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27 mars 2018
Cour d’appel de Paris
RG n°
16/14338
Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRÊT DU 27 MARS 2018
(n°050/2018, 26 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 16/14338
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mai 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 15/01373
APPELANTS
Monsieur [S] [W]
Domicilié chez son éditeur, la société CLASSIQUES G, [Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté et assisté de Me Julie CHALUMEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1285
SARL CLASSIQUES G
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de sous le numéro 504 550 377
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée et assistée de Me Julie CHALUMEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1285
INTIMÉE
Madame [E] [Z] épouse [U]
née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 2]
Demeurant [Adresse 2]
[Localité 3]
ALLEMAGNE
Représentée par Me Frédéric HUTMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1432
Assistée de Me Marie-Avril ROUX de la société MARS-IP, avocat au barreau de PARIS, toque E1432 et au barreau de BERLIN
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 13 février 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur David PEYRON, Président de chambre
Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère
Monsieur François THOMAS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur David PEYRON, président et par Mme Karine ABELKALON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [E] [Z], qui est docteur de 3ème cycle en lettres, agrégée de lettres modernes, et qui enseigne à la [Établissement 1] Universität de [Localité 3], se présente comme une spécialiste de la littérature du 18ème siècle et de la littérature enfantine. Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages, consacrés notamment aux auteurs du 18ème siècle.
En 2003, afin d’être habilitée par l’Université [Établissement 2] de [Localité 4], Mme [Z] a soumis un travail de recherche intitulé L’origine au laboratoire de la fiction – Histoire et fonction d’isolement enfantin dans l’élaboration des concepts de nature et de culture, qui n’a jamais fait l’objet d’une publication par une maison d’édition.
Pour obtenir de l’université française la qualification aux fonctions de professeur des universités, Mme [Z] a, par ailleurs, en septembre 2005, adressé au Conseil National des Universités (CNU) un dossier administratif et scientifique qui comportait notamment son mémoire soutenu en 2003 et un ouvrage dont elle est l’auteur, intitulé Le paradoxe du bon maître – Essai sur l’autorité dans la fiction pédagogique des Lumières, publié aux éditions L’HARMATTAN en 1999.
Mme [Z] explique qu’en 2012, ayant décidé de publier son mémoire L’origine au laboratoire de la fiction, elle a commencé sa réactualisation et que c’est en prenant connaissance de 1’état de la réflexion qu’elle a lu un ouvrage écrit par M. [S] [W], publié en 2012 aux éditions CLASSIQUES GARNIER et intitulé Educations négatives – Fictions d’expérimentation pédagogique au XVIIIeme siècle et qu’elle a constaté de nombreuses ressemblances et similitudes, entre cet ouvrage, d’une part, et son mémoire L’origine au laboratoire de la fiction et son livre Le paradoxe du bon maître, d’autre part.
M. [S] [W] est professeur de littérature française à l’Université [Établissement 3], spécialiste du XVIII ème siècle, docteur de l’Université [Localité 5] en littérature et civilisation française, depuis le 24 février 2000.
Il a été habilité à diriger des recherches (HDR) à1’Université [Localité 5] en novembre 2006 et a publié depuis 1996 de nombreux ouvrages et articles. Il est également co-directeur de la collection L’Europe des Lumières chez Classiques Garnier, depuis 2013.
La société CLASSIQUES G, dont le nom commercial est CLASSIQUES GARNIER, est une maison d’édition fondée en 1833, qui publie des éditions de référence de textes littéraires antiques et modernes, ainsi que des ouvrages savants en littérature et sciences humaines.
Par courrier recommandé en date du 19 novembre 2013, le conseil de Mme [Z] a adressé à M. [W] et aux éditions CLASSIQUES GARNIER une mise en demeure faisant état des nombreuses ressemblances ou similitudes entre les ouvrages et invitant ses interlocuteurs à prendre contact avec sa cliente.
M. [W] a répondu, le 28 janvier 2014, réfutant tout plagiat en indiquant notamment avoir,
par l’intermédiaire d’un collègue, M. [Z] [G], qui 1’avait sollicité pour donner son avis, pris connaissance du dossier que Mme [Z] avait déposé au CNU en février 2006 pour 1’obtention de la qualification de professeur auprès des universités françaises.
C’est dans ces conditions que, par exploit du 22 janvier 2015, Mme [Z] a fait assigner M. [W] et la maison d’édition CLASSIQUES GARNIER devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droit d’auteur.
Par un jugement rendu le 12 mai 2016, le tribunal a notamment :
dit que dans l’ouvrage Educations négatives, M. [W] et son éditeur la société CLASSIQUE G ont reproduit sans son autorisation des écrits de Mme [Z] et ont ainsi commis des actes de contrefaçon à son préjudice,
condamné in solidum M. [W] et la société CLASSIQUE G à verser à Mme [Z] une somme globale de 8 000 euros au titre de l’atteinte à ses droits moraux d’auteur,
rejeté les demandes au titre du préjudice patrimonial,
rejeté les mesures tendant à la cessation de la commercialisation de l’ouvrage de M. [W] et à son retrait des circuits commerciaux,
enjoint aux défendeurs, dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement, d’annexer aux ouvrages litigieux déjà édités une note avertissant le lecteur que les passages suivants indiqués en gras et entre guillemets sont des citations du mémoire de Mme [Z] intitulée L’origine au laboratoire de la fiction – Histoire et fonction d’iso1ement enfantin dans l’élaboration de concepts de nature et de culture soutenue en 2003 à l’université [Établissement 2]-Universität de [Localité 4] :
– p.101-102 : ‘ […] à défaut d’un personnage qui incarnerait l’instance expérimentale dans le texte, le récit lui-même’ est conçu comme une expérimentation.
– p.145 : ‘[B] n’en développe pas moins la fiction virtuelle et ironique de cette entreprise en élaborant un complexe programme d’expérimentations, fondé […] sur des groupes d’enfants méthodiquement constitués : ‘enfants des deux sexes totalement isolés les uns des autres ; couples d”enfants ; ‘enfants des deux sexes suffisamment proches pour pouvoir se rencontrer ; et enfin deux groupes mixtes, mais avec des proportions inégales de garçons et de filles […]’.
– p. 173 : ‘un garçon portant le prénom programmatique d’Émilor, par un philosophe expérimentateur qui, lui, répond au nom d’Ariste’, comme le héros du roman de [N] [F].
– p.173-174 : ‘Dans un premier temps, les enfants ont les yeux bandés, ils sont au pain […] et à l’eau […] et ne s ‘orientent que grâce au toucher. Une « machine de cuir artistement ajustée’ les aveugle. On finit par la leur ôter (on les endort en mettant de l ‘arcane dans leur eau pour qu’ils ne se rendent compte de rien). ‘ Les enfants découvrent alors l’univers de la cave.’
– p.176 : ‘[…] L ‘Élève de la nature postule un ‘langage intérieur, adamique et universel, qui donnerait un accès direct aux choses et serait le moyen de faire l’économie de la désignation […]’.
– p. 207 : ‘Imirce découvre avec stupeur la violence, l’absurdité du code de l’honneur, l’emmaillotage des enfants, l’hypocrisie des m’urs, la misère’.
– p. 207 : ‘Se sentant trop vieux pour l’amour, Ariste tire Émilor de sa cave. […] Emilor et Imirce choisissent alors de vivre en marge de la société’,
enjoint à M. [W] et à la société CLASSIQUE G, si 1’ouvrage litigieux devait être réédité, d’y inclure les citations ci-dessus, en en précisant la source,
dit que ces injonctions sont assorties d’une astreinte de 150 euros par infraction, à courir après le délai de trois mois à compter de la signification du jugement,
dit que le tribunal se réserve la liquidation de l’astreinte,
rejeté la demande tendant à la publication judiciaire de la décision,
condamné in solidum M. [W] et la société CLASSIQUE G à payer une somme de 6000 euros à Mme [Z] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
ordonné l’exécution provisoire,
condamné in solidum M. [W] et la société CLASSIQUE G aux dépens.
M. [W] et la société CLASSIQUE G ont interjeté appel de ce jugement.
Dans leurs dernières conclusions numérotées 2 transmises le 16 janvier 2018, M. [W] et la société CLASSIQUE G demandent à la cour :
in limine litis, de déclarer irrecevables, comme nouvelles en cause d’appel, les demandes formulées par Mme [Z], à titre principal pour 31 passages et à titre subsidiaire, sur le fondement du parasitisme pour 18 passages,
d’infirmer le jugement :
– en ce que le tribunal n’a pas opéré un contrôle de proportionnalité entre les droits en balance et n’a pas motivé sa décision,
– en ce qu’il a conclu à l’atteinte du droit de divulgation de Mme [Z] et en ce qu’il les a condamnés à ce titre au paiement de la somme de 6 000 euros à Mme [Z], et :
– à titre principal : de dire que le droit de divulgation de Mme [Z] est épuisé et qu’en toute hypothèse, ils n’ont pas divulgué le mémoire de Mme [Z],
– à titre subsidiaire, si la cour estimait que l’atteinte au droit de divulgation de Mme [Z] est constituée, de juger que la somme allouée de 6 000 euros est disproportionnée et de la ramener à de plus justes proportions,
– en ce qu’il a conclu à la contrefaçon et :
– à titre principal :
– de confirmer le jugement en ce qu’il a considéré que 48 des 55 passages invoqués ne sont pas contrefaisants,
– d’infirmer le jugement en ce qu’il a considéré que 7 passages de l’ouvrage Educations Négatives sont contrefaisants, les a condamnés au paiement in solidum à Mme [Z] de la somme de 2 000 euros au titre de son droit de paternité, a prononcé des injonctions sous astreinte, les a condamnés sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les a déboutés de leurs demandes à ce titre,
– de condamner Mme [Z] au paiement à chacun de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance,
– à titre subsidiaire : constater le caractère totalement disproportionné des demandes formulées par Mme [Z] et les rapporter à de plus justes proportions,
de condamner Mme [Z] à leur payer à chacun la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Dans ses dernières conclusions transmises par RPVA le 29 janvier 2018, Mme [Z] demande à la cour :
– à titre principal :
– de confirmer le jugement en ce qu’il a :
– jugé que M. [W] et les éditions CLASSIQUES GARNIER ont commis des actes de contrefaçon de son ‘uvre L’origine au laboratoire de la fiction – Histoire et fonction des fictions d’isolement enfantin dans l’élaboration des concepts de nature et de culture s’agissant des 7 passages précités,
– ordonné d’annexer aux ouvrages déjà édités une note avertissant le lecteur de ce que certains passages précisément énumérés sont des citations de son mémoire, sous astreinte de 150 € par infraction,
– condamné M. [W] et les éditions CLASSIQUES GARNIER solidairement à lui verser :
– la somme de 8 000 € au titre de son préjudice moral, soit 2 000 € à titre de réparation pour l’atteinte à son droit de paternité et 6 000 € au titre de l’atteinte à son droit de divulgation,
– celle de 6 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– d’y ajouter :
– en jugeant que les passages suivants écrits par M. [W] dans l’ouvrage précité publié par les éditions CLASSIQUES GARNIER constituent des reprises contrefaisantes de l”uvre L’origine au laboratoire de la fiction – Histoire et fonction des fictions d’isolement enfantin dans l’élaboration des concepts de nature et de culture :
. p.15 : « (‘) ces laboratoires de l’origine » et le titre du chapitre page 97 : « Les Enfants de Psammétique Laboratoire de l’origine »
. p. 97 : « Dans la postérité immédiate de l’Émile figure un autre roman […] : L’Élève de la nature de [N] [F] »
. p. 97 : « Ses liens avec [E], et en particulier avec l’Émile, sont si évidents (le titre en est une citation presque littérale) qu’en 1764 parut une édition due sans doute à un libraire peu scrupuleux, signée « J-J. [E], autrefois citoyen de Genève »
. p.105 : « D’abord un sujet d’expérience ; un ou plusieurs enfants nouveaux-né(s), garçons et/ou filles »
. p.105 : « Ensuite un dispositif isolant : la solitude de la cabane et l’isolement du lieu où paissent les troupeaux sont des conditions essentielles à l’expérience de Psammétique. Dans les textes du XVIIIe siècle, ces dispositifs sont très variés : grottes, caves, cages, îles désertes, jardins placés sous la surveillance de gardiens ou entourés de vastes enceintes murales’ créent des laboratoires fictifs permettant de mener l’expérience in vivo. »
. p.105 : « La présence du berger, dans le récit d’Hérodote, souligne toutefois la difficulté à laquelle se heurtent les expériences d’isolement enfantin. Car l’exigence de pureté expérimentale et la nécessité de pourvoir aux besoins des enfants tendent à être contradictoires : il faut à la fois éliminer tout ce qui n’est pas pertinent à l’objet de la recherche et assurer la survie des cobayes. »
. p. 106 : « ces expériences, certes purement fictives mais qui souhaitent répondre à des critères minimums de vraisemblance exigent la mise en ‘uvre de moyens considérables (‘) »
. p.117 : « L’expérience de pensée sur l’isolement enfantin sert cependant le plus souvent, au XVIIIe siècle à développer une argumentation empiriste et anti-innéiste. On en a déjà vu un premier exemple chez Locke. »
. p.117 : « Locke ne nie pas néanmoins que l’idée de Dieu puisse germer dans l’esprit de l’un de ces enfants ainsi isolés : [‘] grâce à un individu d’exception disposant d’une faculté de réflexion naturellement plus puissante que les autres. »
. p.118 : « Locke propose un isolement collectif »
. p.149 : « En bonne méthode expérimentale, Mérian prévoit suffisamment d’enfants-cobayes pour pouvoir procéder à des analyses comparatives (‘) »
. p.166 : « Sans doute la démarche de [I] se veut-elle véritablement empirique et rigoureuse (‘) »
. p.173 : « À l’inverse de la duplicité du dispositif imaginé par Beaurieu dans la première édition de L’Élève de la nature, l’intention expérimentale s’exprime ici sans détours : Imirce est une enfant achetée (‘) »
. p.101 : « L’isolement de l’enfant doit permettre la révélation d’un savoir sur un état originel de l’homme, par définition inaccessible à l’enquête historique. Ce qui est à vérifier varie d’un texte à l’autre : existence d’une langue originelle, aptitude naturelle au langage ou à la pensée, innéité des idées morales ou religieuses (‘) »
. p.101 : « L’on ne retiendra donc ici que les fictions où l’isolement de l’enfant est délibéré et relève clairement d’une démarche expérimentale en excluant celles où l’isolement est accidentel ou criminel. »
. p.107 : « (‘) ces fictions philosophiques s’emploient à obtenir l’adhésion du lecteur par des procédés d’accréditation (‘) »
. p.108 : « Comme hypothèses expérimentales, ces appels entretiennent avec le « réel » un rapport a priori plus direct et contraignant que les expériences de pensée puisqu’ils contiennent une présomption de réalité : les constructions mentales et les scénarios fictifs qu’ils élaborent sont des descriptions anticipées d’une réalité en attente d’une confirmation ou d’une infirmation empirique. »
. p.115 : « Ce glissement de l’expérience de pensée vers un mode fictionnel proche de celui du roman (‘) »
. p.122 : « (‘) rien, dans le texte original, ne peut laisser supposer que le rhéteur s’appuie sur de quelconques observations. Arnobe insiste au contraire sur la nature purement spéculative de sa fiction et en appelle même à la bienveillance du lecteur pour qu’il accepte de se représenter une situation, certes possible en théorie, mais qui ne saurait s’appuyer sur aucun fait. [‘] plus artificiel que chez Arnobe, l’isolement que conçoit La Mettrie a pour caractéristique essentielle de suggérer insidieusement au lecteur qu’il serait au fond assez facile à réaliser. »
. p.139 : « (‘) le texte entremêle le vocabulaire de la non-intervention (puisqu’il faut que les enfants soient laissés tels que la nature les a conçus) et celui du travail et des soins les plus méticuleux, puisqu’il faut bien que les enfants subsistent (‘) »
. p.142 : « Le projet s’achève par un rapide examen des scrupules moraux et religieux qu’il pourrait susciter. Visiblement, ces scrupules n’ont pas de quoi refroidir l’ardeur expérimentale de Formey : il suffirait de trouver des sauvages qui acceptent de « trafiquer » leurs enfants (« car les leur enlever ce serait encore une violation du droit naturel »). On ne leur ferait alors « presque aucun tort ». Formey écarte les dernières objections qu’on pourrait lui opposer (‘) »
. p.143, 1.9 : « La tonalité savoureusement ironique de son texte laisse par ailleurs transparaître une discrète inquiétude devant un projet d’expérimentation dont [B] fait comme si [E] l’avait énoncé positivement. [‘] »
. p.143, l.22 : « (‘) le passage de l’une à l’autre de ces objections étant assuré par un jeu d’ironiques concessions à la thèse (‘) »
. p.144 l.19-21 : « La contradiction inhérente (‘) offre également matière à interrogations ironiques (‘) »
. p.145 l.18-19 : « [B] n’en développe pas moins la fiction virtuelle et ironique de cette entreprise (‘) »
. p.146 l.1 : « L’ironie est à son comble (‘) »
. p.146 l.21 : « Ce n’est pas le moindre paradoxe qu’en ironisant sur le projet utopique de l’isolement enfantin (‘) »
. p. 143, l.23-24 : « [B] commence par remarquer qu’il faudrait prendre les enfants avant leur naissance, à l’état de simples homoncules (‘) »
. p.144, note de bas de page 1 de M. [W] : « unstreitig wäre das allerbeste, wenn wir sie schon als bloße homonculos bekommen könnten’ » [traduction libre : « le mieux serait de pouvoir déjà en disposer au stade d’homoncule »]
. p.144, l. 2-3 : « Le problème est ensuite de savoir où trouver les enfants cobayes (‘) »
. p.144, note de bas de page 2 de M. [W] : « Inzwischen fragt sich, woher diese Kinder kommen sollen ‘… » [traduction libre : « s’interroge ensuite sur la provenance de ces enfants »]
. p.144, l. 3-5 : « (‘) combien de ces soi-disant philosophes le seraient-ils assez pour accepter de confier les leurs, à supposer qu’ils en aient ‘ »
. p.144, note de bas de page 2 de M. [W] : «Denn die Filosofen haben entweder selbst keine andre, oder, wenn sie andre haben, würde schwerlich ein einziger unter ihnen Filosof genug seyn sie zu einem solchen Versuch herzugeben’ » [traduction libre : « s’ils avaient des enfants, aucun d’entre eux ne serait ‘filosof genug’/suffisamment philosophe pour les soumettre à une telle expérience »]
. p.144, l. 5-6 : « Utilisera-t-on des orphelins, des Caraïbes, des Esquimaux, des Californiens ‘ »
. p.144, l. 6-9 : « Vu les inconvénients de ces options, il ne reste que la seule solution : aménager une fabrique d’enfants spécialement conçue à cette intention. »
. p.144, note de bas de page 3 de M. [W] : ‘glaube ich nicht, daß man werde vermeiden können, eine eigene Fabrik zu diesem Zweck anzulegen’
. p. 144, l. 9 et 10 : « Le problème se pose alors de trouver le lieu permettant la réalisation d’une telle expérience (‘) »
. p. 144, l. 10-12 : « [B] calcule qu’il faut nécessairement un périmètre d’au moins trente mille pour chaque groupe d’enfants (‘) »
. p. 144, l. 19-22 : « La contradiction inhérente à l’expérience d’isolement enfantin entre l’exigence de pureté expérimentale et la nécessité d’assurer la survie des sujets offre également matière à interrogations ironiques : comment nourrir les enfants sans les acculturer ‘ Il faudrait les’ (‘) »
. p.145, note de bas de page 3 de M. [W] : « Die Ammen essen, trinken, gehen auf zwey Beinen und thun zwanzig andere Dinge, welche man im Stande der Natur zwar auch, aber vielleicht auf eine andere Manier thut. Ihr Beispiel würde unsere Kinder verführen’»
. p.164 : « (‘) (le genre disparaît au XIXe siècle avec le développement des sciences de l’homme et leur émancipation du giron de la philosophie (‘) »
. p.165 : « [[I]] est le fondateur d’une société savante réunissant d’éminentes figures venues de divers horizons de la connaissance (philologues, médecins, archéologues, voyageurs’) (‘) l’une des missions essentielles, selon les v’ux de [I], doit être l’observation des « premiers développements des facultés de l’homme au berceau ». (‘) Couronnant le vaste programme de travaux ayant spécifiquement pour objet l’observation du développement cognitif et linguistique de l’enfant (‘) »
. p.167 : « [Les difficultés auxquelles se heurte l’expérience] (elles font beaucoup songer aux invraisemblables sacrifices auxquels doit consentir le gouverneur d’Émile). »
. p.170 : « (‘) ce qui frappe, en effet, en ces fictions, est un « optimisme » (‘) les résultats sont probants, il y aura des apprentissages (‘) »
. p.173 : « Ariste ayant transformé la cave de son château en laboratoire de l’origine (‘) »
. p.187 : « (‘) offrant une image en réduction des interrogations balbutiantes de l’humanité face à l’énigme de la nature et de son éventuel créateur. »
. p.189 : « (‘) cage, une rose, un perroquet, un miroir et un singe. Cette liste a beau paraître des plus hétéroclites, tous ces « objets » ont en commun d’être des stimuli choisis en fonction de leur pouvoir d’éveil. »
. p.201 : « À ce moment de leur parcours, et à la notable exception des enfants de La Dispute, tous les enfants cobayes de ces fictions ont non seulement développé les compétences des êtres humains normalement socialisés, mais leur métamorphose en philosophes est déjà presque achevée. [‘] elle rejoint (plus ou moins nettement) les schémas traditionnels de fonction critique et « philosophique » du regard ingénu »
– en condamnant M. [W] et les éditions CLASSIQUES GARNIER solidairement à lui verser les sommes suivantes :
– 8 620 € au titre des conséquences économiques négatives de l’atteinte à ses droits, soit 4 620 € au titre du manque à gagner et 4 000 € au titre de la perte subie,
– 3 000 € au titre de la dépréciation de son ‘uvre,
– 5 000 € au titre de son préjudice personnel moral ;
– 20 000 € à titre complémentaire au titre de son préjudice moral, soit 10 000 € à titre de réparation pour l’atteinte à son droit de paternité et 10 000 € au titre de l’atteinte à son droit de divulgation,
– en condamnant M. [W] à lui verser la somme de 4 000 € au titre des bénéfices qu’il a réalisés grâce à la contrefaçon, en particulier du fait de l’économie d’investissements dont il a profité,
– en condamnant les éditions CLASSIQUES GARNIER à lui verser la somme de 4 389 € au titre des bénéfices qu’elle a réalisées grâce à la contrefaçon,
– à titre subsidiaire,
– de juger que M. [W] et les éditions CLASSIQUES GARNIER ont commis des actes de parasitisme de son ‘uvre « L’origine au laboratoire de la fiction -Histoire et fonction des fictions d’isolement enfantin dans l’élaboration des concepts de nature et de culture » s’agissant des passages suivants :
. p. 97 : « Ses liens avec [E], et en particulier avec l’Émile, sont si évidents (le titre en est une citation presque littérale) qu’en 1764 parut une édition due sans doute à un libraire peu scrupuleux, signée « J-J. [E], autrefois citoyen de Genève »
. p.105 : « D’abord un sujet d’expérience ; un ou plusieurs enfants nouveaux-né(s), garçons et/ou filles »
. p.105 : « Ensuite un dispositif isolant : la solitude de la cabane et l’isolement du lieu où paissent les troupeaux sont des conditions essentielles à l’expérience de Psammétique. Dans les textes du XVIIIe siècle, ces dispositifs sont très variés : grottes, caves, cages, îles désertes, jardins placés sous la surveillance de gardiens ou entourés de vastes enceintes murales’ créent des laboratoires fictifs permettant de mener l’expérience in vivo. »
. p.105 : « La présence du berger, dans le récit d’Hérodote, souligne toutefois la difficulté à laquelle se heurtent les expériences d’isolement enfantin. Car l’exigence de pureté expérimentale et la nécessité de pourvoir aux besoins des enfants tendent à être contradictoires : il faut à la fois éliminer tout ce qui n’est pas pertinent à l’objet de la recherche et assurer la survie des cobayes. »
. p. 106 : « ces expériences, certes purement fictives mais qui souhaitent répondre à des critères minimums de vraisemblance exigent la mise en ‘uvre de moyens considérables (‘) »
. p.117 : « L’expérience de pensée sur l’isolement enfantin sert cependant le plus souvent, au XVIIIe siècle à développer une argumentation empiriste et anti-innéiste. On en a déjà vu un premier exemple chez Locke. »
. p.117 : « Locke ne nie pas néanmoins que l’idée de Dieu puisse germer dans l’esprit de l’un de ces enfants ainsi isolés : [‘] grâce à un individu d’exception disposant d’une faculté de réflexion naturellement plus puissante que les autres. »
. p.164 : « (‘) (le genre disparaît au XIXe siècle avec le développement des sciences de l’homme et leur émancipation du giron de la philosophie (‘) »
. p.165 : « [[I]] est le fondateur d’une société savante réunissant d’éminentes figures venues de divers horizons de la connaissance (philologues, médecins, archéologues, voyageurs’) (‘) l’une des missions essentielles, selon les v’ux de [I], doit être l’observation des « premiers développements des facultés de l’homme au berceau ». (‘) Couronnant le vaste programme de travaux ayant spécifiquement pour objet l’observation du développement cognitif
et linguistique de l’enfant (‘) »
. p.187 : « (‘) offrant une image en réduction des interrogations balbutiantes de l’humanité face à l’énigme de la nature et de son éventuel créateur. »
. p.189 : « (‘) cage, une rose, un perroquet, un miroir et un singe. Cette liste a beau paraître des plus hétéroclites, tous ces « objets » ont en commun d’être des stimuli choisis en fonction de leur pouvoir d’éveil. »
. p.143, l.9 : « La tonalité savoureusement ironique de son texte laisse par ailleurs transparaître une discrète inquiétude devant un projet d’expérimentation dont [B] fait comme si [E] l’avait énoncé positivement. [‘] »
. p.143, l. 22 : « (‘) le passage de l’une à l’autre de ces objections étant assuré par un jeu d’ironiques concessions à la thèse (‘) »
. p. 144 l.19-21 : « La contradiction inhérente (‘) offre également matière à interrogations ironiques (‘) »
. p.145 l.18-19 : « [B] n’en développe pas moins la fiction virtuelle et ironique de cette entreprise (‘) »
. p.146 l.1 : « L’ironie est à son comble (‘) »
. p.146 l.21 : « Ce n’est pas le moindre paradoxe qu’en ironisant sur le projet utopique de l’isolement enfantin (‘) »
. p. 143, l.23-24 : « [B] commence par remarquer qu’il faudrait prendre les enfants avant leur naissance, à l’état de simples homoncules (‘) »
. p.144, note de bas de page 1 de M. [W] : « unstreitig wäre das allerbeste, wenn wir sie schon als bloße homonculos bekommen könnten’ » [traduction libre : « le mieux serait de pouvoir déjà en disposer au stade d’homoncule »]
. p.144, l. 2-3 : « Le problème est ensuite de savoir où trouver les enfants cobayes (‘) »
. p.144, note de bas de page 2 de M. [W] : «Inzwischen fragt sich, woher diese Kinder kommen sollen’…» [traduction libre : « s’interroge ensuite sur la provenance de ces enfants »]
. p.144, l. 3-5 : « (‘) combien de ces soi-disant philosophes le seraient-ils assez pour accepter de confier les leurs, à supposer qu’ils en aient ‘ »
. p.144, note de bas de page 2 de M. [W] : «Denn die Filosofen haben entweder selbst keine andre, oder, wenn sie andre haben, würde schwerlich ein einziger unter ihnen Filosof genug seyn sie zu einem solchen Versuch herzugeben’» [traduction libre : « s’ils avaient des enfants, aucun d’entre eux ne serait ‘filosof genug’/suffisamment philosophe pour les soumettre à une telle expérience »]
. p.144, l. 5-6 : « Utilisera-t-on des orphelins, des Caraïbes, des Esquimaux, des Californiens ‘ »
. p.144, l. 6-9 : « Vu les inconvénients de ces options, il ne reste que la seule solution : aménager une fabrique d’enfants spécialement conçue à cette intention. »
. p.144, note de bas de page 3 de M. [W] : ‘ glaube ich nicht, daß man werde vermeiden können, eine eigene Fabrik zu diesem Zweck anzulegen’
. p. 144, l. 9 et 10 : « Le problème se pose alors de trouver le lieu permettant la réalisation d’une telle expérience (‘) »
. p. 144, l. 10-12 : « [B] calcule qu’il faut nécessairement un périmètre d’au moins trente mille pour chaque groupe d’enfants (‘) »
. p. 144, l. 19-22 : La contradiction inhérente à l’expérience d’isolement enfantin entre l’exigence de pureté expérimentale et la nécessité d’assurer la survie des sujets offre également matière à interrogations ironiques : comment nourrir les enfants sans les acculturer ‘ Il faudrait les’ (‘) »
. p.145, note de bas de page 3 de M. [W] : «Die Ammen essen, trinken, gehen auf zwey Beinen und thun zwanzig andere Dinge, welche man im Stande der Natur zwar auch, aber vielleicht auf eine andere Manier thut. Ihr Beispiel würde unsere Kinder verführen’»
– de condamner M. [W] et les éditions CLASSIQUES GARNIER solidairement à lui verser la somme de 15 000 € au titre des actes de parasitisme,
– en tout état de cause,
d’ordonner aux frais des éditions CLASSIQUES GARNIER et de M. [W] solidairement le retrait, tant dans les bibliothèques que dans les circuits commerciaux des exemplaires de l’ouvrage Educations négatives, fictions d’expérimentation pédagogique au XVIII e siècle de M. [W], sous astreinte de 200 € par infraction constatée,
d’ordonner l’affichage de la décision dans les locaux de l’Université [Établissement 3],
d’ordonner la publication de la décision dans deux journaux à son choix et aux frais avancés de M. [W] et des éditions CLASSIQUES GARNIER solidairement dans un maximum de 5 000 € H.T. de publication,
de condamner M. [W] et les éditions CLASSIQUES GARNIER solidairement à lui verser la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2018.
