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8 novembre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n°
16-10.850
COMM.
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 novembre 2017
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 1341 F-D
Pourvoi n° Z 16-10.850
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
1°/ la société E… J… , société anonyme, dont le siège est […] ,
2°/ la société Maisons de thé E… J… , société anonyme, dont le siège est […] ,
contre l’arrêt rendu le 1er décembre 2015 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige les opposant :
1°/ à M. Taha X…, domicilié société The Wellness Group, 61 Kim K… , 239360 (Singapour),
2°/ à la société L… , dont le siège est […] ,
3°/ à M. Robert Y…, domicilié […] ,
4°/ à la société The Wellness Group, dont le siège est […] ,
défendeurs à la cassation ;
M. Y…, la société L… et M. X…, défendeurs au pourvoi principal, ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l’appui de leur recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l’appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 19 septembre 2017, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. Z…, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Z…, conseiller, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat des sociétés E… J… et Maisons de thé E… J… , de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de M. X…, de la société L… et de M. Y…, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 1er décembre 2015), que les sociétés E… J… et Maisons de thé E… J… (les sociétés E… J… ), exposant notamment qu’elles avaient développé un concept propre d’art français du thé, notamment par la création d’une identité visuelle et le dépôt de nombreuses marques, ont agi contre M. X…, ancien salarié, M. Y…, qui avait notamment réalisé leur logo, ainsi que contre les sociétés singapouriennes Wellness Group et L… , en contrefaçon de marques et de droit d’auteur, et concurrence déloyale et parasitaire par copie, dans plusieurs pays d’Asie, des éléments caractérisant cette identité visuelle ; que M. Y… a objecté la déchéance de certaines de ces marques et formé des demandes reconventionnelles, notamment en contrefaçon de ses propres droits d’auteur ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que les sociétés E… J… font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme alors, selon le moyen :
1°/ que selon l’article 6.2 du Règlement (CE) n° 864/2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, dit « Rome II », lorsqu’un acte de concurrence déloyale affecte exclusivement les intérêts d’un concurrent déterminé, l’article 4 est applicable ; que selon l’article 4 du même Règlement, sauf disposition contraire du Règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent ; qu’en faisant application de la loi de Singapour à l’action engagée par les sociétés E… J… , qui reprochaient à la société L… et à M. X… des actes de concurrence déloyale constitués par une communication déloyale s’inscrivant dans le droit fil de celle des sociétés E… J… pour créer et entretenir une confusion avec elles, le débauchage déloyal de salariés en France, l’usage déloyal d’informations privilégiées et des actes de parasitisme, tous ces actes affectant exclusivement les intérêts des sociétés E… J… , la cour d’appel a violé par fausse application les articles 6.1 et 6.3 du Règlement dit « Rome II » et, par refus d’application, les articles 4.1 et 6.2 du même Règlement ;
2°/ que selon l’article 6.1 du règlement (CE) n° 864/2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, dit « Rome II », la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un acte de concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l’être ; qu’en faisant application de la loi de Singapour, motifs pris que la société L… n’a aucune activité commerciale en France et que les actes de concurrence déloyale qui lui sont reprochés n’ont pu avoir lieu qu’à Singapour, de sorte que le pays dans lequel les relations de concurrence et le marché sont susceptibles d’être affectés est bien l’Etat de Singapour, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la loi française n’avait pas vocation à régir le litige dès lors que le projet de création de la société L… émanait de la rencontre et de la concertation de MM. X… et A… à Paris, que le débauchage des salariés des sociétés E… J… était survenu en France et qu’y avaient été signés les contrats de travail avec la société L… , que les fournisseurs des sociétés E… J… , contactés par la société L… , étaient établis en France, que M. Y…, prestataire exclusif des sociétés E… J… depuis vingt-trois ans pour les lettrages et la peinture de ses boîtes travaillait désormais pour le compte de la société L… en France, de sorte que la relation de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs étaient affectés en France, ou susceptibles de l’être, par les actes de concurrence déloyale et de parasitisme imputés à la société L… et à M. X…, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 6.1 du règlement (CE) n° 864/2007 sur la loi applicable au obligations non contractuelles, dit « Rome II » ;
3°/ qu’en se prononçant comme elle l’a fait, motifs pris que « les actes de concurrence déloyale (
