Jurisprudence sur l’Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : 21 février 2019 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 16/00083

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Jurisprudence sur l’Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : 21 février 2019 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 16/00083
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21 février 2019
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
16/00083

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 21 FEVRIER 2019

N°2019/ 46

Rôle N° RG 16/00083 – N° Portalis DBVB-V-B7A-54RA

[X] [M]

C/

SA MEILLAND INTERNATIONAL

SAS ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me BADIE

Me IMPERATORE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 19 Novembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 12/03935.

APPELANT

Monsieur [X] [M]

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Céline OLLIVIER, avocat au barreau de NICE

INTIMEES

SA MEILLAND INTERNATIONAL,

dont le siège est [Adresse 2]

représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me François ILLOUZ, avocat au barreau de PARIS

SAS ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER,

dont le siège est [Adresse 3]

représentée par Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me François ILLOUZ, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Janvier 2019 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, et Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller, chargés du rapport.

Monsieur FOHLEN, Conseiller, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller faisant fonction de Président

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Février 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Février 2019.

Signé par Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

-*-*-*-*-

F A I T S – P R O C E D U R E – D E M A N D E S :

Le 5 mai 1986 Monsieur [X] [M] a été embauché en qualité de photographe par la S.N.C. MEILLAND et Cie obtenteur et distributeur de variétés de rosiers ; ce contrat de travail a pris fin le 7 décembre 1992. Le 12 novembre 1993 Monsieur [M] s’est immatriculé au Registre du Commerce et des Sociétés avec le 1er octobre précédent comme date de commencement de l’exploitation.

Entre le 31 octobre 2004 et le 28 février 2009 Monsieur [M] a établi de très nombreuses factures de cessions de droit d’auteur à la société MEILLAND INTERNATIONAL. Le 16 mars 2011 7 il a fait établir par Huissier de Justice un procès-verbal de constat sur les sites internet de la S.A. MEILLAND INTERNATIONAL et de la S.A.S. ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER.

Monsieur [M] a le 21 septembre 2011 mis en demeure la société MEILLAND INTERNATIONAL et la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER de respecter ses droits de propriété intellectuelle sur ses nombreux clichés photographiques de roses.

Les 21 et 23 février 2012 Monsieur [M] a fait assigner la société MEILLAND INTERNATIONAL et la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER devant le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE.

Une ordonnance d’incident rendue le 21 octobre 2013 par le Juge de la Mise en Etat a notamment :

* ordonné à la société MEILLAND INTERNATIONAL et à la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER de communiquer à Monsieur [M] :

– tous documents permettant d’identifier, quel que soit le mode de vente, les distributeurs,

fournisseurs, ainsi que les grossistes destinataires et les détaillants en France ou à l’étranger auxquels les photographies prises par Monsieur [M] ont été transmises en tant que support de vente ;

– un relevé de tous documents commerciaux et publicitaires mis sur le marché, à savoir tous catalogues, notices, et prospectus sur lesquels sont reproduites les photographies de Monsieur [M] ;

– un relevé du nombre de connexions aux dijférentes sites internet et notamment ceux identifiés sous les URL suivantes http//[Courriel 1] et http//[Courriel 2] ainsi que tous sites directement et indirectement exploités par les sociétés ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER et MEILLAND INTERNATIONAL ;

* dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;

* ordonné l’exécution provisoire.

Le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE par jugement du 19 novembre 2015 a :

* dit que les actes allégués de contrefaçon réalisés avant le 21 février 2002 sont prescrits ;

* dit que Monsieur [M] est l’auteur des photographies de roses capturées pour le compte de la société MEILLAND INTERNATIONAL et de la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER entre 2002 et 2009 ;

* rejeté par conséquent la fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de Monsieur [M] ;

* dit que les photographies de roses capturées pour le compte de la société MEILLAND INTERNATIONAL et de la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER entre 2002 et 2009 par Monsieur [M] ne sont pas protégées par le droit d’auteur ;

* débouté par conséquent Monsieur [M] de l’ensemble de ses demandes ;

* débouté la société MEILLAND INTERNATIONAL et la société ROSERAIES

MEILLAND RICHARDIER de leur demande de dommages et intérêts pour procédure

abusive ;

* condamné Monsieur [M] à verser à la société MEILLAND INTERNATIONAL et à la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER la somme de 1 500 € 00 (au total, pas à chacune) au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

* dit n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire ;

* mis les dépens de l’instance à la charge de Monsieur [M].

Monsieur [X] [M] a régulièrement interjeté appel le 5-6 janvier 2016, et par conclusions du 3 août 2016 soutient notamment que :

– il est photographe professionnel depuis 1980 ; sa mission pour les sociétés MEILLAND INTERNATIONAL et ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER consistait à prendre des clichés de toutes les variétés de roses et autres végétaux conçus et/ou commercialisés par celles-ci ; lorsqu’à partir de novembre 1993 il a exercé de manière indépendante ces sociétés demeuraient son client majeur et principal ; de 1986 à 2009 il a constitué une photothèque de près de 250 000 clichés, soit le répertoire de toutes les variétés de fleurs et surtout le support de vente des sociétés MEILLAND INTERNATIONAL et ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER ; au terme de leurs relations d’affaires il s’est retrouvé dépossédé de tous ses originaux (ektachromes et fichiers numériques), que ces sociétés exploitent sans son autorisation ni contrepartie ;

– il est l’auteur des photographies pour les sociétés MEILLAND INTERNATIONAL et ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER comme mentionné sur leur site internet et leurs catalogues, et d’une grande majorité des clichés de la photothèque ; ses pièces 33, 34 et 35 mentionnent la référence de son appareil NIKON D2X n° 5010452 qu’il utilise depuis 2004 ; de 1986 à 2009 il était le photographe officiel des roses MEILLAND, ainsi que l’atteste Monsieur [E] responsable de la création des roses ; les clichés originaux sont en possession des sociétés MEILLAND INTERNATIONAL et ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER, lui-même ayant conservé une copie numérisée de certains d’entre eux ; il est capable de prouver être l’auteur a minima de plus de 268 photographies qui sont répertoriées par ordre alphabétique ;

– l’ensemble de ses clichés constitue des oeuvres protégeables par le droit d’auteur car originaux ; ses images ne sont pas destinées à illustrer que des catalogues, et ont servi notamment pour de nombreux calendriers ; le caractère utilitaire de la photographie pour catalogue n’anéantit pas pour autant la réflexion, la liberté ainsi que l’approche artistique et esthétique de lui-même ; la pièce 26 de ses adversaires (directives techniques) aurait été établi en mars 2007 soit 2 ans avant son départ ; il bénéficiait d’une grande liberté d’action quant à ses choix techniques et artistiques, et a toujours disposé d’une grande marge de manoeuvre dans l’exercice de son activité lui permettant ainsi d’exprimer sa personnalité ; il a librement défini et amélioré le protocole esthétique, libre et créatif de prises de vues se déroulant à l’extérieur (choix du sujet et du moment, choix du type de fichier utilisé, détermination de l’angle et du cadrage, préparation de la mise en scène, réglage de la lumière, sélection et correction des images, angle de prise de vue, mise en scène et atmosphère) ; le but commercial des clichés n’affecte en rien le travail artistique de l’auteur ;

– ses photographies ont été reproduites sans son consentement personnel et écrit à une cession de ses droits ; les factures qu’il a émises ne précisent pas les photographies concernées, ni leur destination, ni l’étendue et la délimitation des droits cédés, ni le lieu, ni la durée ; le numéro est celui de la facture et non pas d’un contrat de cession ; les frais techniques séparés sont ceux de déplacement ; les factures ne couvrent que la période de 2004 à 2009 ; le constat du 16 mars 2011 inventorie les 1 230 clichés illicitement exploités depuis plusieurs années ; d’autres reproductions ont eu lieu sur le site vente-privee.com du 24 au 26 avril 2011 (49), et pour les ventes via les pépinières ainsi que les sites marchands étrangers ;

– les actes de contrefaçon constituent des infractions continues, et le point de départ de la prescription court à compter de leur cessation et du jour où lui-même en a eu connaissance ; son droit moral est imprescriptible ;

– son préjudice est constitué par les utilisations non rémunérées de ses photographies :

. sur le site [Courriel 1] durant 7 ans 260 photographies en 1/4 de page à 430 € 00 pièce soit 111 800 € 00,

. sur le site [Courriel 2] pour la même durée 160 photographies en 1/4 de page à 860 € 00 pièce soit 137 600 € 00,

. sur les catalogues de vente par correspondance 100 clichés par exemplaire soit par an 46 208 € 00 et sur 5 ans 231 040 € 00,

. sur les publicités sur lieux de vente 100 clichés par an soit 274 800 € 00.

L’appelant demande à la Cour de :

– le recevoir en son appel, le déclarer bien fondé ;

* confirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit que Monsieur [M] est l’auteur des photographies de roses capturées pour le compte de la société MEILLAND INTERNATIONAL et de la société ROSERAIES

MEILLAND RICHARDIER entre 2002 et 2009 ;

– rejeté par conséquent la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de Monsieur [M] ;

– débouté la société MEILLAND INTERNATIONAL et la société ROSERAIES

MEILLAND RICHARDIER de leur demande de dommages et intérêts pour procédure

abusive ;

* réformer le jugement en ce qu’il a :

– dit que les actes allégués de contrefaçon réalisés avant le 21 février 2002 sont prescrits ;

– dit que les photographies de roses capturées pour le compte de la société MEILLAND INTERNATIONAL et de la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER entre 2002 et 2009 par Monsieur [M] ne sont pas protégées par le droit d’auteur ;

– débouté par conséquent Monsieur [M] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamné Monsieur [M] à verser à la société MEILLAND INTERNATIONAL et à la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER la somme de 1 500 € 00 (au total, pas à chacune) au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– dit n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire ;

– mis les dépens de l’instance à la charge de Monsieur [M] ;

* statuant à nouveau :

– accueillir les conclusions signifiées pour le compte de Monsieur [M] ;

– débouter la société MEILLAND INTERNATIONAL ct la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER de l’ensemble de leurs prétentions à l’encontre de Monsieur [M] ;

– dire et juger que les photographies réalisées par Monsieur [M] sont des

oeuvres de l’esprit protégeables par le droit d’auteur au sens des dispositions du Code de la

Propriété Intellectuelle ;

– constater qu’il n’a jamais consenti à la société MEILLAND INTERNATIONAL et à la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER aucune cession de droit sur l’ensemble desdites oeuvres ;

– dire et juger que la société MEILLAND INTERNATIONAL et la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER ont commis à son encontre des actes constitutifs de contrefaçon ;

– dire et juger que la société MEILLAND INTERNATIONAL et la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER ont porté atteinte à ses droits patrimoniaux ;

– dire et juger que les mêmes ont porté atteinte au droit moral de Monsieur [M] ;

– constater que les actes antérieurs au 21 février 2002 ne sont pas prescrits ;

* en conséquence :

– interdire à la société MEILLAND INTERNATIONAL et à la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER ainsi qu’à toutes ses filiales, établissements, succursales, usines, sous-traitants, grossistes, détaillants et autre revendeurs ou toutes entités présentant des liens économiques, juridiques ou commerciaux de poursuivre les actes contrefaisants, en particulier de reproduction, de représentation et de diffusion des photographies de Monsieur [M], seul titulaire des droits, sous astreinte de 5 000 € 00 par jour de retard et/ou par infraction constatée dès signification de l’arrêt à intervenir ;

– interdire à la société MEILLAND INTERNATIONAL et à la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER ainsi qu’à toutes ses filiales, établissements, succursales, usines, sous-traitants, grossistes, détaillants et autre revendeurs ou toutes entités présentant des liens économiques, juridiques ou commerciaux de transmettre à tous tiers les clichés photographiques, dont seul Monsieur [M] est titulaire des droits, sur tout support et en toute dimension en vue de leur reproduction, représentation et/ou diffusion, et ce sous astreinte de 5 000 € 00 par jour de retard et/ou par infraction constatée dès signification de l’arrêt à intervenir ;

– ordonner à la société MEILLAND INTERNATIONAL et à la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER de s’assurer que les tiers auxquels elles ont transmis les clichés photographiques, dont seul Monsieur [M] est titulaire des droits, comme support de vente ne soient plus ni reproduits, ni représentés, ni diffusés, sur quelque support que ce soit, et ce sous astreinte de 1 000 € 00 par jour de retard et/ou par infraction constatée dès signification de l’arrêt à intervenir ;