MOTIFS DE L’ARRÊT
Considérant qu’en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées ;
Sur la contrefaçon des droits d’auteur de Mme [Z] sur son mémoire L’origine au laboratoire de la fiction
Considérant qu’il y a lieu de constater qu’en cause d’appel, Mme [Z] n’invoque plus d’actes de contrefaçon de son oeuvre que concernant son mémoire L’origine au laboratoire de la fiction, à l’exclusion de son ouvrage Le paradoxe du bon maître – Essai sur l’autorité dans la fiction pédagogique des Lumières ;
Que, par ailleurs, Mme [Z] n’invoque plus, au titre de la contrefaçon de son mémoire, les similitudes de fond qu’elle alléguait en première instance, tenant au choix du sujet, à la composition du texte et à la démarche scientifique adoptée, similitudes qui n’ont pas été retenues par le tribunal, et qu’elle n’invoque plus que des reprises formelles tirées de son mémoire de recherche L’origine au laboratoire de la fiction par M. [W] dans son ouvrage Educations négatives -Fictions d’expérimentation pédagogique au XVIII ème siècle ;
Sur la recevabilité des incidentes demandes de Mme [Z]
Considérant que M. [W] et la société CLASSIQUE G concluent à l’irrecevabilité des demandes de Mme [Z] en ce qu’elles portent sur 18 passages de son mémoire dont l’intimée estime qu’ils ont été repris illicitement et au titre desquels elle sollicite l’infirmation du jugement ; que les appelants arguent que cette demande d’infirmation du jugement a été formulée dans des conclusions régularisées par Mme [Z] le 10 novembre 2017, soit après l’expiration du délai légal ouvert à l’intimé pour former appel incident ;
Que Mme [Z] ne présente aucune observation sur ce point ;
Considérant que dans ses premières conclusions d’intimée, transmises le 28 novembre 2016 dans le délai prescrit par l’article 909 du code de procédure civile, Mme [Z] se bornait à solliciter la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu que M. [W] et son éditeur ont commis des actes de contrefaçon à son préjudice et sa réformation seulement sur le montant des dommages et intérêts alloués ; que ce n’est que dans ses conclusions transmises le 10 novembre 2017, soit après l’expiration du délai prévu par l’article 909, qu’elle a sollicité en plus, à titre principal, la reconnaissance d’actes de contrefaçon pour 48 autres passages de son mémoire ;
Considérant cependant qu’en application de l’article 914 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est, lorsqu’il est désigné et jusqu’à son dessaisissement, seul compétent pour déclarer les conclusions irrecevables en application de l’article 909, les parties n’étant plus recevables à invoquer l’irrecevabilité après son dessaisissement, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement ;
Que les appelants n’ayant pas saisi le conseiller de la mise en état de conclusions d’incident aux fins de voir prononcer l’irrecevabilité – au moins partielle – des conclusions de Mme [Z],
leur fin de non-recevoir présentée devant la cour est irrecevable ;
Que l’ensemble des demandes présentées à titre incident par Mme [Z] au titre de la contrefaçon seront donc examinées ;
Sur la divulgation prétendue du mémoire de Mme [Z]
Considérant que M. [W] et la société CLASSIQUE G soutiennent que le droit de divulgation de Mme [Z] est épuisé par la divulgation qu’a fait Mme [Z] de son mémoire ; qu’ils font valoir à cet égard que malgré la prétendue volonté de Mme [Z] de ne pas éditer son mémoire au sein d’une maison d’édition, ce mémoire a bel et bien fait l’objet de sa part de communications à la communauté universitaire et scientifique aux fins d’obtention de qualifications à des fonctions professorales, en Allemagne en 2003 et en France en 2006, et qu’il a ainsi fait l’objet d’une publication en vertu du règlement de l’habilitation de l’Université [Localité 6], d’une soutenance publique en Allemagne, d’un colloque qui s’est tenu à l’Université [Établissement 4] en décembre 2000 et d’une communication aux rapporteurs et membres du Conseil national des Universités en France, tous ces événements traduisant la volonté de Mme [Z] de révéler son oeuvre au public, à tout le moins à ses pairs ; que les appelants ajoutent qu’en toute hypothèse, ils n’ont pas divulgué le mémoire de Mme [Z], l’oeuvre étant divulguée lorsqu’elle est dévoilée, révélée, portée à la connaissance du public alors que la reprise de quelques passages ne peut emporter divulgation, ne permettant pas aux lecteurs de l’ouvrage de M. [W] d’avoir accès au contenu et à la substance du mémoire de Mme [Z] ;
Que Mme [Z] répond que son oeuvre était inédite avant d’être reprise par M. [W] puisque le manuscrit n’était ni publié, ni déposé en Allemagne ou en France, comme l’autorisent les règles universitaires, que son mémoire n’a pas été déposé à la bibliothèque de l’Université [Localité 6], que les documents transmis aux membres siégeant au Conseil national des Universités en France sont confidentiels et ne sauraient être utilisés à d’autres fins que celles pour laquelle ils ont été transmis aux commissions, à savoir l’examen du mémoire et de l’aptitude de son auteur à être qualifié ; qu’elle ajoute que son mémoire n’a pas non plus été présenté oralement et que sa reprise même partielle par M. [W] constitue une violation de son droit de divulgation ;
Considérant que l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une ‘uvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial ;
Que l’article 121-2 énonce que l’auteur seul a le droit de divulguer son oeuvre et qu’il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci ;
Que l’article L. 122-5 du même code prévoit que : ‘Lorsque l’oeuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire (…) 3 ° Sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source :
a) Les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’oeuvre à laquelle elles sont incorporées (…)’ ;
Considérant qu’en l’espèce, il sera retenu que le mémoire de Mme [Z] n’avait pas fait l’objet de divulgation dès lors que son auteur avait choisi de ne pas le faire publier dans sa version initiale, telle que présentée aux instances universitaires allemande et française, et qu’il est établi que cette publication a eu lieu en 2017 seulement (pièces 30 et 38 de l’intimée) ; que Mme [Z] justifie par ailleurs qu’elle n’avait pas déposé son mémoire dans la librairie de l’Université de [Localité 4] en Allemagne, les thèses d’habilitation n’étant pas soumises à ce type de dépôt (sa pièce 17) ; que l’intimée justifie également que les bases de données de plusieurs bibliothèques universitaires ne référencent pas son mémoire (sa pièce 18) et qu’elle produit des attestations de deux universitaires (attestations [L] et [H]) qui font état de l’obligation de confidentialité à laquelle sont soumis les membres des commissions de qualification ou de recrutement quant au contenu des dossiers des candidats (lettre de motivation, articles, ouvrages, thèses…) sauf accord du candidat intéressé, de sorte que les appelants ne peuvent se prévaloir du fait que M. [W] a obtenu communication du travail de Mme [Z] par un rapporteur du Conseil national des universités, cette communication purement officieuse n’ayant pu avoir lieu que du fait du non respect de cette règle de confidentialité ; que le témoignage de M. [C], ancien président de section au CNU, produit par les appelants, ne vient pas contredire les témoignages fournis par Mme [Z] puisqu’il confirme la confidentialité des débats lors des sessions du CNU et ne conteste cette confidentialité que pour les pièces remises par les candidats ‘qui sont dans notre domaine en grande partie des articles ou des ouvrages déjà publiés ou en voie de publication’ alors qu’il vient d’être dit que le mémoire de Mme [Z], adressé au CNU en 2005, n’a été publié par l’intéressée qu’en 2017 ;
Que la circonstance que le mémoire de Mme [Z] se trouve cité dans la partie bibliographique d’une revue scientifique allemande de 2003 (pièce 90 des appelants) ne démontre pas l’accord de Mme [Z] pour une telle citation ; que l’intervention de Mme [Z] lors d’un colloque en décembre 2000 à l’Université [Établissement 4] sur le sujet de ‘Reproduire l’origine da langage dans le laboratoire de la fiction. Histoire et fonction des spéculations sur l ‘expérience d ‘isolement enfantin’ n’est pas révélatrice de la divulgation du mémoire en cause, les thèmes du mémoire et de l’intervention invoquée auraient-ils un champ commun ; qu’enfin, la soutenance publique de son mémoire par Mme [Z] ne sera pas retenue comme constitutive de divulgation, la preuve n’étant pas rapportée que l’auteure avait manifesté sa volonté de ne pas modifier son mémoire à l’issue de sa soutenance et l’intimée expliquant au surplus qu’en Allemagne, l’examen oral correspondant à la soutenance française porte sur un sujet différent de celui du mémoire présenté ;
Que par conséquent, comme les premiers juges l’ont retenu, M. [W] et son éditeur ne peuvent se prévaloir de l’exception d’analyse ou de courte citation prévue par l’article L. 122-5, 3°, a) du code de la propriété intellectuelle ;
Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, la reprise même très partielle du mémoire de Mme [Z] ou la citation de ce mémoire et du nom de son auteure en notes de bas de page dans l’ouvrage de M. [W] constituent une violation du droit de divulgation dont bénéficie l’auteur, qui seul peut choisir l’opportunité, le moment et les modalités de la publication de son oeuvre ;
Sur la protection par le droit d’auteur du mémoire de Mme [Z]
Considérant que M. [W] et la société CLASSIQUE G contestent la protection par le droit d’auteur du mémoire de Mme [Z] ; qu’ils font valoir que celle-ci ne démontre pas, pour chacun des 55 passages invoqués, l’originalité de son texte, les prétendus choix opérés par Mme [Z] découlant nécessairement, selon eux, de son travail de recherche ;
Que Mme [Z] expose que partant d’Hérodote qui raconte que ‘le pharaon Psammétique fit élever des enfants nouveau-nés à l’écart de toute société humaine pour savoir quelle langue ils parleraient spontanément’, elle a étudié de manière systématique les expériences d’isolement,
de l’Antiquité à [O] [M] et [C] [T], en passant par [A] [M], une partie essentielle de son ouvrage étant consacré à la littérature du XVIII ème siècle, qu’elle qualifie d’ ‘âge d’or’ des spéculations sur l’isolement enfantin ; qu’elle ajoute que cette identification du motif par-delà ses variations lui permet de montrer sa fertilité épistémologique, c’est-à-dire son rôle dans le développement de la réflexion sur l’individu et la société aux différentes époques où il apparaît ; qu’elle précise qu’elle a analysé minutieusement ces textes, utilisant un langage riche et châtié, et distingué les différents modes opératoires des récits historiques et fictifs de l’expérience, décrivant comment des textes souvent commentés comme des manifestations du mythe du bon sauvage ou du mythe de l’enfant de la nature, étaient en réalité des réitérations fictives de l’expérience de Psammétique et qu’elle s’est attachée à dégager la structure de l’expérience d’isolement conformément à une typologie originale et inédite de variables qu’elle a élaborée en particulier dans l’introduction de son mémoire ;
Considérant que le droit de l’article L. 111-1 susmentionné du code de la propriété intellectuelle est conféré, selon l’article L. 112-1 du même code, à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination ; qu’il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une ‘uvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale ; que lorsque cette protection est contestée en défense, l’originalité d’une ‘uvre doit être explicitée par celui qui s’en prétend auteur, seul ce dernier étant à même d’identifier les éléments traduisant sa personnalité ;
Considérant que les premiers juges ont retenu à raison que l’oeuvre revendiquée par Mme [Z] est à l’évidence, considérée globalement, une oeuvre protégeable par le droit d’auteur en ce qu’elle a été validée comme thèse universitaire et a permis à son auteure d’enseigner dans les universités allemandes ; que néanmoins, comme le tribunal, la cour examinera au cas par cas, pour chacune des similitudes invoquées, si elle constitue la reprise de caractéristiques originales de l’oeuvre de Mme [Z] ;
Sur les actes de contrefaçon
En ce qui concerne les 7 passages du mémoire de Mme [Z] pour lesquels le tribunal a retenu la contrefaçon
Considérant que l’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que : ‘Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droits ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque’ ; que l’article L. 335-3 du même code indique que : ‘Est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une oeuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi’ ;
Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu comme contrefaisantes les reprises par M. [W], dans son ouvrage Educations négatives, des six passages suivants tirés du mémoire de Mme [Z] :
en p.14 du mémoire (reprise n°7 dans les écritures de Mme [Z]) : ‘À défaut d’un personnage qui incarnerait l ‘instance expérimentale dans le texte, c ‘est le récit lui-même (…)’ ;
en p. 266 du mémoire (reprise n° 39) : ‘un autre enfant, qui porte le nom programmatique d’Emilor, par un philosophe qui, lui, répond au nom d’Ariste, comme l ‘élève de la nature de [N] [F].’ ; qu’il sera ajouté que M. [W] reprend également, sans nécessité, la construction de la phrase de Mme [Z] (‘, par un philosophe (…) qui, lui, répond au nom d’Ariste, comme (…) [N] [F]’ ) ;
en p. 266 et p. 267 (reprise n° 42) : ‘Dans un premier temps, les enfants ont les yeux bandés, ils sont au pain et à l ‘eau et ne s ‘orientent que grâce au toucher (…) Le bandeau, machine ‘artistement ajustée” (…)Les enfants découvrent alors l ‘univers de la cave (…)’ ;
en p. 268 (reprise n° 52) : ‘Au bout d’un certain temps, se sentant trop vieux pour l ‘amour, Ariste tire Emilor de la cave. Imirce et Emilor s’aiment à nouveau. A la mort d’Ariste, ils héritent de sa fortune et finissent leurs jours en marge de la société, dans une retraite philosophique très voltairienne, qui convient à ces esprits forts mais bons, que, du fait de leur absence de préjugés, ils n’ont jamais cessé d’être.’ ; qu’il sera ajouté que le texte de [X], dont le passage en cause constitue un commentaire, ne comprend pas les expressions ‘se sentant trop vieux pour l ‘amour, Ariste tire Emilor de la cave’ ni ‘en marge de la société’ que M. [W] reprend sans nécessité dans le passage litigieux de son ouvrage ;
en p. 283 (reprise n° 51) : ‘Imirce (…) découvre avec stupeur et horreur la violence, le code de l’honneur (…), l’emmaillotage des enfants, l ‘hypocrisie des m’urs (…), la misère (…)’ ; qu’il sera ajouté que le texte de [X], dont le passage en cause constitue un commentaire, ne comprend pas les expressions ‘Imirce découvre avec stupeur la violence (…) code de l’honneur, l’emmaillotage des enfants, l ‘hypocrisie des m’urs (…) la misère’, termes que M. [W] reprend sans nécessité, dans l’ordre même adopté par Mme [Z] ;
en p. 305 : ‘ [B] n ‘en propose pas moins (…) : enfants des deux sexes totalement isolés ; couples ; enfants des deux sexes isolés mais suffisamment proches pour pouvoir se rencontrer ; et enfin deux groupes mixtes, mais avec une proportion inégale de garçons et de filles (…).’ ; qu’il sera ajouté que M. [W] reprend également, sans nécessité, la ponctuation utilisée par Mme [Z] (deux points, points virgules) ;
Considérant, en revanche, que la cour estime que le rapprochement de la formulation par Mme [Z] en page p.272 (reprise n° 44) :’Le langage intérieur d ‘Ariste, ce ‘mentalais ” dont le développement est présenté par le texte comme inné, possède encore une propriété traditionnellement attribuée à la langue adamique (ou encore recherchée par les créateurs de langues philosophiques), puisqu’il donne accès directement aux choses (…)’ de la formulation de M. [W] en p.176 : ‘(…) L’Elève de la nature postule un langage intérieur, adamique et universel, qui donnerait un accès direct aux choses et serait le moyen de faire l’économie de la désignation (…)’ ne révèle pas de reprise fautive dès lors que M. [W] justifie que la notion de ‘langue adamique’ se retrouve dans l’ouvrage de [Y] [V] La recherche de la langue parfaite dans la culture européenne paru en 1993 et que lui-même l’a utilisée dans son ouvrage paru en 2005 Leçons de choses. Remarques sur les pouvoirs de l’objet dans quelques fictions d’expérimentations pédagogiques , soit avant d’avoir connaissance, en février 2006, du mémoire de Mme [Z] ;
En ce qui concerne les 48 autres passages du mémoire de Mme [Z]
Considérant qu’en application de l’article 6 du code de procédure civile, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions ;
Considérant que Mme [Z] invoque dans le dispositif de ses conclusions 48 autres passages de l’ouvrage de M. [W] dont elle estime qu’ils constituent des reprises contrefaisantes de son mémoire ; que cependant, dans le corps de ses conclusions, elle n’explicite ses demandes que pour 32 de ces passages, soit au titre de ‘reprises quasi à l’identique’ soit au titre de ‘reprises de quelques termes’ et de ‘paraphrase’ ; que seuls ces 32 passages seront donc examinés ci-après ;
‘ les autres reprises ‘quasi à l’identique’
reprise n° 1 – titre de Mme [Z] L’origine au laboratoire de la fiction et formulation de Mme [Z] en page 14 note de bas de page 15 : ‘Par abus de langage, je parlerai désormais de ‘l’expérience de Psammétique’ et des ‘enfants de Psammétique’ d’une manière générique pour désigner (‘) toutes ses rééditions [de l’expérience]’
– formulation de M. [W] en page 15 : ‘ces laboratoires de l’origine’ et page 97 en titre du chapitre : ‘ Les Enfants de Psammétique -Laboratoire de l’origine’
Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le tribunal n’a pas retenu les reprises invoquées comme contrefaisantes (pages 10 et 11 du jugement) ;
reprise n° 2 – formulation de Mme [Z] en page 263 ‘Deux romans très proches dans le temps et parus dans l’immédiate postérité de l’Émile, L’Élève de la nature [F] (1763) et Imirce ou l’enfant de la nature (1765) de l’abbé [X]’
– formulation de M. [W] en page 97 : Dans la postérité immédiate de l’Émile figure un autre roman [‘] : L’Élève de la nature de [N] [F]’
Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le tribunal n’a pas retenu les reprises invoquées comme contrefaisantes (page 11 du jugement) ;
reprise n°23 – formulation de Mme [Z] en page 160 : ‘Locke spécule cette fois sur un cas d’isolement collectif.’
– formulation de M. [W] en page 118 : ‘Locke propose un isolement collectif.’
Considérant que Mme [Z] et M. [W] traitant du même sujet des aspects négatifs de l’éducation au 18ème siècle, et plus particulièrement de l’isolement de l’enfant, vus à travers la littérature de cette époque, Mme [Z] ne saurait reprocher à M. [W] de commenter les mêmes auteurs, le fait que M. [W] reprenne les termes peu originaux d”isolement collectif’, alors que [K] parle d’ ‘une colonie de jeunes enfants qu’on enverrait dans une île’, ne sera pas considéré comme une reprise illicite dans la mesure où M. [W] a associé ces termes à PEGERE (‘Alors que Pégère, dans sa réplique, prend soin de n’isoler qu’un seul enfant sur son île déserte, Locke propose un isolement collectif’), association à laquelle Mme [Z] n’a pas procédé ;
reprise n°32 – formulation de Mme [Z] en page 225 : ‘En bon expérimentateur, Formey a prévu suffisamment de cobayes pour pouvoir procéder à des analyses comparatives :’
– formulation de M. [W] en page 149 : ‘En bonne méthode expérimentale, Mérian prévoit suffisamment d’enfants-cobayes pour pouvoir procéder à des analyses comparatives :’
Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le tribunal n’a pas retenu les reprises invoquées comme contrefaisantes, estimant qu’il ne peut être reproché à M. [W] d’avoir utilisé l’expression, banale en sciences humaines, de ‘suffisamment de (…) cobayes pour pouvoir procéder à des analyses comparatives (pages 11 et 12 du jugement), étant ajouté que cette formulation est associée à FORMEY chez Mme [Z] et à MERIAN chez M. [W] ;
reprise n°35 – formulation de Mme [Z] en page 358 : ‘[I] se place (…). Mais sa démarche se veut véritablement empirique et rigoureuse.’
– formulation de M. [W] en page 166 : ‘Sans doute la démarche de [I] se veut-elle véritablement empirique et rigoureuse’
Considérant qu’à la différence du tribunal, la cour estime que c’est sans nécessité que M. [W] a repris les termes ‘se veut (…) véritablement empirique et rigoureuse’ dans son commentaire de la ‘démarche’ de [I] ;
reprise n°40 – formulation de Mme [Z] en page 267 : ‘ [X] ne s’embarrasse pas de tous les développements romanesques conçus par [N] [F]. Chez lui, l’intention expérimentale s’affirme sans détours et sans scrupules quant aux moyens : Imirce est une enfant achetée !’
– formulation de M. [W] en page 173 : ‘À l’inverse de la duplicité du dispositif imaginé par Beaurieu dans la première édition de L’Élève de la nature, l’intention expérimentale s’exprime ici sans détours : Imirce est une enfant achetée (‘)’
Considérant que M. [W] a repris ici, en des termes très similaires et sans nécessité (‘l’intention expérimentale s’affirme [s’exprime] sans détours’ ; ‘Imirce est une enfant achetée’), l’analyse personnelle de Mme [Z] de l’oeuvre de [X] ; que ces reprises sont contrefaisantes ;
‘ ‘les reprises de quelques termes et la paraphrase’
– reprise n° 3 – formulation de Mme [Z] en page 263 : ‘Le titre du roman (…) est d’ailleurs une citation littérale d’Émile (…) Curieusement, d’ailleurs, le roman est paru tout d’abord sous le nom de [E]’
– formulation de M. [W] en page 97 : ‘Ses liens avec [E], et en particulier avec l’Émile, sont si évidents (le titre en est une citation presque littérale) qu’en 1764 parut une édition due sans doute à un libraire peu scrupuleux, signée « J-J. [E], autrefois citoyen de Genève’
Considérant que les deux universitaires qui travaillent sur un même sujet, se livrent ici, en des termes différents, à un rapprochement entre le titre du livre de [N] [F], L’Elève de la nature, et [E], ce qui relève d’une idée non protégeable en soi ;
– reprise n° 5 – formulation de Mme [Z] en page 13 : ‘L’isolement doit être le plus absolu possible. L’expérience, réelle ou fictive, est conduite dans le but d’effectuer une vérification empirique. Ce qui est à vérifier varie d’un texte à l’autre : y a-t-il une langue naturelle ou adamique ‘ (…) Quel est le potentiel « naturel », inné de l’esprit humain ”
– formulation de M. [W] en page 101 : ‘L’isolement de l’enfant doit permettre la révélation d’un savoir sur un état originel de l’homme, par définition inaccessible à l’enquête historique. Ce qui est à vérifier varie d’un texte à l’autre : existence d’ une langue originelle, aptitude naturelle au langage ou à la pensée, innéité des idées morales ou religieuses (‘)’
Considérant que, hormis la phrase ‘Ce qui est à vérifier varie d’un texte à l’autre :’ qui est banale, et même si les idées sont voisines, ce qui ne peut être reprochable, les formulations ne sont pas identiques ni même quasi-identiques ;
– reprise n° 6 – formulation de Mme [Z] en page 14 : ‘L’intention expérimentale permet en effet d’opposer les enfants de Psammétique aux ‘véritables’ enfants trouvés. Les premiers (‘) sont les produits d’une volonté expérimentale, les seconds d’un accident (voire d’un crime).’
– formulation de M. [W] en page 101 : ‘L’on ne retiendra donc ici que les fictions où l’isolement de l’enfant est délibéré et relève clairement d’une démarche expérimentale en excluant celles où l’isolement est accidentel ou criminel.’
Considérant que même si les idées sont voisines, ce qui ne peut être reprochable, les formulations ne sont pas identiques ni même quasi-identiques, Mme [Z] ne pouvant reprocher à M.[W] l’utilisation du terme ‘expérimentale’, banal en sciences humaines ;
– reprise n° 9 – formulation de Mme [Z] en page 15 : ‘Chaque récit décrit tout d’abord les cobayes de l’expérience : un, deux, ou plusieurs enfants, fille, garçon ou enfants des deux sexes quand ils sont plusieurs. Il s’agit en général de nouveaux-nés.’
– formulation de M. [W] en page 105 : ‘ D’abord un sujet d’expérience : un ou plusieurs enfants nouveaux-né(s), garçons et/ou filles.’
Considérant que M. [W] explique sans être démenti qu’alors que Mme [Z] décrit ici la structure narrative des récits d’isolement enfantin, il traite de l’expérience particulière de Psammétique et que leur propos respectif a donc en commun le même sujet d’expérience : les enfants des deux sexes, s’agissant parfois de nouveaux-nés ; que traitant de mêmes sujets, Mme [Z] et M. [W] sont amenés à aborder des thèmes identiques ; qu’en l’occurrence, les similitudes dans les termes sont rendues nécessaires par le thème abordé ; que le caractère illicite des reprises ne sera donc pas retenu ;
– reprise n° 10 – formulation de Mme [Z] en page 15 : ‘ Le récit décrit aussi le dispositif isolant (cave, cage, île déserte, gardiens muets, gardiens noirs chez Marivaux, animaux divers’) en s’efforçant de le rendre plausible, c’est-à-dire de montrer qu’il peut assurer la survie tout en étant totalement étanche aux influences du milieu. ‘
– formulation de M. [W] en page 105 : ‘ Ensuite un dispositif isolant : la solitude de la cabane et l’isolement du lieu où paissent les troupeaux sont des conditions essentielles à l’expérience de Psammétique. Dans les textes du XVIIIe siècle, ces dispositifs sont très variés : grottes, caves, cages, îles désertes, jardins placés sous la surveillance de gardiens ou entourés de vastes enceintes murales (‘) créent des laboratoires fictifs permettant de mener l’expérience in vivo.’
Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le tribunal n’a pas retenu les reprises invoquées comme contrefaisantes (page 11 du jugement) ;
– reprise n° 11 – formulation de Mme [Z] en page 15 : ‘ (…) en s’efforçant de le rendre plausible, c’est-à-dire de montrer qu’il peut assurer la survie tout en étant étanche aux influences du milieu. On s’apercevra très vite du caractère intrinsèquement contradictoire de cette clause. ‘
– formulation de M. [W] en page 105 : ‘ La présence du berger, dans le récit d’Hérodote,
souligne toutefois la difficulté à laquelle se heurtent les expériences d’isolement enfantin. Car l’exigence de pureté expérimentale et la nécessité de pourvoir aux besoins des enfants tendent à être contradictoires : il faut à la fois éliminer tout ce qui n’est pas pertinent à l’objet de la recherche et assurer la survie des cobayes.’
Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le tribunal n’a pas retenu les reprises invoquées comme contrefaisantes (page 11 du jugement) ; qu’il sera ajouté que Mme [Z] ne saurait reprocher à M. [W] la reprise du mot ‘assurer la survie’, relevant du fond commun eu égard au sujet de l’isolement enfantin, ou du mot banal ‘contradictoire’ ;
– reprise n° 13 – formulation de Mme [Z] en page 22 : ‘ Ce mode de rapport complexe autant qu’instable avec la réalité – un pacte implicitement réaliste pour un contenu manifestement invraisemblable – ( ‘) Elles contreviennent, tout en prétendant les respecter, aux lois de la vraisemblance (‘) l’instabilité de leur statut ontologique’
– formulation de M. [W] en page 106 : ‘ ces expériences, certes purement fictives mais qui souhaitent répondre à des critères minimums de vraisemblance exigent la mise en ‘uvre de moyens considérables (‘)’
Considérant qu’à supposer que l’idée exposée par M. [W] soit la même que celle exprimée par Mme [Z], comme celle-ci le soutient, les idées sont de libre parcours et les formulations sont différentes ; qu’il ne saurait donc y avoir de reprise illicite ;
– reprise n° 15 – formulation de Mme [Z] en page 21 : ‘ (‘) en déployant des stratégies narratives variées (‘) et se donner les couleurs de l’authenticité (‘) ces différentes stratégies d’accréditation’
– formulation de M. [W] en page 107 : ‘(‘) ces fictions philosophiques s’emploient à obtenir l’adhésion du lecteur par des procédés d’accréditation (‘)’
Considérant que même si les idées sont voisines, ce qui ne peut être reprochable, les formulations ne sont pas identiques ni même quasi-identiques, Mme [Z] ne pouvant reprocher à M. [W] l’utilisation du terme ‘accréditation’, courant en sciences humaines ;
– reprise n° 18 – formulation de Mme [Z] en pages 31-32 : ‘ À la différence des fictions qui se déploient tout d’abord sans la contrainte d’une quelconque vérification empirique, les hypothèses, qui sont aussi des constructions mentales, contiennent une présomption de réalité : ce sont des descriptions de la réalité en attente d’une vérification empirique (‘) ‘
– formulation de M. [W] en page 108 : ‘Comme hypothèses expérimentales, ces appels entretiennent avec le « réel » un rapport a priori plus direct et contraignant que les expériences de pensée puisqu’ils contiennent une présomption de réalité : les constructions mentales et les scénarios fictifs qu’ils élaborent sont des descriptions anticipées d’une réalité en attente d’une confirmation ou d’une infirmation empirique.’
Considérant qu’au sein d’un court passage, M. [W] reprend plusieurs expressions contenues dans un même paragraphe du mémoire de Mme [Z] (‘contiennent une présomption de réalité :’; ‘descriptions (…) réalité en attente’; ‘constructions mentales’), les termes de ‘confirmation ou infirmation empirique’ ne constituant que la paraphrase de ceux de ‘vérification empirique’ choisis par Mme [Z] ; que ces reprises sont contrefaisantes ;
– reprise n° 20 – formulation de Mme [Z] en page 201 : ‘ (‘) la spéculation tend vers le roman, elle s’approprie spontanément ses moyens (‘) ‘
– formulation de M. [W] en page 115 : ‘ Ce glissement de l’expérience de pensée vers un mode fictionnel proche de celui du roman (‘) ‘
Considérant que les idées sont de libre parcours et les formulations sont ici différentes ; qu’il ne saurait donc y avoir de reprise illicite ;
– reprise n° 21 – formulation de Mme [Z] en page 159 : ‘C’est dans le cadre de sa polémique contre les idées innées que Locke est amené à formuler à plusieurs reprises la
conjecture d’isolement enfantin’
– formulation de M. [W] en page 117 : ‘L’expérience de pensée sur l’isolement enfantin sert cependant le plus souvent, au XVIIIe siècle à développer une argumentation empiriste et anti-innéiste. On en a déjà vu un premier exemple chez Locke.’
Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le tribunal n’a pas retenu les reprises invoquées comme contrefaisantes (pages 9 et 10 du jugement) ;
– reprise n° 22 – formulation de Mme [Z] en pages 160 et 161 : ‘un individu particulièrement doué, de par la puissance naturelle de son esprit, parvient à l’idée de la divinité’ et ‘Cette invention reste la prouesse purement cognitive d’un seul individu (‘)’
– formulation de M. [W] en page 117 : ‘ Locke ne nie pas néanmoins que l’idée de Dieu puisse germer dans l’esprit de l’un de ces enfants ainsi isolés : (‘) grâce à un individu d’exception disposant d’une faculté de réflexion naturellement plus puissante que les autres’
Considérant que Mme [Z] et M. [W] traitant du même sujet, il n’est pas en soi illicite de commenter les mêmes passages d’oeuvres se rapportant à ce sujet, dès lors que, comme ici, les formulations ne sont pas identiques ou quasi identiques ; qu’il n’y a pas de reprise illicite ;
– reprise n° 26 – formulation de Mme [Z] en page 186 : ‘ Rien, cependant, dans le texte d’Arnobe n’indiquait que la conjecture reposait sur de quelconques observations empiriques. Arnobe insistait au contraire sur la puissance d’imagination nécessaire pour se figurer la scène et sur le fait que les prémisses de la conjecture – les conditions de faisabilité de l’expérience – doivent être admises. (‘)Le lieu décrit par La Mettrie est légèrement plus artificiel que la grotte d’Arnobe (‘). La réécriture du texte a fait disparaître les appels à la puissance d’imagination du lecteur. Elle insiste aussi plus nettement sur le caractère construit de main d’homme – ou virtuellement constructible – du dispositif expérimental, tentant ainsi d’en accréditer la faisabilité.’
– formulation de M. [W] en page 122 : ‘ (‘) rien, dans le texte original, ne peut laisser supposer que le rhéteur s’appuie sur de quelconques observations. Arnobeinsiste au contraire sur la nature purement spéculative de sa fiction et en appelle même à la bienveillance du lecteur pour qu’il accepte de se représenter une situation, certes possible en théorie, mais qui ne saurait s’appuyer sur aucun fait. (‘) plus artificiel que chez Arnobe, l’isolement que conçoit La Mettrie a pour caractéristique essentielle de suggérer insidieusement au lecteur qu’il serait au fond assez facile à réaliser.’
Considérant que Mme [Z] et M. [W] traitant du même sujet, il n’est pas en soi illicite de commenter les mêmes passages d’oeuvres se rapportant à ce sujet, dès lors que, comme ici, les formulations ne sont pas identiques et que Mme [Z] ne peut reprocher à M. [W] l’utilisation, dans son commentaire, des expressions ‘rien dans le texte ne’, ‘quelconques observations’, ‘Arnobe insiste au contraire sur’, ‘plus artificiel que chez Arnobe’ qui sont banales ; qu’il n’y a pas de reprise illicite ;
– reprise n° 27 – formulation de Mme [Z] en page 225 : ‘ Comme toujours, la règle de la non-intervention est absolue’ mais avec des aménagements pour permettre la survie.’
– formulation de M. [W] en page 139 : ‘ (‘) le texte entremêle le vocabulaire de la non-
intervention (puisqu’il faut que les enfants soient laissés tels que la nature les a conçus) et celui du travail et des soins les plus méticuleux, puisqu’il faut bien que les enfants subsistent (‘)’
Considérant que Mme [Z] ne saurait reprocher à M. [W] la reprise du mot banal ‘non-intervention’ ;
– reprise n° 28 – formulation de Mme [Z] en page 227 : ‘ Enfin, ce qui est assez unique, à cette date du moins, dans toutes les spéculations sur l’isolement enfantin, il vient à Formey quelques scrupules moraux : [suivent une première citation de Formey.] Mais la tentation empirique, fut-elle spéculative, l’emporte assez rapidement sur ces scrupules (‘)il suffirait d’acheter ces enfants à leurs parents, spontanément disposés à les vendre, plutôt que les leur enlever par la force :(‘) (car les leur enlever, ce serait encore une violation du droit naturel, moindre cependant que bien d’autres qui sont autorisées), on ne ferait presque aucun tort à ces enfants, en les employant à l’usage en question (p. 229-230).’
– formulation de M. [W] en page 142 : ‘Le projet s’achève par un rapide examen des scrupules moraux et religieux qu’il pourrait susciter. Visiblement, ces scrupules n’ont pas de quoi refroidir l’ardeur expérimentale de Formey : il suffirait de trouver des sauvages qui acceptent de « trafiquer » leurs enfants (« car les leur enlever ce serait encore une violation du droit naturel »). On ne leur ferait alors « presque aucun tort ». Formey écarte les dernières objections qu’on pourrait lui opposer (‘) ‘
Considérant que les deux universitaires traitant du même sujet, il n’est pas en soi illicite pour M. [W] de citer et de commenter les mêmes passages d’oeuvres se rapportant à ce sujet, dès lors que, comme ici, les formulations ne sont pas identiques ; qu’il n’y a pas de reprise illicite ;
– reprises n° 29 à 31-
– formulation de Mme [Z] en page 305, lignes 13-19 : ‘ [[B]] souligne tout d’abord le fait que considérer des nouveau-nés comme vierges de tout influence est erroné. Si l’on voulait être sûr de l’absence totale d’influence, il faudrait pratiquer l’expérience sur des ‘bloße homonculos’, sur des enfants dès avant leur naissance”
– formulation de M. [W] en page 143, lignes 23-24 : ‘ [B] commence par remarquer
qu’il faudrait prendre les enfants avant leur naissance, à l’état de simples homoncules’ ‘ et en page 144, note de bas 1 : « unstreitig wäre das allerbeste, wenn wir sie schon als bloße homonculos bekommen könnten’ » [traduction libre : « le mieux serait de pouvoir déjà en disposer au stade d’homoncule »]
Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le tribunal n’a pas retenu les reprises invoquées comme contrefaisantes (pages 9 et 10 du jugement) ;
– formulation de Mme [Z] en page 305, lignes 20-21 : ‘Il s’interroge ensuite sur la provenance des enfants à ‘utiliser’ pour réaliser l’expérience,’
– formulation de M. [W] en page 144, lignes 2-3 : ‘Le problème est ensuite de savoir où trouver les enfants cobayes (‘)’ et note de bas de page 2 : ‘Inzwischen fragt sich, woher diese Kinder kommen sollen ‘…’ [traduction libre : « s’interroge ensuite sur la provenance de ces enfants »]
– formulation de Mme [Z] en page 305, lignes 21-22 : ‘soulignant ironiquement que, si les philosophes avaient eux-mêmes des enfants, aucun d’eux ne serait ‘filosof genug’ pour les
soumettre à l’expérience (p. 396).’
– formulation de M. [W] en page p.144, lignes 3-5 : ‘combien de ces soi-disant philosophes le seraient-ils assez pour accepter de confier les leurs, à supposer qu’ils en aient ‘ et en note de bas de page 2 ‘Denn die Filosofen haben entweder selbst keine andre, oder, wenn sie andre haben, würde schwerlich ein einziger unter ihnen Filosof genug seyn sie zu einem solchen Versuch herzugeben” [traduction libre : « s’ils avaient des enfants, aucun d’entre eux ne serait ‘filosof genug’/suffisamment philosophe pour les soumettre à une telle expérience »]
– formulation de Mme [Z] en page 305, lignes 23-27: ‘Il ironise sur diverses possibilités :
utiliser des orphelins ou des enfants de l’amour abandonnés, des Caraïbes, des Eskimos, des Californiens ou des Patagons (à condition qu’ils ne soient pas aussi géants que la Barbe-bleue’), ou encore faire naître des enfants dans ce seul but : ‘[Ich] glaube nicht, daß man werde vermeiden können, eine eigene Fabrik zu diesem Zweck anzulegen’ (p. 396).’
– formulation de M. [W] en page 144, lignes 5-6 : ‘Utilisera-t-on des orphelins, des Caraïbes, des Esquimaux, des Californiens ” et lignes 6-9 : ‘Vu les inconvénients de ces options, il ne reste que la seule solution : aménager une fabrique d’enfants spécialement conçue à cette intention.’ et note de bas de page 3 : ‘glaube ich nicht, daß man werde vermeiden können, eine eigene Fabrik zu diesem Zweck anzulegen’
– formulation de Mme [Z] en page 305, lignes 1 : ‘ Le lieu de l’expérience constitue une
autre difficulté quasiment insurmontable.’ et ligne 3-7 : ‘[citation de [B]] (…) [B] réclame un périmètre de trente mille pour chaque groupe-test.’
– formulation de M. [W] en page 144, lignes 9 et 10 : ‘ Le problème se pose alors de trouver le lieu permettant la réalisation d’une telle expérience (…) ‘ et ligne 10-12 : ‘[B] calcule qu’il faut nécessairement un périmètre d’au moins trente mille pour chaque groupe d’enfants (‘)’
– formulation de Mme [Z] en page 305, lignes 8 et 9 : ‘ il formule très explicitement la
contradiction entre les moyens de la survie (la présence des nourrices) et l’objectif poursuivi (préserver les enfants de toute influence) : ‘Die Ammen essen, trinken, gehen auf zwey Beinen und thun zwanzig andere Dinge, welche man im Stande der Natur zwar auch, aber vielleicht auf eine andere Manier thut. Ihr Beispiel würde unsere Kinder verführen (…)’
– formulation de M. [W] en page 144, lignes 19-22 : ‘ La contradiction inhérente à l’expérience d’isolement enfantin entre l’exigence de pureté expérimentale et la nécessité d’assurer la survie des sujets offre également matière à interrogations ironiques : comment nourrir les enfants sans les acculturer ‘ Il faudrait les (‘)’ et page 145, note bas de page 3 : ‘Die Ammen essen, trinken, gehen auf zwey Beinen und thun zwanzig andere Dinge, welche man im Stande der Natur zwar auch, aber vielleicht auf eine andere Manier thut. Ihr Beispiel würde unsere Kinder verführen”
Considérant que les deux universitaires s’intéressant, comme il a été dit, au même sujet et la comparaison des formulations ne faisant pas apparaître d’identité ou de quasi-identité, Mme [Z] ne saurait reprocher à M. [W] d’avoir, dans son ouvrage, commenté des mêmes passages du texte de [B] et d’avoir repris en notes de bas de page des citations qu’elle-même a introduites dans le corps de son mémoire ;
– reprise n° 33 – formulation de Mme [Z] en page 357 : ‘ l’émancipation des sciences humaines du giron de la philosophie’ et en page 355 : ‘La naissance des sciences humaines au XIXe siècle – en France, au début du siècle on parle de « sciences de l’homme » – s’accompagne d’une forte exigence empirique.’
– formulation de M. [W] en page 164 : ‘ (‘)(le genre disparaît au XIXe siècle avec le développement des sciences de l’homme et leur émancipation du giron de la philosophie (‘)’
Considérant que, comme l’a retenu le tribunal, Mme [Z] ne saurait reprocher à M. [W] la reprise de l’expression ‘l’émancipation des sciences humaines du giron de la philosophie’ dont l’originalité n’est pas manifeste en sciences humaines ;
– reprise n° 34 – formulation de Mme [Z] en page 356 : ‘ La Société des Observateurs de l’homme, fondée en 1799 par [I], rassemblait philologues, médecins, archéologues, voyageurs. (‘) La Société lance toutes sortes de programmes de collecte d’objets ou de faits empiriques. (‘) Enfin, l’observation des ‘premiers développements de l’homme au berceau’
serait le dernier champ d’observation proposé’ ‘
– formulation de M. [W] en page 165 : ‘ [[I]] est le fondateur d’une société savante réunissant d’éminentes figures venues de divers horizons de la connaissance (philologues, médecins, archéologues, voyageurs’) (‘) l’une des missions essentielles, selon les v’ux de [I], doit être l’observation des « premiers développements des facultés de l’homme au berceau ».(‘) Couronnant le vaste programme de travaux ayant spécifiquement pour objet l’observation du développement cognitif et linguistique de l’enfant (‘)’
Considérant que la seule reprise suspecte est ‘philologues, médecins, archéologues, voyageurs’ mais que M. [W] justifie que [S], dans un ouvrage Les sciences humaines et la pensée occidentale paru en 1966, écrit :’La Société des observateurs de l’homme, fondée en 1799 par Louis François [I] (…) où se groupent philosophes et médecins, naturalistes, voyageurs, philologues, autour d’un projet commun’ et que la notice Wikipédia de la Société des observateurs de l’homme indique que les réunions de cette société rassemblent ‘des naturalistes, des médecins (…), des philosophes, des écrivains, des historiens, des linguistes, des orientalistes
et des archéologues’, de sorte que la formulation de Mme [Z] apparaît peu originale ; que pour le reste, il ne peut être reproché à M. [W] d’avoir évoqué [I] et reproduit des citations que Mme [Z] avait elle-même introduites dans son propos, les deux universitaires s’intéressant au même sujet ; que le caractère illicite des reprises ne sera donc pas retenu ;
– reprise n° 36 – formulation de Mme [Z] en page 359 : ‘ Il est caractéristique que l’entreprise requière à peu près les mêmes investissements et les mêmes sacrifices que le métier de précepteur dans l’Émile (sacrifice d’une vie, disponibilité complète de l’expérimentateur, aisance financière’)’
– formulation de M. [W] en page 167 : ‘[Les difficultés auxquelles se heurte l’expérience] (elles font beaucoup songer aux invraisemblables sacrifices auxquels doit consentir le gouverneur d’Émile).’
Considérant que Mme [Z] ne saurait reprocher à M. [W] la reprise du mot banal ‘sacrifice’ ;
– reprise n° 37 – formulation de Mme [Z] en page 20 : ‘Ce qui caractérise toutes ces fictions, qu’il s’agisse de fictions narratives ou de Gedankenspiele philosophiques est leur invraisemblable triomphalisme (‘) Les résultats mirobolants prêtés à l’expérience (‘) ‘
– formulation de M. [W] en page 170 : ‘ (‘) ce qui frappe, en effet, en ces fictions, est un « optimisme » (…)les résultats sont probants, il y aura des apprentissages (…)’
Considérant que les formulations ne sont pas identiques ni même quasi-identiques et que Mme [Z] ne peut faire grief à M. [W] de l’emploi du mot ‘fiction’, dénué d’originalité dans le contexte considéré ;
– reprise n° 41 – titre de Mme [Z] : ‘L’origine au laboratoire de la fiction’
– formulation de M. [W] en page 173 : ‘ Ariste ayant transformé la cave de son château
en laboratoire de l’origine (‘) ‘
Considérant que c’est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le tribunal n’a pas retenu les reprises invoquées (page 11 du jugement) ;
– reprise n° 48 – formulation de Mme [Z] en page 280 : ‘ L’histoire des deux enfants permet de construire un modèle réduit de la manière dont se forgent les croyances humaines.’ – formulation de M. [W] en page 187 : ‘(‘) offrant une image en réduction des interrogations balbutiantes de l’humanité face à l’énigme de la nature et de son éventuel créateur.’
Considérant que les formulations ne sont pas identiques ni même quasi-identiques ;
– reprise n° 49 – formulation de Mme [Z] en page 269 : ‘ À partir de ce moment-là, Ariste intervient et soumet les enfants à des stimuli divers. C’est tout le programme sensualiste qui défile alors : une rose descend dans le panier et éveille leur odorat. Un perroquet chante une chanson en français et doit leur donner l’idée du langage. Un miroir leur révèle leur propre image, etc. ‘
– formulation de M. [W] en page 189 : ‘ (‘) cage une rose, un perroquet, un miroir et un singe. Cette liste a beau paraître des plus hétéroclites, tous ces « objets » ont en commun d’être des stimuli choisis en fonction de leur pouvoir d’éveil. ‘
Considérant que les deux universitaires traitant du même sujet, il n’est pas en soi illicite pour M. [W] de citer et de commenter les mêmes passages d’oeuvres se rapportant à ce sujet, dès lors que, comme ici, les formulations ne sont pas identiques ;
– reprise n° 50 – formulation de Mme [Z] en page 16 : ‘Au terme de leur auto-éducation (dans la fiction), les cobayes de l’expérience ont en général recouvré toutes les compétences des êtres humains normalement socialisés. Souvent, ils ont même fait mieux. (…)L’ancien isolé rejoint alors la galerie des Persans, Péruvienne, Candide et autres Ingénus, qui dévoilent de leur regard naïf les travers des sociétés humaines.’
– formulation de M. [W] en page 201 : ‘À ce moment de leur parcours, et à la notable exception des enfants de La Dispute, tous les enfants cobayes de ces fictions ont non seulement développé les compétences des êtres humains normalement socialisés, mais leur métamorphose en philosophes est déjà presque achevée. (…) elle rejoint (plus ou moins nettement) les schémas traditionnels de fonction critique et « philosophique » du regard ingénu.’
Considérant que, comme le tribunal en a décidé (page 12), n’est pas illicite la reprise par M. [W] du mot ‘cobayes’ relevant du fond commun eu égard au sujet de l’isolement enfantin ou de l’expression ‘les compétences des êtres humains normalement socialisés’ dépourvue d’originalité en sciences humaines ;
Considérant en définitive que, sous réserve de deux différences d’appréciation et de deux passages non examinés par le tribunal que la cour estime contrefaisants, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a retenu que dans l’ouvrage Educations négatives, M. [W] et son éditeur la société CLASSIQUE G ont reproduit sans son autorisation des écrits de Mme [Z] et ont ainsi commis des actes de contrefaçon à son préjudice ;
Sur le contrôle de proportionnalité entre les droits en balance
Considérant que les appelants soutiennent, au visa notamment de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que la mise en ‘uvre du droit d’auteur, et notamment du droit de divulgation, de Mme [Z] porte une atteinte disproportionnée aux libertés d’expression et de recherche scientifique, ce que le tribunal n’a pas pris en compte ; qu’ils font valoir que la liberté de la recherche scientifique implique de pouvoir citer des données et des oeuvres, y compris des thèses non publiées à partir du moment où elles ont été soutenues, et que l’intention de M. [W] était purement scientifique, celle de la discussion des opinions scientifiques, et non le pillage systématique allégué par Mme [Z] ;
Que celle-ci oppose notamment que M. [W] a choisi de reprendre des mots, des phrases, des concepts, des plans de son ‘uvre originale inédite sans toujours citer ses sources en violation du droit de courte citation, et sans expliquer pourquoi il n’a pu faire autrement et que rien ne justifie la reprise de son ‘uvre, sans son autorisation ni sa citation, pour le travail de recherche de M. [W] ;
Considérant que comme il a été dit, le mémoire de Mme [Z] n’ayant pas été, au jour des reprises litigieuses, divulgué par son auteure qui souhaitait y apporter des amendements – cette liberté d’amélioration de son travail par l’auteure devant être prise en considération dans l’appréciation des droits en balance, pour les raisons scientifiques mêmes qui sont mises en avant par M. [W] -, ce dernier ne peut utilement invoquer son droit de citation ; que pour les autres reprises contrefaisantes retenues par la cour, consistant en des emprunts au travail de Mme [Z] sans citation de celle-ci, M. [W] ne saurait se prévaloir d’un quelconque intérêt scientifique ;
Que la reconnaissance du caractère illicite des reprises opérées par M. [W] ne porte donc aucune atteinte disproportionnée aux principes dont il se réclame de liberté d’expression et liberté de recherche scientifique ;
Sur le parasitisme
Considérant qu’aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, ‘A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n ‘est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l ‘intervention d’un tiers, ou de la survenance on de la révélation d’un fait’ ; que l’article 565 du même code dispose que : ‘Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent’ ; que selon l’article 566 du même code, les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément ; qu’enfin, les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel en application de l’article 567, mais à condition de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant au sens de l’article 70 du même code ;
Considérant que c’est à juste raison que les appelants soulèvent l’irrecevabilité des demandes présentées à titre subsidiaire, pour la première fois en cause d’appel par Mme [Z], sur le fondement du parasitisme ; qu’en effet, ces demandes, qui ne sont pas justifiées par l’une des circonstances prévues par l’article 564 précité, qui visent à l’obtention de la réparation d’un préjudice consécutif à des agissements fautifs, ne tendent pas aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges qui tendaient à faire sanctionner des atteintes à un droit privatif, et n’en sont pas l’accessoire, la conséquence ou le complément ;
Que Mme [Z] sera, par conséquent, déclarée irrecevable en ses demandes fondées sur le parasitisme ;
Sur les mesures réparatrices
Sur les demandes indemnitaires
Considérant que pas plus qu’en première instance, Mme [Z] ne justifie en cause d’appel de la réalité et du montant du préjudice économique (manque à gagner et perte subie) qu’elle invoque ; que le jugement sera donc confirmé, pour les motifs qu’il contient, en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes de ce chef ;
Considérant, en ce qui concerne le préjudice moral, que c’est à juste raison que les appelants observent que le tribunal a statué ultra petita en octroyant à Mme [Z] la somme de 6 000 € en réparation de l’atteinte portée à son droit de divulgation ; qu’une somme de 4 000 € à ce titre constituera une juste réparation de l’atteinte subie par l’intimée ;
Que la somme de 2 000 € allouée par le tribunal à Mme [Z] pour l’atteinte portée à son droit de paternité constitue une juste appréciation du préjudice subi par l’intimée ; que le jugement sera donc confirmé sur ce point ;
Considérant que Mme [Z] ne démontre pas la réalité d’une dépréciation de son oeuvre résultant des 9 passages contrefaisants retenus par la cour, s’agissant non de l’appropriation de ‘concepts innovants’ comme elle l’affirme, mais seulement de la reprise, au demeurant limitée eu égard au volume du mémoire et de l’ouvrage en cause, de termes ou d’expressions ;
Que la demande au titre du préjudice ‘personnel moral’ n’est pas davantage justifiée, Mme [Z] ne pouvant sérieusement invoquer un ‘pillage’ de son mémoire par M. [W] et ne démontrant nullement que sa difficulté à trouver ultérieurement un éditeur soit liée aux neuf reprises incriminées ;
Qu’eu égard à l’importance réelle des emprunts illicites constatés, les demandes formées au titre des bénéfices indus réalisés tant par M. [W] que par son éditeur ne sont pas fondées et seront par conséquent rejetées ;
Sur les autres mesures
Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [Z] tendant au retrait de l’ouvrage de M. [W] des circuits commerciaux et à la publication judiciaire de la décision ;
Que le jugement, non critiqué en ce qu’il a débouté Mme [Z] de sa demande tendant à l’interdiction de commercialiser l’ouvrage de M. [W], sera confirmé de ce chef ;
Que l’injonction prononcée par le tribunal, relative à l’insertion dans les ouvrages litigieux de M. [W] d’un avertissement aux lecteurs, sera confirmée dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt ;
Que compte tenu du prononcé de cette injonction et eu égard à l’importance réelle des emprunts illicites constatés, la demande d’affichage du présent arrêt dans les locaux de l’Université [Établissement 3] n’est pas opportune et sera rejetée ;
Sur les dépens et frais irrépétibles non compris dans les dépens
Considérant que M. [W] et la société CLASSIQUE G qui succombent en leur recours, seront condamnés aux dépens d’appel et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu’ils ont exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées ;
Que la somme qui doit être mise à la charge de M. [W] et la société CLASSIQUE G in solidum au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Mme [Z] peut être équitablement fixée à 6 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance ;
PAR CES MOTIFS,
Déclare M. [W] et la société CLASSIQUE G irrecevables en leur fin de non-recevoir présentée devant la cour, concernant les demandes incidentes formées par Mme [Z] au titre de la contrefaçon de ses droits d’auteur,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a :
retenu que dans l’ouvrage Educations négatives, M. [W] et son éditeur la société CLASSIQUE G ont reproduit sans son autorisation des écrits de Mme [Z] et ont ainsi commis des actes de contrefaçon à son préjudice,
condamné in solidum M. [W] et la société CLASSIQUE G à payer à Mme [Z] la somme de 2 000 € en réparation de l’atteinte portée à son droit de paternité,
rejeté les demandes de Mme [Z] au titre du préjudice patrimonial,
rejeté les demandes de Mme [Z] tendant au retrait de l’ouvrage de M. [W] des circuits commerciaux, à la publication judiciaire de la décision et à l’interdiction de commercialiser l’ouvrage de M. [W],
condamné in solidum M. [W] et la société CLASSIQUE G aux dépens et au paiement d’une indemnité de 6 000 € à Mme [Z] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Infirme le jugement en ce qu’il a :
condamné in solidum M. [W] et la société CLASSIQUE G à payer à Mme [Z] la somme de 6 000 € en réparation de l’atteinte portée à son droit de divulgation,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Condamne in solidum M. [W] et la société CLASSIQUE G à payer à Mme [Z] la somme de 4 000 € en réparation de l’atteinte portée à son droit de divulgation,
Enjoint à M. [W] et la société CLASSIQUE G, dans un délai de trois mois à compter de la signification de cet arrêt, d’annexer aux ouvrages litigieux déjà édités une note avertissant le lecteur que les passages suivants indiqués en gras et entre guillemets sont des citations du mémoire de Mme [Z] intitulée L’origine au laboratoire de la fiction, histoire et fonction d’iso1ement enfantin dans l’élaboration de concepts de nature et de culture soutenue en 2003 à l’université [Établissement 2]-Universität de [Localité 4] :
– p.101-102 : ‘à défaut d’un personnage qui incarnerait l’instance expérimentale dans le texte, le récit lui-même ‘
– p.145 : ‘enfants des deux sexes totalement isolés les uns des autres ; couples d’enfants ; enfants des deux sexes suffisamment proches pour pouvoir se rencontrer ; et enfin deux groupes mixtes, mais avec des proportions inégales de garçons et de filles’
– p. 173 : ‘ un garçon portant le prénom programmatique d’Émilor, par un philosophe expérimentateur qui, lui, répond au nom d’Ariste, comme (…) de [N] [F] (…)’
– p.173-174 : ‘Dans un premier temps, les enfants ont les yeux bandés, ils sont au pain (…) et à l’eau (…) et ne s ‘orientent que grâce au toucher (…) artistement ajustée (…) Les enfants découvrent alors l’univers de la cave (…)’
– p. 207 : ‘Imirce découvre avec stupeur la violence, l’ absurdité du code de l’honneur, l’emmaillotage des enfants, l’hypocrisie des m’urs, la misère ‘
– p. 207 : ‘Se sentant trop vieux pour l’amour, Ariste tire Émilor de sa cave. (…) Emilor et Imirce choisissent alors de vivre en marge de la société’,
– p. 166 : ‘Sans doute la démarche de [I] se veut-elle véritablement empirique et rigoureuse (…)’
– p.173 : ‘À l’inverse de la duplicité du dispositif imaginé par Beaurieu dans la première édition de L’Élève de la nature, l’intention expérimentale s’exprime ici sans détours : Imirce est une enfant achetée (‘)’
– p. 108 : ‘Comme hypothèses expérimentales, ces appels entretiennent avec le « réel » un rapport a priori plus direct et contraignant que les expériences de pensée puisqu’ils contiennent une présomption de réalité : les constructions mentales et les scénarios fictifs qu’ils élaborent sont des descriptions anticipées d’une réalité en attente d’une confirmation ou d’une infirmation empirique.’
Enjoint à M. [W] et à la société CLASSIQUE G, si 1’ouvrage litigieux devait être réédité, d’y inclure les citations ci-dessus, en en précisant la source,
Dit que ces injonctions sont assorties d’une astreinte de 150 euros par infraction, à courir après le délai de trois mois à compter de la signification de cet arrêt,
Rejette les demandes indemnitaires de Mme [Z] au titre de la dépréciation de son oeuvre, d’un préjudice moral personnel et des bénéfices indus réalisés grâce à la contrefaçon,
Rejette la demande de Mme [Z] au titre de l’affichage du présent arrêt dans les locaux de l’Université [Établissement 3],
Dit que la reconnaissance du caractère illicite des reprises opérées par M. [W] du mémoire de Mme [Z] ne porte pas une atteinte disproportionnée aux principes de liberté d’expression et de liberté de recherche scientifique,
Déclare Mme [Z] irrecevable en ses demandes, nouvelles en cause d’appel, fondées sur le parasitisme invoqué à titre subsidiaire,
Condamne in solidum M. [W] et la société CLASSIQUE G aux dépens d’appel, ainsi qu’au paiement à Mme [Z] de la somme de 6 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE PRÉSIDENTLE GREFFIER