La cession de marque qualifiée de transfert d’une entité économique autonome

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La cession de marque qualifiée de transfert d’une entité économique autonome
Ce point juridique est utile ?

Lorsqu’un salarié est spécialement affecté à la marque d’une société (Alsa / Unilever France), la cession de cette marque emporte transfert du contrat de travail à la nouvelle entité.

La société Unilever France a fait valoir avec succès que l’activité dédiée à Alsa constituait bien une entité économique autonome, qu’elle a été cédée à la société Dr Oetker France et que cette dernière a poursuivi l’activité de commercialisation de produits de la marque Alsa, tout en conservant son identité. Elle en conclut que les conditions d’un transfert partiel d’activité étaient réunies.

La société Unilever France a versé aux débats la décision du 29 janvier 2019 de l’autorité de la concurrence qui a autorisé la cession de la marque Alsa, décrivant les contours de l’activité cédée au groupe Dr Oetker comme suit:

Au titre de la cession de la marque (validée par l’Autorité de la concurrence), ont été désignés comme les actifs cibles, la société Alsa France SAS, cotnrôlée exclusivement par le groupe Unilever, et certains droits de propriété intellectuelle et de propriété industrielle nécessaire à la fabrication et à la commercialisation des produits alimentaires fabriqués par Alsa France SAS. Les actifs cibles concernent principalement la fabrication et la commercialisation d’aides aux desserts sous les marques Alsa et Moench, pour la grande distribution et pour la clientèle professionnelle’.

Il ressort du contrat supplémentaire de transfert de l’activité française que l’activité dédiée à Alsa était composée d’éléments corporels et d’éléments incorporels, notamment la clientèle du fonds de commerce à laquelle était attachée l’activité de commercialisation ‘Limited Risk Distributor’ des produits Alsa par la société Unilever France.

La société Unilever France a également produit la note d’information en vue de la consultation du comité d’entreprise d’Unilever France sur le projet de cession de l’activité ‘Limited Risk Distributor’ liée aux activités Alsa et Moench faisant état de trois salariés identifiés comme affectés très majoritairement à l’activité Alsa et concernés par un transfert automatique de leur contrat de travail, le quatrième salarié se voyant proposer un transfert volontaire de son contrat de travail. Elle vise également le contrat de vente des actifs et des parts se référant au transfert de salariés

Pour rappel, aux termes de l’article L. 1224-1 du code du travail, ‘lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.’

Cet article s’applique dès lors qu’il y a transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise.

Résumé de l’affaire

Mme [N] a été engagée par la société Unilever France en tant qu’assistante chef de produit soupes Knorr en 2002, puis a été transférée à la société Dr Oetker France en 2019. Suite à un litige concernant son licenciement, le conseil de prud’hommes de Nanterre a requalifié le licenciement en faute simple et a condamné la société Dr Oetker France à verser diverses indemnités à Mme [N]. Cette dernière a interjeté appel pour contester le jugement et réclamer des indemnités supplémentaires. La société Unilever France et la société Dr Oetker France ont également formulé des demandes en appel pour contester les décisions du conseil de prud’hommes. L’affaire est en attente de jugement de la cour.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

27 juin 2024
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/03669
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 27 JUIN 2024

N° RG 22/03669 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VSIW

AFFAIRE :

[G] [N]

C/

S.A.S. UNILEVER FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Novembre 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 19/01377

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la AARPI CARDINAL

la SELAS MAYER BROWN

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [G] [N]

née le 11 Mai 1978 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Manuel DAMBRIN de l’AARPI CARDINAL, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1894, substitué par Me Tristan AUBRY-INFERNOSO, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

S.A.S. UNILEVER FRANCE

N° SIRET : 552 119 216 02139

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Régine GOURY de la SELAS MAYER BROWN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0009

S.A.S. DR OETKER FRANCE

N° SIRET : 433 929 502 00014

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Philippe WITTNER de la SELARL ORION AVOCATS & CONSEILS – SOCIAL, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de STRASBOURG, vestiaire : 193, substitué par Me Marine PHILIPPE, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 Mai 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseillère,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [G] [N] a été engagée par la société Unilever France suivant un contrat à durée déterminée du 24 juin 2002 au 30 juin 2003 en qualité d’assistante chef de produit soupes Knorr, coefficient 350, avec le statut de cadre. La relation de travail s’est poursuivie par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 30 juin 2003, en qualité d’assistante chef de produit soupes Knorr, coefficient 350, avec le statut de cadre.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des industries chimiques et connexes.

La salariée a été affectée le 22 février 2006 à la marque de produits Pro-activ, le 10 novembre 2008 aux produits pour lave-vaisselle Sun, le 18 octobre 2012 aux produits soupes, le 22 octobre 2014 aux produits d’entretien ménagers, et le 21 décembre 2017 au poste de ‘Brand Leader Alsa’, classification V, coefficient 550.

Le 12 avril 2017, à la demande du médecin du travail, Mme [N] a conclu un avenant à son contrat de travail organisant la poursuite de la collaboration dans le cadre d’un télétravail à raison d’un jour par semaine.

Le 21 février 2019, la société Dr Oetker France a notifié à Mme [N] qu’elle deviendrait exploitante de la marque Alsa et par conséquent, le transfert de son contrat de travail vers la société Dr Oetker France en application de l’article L. 1224-1 du code du travail à effet du 1er mars 2019.

La nouvelle relation de travail était régie par la convention collective nationale des 5 branches industries alimentaires diverses.

Le 23 avril 2019, Mme [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre en référé.

Le 29 mai 2019, Mme [N] a également saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre afin de faire constater que les conditions d’application de l’article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas remplies et d’ordonner la poursuite de son contrat de travail au sein de la société Unilever France, subsidiairement, d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Dr Oetker France.

Par lettre du 27 juin 2019, Mme [N] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 11 juillet 2019 par la société Dr Oetker France.

Par ordonnance du 22 juillet 2019, le conseil de prud’hommes de Nanterre, statuant en référé, a considéré que la convention collective de la chimie restait applicable pendant 15 mois à la relation de travail entre Mme [N] et la société Dr Oetker France et a ordonné que l’entreprise clarifie les conditions de travail de Mme [N] par un avenant ou une lettre explicative.

Par lettre du 23 juillet 2019, la société Dr Oetker France a licencié la salariée pour faute grave.

Par jugement en date du 4 novembre 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

– débouté la Sas Unilever France de ses demandes de dire nouvelles et prescrites les demandes formées par Mme [N] et entendu l’affaire,

– débouté Mme [N] de sa demande de dire que les conditions d’application de l’article L.1224-1 pour son transfert n’étaient pas remplies,

– mis hors de cause la sas Unilever France,

– requalifié le licenciement de Mme [N] par la société Dr Oetker France en un licenciement pour faute simple,

– fixé le salaire mensuel de Mme [N] à la somme de 7 046,64 euros,

– condamné la Société Dr Oetker France à verser à Mme [N] les sommes de :

* 19 221,36 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, et 1 922,14 euros au titre des congés payés afférents,

* 55 101,23 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 1 200 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Mme [N] de sa demande d’indemnité au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouté Mme [N] de ses demandes de dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale de ses contrats de travail avec ses employeurs successifs, la société Unilever France et la société Dr Oetker France,

– débouté Mme [N] de sa demande de modifier ses documents de fin de contrat,

– fait droit à la demande de Mme [N] au titre des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, dit et jugé que l’anatocisme ainsi ordonné se décompte à partir du 29 mai 2019,

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit en matière de salaire,

– débouté Mme [N] pour le surplus de sa demande au titre de l’exécution provisoire,

– débouté la société Unilever France de sa demande de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Dr Oetker France de sa demande de 8 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la sas Dr Oetker France aux entiers dépens de l’instance.

Le 15 décembre 2022, Mme [N] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 22 août 2023, Mme [N] demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il:

– l’a déboutée de sa demande de dire que les conditions d’application de l’article L.1224-1 n’étaient pas remplies et mis hors de cause la société Unilever France,

– l’a déboutée de sa demande de constater la rupture du contrat de travail aux torts de la Sas Unilever France en date du 1er mars 2019 et de l’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse

– l’a déboutée de ses demandes de condamner la société Unilever France à lui payer une indemnité conventionnelle de licenciement (55 101,23 euros), une indemnité compensatrice de préavis (19 221, 36 euros), une indemnité de congés payés afférents (1 922,14 euros) et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (150 000 euros),

– l’a déboutée de ses demandes de remise par la société Unilever France des documents sociaux de fin de contrat conformes et en particulier un certificat de travail et une attestation d’employeur destiné à pôle emploi,

– l’a déboutée de sa demande de constater l’existence d’un contrat de travail conclu entre elle et la société Dr Oetker le 1er mars 2019,

– l’a déboutée de sa demande de juger que son licenciement notifié par la Sas Dr Oetker France le 23 juillet 2019 ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse,

– l’a déboutée de ses demandes de condamner la Sas Dr Oetker à lui payer une indemnité compensatrice de préavis (19 221,36 euros), une indemnité de congés payés afférents

(1922,14 euros), une indemnité pour licenciement nul (38 442,72 euros) et subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (6 407,12 euros),

– l’a déboutée de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Dr Oetker France produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– a requalifié son licenciement pour faute grave par la société Dr Oetker France en un licenciement pour faute simple,

– l’a déboutée de sa demande de juger que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse et de l’avoir déboutée de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (150 000 euros),

– l’a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale de ses contrats de travail dirigées contre ses employeurs successifs, la société Unilever France

(20 000 euros) et la société Dr Oetker France (10 000 euros),

– statuant à nouveau, à titre principal, juger que les conditions d’applications de l’article L.1224-1 du code du travail ne sont pas remplies,

– juger que la rupture de son contrat de travail est aux torts de la société Unilever en date du 1er mars 2019,

– juger que cette rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– fixer à 6 407,12 euros sa rémunération,

– condamner la société Unilever France à lui verser :

* 55 501,23 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 19 221,36 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 1 922,14 euros à titre de congés payés afférents,

* 89 699,68 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Unilever à lui remettre des documents sociaux de fin de contrat conformes et en particulier un certificat de travail et une attestation d’employeur destiné à Pôle emploi,

– constater l’existence d’un contrat de travail conclu entre elle-même et la société Dr Oetker le 1er mars 2019,

– dire et juger que le licenciement qui lui a été notifié par la société Dr Oetker le 23 juillet 2019 est nul car consécutif à l’exercice du droit fondamental d’agir en justice et, à tout le moins, qu’il ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Dr Oetker à lui verser :

* 19 221,36 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,

* 1 922,14 euros à titre de congés payés afférents,

* 38 442,72 euros nets (6 mois de salaires) à titre d’indemnité pour licenciement nul,

* subsidiairement, 6 407,12 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– à titre subsidiaire, prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Dr Oetker,

– juger que cette résiliation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– subsidiairement, dire et juger que le licenciement qui lui a été notifié par la société Dr Oetker le 23 juillet 2019 est nul car consécutif à l’exercice du droit fondamental d’agir en justice et, à tout le moins, qu’il ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Dr Oetker à lui payer les sommes suivantes :

* 55 101,23 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 19 221,36 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 1 922,14 euros à titre de congés payés afférents,

* 89 699,68 euros nets, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Dr Oetker à lui remettre des documents sociaux de fin de contrat conformes et en particulier un certificat de travail et une attestation d’employeur destiné à Pôle emploi,

– en tout état de cause, condamner la société Unilever France à lui payer 20 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour l’exécution déloyale du contrat de travail,

– condamner la société Dr Oetker à lui payer 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour l’exécution déloyale du contrat de travail,

– dire et juger que les condamnations prononcées produiront les intérêts à compter de la date de la réception par les défenderesses de la saisine du conseil des prud’hommes, avec application de l’article 1343-2 du code civil,

– débouter les sociétés Unilever France et Dr Oetker France de l’ensemble de leurs demandes,

– condamner solidairement les sociétés Unilever France et Dr Oetker France à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement les sociétés Unilever France et Dr Oetker France aux entiers frais et dépens d’instance.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 9 juin 2023, la société Unilever France demande à la cour de :

– à titre principal, reformer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de juger irrecevables et prescrites les demandes nouvelles de Mme [N],

– et statuant à nouveau, juger que les demandes de Mme [N] aux fins de constater la rupture de son contrat de travail aux torts de la société Unilever France en date du 1er mars 2019, et les demandes subséquentes en dommages et intérêts sont des demandes nouvelles,

