Jurisprudence sur l’Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : 29 septembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/02435

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Jurisprudence sur l’Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : 29 septembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/02435
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29 septembre 2022
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/02435

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 29/09/2022

****

N° de MINUTE : 22/

N° RG 21/02435 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TS3X

Jugement (N°20/02641) rendu le 08 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

SAS But International, agissant poursuites et diligences de son représentant légal

domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Angéline Champanhet, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

INTIMÉE

SARL Etiq Création, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

Ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Jeanine Audegond, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

DÉBATS à l’audience publique du 17 mai 2022 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Laurent Bedouet, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Nadia Cordier

conseiller, en remplacement de Monsieur Laurent Bedouet président empêché et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 10 mai 2022

****

La société But International (But) est une société qui distribue des produits d’ameublement, d’électroménager, et propose des services de conception et de création d’aménagement intérieur.

La société Etiq Création (Etiq) intervient dans la conception et la distribution de produits et accessoires pour la publicité sur le lieu de vente. Elle commercialise des produits standards selon un catalogue et des produits sur mesure selon les besoins des clients.

La société Nora distribution (Nora) est notamment spécialisée dans la conception et la fabrication d’objets de présentation destinés aux commerçants.

Dans le courant de l’année 2016, la société But a lancé un appel d’offres auprès de plusieurs sociétés, et notamment les sociétés Nora et Etiq, en vue de la fabrication et de la commercialisation de présentoirs à parures de lit.

Consultée en septembre 2016, la société Etiq a proposé un prototype de présentoir à la société But.

La société But a lancé un second appel d’offres en juin 2017 pour d’autres produits. Les propositions faites par la société Nora distribution ont été retenues.

En juin 2018, la société But a passé commande auprès de la société Nora pour la fabrication et la commercialisation de 6 000 présentoirs à parures de lit.

Constatant en octobre 2018 que des présentoirs étaient installés au magasin But de Roncq et considérant qu’ils étaient identiques au projet de présentoir qu’elle avait transmis à la société But sans qu’aucune commande n’ait été finalement passée, la SARL Etiq Création a sollicité et obtenu du président du tribunal de grande instance de Lille l’autorisation de procéder à une saisie-contrefaçon selon ordonnance du 16 novembre 2018.

Cette saisie s’est déroulée le 29 novembre 2018 dans les locaux du magasin But de Roncq, selon procès-verbal de la SCP Glorieux et Manchez, huissiers de justice à Lille.

La société Etiq Création a adressé à la société Nora une lettre recommandée avec accusé de réception, datée du 19 juin 2018 et réceptionnée le 22, afin d’obtenir le retrait des produits et en vue de parvenir à un règlement amiable.

Aucun règlement amiable du litige n’est intervenu.

Par acte en date du 21décembre 2018, la société Etiq Création a fait assigner la société But international et la société Nora distribution devant le tribunal de grande instance de Lille afin de voir condamner celles-ci à réparer le préjudice qu’elle a subi en raison d’actes de contrefaçon.

Par jugement contradictoire et en premier ressort en date du 8 avril 2021, le tribunal judiciaire de Lille a :

– rejeté le moyen tiré de la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 29 novembre 2018,

– rejeté le moyen tiré de la nullité de l’assignation introductive d’instance ;

– déclaré recevables les demandes présentées par la société Etiq Création ;

– débouté la société Etiq Création de l’ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon de droits d’auteurs du prototype de présentoir à parures de lit ;

– débouté la société Etiq création de ses demandes formées à l’encontre de la société Nora distribution au titre de la concurrence déloyale s’agissant du prototype de présentoir à parures de lit ;

– dit que la société But international a commis un acte de concurrence déloyale au préjudice de la société Etiq Création s’agissant du présentoir à parures de lit ;

– condamné la société But International à payer à la société Etiq Création la somme de 40 000 euros au titre de son préjudice économique ;

– condamné la société But International à cesser l’utilisation du présentoir à parures de lit commercialisé par la société Nora selon devis des 23 mai et 6 juin 2018 dans les magasins But ;

– condamné la société But à faire rappel de tous les produits copiés dans les magasins But et à détruire à ses frais lesdits produits rappelés, dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement et sous astreinte de 100 € par jour de retard passé ce délai, pendant 3 mois,

– rejeté la demande de la société Etiq Création tendant à ce que le tribunal se réserve la liquidation de l’astreinte,

– ordonné la publication de la décision à intervenir dans trois journaux ou revues au choix de la demanderesse et aux frais de la société But International,

– fixé le coût maximum de chaque publication à 500 € ;

– débouté la société But International de sa demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive ;

– débouté la société Etiq Création de ses demandes formées à l’encontre de la société Nora distribution au titre de la contrefaçon des corbeilles et bacs à vrac ;

– débouté la société Etiq Création de ses demandes formées à l’encontre de la société Nora distribution au titre de la concurrence déloyale des corbeilles et bacs à vrac ;

– condamné la société But International aux entiers dépens, en ce compris les frais liés à la saisie-contrefaçon ;

– rejeté la demande de recouvrement direct des dépens au bénéfice de Maître [X] [E] ;

– condamné la société But International à payer à la société Etiq Création la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– débouté la société Nora distribution de sa demande formée à l’encontre de la société Etiq Création au titre de l’article 700 du Code de procédure civile;

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision ;

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration d’appel en date du 27 avril 2021, la SAS But International a interjeté appel, intimant uniquement la société Etiq Création, des chefs de la décision suivants :

« – rejeté le moyen tiré de la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 29 novembre 2018,

– rejeté le moyen tiré de la nullité de l’assignation introductive d’instance ;

– déclaré recevables les demandes présentées par la société Etiq création ;

– dit que la société But international a commis un acte de concurrence déloyale au préjudice de la société Etiq création s’agissant du présentoir à parures de lit ;

– condamné la société But international à payer à la société Etiq création la somme de 40 000 euros au titre de son préjudice économique ;

– condamné la société But international à cesser l’utilisation du présentoir à parures de lit commercialisé par la société Nora selon devis des 23 mai et 6 juin 2018 dans les magasins But ;

– condamné la société But à faire rappel de tous les produits copiés dans les magasins But et à détruire à ses frais lesdits produits rappelés, dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement et sous astreinte de 100 € par jour de retard passé ce délai, pendant 3 mois ;

– ordonné la publication de la décision à intervenir dans trois journaux ou revues au choix de la demanderesse et aux frais de la société But international ;

– fixé le coût maximum de chaque publication à 500 € ;

-débouté la société But international de sa demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive ;

– condamné la société But international aux entiers dépens, en ce compris les frais liés à la saisie-contrefaçon ;

– rejeté la demande de recouvrement direct des dépens au bénéfice de Maître [X] [E] ;

– condamné la société But international à payer à la société Etiq création la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ».

MOYENS ET PRÉTENTIONS 

Par conclusions remises au greffe et notifiées entre parties par voie électronique en date du 26 avril 2022, la société But International demande à la cour, au visa des articles 56 et 112 et suivants du Code de procédure civile, de l’article 1240 du Code civil, de :

– infirmer le jugement du 8 avril 2021 en ce qu’il a énoncé :

– « Rejette le moyen tiré de la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 29 novembre 2018,

– Rejette le moyen tiré de la nullité de l’assignation introductive d’instance ;

– Déclare recevables les demandes présentées par la société Etiq Création ;

– Dit que la société But International a commis un acte de concurrence déloyale au préjudice de la société Etiq Création s’agissant du présentoir à parures de lit ;

– Condamne la société But International à payer à la société Etiq Création la somme de 40 000 euros au titre de son préjudice économique ;

– Condamne la société But International à cesser l’utilisation du présentoir à parures de lit commercialisé par la société Nora selon devis des 23 mai et 6 juin 2018 dans les magasins But ;

– Condamne la société But à faire rappel de tous les produits copiés dans les magasins But et à détruire à ses frais lesdits produits rappelés, dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement et sous astreinte de 100 € par jour de retard passé ce délai, pendant 3 mois ;

– Ordonne la publication de la décision à intervenir dans trois journaux ou revues au choix de l’intimée et aux frais de la société But International ;

– Fixe le coût maximum de chaque publication à 500 € ;

– Déboute la société But International de sa demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive ;

– Condamne la société But International aux entiers dépens, en ce compris les frais liés à la saisie-contrefaçon ;

– Rejette la demande de recouvrement direct des dépens au bénéfice de Maître [X] [E] ;

– Condamne la société But International à payer à la société Etiq Création la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

– Déboute la société Etiq Création de l’ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon de droits d’auteurs du prototype de présentoir à parures de lit ;

– Rejette la demande de la société Etiq Création tendant à ce que le tribunal se réserve la liquidation de l’astreinte, »

En conséquence, statuer à nouveau et :

– in limine litis,

– prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 29 novembre 2018,

– écarter des débats les pièces versées aux débats en première instance par la société Etiq Création sous les n°10 à 12.

– prononcer la nullité de l’assignation introductive d’instance pour défaut d’exposé des moyens sur lesquels les demandes sont fondées et inviter les parties à mieux se pourvoir,

– rejeter les demandes fins et conclusions de la société Etiq Création,

– dire et juger que la société But International n’a commis aucun acte de concurrence déloyale s’agissant du présentoir à parures de lit alors que de surcroît la société Etiq Création n’est en mesure de se prévaloir d’aucun préjudice,

– En conséquence, rejeter les demandes fins et conclusions de la société Etiq Création,

– à titre reconventionnel et dans tous les cas :

– rejeter les demandes, fins et conclusions de la société Etiq Création,

– condamner la société Etiq Création à verser à la société But International la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamner la société Etiq Création à verser à la société But International la somme de 20 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner la société Etiq Création aux entiers dépens de l’instance, avec distraction au profit de la SCP Processuel représentée par Maître Catherine Camus sur son affirmation de droit.

Elle pointe :

– l’absence de toute démarche de tentative de résolution amiable du litige en contravention avec l’article 56 du Code de procédure civile, la société Etiq Création étant en outre la seule à avoir refusé la proposition de médiation ;

– l’incompréhensibilité de l’action engagée par l’intimée, puisque cette dernière a établi le présentoir à partir des consignes données par But et conçu par ses soins.

Elle soulève la nullité de la saisie-contrefaçon, aux motifs qu’aucune ‘uvre de l’esprit, originale portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur n’était caractérisée dans la requête aux fins de saisie-contrefaçon, les termes de la requête étant constitués, d’une part, d’affirmations, et non d’une description, très vagues, largement insuffisantes pour démontrer une quelconque originalité, ce qui se comprend puisque la réalisation est dénuée d’originalité, disposant uniquement de caractéristiques purement techniques et fonctionnelles, d’autre part, d’affirmations non assorties de la preuve d’une quelconque utilisation effective par la société But du présentoir.

Elle observe que la demande nouvelle d’irrecevabilité de la demande de nullité présentée pour la première fois en cause d’appel ne peut qu’être rejetée, la demande de nullité d’une saisie-contrefaçon n’étant pas une exception de procédure. Elle en conclut que l’ordonnance aux fins de saisie-contrefaçon encourt la nullité ce qui entraîne la nullité du procès verbal qui s’en est suivi.

Elle plaide la nullité de l’assignation, faute de respect de l’article 56 du Code de procédure civile, soulignant que l’objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit est lacunaire, privant le défendeur de la possibilité de préparer utilement sa défense.

Dans le cadre de l’assignation en contrefaçon doivent être identifiées par le demandeur de manière précise les caractéristiques qui permettent de fonder l’originalité de l”uvre et les actes reprochés au défendeur. Le demandeur n’a pas défini le périmètre de la protection revendiquée, ni les caractéristiques du produit rendant celui-ci éligible à la protection du droit d’auteur. Il n’est pas plus explicité l’effort créatif rendant l”uvre définitive différente du projet soumis par But. Les deux modèles de présentoir en cause ne sont nullement comparés et la société Etiq n’a pas plus pris la peine de distinguer les actes reprochés à chacune des défenderesses à l’action.

