Jurisprudence sur l’Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : 24 novembre 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 20-13.318

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Jurisprudence sur l’Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : 24 novembre 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 20-13.318
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24 novembre 2021
Cour de cassation
Pourvoi n°
20-13.318

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 novembre 2021

Cassation partielle sans renvoi

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 737 F-B

Pourvoi n° Q 20-13.318

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2021

La société Magnum photos, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-13.318 contre l’arrêt rendu le 31 octobre 2019 par la cour d’appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l’opposant à la société Lagardère média news, venant aux droits de la société Hachette Filipacchi associés, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La société Lagardère média news a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Magnum photos, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Lagardère média news, après débats en l’audience publique du 5 octobre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 31 octobre 2019), la société Magnum photos est une coopérative photographique créée en 1947 et ayant pour activité la représentation de photographes et l’exploitation pour leur compte de droits de reproduction et de représentation de leurs oeuvres.

2. Au titre de ses activités, elle a remis pendant plusieurs années différents négatifs et planches-contact à la société Hachette Filipacchi associés (HFA) qui a procédé à des tirages de presse et les lui a restitués.

3. Le 19 juin 2013, la société Magnum photos a assigné la société HFA sur le fondement des articles L. 111-1, L. 121-1 et L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle, afin d’obtenir, d’une part, la restitution, sous astreinte, de tirages réalisées par celle-ci correspondant à des listings de photographies publiées dans le magazine Paris-Match au cours de la période s’étendant de 1949 à 1989 ainsi que dans les magazines Elle et Marie-Claire de 1962 à 1969, d’autre part, l’interdiction pour la société HFA de les vendre, enfin, la réparation de son préjudice. La société HFA, aux droits de laquelle se trouve la société Lagardère média news (la société Lagardère) a opposé la prescription et le fait qu’elle était propriétaire des tirages réalisés à ses frais.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. la société Magnum photos fait grief à l’arrêt de dire irrecevables car prescrites ses demandes en restitution des tirages de presse de photographies antérieurement au 19 juin 1983, alors :

« 1°/ que les actions en restitution engagées par le déposant ou le prêteur d’un bien mobilier ou par toute autre personne qui remet à titre précaire une chose à autrui sont imprescriptibles et ne sont donc pas soumises au délai de prescription de droit commun des actions personnelles ou mobilières ; qu’en retenant, pour dire irrecevable, car prescrite, la demande de la société Magnum photos en restitution des tirages de presse de photographies parus antérieurement au 19 juin 1983, que cette demande relevait de la prescription civile de droit commun relative aux actions personnelles ou mobilières, la cour d’appel a violé, par fausse application, l’article 2224 du code civil et, par refus d’application, l’article 2227 du code civil ;

2°/ que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit, qui interrompt le délai de prescription, s’apprécie tant à l’égard du créancier ou de son ayant-droit que du mandataire de celui-ci ; qu’en énonçant, pour dire irrecevable, car prescrite, la demande de la société Magnum photos en restitution des tirages de presse de photographies parus antérieurement au 19 juin 1983, que la restitution de tirages de presse qui était intervenue le 13 janvier 2001 au profit de [3] ne pouvait valoir reconnaissance d’un droit au profit de la société Magnum photos et qu’elle n’avait donc pas interrompu le délai de prescription de l’action en restitution formée par cette dernière, après avoir pourtant constaté que cette société agissait en qualité de mandataire de photographes ou de leurs ayants droit, dont la Fondation [3] qui l’avait investie d’un mandat ad agendum, en qualité d’ayant droit de [3], la cour d’appel, qui a apprécié exclusivement l’existence d’une reconnaissance interruptive de prescription par le débiteur à l’égard du mandataire du créancier et refusé de l’apprécier à l’égard de celui-ci, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 2240 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. D’une part, l’action en restitution fondée sur un contrat de dépôt, de prêt ou de mandat constitue une action mobilière distincte de l’action en revendication, de sorte que c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que la demande de restitution des tirages formée par la société Magnum photos était soumise à la prescription civile de droit commun relative aux actions personnelles ou mobilières.

6. D’autre part, la cour d’appel a estimé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve soumis, que la restitution de tirages intervenue le 13 janvier 2001 au profit d'[3] ne valait pas reconnaissance d’un droit au profit de la société Magnum photos pour tous les tirages dont elle réclamait la restitution.

7. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

8. La société Magnum photos fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à ce qu’il soit fait interdiction à la société Lagardère de procéder directement ou indirectement à la vente de tous tirages de presse, comportant le tampon Photo Magnum ou Magnum photo ou la mention manuscrite ou tamponnée “Magnum” ou encore de la mention manuscrite du nom du photographe, alors :

« 1°/ que les supports matériels des tirages photographiques, qui constituent les fruits des négatifs dont ils sont issus, appartiennent originairement au propriétaire desdits négatifs, peu important que ce dernier les ait financés et réalisés et en ait la possession depuis l’origine, dès lors qu’il n’était pas propriétaire des négatifs ; qu’en retenant, pour rejeter la demande de la société Magnum photos tendant à interdire sous astreinte à la société Hachette Filipacchi associés, aux droits de laquelle est venue la société Lagardère média news, de procéder directement ou indirectement à la vente des tirages litigieux, que ces tirages étaient la propriété de la société Hachette Filipacchi associés, après avoir pourtant constaté que les négatifs à partir desquels les tirages avaient été réalisés avaient été remis à titre de dépôt par la société Magnum photos à Paris-Match pour leur édition, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que la société Hachette Filipacchi associés, aux droits de laquelle est venue la société Lagardère média news, n’était pas la propriétaire desdits tirages a violé, par fausse application, les articles 544 et 2276 du code civil, et par refus d’application, les articles 547 et 548 du code civil, ensemble l’article L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ que dans ses conclusions d’appel, la société Magnum photos soutenait que si Paris-Match éditait une série de tirages de presse à partir des négatifs remis par la société Magnum photos, elle “pouvait décider de ne publier qu’une image, une sélection d’entre elles comme l’ensemble de ces photographies ou même renoncer à publier ledit reportage” ; qu’en retenant, pour rejeter la demande de la société Magnum photos tendant à interdire sous astreinte à la société Hachette Filipacchi associés, aux droits de laquelle est venue la société Lagardère média news, de procéder directement ou indirectement à la vente des tirages litigieux, qu’elle n’était pas fondée à invoquer le droit de divulgation reconnu à l’auteur par application de l’article L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle qui lui donne le pouvoir de décider de rendre ou non publique son oeuvre puisqu’il était constant que les photographies concernées avaient déjà fait l’objet de publications, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de la société Magnum par lesquelles cette dernière soutenait que toutes les photographies litigieuses n’avaient pas déjà été publiées et a ainsi violé l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis. »

 


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