– en conséquence, les déclarer irrecevables,

– juger que les demandes de Mme [N] aux fins de constater la rupture de son contrat de travail aux torts de la société Unilever France en date du 1er mars 2019, et les demandes subséquentes en dommages et intérêts sont prescrites,

– en conséquence, les déclarer irrecevables,

– à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que les conditions requises pour le transfert, dans le cadre des dispositions de l’article L.1224-1 du code du travail, de Mme [N] depuis la Sas Unilever France vers la Sas Dr Oetker France étaient bien remplies,

– débouté Mme [N] de sa demande de dire que les conditions d’application de l’article L. 1224-1 pour son transfert n’étaient pas remplies,

– mis hors de cause la Sas Unilever France,

– en conséquence, débouter Mme [N] de ses demandes à l’encontre de la société Unilever France, soit :

* 55 101,23 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 19 221,36 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 1 922,14 euros bruts au titre de congés payés afférents,

* 89 699,68 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 20 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour l’exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l’obligation de sécurité,

– à titre encore plus subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait réformer le jugement entrepris, écarter l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail et considérer que la cessation de la relation de travail entre Mme [N] et la société Unilever France devait s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– sur l’indemnité conventionnelle de licenciement, fixer le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement à 53 389,25 euros bruts,

– sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, fixer l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 3 mois de salaire, soit 19 221,36 euros bruts, ou à tout autre montant sans que celui-ci puisse excéder 13,5 mois de salaire, soit

86 496,12 euros bruts,

– débouter Mme [N] de sa demande subsidiaire de 20 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour l’exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l’obligation de sécurité,

– en tout état de cause, débouter Mme [N] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [N] à payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [N] aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 6 juin 2023, la société Dr Oetker France demande à la cour de :

– déclarer irrecevable la demande de nullité du licenciement formulée par Mme [N] à hauteur d’appel,

– déclarer mal fondé l’appel de Mme [N] à l’encontre de la société Dr Oetker,

– en conséquence, infirmer le jugement en ce qu’il a requalifié le licenciement de Mme [N] par la société Dr Oetker France en un licenciement pour faute simple,

– fixé le salaire mensuel de Mme [N] à la somme de 7 046,64 euros,

– condamné la SAS Dr Oetker au paiement des sommes suivantes :

* 19 221,36 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 1 922,14 euros au titre des congés payés afférents,

* 55 101,23 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 1 200 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la SAS Dr Oetker de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SAS Dr Oetker France aux entiers dépens,

– confirmer le jugement pour le surplus,

– statuant à nouveau, débouter Mme [N] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Mme [N] à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [N] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 7 mai 2024.

MOTIVATION

Sur la recevabilité des demandes nouvelles aux fins de voir constater la rupture du contrat de travail aux torts de la société Unilever France au 1er mars 2019 et les demandes subséquentes en dommages et intérêts

La société Unilever France soulève l’irrecevabilité des demandes nouvelles au titre de la rupture du contrat de travail et au paiement d’indemnités de rupture à l’encontre de la société Unilever France.

La salariée soutient que les demandes en question se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Aux termes de l’article 70 du code de procédure civile, ‘les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Toutefois, la demande en compensation est recevable même en l’absence d’un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l’excès le jugement sur le tout.’

En l’espèce, dans sa requête initiale, la salariée a contesté le transfert de son contrat de travail et formé une demande de réintégration au sein de la société Unilever France.

Dans ses conclusions du 25 août 2021, la salariée a formé une demande de requalification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et des demandes subséquentes en paiement des indemnités de rupture.

En l’espèce, il existe un lien suffisant entre la demande initiale en réintégration au sein de la société Unilever France par la salariée, qui invoque une application injustifiée de l’article L. 1224-1 du code du travail, et la demande en indemnisation des conséquences de la rupture du contrat de travail avec la société Unilever France, reposant sur le même fondement, la salariée indiquant avoir trouvé un nouvel emploi après une période de chômage et ne plus souhaiter sa réintégration, option qui lui appartient.

Par conséquent, l’irrecevabilité des demandes en indemnité de rupture soulevée par la société Unilever France doit être rejetée.

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Unilever France

La société Unilever France soutient que le contrat de travail de la salariée ayant été rompu le 1er mars 2019, les demandes nouvelles tendant à voir constater la rupture de son contrat de travail et sa condamnation aux indemnités de ruptures, formées pour la première fois le 25 août 2021, soit plus de deux ans après la rupture, sont atteintes par la prescription.

La salariée n’a pas conclu sur ce point.

L’effet relatif de l’interruption de la prescription est écarté lorsque deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent vers un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première .

En l’espèce, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes le 29 mai 2019, contestant notamment, le bien fondé du transfert de son contrat de travail au 1er mars 2019 et sollicitant sa réintégration au sein de la société Unilever France dans le délai légal.

Par conséquent, les demandes portant sur la rupture du contrat de travail avec la société Unilever France et sa condamnation aux indemnités de rupture, tendant au même but, ne sont pas atteintes par la prescription. La fin de non-recevoir soulevée par la société Unilever France doit donc être rejetée.

Sur la recevabilité de la demande en nullité du licenciement à l’encontre de la société Dr Oetker France

La société Dr Oetker France soulève l’irrecevabilité de la demande de nullité du licenciement formulée en cause d’appel.

La salariée indique avoir sollicité une indemnité pour licenciement nul en première instance de sorte que sa demande est recevable à hauteur d’appel.

En l’espèce, la salariée a formé une demande en dommages et intérêts pour licenciement nul à l’encontre de la société Dr Oetker France devant le conseil de prud’hommes.

Par conséquent, la demande formée en cause d’appel n’est pas nouvelle. L’irrecevabilité de la demande soulevée par la société Dr Oetker France doit donc être rejetée.

Sur le transfert du contrat de travail au 1er mars 2019

Mme [N] soutient qu’elle était employée au sein de la société Unilever en tant que chef de groupe marketing et qu’elle n’était pas spécialement affectée à des marques ou produits. Elle note que si le document d’information relatif au transfert mentionne effectivement trois salariés, elle a été la seule salariée transférée de sorte que l’existence d’une entité économique autonome ne peut être caractérisée. Elle ajoute que les sociétés ne justifient pas des éléments corporels et incorporels sur lesquels reposerait la prétendue entité économique autonome, qu’ainsi, en l’absence d’entité économique autonome, le rachat de la marque Alsa n’a pas pu avoir pour effet le transfert d’une entité économique autonome. Elle précise qu’elle était également en charge de la marque ‘Maïzena’ qui n’a pas été rachetée, qu’elle aurait pu être maintenue dans ses fonctions et affectée pour la partie vacante de son périmètre sur l’une des marques détenues par Unilever.

La société Unilever France fait valoir que l’activité dédiée à Alsa constituait bien une entité économique autonome, qu’elle a été cédée à la société Dr Oetker France et que cette dernière a poursuivi l’activité de commercialisation de produits de la marque Alsa, tout en conservant son identité. Elle en conclut que les conditions d’un transfert partiel d’activité étaient réunies, que trois salariés dont Mme [N] ont été identifiés comme essentiellement dédiés à l’activité Alsa ainsi qu’un salarié ne consacrant pas majoritairement son activité à Alsa, qu’ainsi les conditions requises pour le transfert du contrat de travail de Mme [N] étaient bien remplies.

La société Dr Oetker France s’associe à l’argumentation de la société Unilever France sur ce point.

Aux termes de l’article L. 1224-1 du code du travail, ‘lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.’

Cet article s’applique dès lors qu’il y a transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise.

En l’espèce, la société Unilever France verse aux débats la décision du 29 janvier 2019 de l’autorité de la concurrence qui a autorisé la cession de la marque Alsa, décrivant les contours de l’activité cédée au groupe Dr Oetker comme suit:

‘ Sont désignés comme les actifs cibles, la société Alsa France SAS, cotnrôlée exclusivement par le groupe Unilever, et certains droits de propriété intellectuelle et de propriété industrielle nécessaire à la fabrication et à la commercialisation des produits alimentaires fabriqués par Alsa France SAS. Les actifs cibles concernent principalement la fabrication et la commercialisation d’aides aux desserts sous les marques Alsa et Moench, pour la grande distribution et pour la clientèle professionnelle’.

Il ressort du contrat supplémentaire de transfert de l’activité française du 1er mars 2019 que l’activité dédiée à Alsa était composée d’éléments corporels et d’éléments incorporels, notamment la clientèle du fonds de commerce à laquelle était attachée l’activité de commercialisation ‘Limited Risk Distributor’ des produits Alsa par la société Unilever France.