Cette demande n’avait pas à être formulée devant le juge de la mise en état, puisque son appréciation dépend du fond du dossier. Cette demande n’est nullement irrecevable.

Elle conclut à l’absence de contrefaçon, faute d’originalité, ne donnant pas prise au droit d’auteur, d’autant que ce modèle a été mis au point selon les exigences précises de la société But et que la société Etiq Création n’apporte aucune preuve de la prétendue présence antérieure dans les magasins Boulanger du présentoir à brochures dont elle serait à l’origine, antérieurement au projet de présentoir à parures de But. Ce présentoir n’est qu’un banal modèle de présentoir transparent destiné à supporter des éléments, sans qu’il puisse se démarquer par des caractéristiques portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Le modèle Boulanger invoqué ne peut être une antériorité valable et ce présentoir à brochures est assez éloigné du présentoir à parures imaginé par But au lancement du projet. Il ne présente pas la même impression d’ensemble.

Elle conteste le fait que le tribunal aurait dû établir la titularité des droits attachés au présentoir à prospectus. La demande de la société Etiq pour voir reconnaître la titularité de ses droits sur le modèle n°1-459-008d (présentoir à parures de lit), qui serait une déclinaison du modèle Boulanger, doit être rejetée.

Elle se prévaut des instructions données, très précises, et des cotes remises pour concevoir un prototype fidèle à ses exigences. Des modifications ont été sollicitées, ce qui a conduit à faire évoluer le prototype, évolution qui n’a pas été réalisée selon le parti pris esthétique de la société Etiq Création ou sa volonté de se démarquer du présentoir antérieur Boulanger mais uniquement en vue de répondre aux attentes précises de la société But.

Elle souligne que les caractéristiques du présentoir revendiqué par la société Etiq Création sont banales et dictées par sa fonction. L’intimée ne donne ni par le contenu de son assignation, ni par les pièces les moyens d’apprécier la prétendue originalité de l”uvre. Le présentoir litigieux est on ne peut plus, classique, avec deux tablettes superposée, des côtés transparents, le tout dans une matière neutre. Ce modèle de présentoir est couramment utilisé dans les magasins d’ameublement. Tant les éléments pris séparément que combinés ne font pas du présentoir litigieux une ‘uvre originale.

Elle soutient l’absence de tout acte de concurrence déloyale aux motifs que :

– la reprise d’un produit aux caractéristiques banales et fonctionnelles, qui ne sont pas appropriables, ne peut être fautive ;

– en première instance, la société Etiq Création n’invoquait pas de fait distinct de ceux invoqués au titre de la contrefaçon, en contradiction avec la jurisprudence constante en la matière ;

– le fait non fautif au titre de la contrefaçon ne peut pas plus l’être au titre de la concurrence déloyale, sauf à apporter la preuve de la copie d’une valeur économique individualisée, la preuve d’un risque de confusion, la preuve des investissements réalisés par le demandeur, la démonstration de la captation desdits investissements, la preuve d’une mise dans le sillage ;

– aucune preuve d’un fait fautif n’est apportée en ce sens même en cause d’appel,

– le présentoir étant fonctionnel, il ne peut donner lieu à un quelconque monopole, n’a aucune valeur économique, ne peut donner lieu à copie servile, appropriation des investissements et du savoir faire ;

– le tribunal qui a reconnu que le présentoir a été fabriqué par la société Etiq Création selon les instructions et directives de But aurait dû en tirer toutes conclusions, en jugeant que la société Etiq Création ne pouvait se réserver aucun monopole sur ce présentoir ;

– il existe une contradiction dans les motifs des premiers juges, lesquels ne pouvaient considérer dans un second temps que les caractéristiques de l’objet ne pouvaient être librement reproduites ;

– le tribunal a eu recours à une présomption de culpabilité lorsqu’il énonce que l’absence de justification par la société But des ressemblances des modèles en cause justifie qu’elle a commis un acte de concurrence déloyale, cette ressemblance étant la résultante du projet même de But International et des directives données pour le réaliser ;

– il n’est apporté aucune preuve de ce que la société But International aurait tiré profit du travail de la société Etiq Création, ce qui n’est que pure affirmation, tout comme s’agissant du parasitisme ;

– les ressemblances ne sont dues qu’au fait que les sociétés se sont contentées de suivre les directives, n’ayant eu qu’un rôle d’exécutant.

Elle oppose qu’aucune preuve d’un quelconque préjudice n’est apportée, le seul préjudice existant étant le sien à raison de la présente action qui revêt un caractère abusif.

Le préjudice de perte de chance invoqué par la société Etiq Création n’est ni justifié en son principe, ni en son montant. Elle conteste que le mode de calcul du préjudice de contrefaçon puisse être transposé en l’espèce.

Par conclusions remises au greffe et notifiées entre parties par voie électronique en date du 21 avril 2022, la SARL Etiq création demande à la cour, au visa des dispositions des articles, L111-1 L 112-1, L112-2, L113-1, L121-2 , L122-1, L 331-1-3, L 335-2 du code de la propriété intellectuelle, des articles 74 et 789 du Code de procédure civile, des L211-10 et D 211-6-1 du Code de l’organisation judiciaire, de l’article 1240 du Code civil, de :

– dire mal appelé, bien jugé

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté les exceptions de nullité du PV de saisie contrefaçon et de l’assignation

Au besoin, les déclarer irrecevables en cause d’appel,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré recevables les demandes présentées par la société Etiq Création

– déclarer recevables et bien fondées les demandes de la société Etiq Création

– faisant droit à l’appel incident de la concluante,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Etiq Création de ses demandes au titre de la contrefaçon de droits d’auteurs du prototype de présentoir à parures de lit

– juger que le présentoir à parures commercialisé par la SAS Nora distribution est une contrefaçon du présentoir réf 1-459-008 d’Etiq Création ;

– juger que la SAS But International, par la reproduction, la vente et l’usage de copies serviles du présentoir à parures protégé par le droit d’auteur, s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon.