) reprochés » à la société L… « n’ont pu avoir lieu qu’à Singapour », pour en déduire que le pays « dans lequel les relations de concurrence et le marché sont susceptibles d’être affectés est bien l’Etat de Singapour », tout en constatant qu’il était reproché à cette société et à M. X… d’avoir organisé un débauchage de salariés des sociétés E… J… en France, de sorte que la relation de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs étaient affectés en France, ou susceptibles de l’être, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations, a violé l’article 6.1 du Règlement (CE) 864/2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, dit « Rome II » ;
4°/ que selon l’article 6.2 du Règlement (CE) n° 864/207 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, dit « Rome II », la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un acte de concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l’être ; qu’en faisant application de la loi de Singapour, motifs pris que la société L… n’a aucune activité commerciale en France et que les actes de concurrence déloyale qui lui sont reprochés n’ont pu avoir lieu qu’à Singapour, de sorte que le pays dans lequel les relations de concurrence et le marché sont susceptibles d’être affectés est bien l’Etat de Singapour, après avoir expressément constaté que les sociétés E… J… exploitent quatre maisons de thé au Japon, par le biais de leur filiale E… J… Japon, que leurs produits sont présents dans plus de soixante pays par l’intermédiaire d’un millier de revendeurs, qu’elles indiquent viser une clientèle traditionnelle parisienne et étrangère, la moitié de leur chiffre d’affaires étant réalisé à l’étranger, dont 85 % en Asie, et qu’elles indiquent disposer de vingt-quatre points de vente dans le monde, dont quatorze salons, et distribuer leurs produits par le biais de partenaires répartis dans trente trois pays, celles-ci faisant au surplus valoir que les produits L… étaient vendus en France, par l’intermédiaire du site e-commerce de Harrods, et dans les DOM-TOM, de sorte que le territoire sur lequel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés, ou susceptibles de l’être, par les actes de concurrence déloyale imputés à la société L… et à M. X… n’est pas limité à Singapour, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l’article 6.1 du règlement (CE) n° 864/2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, dit « Rome II » ;
Mais attendu, en premier lieu, que si le principe selon lequel la loi applicable à l’action en concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l’être connaît une exception lorsque ce comportement affecte exclusivement les intérêts d’un concurrent déterminé, c’est précisément à la condition que ces actes n’aient pas d’effet sur le marché, ce que la cour d’appel a exclu, en retenant que le pays dans lequel les relations de concurrence et le marché sont susceptibles d’être affectés est l’Etat de Singapour ;
Attendu, en deuxième lieu, que le seul fait que certains des actes incriminés au titre de la concurrence déloyale aient pu être commis en France n’implique pas que les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sur le marché français s’en trouveraient affectés ;
Et attendu, enfin, que les sociétés E… J… ayant demandé aux juges du fond de dire la loi française applicable à l’ensemble des faits litigieux et, à titre subsidiaire, de faire application de la seule loi de Singapour, le moyen pris de la nécessité de recourir à l’application distributive des lois des différents marchés est contraire à leurs écritures d’appel ;
D’où il suit qu’irrecevable en sa quatrième branche, le moyen n’est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen du même pourvoi :
Attendu que les sociétés E… J… font le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen, que selon l’article 10 bis de la Convention d’Union de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle, dont les dispositions sont applicables en France selon l’article L. 614-31 du code de la propriété intellectuelle, les pays de l’Union sont tenus d’assurer aux ressortissants de l’Union une protection effective contre la concurrence déloyale et que, notamment, devront être interdits tout fait quelconque de nature à créer une confusion par n’importe quel moyen avec l’établissement, les produits ou l’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent ; que le juge qui applique la loi étrangère d’un Etat signataire de cette Convention, à une action en concurrence déloyale dirigée contre un ressortissant membre de l’Union, doit le faire à la lumière de cette règle matérielle ; qu’en se prononçant comme elle l’a fait, motif pris que les sociétés E… J… n’établissent pas l’existence d’un goodwill au mois d’avril 2008, à Singapour, sans prendre en considération la règle matérielle de l’article 10 bis de la Convention d’Union de Paris interdisant tout fait quiconque de nature à créer une confusion par n’importe quel moyen avec l’établissement, les produits ou l’activité industrielle ou commerciale d’un concurrent, la cour d’appel a violé l’article 10 bis de la Convention d’Union de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle ;