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L’emploi de la marque déposée par un tiers, à titre de dénomination sociale (y compris pour les mêmes services), n’est pas en lui seul constitutif d’une contrefaçon et ne constitue pas non plus un usage dans la vie des affaires.
De la même manière que le seul dépôt d’une marque ne caractérise pas un usage dans la vie des affaires (Cass. Com., 13 octobre 2021, no19-20.504), le seul fait d’immatriculer une société sous une certaine dénomination n’est pas, en soi, un usage de cette dénomination dans le but de distinguer des produits ou services, et il n’est donc pas à lui seul susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque.
En l’occurrence, la demande d’interdiction d’utiliser la marque « Base & Co » par une autre agence de publicité que celle du déposant, portait sur l’emploi d’un signe strictement limité à la dénomination sociale du défendeur, sans qu’aucun autre fait ne soit démontré par le demandeur.
La demande d’interdiction supposait donc que ce seul fait s’analyse en un « usage dans la vie des affaires ». Or, le considérant 19 de la directive 2015/2436, qui a introduit pour la première fois, parmi les exemples d’usages que le titulaire peut interdire, l’usage à titre de dénomination sociale, précise qu’un tel usage devrait être compris comme tout usage « dès lors que cet usage a pour but de distinguer des produits ou services ».
L’expression « faire usage » d’un signe doit donc être entendue comme désignant l’emploi du signe dans le but de distinguer des produits ou des services, c’est à dire comme portant atteinte ou étant susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, ce qui est en définitive, comme l’a maintes fois jugé la Cour de justice de l’Union européenne, la condition du droit exclusif (voir CJUE, 25 juillet 2018, Mitsubishi, C-129/17, point 34 et la jurisprudence citée).
Or, de la même manière que le seul dépôt d’une marque ne caractérise pas un usage dans la vie des affaires (Cass. Com., 13 octobre 2021, no19-20.504), le seul fait d’immatriculer une société sous une certaine dénomination n’est pas, en soi, un usage de cette dénomination dans le but de distinguer des produits ou services, et il n’est donc pas à lui seul susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque : il s’agit d’un acte dont l’effet est strictement juridique, qui ne caractérise pas en soi l’existence d’une activité, et il ne peut être présumé que, du seul fait qu’une société existe, elle est exploitée.
Il appartient donc au titulaire de la marque de prouver que le tiers dont il critique la dénomination exerce effectivement une activité économique en lien avec des produits ou services déterminés, ce qui n’est pas une charge excessive dès lors que la protection du droit de marque est spéciale et concrète et non abstraite et absolue.
Cette preuve n’était pas rapportée ici, où seule l’existence de la société Base & Co était démontrée par son extrait Kbis, ce qui ne permettait pas d’établir qu’elle exerce une activité ni la nature réelle de cette activité. Par conséquent, à défaut de preuve d’usage du signe litigieux, aucune contrefaçon vraisemblable n’apparaissait caractérisée.
Pour rappel, selon l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, “Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1o D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2o D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.
Aux termes de l’article L. 716-4-6, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon.(…)
Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente.”
L’article L. 713-3-1 de ce même code précise que “Sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants : (…)
4o L’usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d’un nom commercial ou d’une dénomination sociale ;”
Ces différents textes réalisent la transposition en droit interne des dispositions des directives 89/104/CEE, 2008/95/CE et 2015/2436, rapprochant les législations des États membres sur les marques.
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
No RG 22/54208 – No Portalis 352J-W-B7G-CWQCN
No : 2 – MEB
Assignation du :
29 Mars 2022
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 13 juillet 2022
par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Daouia BOUTLELIS, Greffier
DEMANDEUR
Monsieur [R] [G]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Maître Charlotte ABATI de la SELARL AYRTON AVOCATS, avocats au barreau de PARIS – #C1289
DEFENDERESSE
S.A.S. BASE & CO
[Adresse 2]
[Localité 4]
non comparante
DÉBATS
A l’audience du 14 Juin 2022, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Fabienne FELIX, Faisant fonction de greffier,
EXPOSÉ DU LITIGE
1. M. [R] [G] est le titulaire inscrit de la marque verbale “Base & Co« déposée le 9 mai 2005, enregistrée et régulièrement renouvelée sous le no3357788, pour désigner en classe 35 les services de »Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau. Diffusion de matériel publicitaire (tract, prospectus, imprimés, échantillons). Services d’abonnement à des journaux (pour des tiers). Conseils en organisation et direction des affaires. Comptabilité. Reproduction de documents. Bureaux de placement. Gestion de fichiers informatiques. Organisation d’expositions à buts commerciaux ou de publicité. Publicité en ligne sur un réseau informatique. Location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; publications de textes publicitaires ; locations d’espaces publicitaires, diffusion d’annonces publicitaires, relation publiques. Mercatique direct.” Cette marque est exploitée par la SARL Base & Co qui exerce depuis 2005 une activité d’agence de publicité.
2. Se plaignant de l’immatriculation, le 7 mars 2022, au RCS d’Evry d’une société Base & Co ayant pour activités déclarées celles d’agence de publicité et de conseil en relations publiques et communication, M. [G], après l’avoir vainement mise en demeure de modifier sa dénomination sociale, a fait assigner en référé la société Base & Co devant le délégataire du président de ce tribunal siégeant à l’audience du 14 juin 2022, afin qu’il lui soit fait défense sous astreinte de faire usage du signe “Base & Co” . Aux termes de son assignation, M. [G] demande au juge des référés de :
– Interdire à la société Base & Co la poursuite des actes de contrefaçon sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée et sur tout support, y compris sa dénomination sociale, après un délai de 3 jours à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir,
– Condamner la société Base & Co au paiement d’une somme de 3.000 euros au bénéfice de M. [R] [G] au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
3. Bien que régulièrement citée à une personne présente au domicile (Mme [F] épouse du président de la société), la société Base & Co n’a pas comparu. La présente décision, susceptible d’appel, sera réputée contradictoire conformément aux dispositions de l’article 473 alinéa 2 du code de procédure civile.
4. A l’audience du 14 juin 2022, le juge des référés a soulevé le moyen tiré de l’absence de preuve d’usage dans la vie des affaires du signe objet du présent litige, ce à quoi le demandeur a répliqué que l’article L.713-3-1 du code de la propriété intellectuelle incrimine l’usage du signe comme dénomination sociale.
MOTIFS DE LA DÉCISION
5. Selon l’article Article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, “Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2o D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.« Aux termes de l’article L. 716-4-6 »Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon.(…) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente.”
6. L’article L. 713-3-1 de ce même code précise que “Sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants : (…) 4o L’usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d’un nom commercial ou d’une dénomination sociale ;”
7. Ces différents textes réalisent la transposition en droit interne des dispositions des directives 89/104/CEE, 2008/95/CE et 2015/2436, rapprochant les législations des États membres sur les marques.
8. En l’occurrence, la demande porte sur l’emploi d’un signe strictement limité à la dénomination sociale du défendeur, sans qu’aucun autre fait ne soit démontré par le demandeur. Elle suppose donc que ce seul fait s’analyse en un « usage dans la vie des affaires » au sens des dispositions précitées. Il est également rappelé que le considérant 19 de la directive 2015/2436, qui a introduit pour la première fois, parmi les exemples d’usages que le titulaire peut interdire, l’usage à titre de dénomination sociale, précise qu’un tel usage devrait être compris comme tout usage « dès lors que cet usage a pour but de distinguer des produits ou services ».
9. L’expression « faire usage » d’un signe doit donc être entendue comme désignant l’emploi du signe dans le but de distinguer des produits ou des services, c’est à dire comme portant atteinte ou étant susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, ce qui est en définitive, comme l’a maintes fois jugé la Cour de justice de l’Union européenne, la condition du droit exclusif (voir CJUE, 25 juillet 2018, Mitsubishi, C-129/17, point 34 et la jurisprudence citée).
10. Or, de la même manière que le seul dépôt d’une marque ne caractérise pas un usage dans la vie des affaires (Cass. Com., 13 octobre 2021, no19-20.504), le seul fait d’immatriculer une société sous une certaine dénomination n’est pas, en soi, un usage de cette dénomination dans le but de distinguer des produits ou services, et il n’est donc pas à lui seul susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque : il s’agit d’un acte dont l’effet est strictement juridique, qui ne caractérise pas en soi l’existence d’une activité, et il ne peut être présumé que, du seul fait qu’une société existe, elle est exploitée.
11. Il appartient donc au titulaire de la marque de prouver que le tiers dont il critique la dénomination exerce effectivement une activité économique en lien avec des produits ou services déterminés, ce qui n’est pas une charge excessive dès lors que la protection du droit de marque est spéciale et concrète et non abstraite et absolue. Cette preuve n’est pas rapportée ici, où seule l’existence de la société Base & Co est démontrée par son extrait Kbis (pièce du demandeur no5), ce qui ne permet pas d’établir qu’elle exerce une activité ni la nature réelle de cette activité. Par conséquent, à défaut de preuve d’usage du signe litigieux, aucune contrefaçonvraisemblable n’apparaît caractérisée. Il doit donc être dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de M. [G].
12. Partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, M. [G] supportera les dépens. Il n’y aura pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort,
Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de M. [G] ;
Condamne M. [G] aux dépens ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Fait à Paris le 13 juillet 2022.
Le Greffier, Le Président,
Daouia BOUTLELIS Nathalie SABOTIER