– en conséquence, la condamner à verser à Etiq Création des dommages et intérêts à hauteur de 85 000 € au titre du manque à gagner et 10 000 € pour atteinte à son droit moral.

– à défaut, confirmant le jugement, dire et juger que les agissements de la SAS But International à l’encontre d’Etiq Création constituent une concurrence déloyale sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.

– infirmant le jugement sur le montant des condamnations prononcées à l’encontre de la SAS But, condamner la SAS But International à verser à la concluante à titre de dommages et intérêts la somme de 85 000 € pour la commercialisation indue du présentoir.

– rejeter l’ensemble des demandes de la SAS But.

– confirmant le jugement,

– ordonner la publication d’extraits du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues nationaux du choix de la société Etiq Création et aux frais des défenderesses

– fixer le coût maximum de chaque insertion à 500 € HT.

– L’infirmant en ce qu’il a débouté Etiq Création du surplus de ses demandes et y ajoutant,

– interdire toute nouvelle commercialisation des produits visés par la procédure ;

– ordonner le rapppel de tous les produits contrefaisants dans les magasins But et en ordonner la destruction aux frais des sociétés défenderesses dans un délai de 2 mois à compter de la décision et ce sous astreinte de 100 €/jour pendant 3 mois.

– condamner SAS But International à payer à la Société Etiq Création la somme de 8 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

– condamner la SAS But International en tous les dépens de l’instance en ce compris les frais de la saisie contrefaçon.

Elle estime que rien ne permet à la société But d’affirmer de façon péremptoire qu’il faille annuler l’ordonnance, la société ayant bien fait mention dans sa requête du qualitatif de présentoir, avec en annexe une photo et une notice, du rappel du parti pris esthétique, de la présence des tablettes intégrées permettant d’ajouter des couleurs pour accentuer l’originalité. Il n’appartient pas, à ce stade, à l’auteur de démontrer l’originalité, s’agissant d’un jugement de valeur dont seul le juge peut se saisir.

Elle s’estime bien fondée à solliciter l’irrecevabilité de la demande en appel, la combinaison des articles 74 et 771 (devenu 789) du Code de procédure civile, imposant que les exceptions de nullité soient connues du juge de la mise en état et non de la juridiction du fond. La cour devra réparer cette omission et rejeter en appel cette même exception de procédure.

Si cette exception était accueillie, il appartiendrait à la cour de statuer au vu des pièces 6,7,24,24 (‘),35 et 42.

Sur la nullité de l’assignation, elle souligne avoir développé les caractéristiques et l’originalité, sans qu’il soit nécessaire d’imposer une comparaison point par point, étant observé que les défendeurs ont pu sans difficulté conclure sur le fond. Cette demande est tout autant irrecevable, comme relevant des exceptions de nullité connues par le juge de la mise en état et non la juridiction de fond, ce qui aurait dû conduire le tribunal à les considérer comme irrecevables.

Elle argue de la validité des droits sur le présentoir et précise la titularité de l”uvre dont elle bénéficie, étant à l’origine de la divulgation de l”uvre présentée à la société But. Elle souligne qu’il n’existe aucune cotitularité à envisager à partir du dessin fourni, les plans élaborés par But n’étant qu’une imitation du produit phare de la société Etiq commercialisé depuis 2007 dans les magasins Boulanger.

Elle plaide que si But était considéré comme contrefacteur à l’origine en incitant ses partenaires à développer des projets visant à copier le modèle Boulanger, il n’était pas utile de vérifier si le produit fini se démarquait de manière originale de la commande initiale.

L’originalité du modèle ne peut qu’être reconnue, les différences entre le modèle suggéré et le modèle proposé démontrent que la société Etiq Création a conçu un présentoir original, différent de la commande de base. Elle revient sur les caractéristiques même de cette originalité. Elle estime qu’il existe un travail manifeste de sa part, restant pour le premier projet, dans l’optique du présentoir Boulanger, pour finalement le transformer de manière radicale, tout en courbes et en arriver au prototype de décembre. Le cahier des charges très précis dont se prévaut But n’est toujours pas produit en cause d’appel. Le travail créatif et le parti pris esthétique auraient du être reconnus comme portant l’empreinte de son auteur.

Elle rappelle que le tribunal peut parfaitement examiner favorablement la demande de concurrence déloyale, même en l’absence de fait distinct. La société But n’a pas respecté les règles d’une concurrence loyale puisqu’elle a fait intervenir la société Nora en 2018 pour piller les efforts intellectuels de la société Etiq Création dans un copie servile pour un coût de conception moindre. Ce produit n’avait curieusement pas fait partie de l’appel d’offres qui a mis les sociétés Nora et Etiq en concurrence sur certains projets, démontrant la man’uvre de But tout au long du parcours d’élaboration du produit fini.

Le modèle non protégé peut être reproduit, sauf en cas de faute, notamment par risque de confusion. Mais rechercher le risque de confusion n’est pas la seule voie, l’agissement parasitaire étant une forme de concurrence déloyale, ce qui est manifestement le cas en l’espèce.

Elle sollicite que soit reconnue la contrefaçon et à titre subsidiaire, la confirmation de la condamnation de But au titre de la concurrence déloyale.

Elle revient sur le montant du préjudice au titre de la contrefaçon et au titre de la concurrence déloyale et les mesures complémentaires sollicitées.

***

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2022.

À l’audience rapporteur du 17 mai 2022, le dossier a été mis en délibéré au 29 septembre 2022.

MOTIVATION

– Sur la régularité de la saisie-contrefaçon

En vertu des dispositions de l’article L.332-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014, tout auteur d’une ‘uvre protégée par le livre Ier de la présente partie, ses ayants droit ou ses ayants causes peuvent agir en contrefaçon. À cet effet, ces personnes sont en droit de faire procéder par tous huissiers, le cas échéant assistés par des experts désignés par le demandeur, sur ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d’échantillons, soit à la saisie réelle des ‘uvres prétendument contrefaisantes ainsi que de tout document s’y rapportant. L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux ‘uvres prétendument contrefaisantes en l’absence de ces dernières.

1) Sur l’irrecevabilité de la demande en nullité

Excipant de l’article 74 du code de procédure civile, selon lequel les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir et de l’article 771 du code de procédure civile, devenu depuis l’article 789 du code de procédure civile, donnant compétence au juge de la mise en état pour statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance, la société Etiq Création sollicite l’irrecevabilité de la demande en nullité de la saisie contrefaçon présentée faute d’avoir été effectuée devant le juge de la mise en état.

Si la société But International évoque le caractère nouveau de cette demande en cause d’appel, aucune fin de non-recevoir aux termes du dispositif de ses écritures n’est élevée de ce chef, et la cour qui se doit d’office d’examiner cette irrecevabilité sur le fondement des articles 564 du code de procédure civile et suivants ne peut que rejeter cette argumentation, puisqu’une fin de non-recevoir peut être soulevée en tout état de cause.

Par contre, d’un point de vue procédural, la nullité d’une saisie ne constitue pas une exception de procédure régie par les articles 112 et suivants du code de procédure civile, mais bien une défense au fond au sens de l’article 71 du code de procédure civile susceptible d’être soulevée en tout état de cause conformément à l’article 72 du Code de procédure civile.

En conséquence, le moyen de nullité d’une saisie-contre-façon, laquelle est un acte probatoire antérieur à la procédure de contrefaçon qui n’est introduite que par la demande en contrefaçon, ne constitue pas une exception de procédure au sens de l’article 73 du code de procédure civile et n’a donc pas, à peine d’irrecevabilité, à être soulevée in limine litis et à être présentée au juge de la mise en état.

Ce moyen est donc rejeté.

2) Sur la nullité de la saisie-contrefaçon

S’agissant d’une autorisation obtenue sur requête, les dispositions des articles 493 et suivants du code de procédure trouvent à s’appliquer.

La requête doit contenir au minimum l’indication de la qualité à requérir la saisie et de l’objet de celle-ci, sans qu’il y ait lieu ni de prouver les faits nécessaires au succès de la prétention conformément aux dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, ni d’étayer par un commencement de preuve l’allégation de contrefaçon, puisque la saisie-contrefaçon a justement été instituée pour permettre de faire une preuve qui ne peut pas être apportée par les moyens ordinaires conformément aux dispositions de l’article 144 du code de procédure civile, ni de justifier d’un motif légitime sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

La requête doit toutefois être présentée en double exemplaire et doit comporter « l’indication précise des pièces invoquées » conformément aux dispositions de l’article 494 du code de procédure civile, lesquelles exigent également qu’elle soit motivée.

Par des motifs que la cour fait siens, veillant à analyser tant les motifs de la requête que les pièces invoquées au soutien de cette dernière, les premiers juges ont souligné que la société Etiq Création a pris soin d’une part, de contextualiser ses relations avec la société But et sa demande, d’autre part, de décrire son présentoir dans les aspects relevant de l’originalité et révélant selon elle une « esthétique personnalisée », et enfin de mentionner les faits contrefaisants, en joignant 8 pièces dont la notice de montage et le descriptif de son produit, caractéristiques de l”uvre de l’esprit revendiquée.

Ainsi, les premiers juges ont pu retenir que la requête précitée était suffisamment motivée et présentait de manière succincte, mais certaine et précise, les éléments caractérisant selon la société Etiq Création l”uvre de l’esprit dont elle revendique la protection, à savoir des présentoirs de parures de lits « tout en transparence et en légèreté tout en respectant les notions de solidité et praticité [avec des] tablettes intégrées pour l’affichage permett[ant]d’ajouter les couleurs du magasin pour rendre le produit encore plus original », ce qui permettait au juge des requêtes de statuer en autorisant ladite saisie et à la partie, une fois l’ordonnance notifiée, de connaître les contours de l”uvre revendiquée et les faits contrefaisants reprochés.

Sans qu’il y ait lieu de suivre la société But International dans le détail de son argumentation, laquelle vise par ses critiques à contester en réalité au fond l’originalité de l”uvre, la décision de première instance qui a rejeté ce moyen de nullité, qui manque en fait, ne peut qu’être confirmée.

– Sur la régularité de l’assignation

En vertu des dispositions de l’article 56 du code de procédure civile, l’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice et celles énoncées à l’article 54 ‘  «  2° un exposé des moyens en fait et en droit ; 3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé’ »

Aux termes de l’article 73 du Code de procédure civile, constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.

L’article 74 du Code de procédure civile précise que les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public.

Conformément aux dispositions de l’article 771 du Code de procédure civile, applicable à la procédure litigieuse, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance, les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge.

Il résulte de ce texte, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er mars 2006, que tenues, à peine d’irrecevabilité de soulever les exceptions de procédure devant le juge de la mise en état, seul compétent, jusqu’à son dessaisissement, pour statuer sur celles-ci, les parties ne sont plus recevables à les soulever ultérieurement à moins qu’elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement de ce juge.

La nullité de l’assignation, fut-elle une assignation en contrefaçon, est une exception de procédure qui est survenue et révélée nécessairement antérieurement à la saisine du juge de la mise en état et relève de la compétence exclusive de ce dernier.

La société But International n’est plus recevable à la soulever ultérieurement devant le tribunal judiciaire, sans qu’elle puisse opposer à la société Etiq Création une quelconque irrecevabilité tirée du caractère nouveau de cette demande en appel, s’agissant d’une fin de non-recevoir susceptible d’être invoquée en tout état de cause, conformément aux dispositions de l’article 123 du Code de procédure civile.

La société But ne peut se retrancher derrière le fait que la demande en nullité, dépendant selon elle de l’originalité décrite de l”uvre, ne peut faire l’objet d’un examen par le juge de la mise en état mais par la juridiction du fond, dès lors que seule est exigée, à ce stade, dans le cadre de l’assignation, la caractérisation de l’originalité revendiquée, mais non la preuve et la démonstration de cette dernière.

Au vu de cette fin de non-recevoir opposée à la demande pour la première fois en cause d’appel et en l’absence de soumission de cette exception à la juridiction de mise en état, la décision de première instance ne peut qu’être infirmée en ce qu’elle a procédé à un examen au fond de la régularité de l’acte de saisine et la demande en nullité de l’assignation en contre-façon être déclarée par la cour irrecevable.

– Sur la demande de protection au titre du droit d’auteur et la contrefaçon 

En vertu des dispositions de l’article L 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une ‘uvre de l’esprit jouit sur cette ‘uvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.

Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres 1er et 3 du présent code.

Conformément aux dispositions de l’article L 112-1 du même code, les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les ‘uvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

Pour être protégée par le droit d’auteur, une création intellectuelle doit impérativement répondre :

– d’une part, à deux conditions de forme :

– se manifester par une expression apparente,

– qui doit être tangible, ou fixée sur un support,

– d’autre part, à deux conditions de fond :

– être une création, ou une ‘uvre de l’esprit,

– qui est originale, donc singulière.

Ainsi, la création se définit par une production de l’esprit qui se manifeste par un effort, aussi minime soit-il, mais certain et qui démontre un parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de son auteur, et non de simples déclinaisons ou des transpositions, conférant ainsi à l’objet un caractère d’originalité et de nouveauté.

Lorsqu’une ‘uvre est très distinctive et très caractéristique, il suffit d’emprunts minimes pour que la contrefaçon soit réalisée, alors que la contrefaçon d’une ‘uvre combinant des éléments connus et moins novateurs ne sera réalisée que par l’emprunt de nombreux éléments. Dans ce dernier cas, ce sera souvent l’enchaînement de ces éléments banals qui constituera l’originalité de l”uvre, et seule la reprise de cet enchaînement sera susceptible d’en constituer la contrefaçon.

Pour contester toute cotitularité sur le présentoir litigieux avec société But international, laquelle souligne les indications données pour aboutir au modèle de parure de lits, émanant des recherches de ses services en avril 2016 et encadrant l’appel d’offre, et pour revendiquer la protection liée à l’antériorité d’une création, la société Etiq Création argue d’une imitation d’un de ses produits phares, le présentoir à revues commercialisé auprès de la société Boulanger, dont le modèle de présentoir n°1-459-008d ne serait qu’une déclinaison.

Contrairement à ce qu’affirme la société Etiq Création, les premiers juges ont, certes au détour de l’étude des caractéristiques du présentoir à parures et de son originalité, bien examiné cette question de l’antériorité du droit invoqué et de l’existence d’une ‘uvre originale préexistante établie par la société Etiq création au profit de la société Boulanger, pour l’écarter.

Or, quand bien même la société Etiq Création justifie avoir conçu et commercialisé un présentoir à brochures transparents auparavant pour Boulanger, au moins dans le cadre de deux commandes en mars 2010 et novembre 2011 et alors qu’il n’est pas contesté qu’elle commercialise de nombreux produits transparent, comme en atteste son catalogue, pour assurer la présentation et la publicité sur les lieux de ventes (porte-brochures, présentoirs), il n’est pas prouvé une quelconque singularité dans ce domaine de cette société et plus particulièrement du modèle « Boulanger », notamment par l’usage des matériaux (dualité de matière) et de la forme (arrondis), en 2010, par rapport à des produits aux fonctions similaires de présentoirs et développés à l’époque, et faisant ainsi de ce modèle de présentoir une création originale susceptible d’être protégée.

D’ailleurs, paradoxalement, les éléments d’originalité revendiqués par la société Etiq création (notamment l’inclinaison des tablettes) pour le présentoir à parures de lit 1-459-008d ne se retrouvent pas sur ce modèle « Boulanger », ce qui donne une impression d’ensemble bien distincte, mais se trouvent par contre présents sur le schéma conçu à l’aide du logiciel Skechup en avril 2016 par la société But International pour l’appel d’offres, ce que n’ont pas manqué de souligner les premiers juges.

La société Etiq Création n’établit pas en quoi ce dessin fourni constituerait un premier acte de contrefaçon, d’autant que la divulgation du modèle de présentoir Boulanger, pour lequel l’expression de la personnalité et les choix arbitraires et créatifs de l’auteur ne sont pas prouvés, n’en faisant pas l”uvre d’autrui, est seulement affirmée, la commande attestée de trois présentoirs en tout par les factures établies au profit de Boulanger marketing en 2010-2011 ne permettant pas de présumer que la société But international ait pu avoir connaissance de ce produit et qu’elle s’en soit inspirée pour réaliser le schéma litigieux.

Après avoir justement rappelé que le respect des contraintes imposées n’exclut pas de facto la possibilité de démontrer l’originalité du produit finalement proposé, dès lors que se trouve mis en lumière l’ajout d’éléments originaux, démontrant le parti pris esthétique de son auteur et ainsi le caractère orignal et/ou novateur des éléments proposés, singularisant le produit final de la commande initiale, les premiers juges ont veillé à décrire l’ébauche de présentoirs non transparents, aux angles atténués, figurant sur l’appel d’offres de la société But International et le modèle finalement présenté par la société Etiq et pour lequel est revendiqué la protection sur le fondement des droits d’auteur.

Ainsi, ont-ils pu observer que le modèle de présentoir en litige reprend les grandes lignes du schéma envisagé par la société But International sans apporter d’éléments distinctifs originaux, révélant un parti pris esthétique, la société Etiq Création ne pouvant revendiquer l’apport créatif de l’inclinaison des tablettes alors même que cette préconisation résulte du schéma adressé par la société But et répond à un impératif technique et fonctionnel.

Si la transparence est un élément apporté par la société Etiq Création et ne se retrouvant pas dans la commande initiale envisagée par la société But International, cet élément, dont la singularité par rapport aux autres produits de ce genre développés à l’époque n’est pas démontrée, répond à la fonction même de présentoir, à savoir un support de vente, qui vise à se faire oublier pour permettre justement la mise en valeur des produits présentés, et non celle du présentoir.

Il n’est pas démontré que la dualité de matières, qui est induite par la recherche de transparence sur les côtés, résulte d’un parti pris esthétique original et singulier à la société Etiq Création, et non d’une simple volonté de produire un prototype répondant à des critères de coûts et de rentabilité mais également de fonctionnalité, pour éviter que les produits cellophanés ne glissent, l’évolution même de son prototype permettant de constater qu’initialement était envisagée par la société Etiq Création un présentoir totalement transparent, différent de la version finale avec des planches pleines pour le dos des étagères haute comme basse et pour l’étagère horizontale basse.

Il n’est pas plus démontré que l’arrondi, certes proposé par la société Etiq Création, soit lié à un parti pris esthétique et non aux souhaits émis par la société But international, qui lors du processus d’appel d’offres pour améliorer le schéma initial a sollicité la présence d’angles atténués, cet élément à soi seul n’étant pas suffisant pour caractériser l’originalité revendiquée de l”uvre, d’autant qu’il répond à des impératifs en terme de sécurité.

La présence de tablettes intégrées pour l’affichage permettant d’ajouter des stickers de couleur à l’effigie du magasin répond à la fonction, à visée pratique et adaptative du produit, de support de vente et de réclame de ce présentoir, sans aucun lien avec un quelconque parti pris esthétique.

Le fait que cet élément soit nouveau ou différent des produits de ce genre antérieurement mis sur le marché, à supposer ces faits établis, ce qui n’est pas, ne rend pas pour autant le produit original.

C’est donc par des moyens pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont ainsi décomposé les éléments de l”uvre revendiquée comme preuve de l’originalité et de la personnalité de l’auteur, pour vérifier leur singularité, les analyser et écarter ceux qui ne sont pas protégeables comme relevant notamment des formes courantes dans le domaine considéré ou répondant à des tendances générales de mode, du genre et de sécurité.

Faute pour la société Etiq création de justifier d’un élément singulier et distinctif de nature à exprimer la personnalité de son auteur en conférant à son ‘uvre une forme personnelle ou d’établir l’existence d’une combinaison originale de formes et de matières, précisément définie qui relève d’un parti pris esthétique et révèle un effort créatif démontrant bien la personnalité de son auteur et atteste de la recherche d’une configuration particulière, se distinguant des produits pouvant appartenir au même style et de la mise en ‘uvre de simples savoir-faire, les demandes de protection fondées sur la contrefaçon d’un droit d’auteur ne peuvent qu’être rejetées, la confirmation de la décision de première instance s’imposant de ce chef.

– Sur les demandes au titre de la « concurrence déloyale »

Aux termes des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Au vu du principe de la liberté du commerce, pour que puisse être retenu un acte déloyal en la matière, doit être caractérisé l’abus de cette liberté et l’atteinte à la libre concurrence par des procédés déloyaux.

Le parasitisme économique, susceptible de donner lieu à réparation sur le fondement des dispositions de la responsabilité civile, se définit par l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de profiter sans rien dépenser de ses efforts et de son savoir-faire ou en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis.

Est ainsi susceptible d’engager sa responsabilité à ce titre celui qui, à titre lucratif et de façon injustifiée, s’inspire sensiblement ou s’accapare en le copiant le fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissement, commettant ainsi un acte déloyal contraire aux usages du commerce.

Lorsqu’un détournement de savoir-faire est reproché, encore faut-il que celui-ci lui soit propre et particulier, faute de quoi, il n’est pas protégé ; le savoir-faire se définissant comme un ensemble d’informations de nature technique, industrielle ou commerciale, identifiées et substantielles, non immédiatement accessibles au public et transmissibles, représentant ainsi une valeur économique susceptible d’être cédée à titre onéreux.

La société But international ne saurait se retrancher derrière la jurisprudence relativement stricte en présence de demandes présentées au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale qui exige que les actes en questions, nécessairement fautifs, soient effectivement distincts des actes de contrefaçon et non la simple conséquence de ceux-ci, jurisprudence inopérante en la matière dès lors que l’action en concurrence déloyale n’est pas concurrente à l’action principale en contrefaçon.

En effet, le demandeur étant finalement débouté de son action principale en contrefaçon, la demande concurrente au titre de la concurrence déloyale devient alors une action principale, qui a pour objet d’assurer la protection de celui qui ne peut se prévaloir d’un droit privatif, même si les faits incriminés sont matériellement les mêmes que ceux qui ont été invoqués sans succès à l’appui de l’action en contrefaçon de droit d’auteur.

Les développements relatifs à l’absence de confusion dans l’esprit des consommateurs ou la possibilité de commercialiser un produit directement identique à celui distribué par un concurrent ne sont pas plus opérants dès lors que le présentoir n’avait pas vocation à être commercialisé au grand public et que les sociétés But international et Etiq création ne sont pas en concurrence.

Il en est de même des développements de la société But International sur le caractère banal du produit ou encore fonctionnel, l’originalité n’étant pas une condition de l’action en concurrence déloyale.

D’ailleurs, la société Etiq Création reproche uniquement à la société But International un acte, sur le fondement de la responsabilité civile, contraire à la loyauté commerciale, pour avoir profité du travail mené par ses soins, ayant permis d’obtenir auprès d’un fournisseur à moindre coût la réalisation d’un produit identique à celui qu’elle avait esquissé lors de sa réponse à l’appel d’offre.

Les affirmations de la société But International pour expliciter l’absence de nouvel appel d’offres et la décision d’ajourner la commande en 2016 sans mener à son terme l’appel d’offres ne sont étayées par aucune pièce.