La société Unilever France produit la note d’information en vue de la consultation du comité d’entreprise d’Unilever France sur le projet de cession de l’activité ‘Limited Risk Distributor’ liée aux activités Alsa et Moench faisant état de trois salariés identifiés comme affectés très majoritairement à l’activité Alsa et concernés par un transfert automatique de leur contrat de travail, le quatrième salarié se voyant proposer un transfert volontaire de son contrat de travail. Elle vise également l’annexe 15 du contrat de vente des actifs et des parts du 2 mai 2018 se référant au transfert de quatre salariés : Mme [N], Mme [K], Mme [U] et M. [L]. Ainsi, a bien été identifié du personnel spécialement affecté comprenant la salariée.

La salariée est mal fondée à se prévaloir du fait qu’elle était chef de groupe et n’était pas spécialement affectée à une marque ou un produit alors que par lettre d’affectation du 21 décembre 2017, elle a été promue ‘Brand Leader Alsa’ à compter du 1er janvier 2018 et qu’en réalité elle a été spécialement affectée à la marque Alsa et ne travaillait que ponctuellement sur la marque Maïzena.

Ainsi, l’activité dédiée à Alsa constituait bien une entité économique autonome. Elle a été cédée à la société Dr Oetker et cette dernière a poursuivi l’activité de commercialisation de produits de la marque Alsa, tout en conservant son identité.

Par conséquent, le contrat de travail de la salariée a été transféré de plein droit à la société Dr Oetker France au 1er mars 2019. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa contestation du transfert de son contrat de travail, les conditions d’application de l’article L. 1224-1 du code du travail étant réunies, sauf à préciser que Mme [N] doit être déboutée de ses demandes à l’égard de la société Unilever France en requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de remise de documents sociaux de fin de contrat conformes : certificat de travail et attestation Pôle emploi.

Sur la demande de mise hors de cause de la société Unilever France

Une demande de dommages et intérêts étant formée par la salariée à l’encontre de la société Unilever France pendant la période d’exécution du contrat de travail, cette dernière ne peut être mise hors de cause. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a mis hors de cause la société Unilever France.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail avec la société Unilever France

La salariée sollicite des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail. Elle fait valoir qu’elle a été affectée partiellement à la marque Alsa à la veille de la cession de cette marque, ce qui a constitué une rétrogradation par rapport à ses précédentes affectations. Elle ajoute qu’en raison du contexte de la cession de la marque, elle a subi une période très difficile en raison du désintérêt de l’employeur. Elle conclut qu’en réalité le projet de cession était avancé lors de son affectation et que son employeur avait décidé de l’expulser dans le cadre d’un transfert de son contrat de travail.

L’employeur fait valoir que la salariée a été affectée à la marque Alsa plus d’un an avant le transfert de son contrat de travail, que l’affectation à des marques et/ou produits appartenant à la société et la modification de cette affectation était une pratique établie au sein de l’entreprise. Elle relève qu’elle n’avait pas d’obligation d’informer la salariée de l’éventuelle cession en 2019, le projet n’étant ni suffisamment abouti, ni suffisamment déterminer pour permettre une information des salariés ou du comité d’entreprise. Elle note que la salariée ne justifie pas du prétendu désintérêt pour la marque. Elle conclut que la salariée ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui qui serait indemnisé au titre de la rupture du contrat de travail.

En l’espèce, l’affectation de la salariée à la marque Alsa faisait partie des pratiques habituelles au sein de l’entreprise dans le cadre du pouvoir de direction de l’employeur et était cohérente avec son expérience et ses compétences. En outre, l’employeur n’était pas tenu d’informer la salariée d’un projet de cession qui n’était pas abouti. Enfin, la salariée ne justifie pas du désintérêt invoqué de l’employeur sur la marque Alsa avant la cession intervenue.

Par conséquent, aucun acte de déloyauté n’est établi à l’encontre de la société Unilever France.

Le jugement attaqué doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement.

Sur la demande de résiliation judiciaire et ses conséquences

La salariée invoque deux manquements à l’encontre de l’employeur justifiant selon elle la rupture du contrat de travail aux torts de ce dernier.

La société Dr Oetker France fait valoir que la salariée ne rapporte pas la preuve de manquements suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts.

Un salarié est fondé à poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur en cas de manquement, par ce dernier, à ses obligations.

Il appartient au juge de rechercher s’il existe à la charge de l’employeur des manquements d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail afin de prononcer cette résiliation.

La salariée invoque les manquements suivants à l’encontre de l’employeur : le refus de lui présenter un avenant à son contrat de travail en violation des dispositions conventionnelles applicables et des modifications apportées à son contrat de travail sans son consentement.

Sur la modification du contrat de travail, la salariée se plaint d’avoir dû être présente à [Localité 8] deux jours par semaine et que son nouvel employeur a entendu supprimer la journée de télétravail octroyée pour raison médicale à compter du 6 avril 2017.

Or, il ressort des termes mêmes de la lettre de licenciement que l’employeur indique avoir convenu avec le supérieur hiérarchique de la salariée qu’elle serait présente au siège situé à [Localité 8] deux jours par semaine.

Ainsi, en l’absence de clause de mobilité au contrat de travail de la salariée, la modification du lieu de son travail deux jours par semaine, en dehors du bassin d’emploi dans lequel travaille la salariée, constitue une modification du contrat de travail de la salariée soumise à son accord.

Par conséquent, il est établi que l’employeur a modifié le lieu de travail de la salariée sans son accord, manquement qui est suffisamment grave pour empêcher la poursuite de la relation de travail, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres manquements invoqués. La résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée aux torts de la société Dr Oetker France doit donc être prononcée à la date du 23 juillet 2019, date à laquelle a été ultérieurement licenciée la salariée.

Cette résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, la salariée qui justifie de 16 ans d’ancienneté, à défaut de clause de reprise d’ancienneté de sa période de travail en contrat à durée déterminée, a droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 3 et 13,5 mois de salaire brut.

La salariée percevait un salaire moyen de 6 407,12 euros brut par mois. Elle était âgée de 41 ans au moment du licenciement. Elle justifie d’une inscription à Pôle emploi et avoir perçu l’allocation d’aide au retour à l’emploi jusqu’à la conclusion d’un nouveau contrat de travail à compter du 14 juin 2021. Elle justifie également de recherches d’emploi, de participation à des formations et ateliers ainsi qu’à des démarches de bénévolat.

Au vu de ces éléments, il sera alloué à Mme [N] une somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis

En application des articles 4.9.3 et 4.9.4 de la convention collective des 5 branches industries alimentaires diverses applicable, la salariée a droit à une indemnité compensatrice de préavis de trois mois qu’il convient de fixer à la somme de 19 221,36 euros, outre 1 922,14 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement

La salariée est fondée à se prévaloir de dispositions plus favorable de la convention collective applicable au sein d’Unilever France pendant la période transitoire ayant suivi la cession.

Ainsi, en application de l’article 14 de la convention collective des industries chimiques, la salariée a droit à une indemnité conventionnelle de licenciement d’un montant de 53 389,25 euros, sur la base d’une ancienneté de 16 ans et 8 mois et non de 17 ans.

Par conséquent, le jugement sera infirmé en ce qu’il a requalifié le licenciement de Mme [N] en licenciement pour faute simple sans que soit examinée au préalable la demande de résiliation judiciaire formée par la salariée et en ce qu’il a condamné la société Dr Oetker France à payer à Mme [N] la somme de 55 101,23 euros, en ce qu’il a débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Dr Oetker France à payer à Mme [N] les sommes de 19 221,36 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 922,14 euros au titre des congés payés afférents. La société Dr Oetker France sera condamnée à payer à Mme [N] les sommes suivantes :

80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

53 389,25 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement .

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail avec la société Dr Oetker France

La salariée sollicite des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, invoquant l’absence d’écrits du nouvel employeur, la modification d’autorité de son contrat de travail, l’initiative de recruter son remplaçant dès avril 2019, outre le licenciement dans des motifs grotesques et vexatoires.

L’employeur conclut au rejet de la demande, la salariée ne pouvant être indemnisée deux fois d’un même préjudice dont il faudrait encore qu’elle rapporte la preuve. Il fait valoir qu’il a repris les mentions stipulées au contrat de travail de la salariée et qu’il n’est pas responsable si certains éléments n’étaient pas mentionnés.

En l’espèce, la salariée ayant fait l’objet d’un transfert de plein droit de son contrat de travail, son nouvel employeur n’avait pas l’obligation d’établir un contrat de travail écrit, ne s’agissant pas d’une embauche ou d’une mutation comme prévu aux articles 4.3 et 4.6 de la convention collective des industries alimentaires diverses.

Cependant, l’employeur a modifié le contrat de travail de la salariée sans son accord, ce qui constitue un acte déloyal à son égard.

En outre, l’employeur a publié début avril 2019, soit avant l’engagement de la procédure de licenciement à l’encontre de la salariée, une offre de recrutement pour un poste de chef de groupe marketing ‘dans le cadre de l’intégration de la marque Alsa’, poste correspondant aux compétences et à l’expérience de la salariée.

Par contre, les conséquences de la rupture du contrat de travail de la salariée sont déjà indemnisées au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail et de ses conséquences.

La salariée ne caractérise, toutefois, pas de préjudice en lien avec les actes déloyaux.

Ainsi, il convient de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté Mme [N] de sa demande à ce titre, en l’absence de préjudice caractérisé.

Sur les documents de fin de contrat

Il convient d’ordonner la remise par la société Dr Oetker France à Mme [N] du certificat de travail, d’une attestation Pôle emploi et d’un bulletin de paie conformes à la présente décision.

Sur l’application de l’article L. 1235-4 du code du travail

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner le remboursement par la société Dr Oetker France aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à la salariée du jour du licenciement au jour du présent arrêt et ce, dans la limite de six mois d’indemnités.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts échus au moins pour une année entière.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Dr Oetker France succombant à la présente instance, en supportera les dépens d’appel. Elle devra également régler une somme de 2 800 euros à Mme [N] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel. L’équité ne commande pas de faire application en cause d’appel des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit des sociétés Unilever France et Dr Oetker France.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Rejette l’irrecevabilité des demandes formulées par Mme [G] [N] de constater la rupture de son contrat de travail aux torts de la société Unilever France au 1er mars 2019 et des demandes subséquentes en dommages et intérêts soulevée par la société Unilever France,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes formulées par Mme [G] [N] de constater la rupture de son contrat de travail aux torts de la société Unilever France au 1er mars 2019 et des demandes subséquentes en dommages et intérêts soulevée par la société Unilever France,

Rejette l’irrecevabilité de la demande de nullité du licenciement formulée par Mme [G] [N] soulevée par la société Dr Oetker France ,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

– débouté Mme [G] [N] de sa demande de dire que les conditions d’application de l’article L. 1224-1 pour son transfert n’était pas réunies,

– condamné la société Dr Oetker France à payer à Mme [G] [N] les sommes de 19 221,36 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 1 922,14 euros au titre des congés payés afférents,

– condamné la société Dr Oetker France à payer à Mme [G] [N] la somme de

1 200 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Mme [G] [N] de ses demandes de dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale de ses contrats de travail avec la société Unilever France et avec la société Dr Oetker France ,

– ordonné l’anatocisme,

– débouté la société Unilever France de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la société Dr Oetker France de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Dr Oetker France aux dépens.

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Déboute Mme [G] [N] de ses demandes à l’égard de la société Unilever France en requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de remise de documents sociaux de fin de contrat conformes : certificat de travail et attestation Pôle emploi,

Déboute la société Unilever France de sa demande de mise hors de cause,

Prononce la résiliation du contrat de travail de Mme [G] [N] avec la société Dr Oetker France à la date du 23 juillet 2019,

Condamne la société Dr Oetker France à payer à Mme [G] [N] les sommes suivantes :

80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

53 389,25 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

Dit que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus au moins pour une année entière,

Ordonne la remise par la société Dr Oetker France à Mme [G] [N] du certificat de travail, d’une attestation Pôle emploi et d’un bulletin de paie conformes à la présente décision,

Ordonne le remboursement par la société Dr Oetker France aux organismes Pôle emploi devenu France Travail concernés, des indemnités de chômage versées à la salariée du jour du licenciement au jour du présent arrêt et ce, dans la limite de six mois d’indemnités,

Condamne la société Dr Oetker France aux dépens d’appel,

Condamne la société Dr Oetker France à payer à Mme [G] [N] une somme de

2 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel au profit de la société Unilever et de la société Dr Oetker France ,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


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