de la décision des premiers juges et, d’autre part, de ce que le dépôt au niveau européen tentait de répondre aux exigences de la décision précitée du Tribunal de l’Union Européenne en date du 19 octobre 2022.
De même, il n’est pas établi par les seules affirmations de la société Shangaï Panati Wine Co Ltd que les nouvelles marques, en particulier françaises, ne répondent pas aux conditions énoncées à l’article L.715-4 du code de la propriété intellectuelle, notamment en ce que s’agissant de marques semi-figurative, elles renvoient de ce fait à la marque ‘Kasite’ également déposée par la partie intimée.
Or, (de) par ce renvoi, sans qu’il appartienne à la cour de trancher ce point, il sera observé que la place de la marque objet du présent litige est modifiée dans l’ensemble et surtout qu’elle a acquis un caractère distinctif accru (de) par l’association qui doit être faite dans ces conditions avec la mention ‘kasite’ située à gauche sur l’étiquette reproduite ci-avant.
Dès lors, la société appelante n’établit pas davantage remplir les conditions de l’article L.714-3 du code de la propriété intellectuelle et sa demande à ce titre sera rejetée.
De plus, la demande en dommages et intérêts, en l’absence de tout abus de droit, sera rejetée.
V Sur la demande reconventionnelle de la société Castel Frères.
La société intimée affirme que la société appelante cherche à lui nuire, ayant précédemment voulu s’accaparer ses marques dont elle cherche à présent la déchéance.
Elle soutient que la partie adverse passe volontairement sous silence le contentieux précédent relatif à l’exportation par celle-ci de vin contrefait, alors même qu’elle ne saurait tirer d’avantage ou d’utilité appréciable du présent contentieux, lequel est donc dilatoire.
Vu l’article 1240 du code civil précité.
Il apparaît néanmoins au vu de ce qui précède que la société Shangaï Panati Wine Co Ltd, en ce qu’elle s’est prévalue d’une argumentation dont il n’est pas établi qu’elle ait été dénuée de tout fondement, ni n’a repris un contentieux précédent auquel elle n’était pas partie, ne saurait avoir commis de faute ou d’abstention équipollente à un dol, n’ayant cherché qu’à faire valoir ses prétentions.
Il ne saurait exister d’abus de droit à ce titre, comme l’ont exactement retenu les premiers juges qui seront confirmés de ce chef.
VI Sur les demandes annexes.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Au vu de ce qui précède, l’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit d’une des parties au titre de l’instance d’appel.
De même, aux termes de l’article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Sur ce fondement, la société Castel Frères, qui succombe au principal, supportera la charge des entiers dépens.
La Cour,
DECLARE recevables les demandes faites par la société Shangaï Panati Wine Co Ltd à l’encontre des marques n°4753565, n°4907366 et n°18779257 déposées par la société Castel Frères,
CONFIRME le jugement rendu le 13 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Bordeaux, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de déchéance des marques n°3458398 et n°3551386 déposées par la société Castel Frères ;
Statuant à nouveau dans cette limite,
ORDONNE la déchéance des marques n°3458398 et n°3551386 déposées par la société Castel Frères à compter du 8 juin 2013 ;
REJETTE le surplus des demandes des parties ;
Y ajoutant,
REJETTE les demandes des parties faites au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile lors de l’instance d’appel ;
CONDAMNE la société Castel Frères aux entiers dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, présidente, et par Madame Mélina POUESSEL, greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Présidente,