Or, au vu des pièces versées aux débats, après une étude détaillée, d’une part, des devis présentés par la société Nora pour répondre à l’appel d’offres de 2016 et de 2018, d’autre part de la photographie du prototype adressée par la société Nora à la société But International en 2016, des photographies du présentoir installé dans le magasin But, conçu et commercialisé par la société Nora en 2018 et du prototype final tel que conçu pour répondre à l’appel d’offres, et enfin du rôle central de la société But International qui a réceptionné les différentes réponses à appel d’offres en 2016, les premiers juges ont pu déduire de l’évolution notable du présentoir finalement commercialisé par la société Nora distribution par rapport au prototype proposé en 2016 alors plus proche du schéma informatiquement réalisé par la société But International, de la similitude en tout point du présentoir finalement conçu par la société Nora distribution et commandé par la société But International avec le présentoir de la société Etiq Création, de l’absence de tout nouveau processus d’appel d’offres et de l’absence d’explications données à la concordance quasiment parfaite des prototypes, l’existence de présomptions graves, précises et concordantes de la captation par la société But International du travail effectué par la société Etiq Création pour améliorer le schéma initialement envisagé, à partir d’informations et de savoir-faire non immédiatement accessibles à d’autres prestataires, propres à la société Etiq Création comme le démontre le processus d’amélioration du prototype initial pour répondre et dépasser les attentes de la société But International sur ce point, éléments susceptibles d’être valorisés ou cédés, conduisant ainsi à la réalisation d’un produit amélioré, sans bourse délier, à moindre coût, et sans que la société Etiq Création ne soit rémunérée de son travail.

La faute étant établie, c’est à juste titre que les premiers juges ont estimé la responsabilité civile de la société But International engagée de ce fait, étant observé qu’il s’infère nécessairement de cette faute un préjudice, fut il seulement moral.

Or, concernant le préjudice, il est manifeste que la société But International, en captant le travail effectué par la société Etiq Création, a pu obtenir de la société Nora distribution une proposition commerciale moins-disante pour la prestation et la réalisation des 6 000 présentoirs commandés à un prix de 27,80 euros HT par unité.

Au vu du montant proposé par la société Etiq Création aux termes de son dernier devis répondant à l’appel d’offres et fixant le prix à l’unité du présentoir à 39,40 euros HT, son préjudice n’est nullement un préjudice de perte de chance, mais bien un préjudice lié à la perte de gain et au travail investi sans contrepartie, la commande pour le nombre et le modèle envisagé ayant été définitivement passée, auprès d’un autre prestataire, en capacité d’offrir un prix mieux-disant, puisque diminué du coût de conception, en raison de la faute commise.

Ainsi, au vu de la capacité par le nouveau prestataire de formuler un offre mieux disante permettant à la société But international de réaliser une économie substantielle, en tenant compte du fait que seule la marge bénéficiaire peut donner lieu à indemnisation, et au vu de la perte de gain ci-dessus caractérisée et du travail fourni sans contrepartie, le préjudice est justement réparé par l’octroi d’une somme de 40 000 euros, ce qui justifie la confirmation du jugement déféré de ce chef.

La société Etiq Création ne justifiant pas avoir conçu ledit prototype pour une exploitation au profit d’un autre destinataire que la société But International et ne justifiant ni du fait que ce prototype fasse partie de son catalogue, ni même d’ailleurs que le modèle de la société Nora distribution soit toujours exploité par la société But International, la nécessité d’une injonction, sous astreinte, de cesser les agissements et rappeler les produits litigieux, selon les modalités arrêtées par la décision déférée, n’est pas démontrée, la décision de première instance devant infirmée de ce chef.

Il n’y a pas plus lieu d’ordonner la publication de la décision, aucun élément ne justifiant d’y recourir au vu en outre du laps de temps s’étant écoulé depuis la réalisation de la faute.

Le préjudice subi par la société Etiq création est intégralement réparé par l’octroi de la somme précitée de dommages et intérêts.

– Sur la demande pour procédure abusive

En vertu des dispositions des articles 1240 et suivant du code civil, l’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit et nécessite que soit caractérisée une faute faisant dégénérer en abus le droit d’agir en justice pour que puissent être octroyés des dommages et intérêts à titre de réparation.

En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

À juste titre les premiers juges ont rejeté la demande de la société But International au titre de la procédure abusive, aucun abus n’étant caractérisé, puisqu’il a été fait droit aux demandes de la société Etiq Création à son encontre, rendant inopérant le moyen selon lequel cette action n’aurait été menée que dans un but dilatoire ou financier afin de compenser la perte d’un marché, sans que l’absence de toute démarche de résolution amiable puisse utilement être brandie, étant d’ailleurs observé que les courriers du conseil établissent avant l’introduction de l’instance que la société Etiq Création s’était rapprochée des sociétés assignées.

– Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la société But International succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.

Les chefs de la décision relatifs aux dépens et à l’indemnité procédurale sont confirmés.

Le sens du présent arrêt commande de condamner la société But International à payer à la société Etiq Création la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande d’indemnité procédurale de la société But International ne peut qu’être rejetée.

PAR CES MOTIFS

Vu la saisine limitée de la cour ;

REJETTE la fin de non-recevoir opposée à la demande de nullité de la saisie-contrefaçon ;

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 8 avril 2021 en ce qu’il a :

– rejeté le moyen tiré de la nullité de l’assignation introductive d’instance

– condamné la société But International à cesser l’utilisation du présentoir à parures de lit commercialisé par la société Nora selon devis des 23 mai et 6 juin 2018 dans les magasins But ;

– condamné la société But à faire rappel de tous les produits copiés dans les magasins But et à détruire à ses frais lesdits produits rappelés, dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, pendant 3 mois,

– ordonné la publication de la décision à intervenir dans trois journaux ou revues au choix de la demanderesse et au frais de la société But International, sans que le coût maximum de chaque publication dépasse 500 euros et en ce qu’il a ordonné condamné la société But International à cesser l’utilisation du présentoir à parures de lit commercialisé par la société Nora selon devis des 23 mai et 6 juin 2018 dans les magasins But

Statuant à nouveau,

DÉCLARE irrecevable la demande de nullité de l’assignation ;

REJETTE les demandes d’injonction sous astreinte ;

REJETTE la demande de publication de la décision ;

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Lille en ses dispositions dévolues pour le surplus ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société But International à payer à la société Etiq Création la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

LA DEBOUTE de sa demande d’indemnité procédurale ;

LA CONDAMNE aux dépens d’appel.

Le greffierP/ Le président

Marlène ToccoNadia Cordier

 


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