– ordonner à la société MEILLAND INTERNATIONAL et à la société ROSERAIES

MEILLAND RICHARDIER la confiscation et la destruction de tous les supports et notamment les catalogues, brochures, publicités portant reproduction des clichés photographiques de Monsieur [M] diffusés par elles qui seraient en sa possession ou en celle de ses filiales, établissements, succursales, usines, sous-traitants, grossistes, détaillants et autres revendeurs, ceci par huissier et aux frais de la societe MEILLAND INTERNATIONAL et de la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER, et ce sous astreinte de 1 000 € 00 par jour de retard et/ou par infraction constatée dès signification de l’arrêt à intervenir ;

– condamner in solidum la société MEILLAND INTERNATIONAL et la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER au paiement d’une somme forfaitaire de 905 240 € 00 H.T. à parfaire, en réparation du préjudice subi par Monsieur [X] du fait de la contrefaçon au titre des droits d’auteur, sur le fondement de l’alinéa 2 de l’article L. 331-l-3 du Code de la Propriété Intellectuelle ;

– condamner in solidum la société MEILLAND INTERNATIONAL et la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER au paiement d’une indemnité provisionnelle de 200 000 € 00 H.T. à parfaire, en réparation du préjudice subi par Monsieur [M] du fait de la contrefaçon au titre des droits d’auteur notamment constatée sur les différents sites de vente en ligne en France et à l’étranger, et ce sur le fondement de l’alinéa 2 de l’article L. 331-1-3 du Code de la Propriété Intellectuelle ;

– condamner in solidum la société MEILLAND INTERNATIONAL et la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER au paiement d’une somme forfaitaire de 50 000 € 00 H.T. en réparation de l’atteinte portée à son droit moral ;

– ordonner à la société MEILLAND INTERNATIONAL et la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER la restitution de l’intégralité des originaux (ektachromes et fichiers numériques) à Monsieur [M] et ce sous astreinte de 1 000 € 00 par jour de retard et/ou par infraction constatée dès signification de l’arrêt à intervenir ;

– ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans trois journaux et/ou revues choisis par le demandeur, les frais de publication étant à la charge de la société MEILLAND

INTERNATIONAL et/ou de la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER, dans la limite de 10 000 € 00 par publication ;

– se réserver compétence pour la liquidation de(s) l’astreinte(s) ordonnée(s) ;

– constater l’inexécution de l’ordonnance d’incident du 21 octobre 2013 et en tirer toutes les conséquences de droit ;

* en toutes hypothèses : condamner in solidum la société MEILLAND INTERNATIONAL et la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER à une indemnité de 15 000 € 00 par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les frais d’huissier.

Par conclusions du 13 juillet 2017 la S.A. MEILLAND INTERNATIONAL et la S.A.S. ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER répondent notamment que :

– la première crée de nouvelles variétés de roses qu’elle distribue à des agents ou des clients, et la seconde (sa filiale) produit des plantes de rosiers de jardin qu’elle vend à des professionnels ; Monsieur [M] a pris en photographie selon leurs instructions, dans les champs ou les serres, les variétés qui lui étaient spécifiées en fonction des périodes de floraison ; quant il était salarié il avait en outre la gestion de la photothèque, c’est-à-dire distribuait des clichés aux commerciaux, agents internationaux, licenciés et journalistes ;

– Monsieur [M] est irrecevable en ses demandes ;

– il ne prouve pas être l’auteur des photographies litigieuses ; il se contente de déclarer et d’affirmer sa paternité ; il invoque désormais a minima plus de 268 clichés ; l’apposition de son nom sur les sites internet et catalogues ne suffit pas à constituer la preuve irréfutable de sa qualité d’auteur ; l’attestation de Monsieur [E] ne vise pas la totalité des photographies ; d’autres photographes travaillaient pour elles-mêmes ; sur ces 268 seuls 90 font référence à l’appareil NIKON D2X et au n° 5010452 ;

– Monsieur [M] ne rapporte pas la preuve du caractère d’oeuvre originale des photographies litigieuses : celles-ci sont dénuées de toute originalité : prise de vue selon les angles habituels, pas de mise en scène particulière, clichés intrinsèquement banals, caractère absolument neutre des photographies, constance des prises de vue réalisées au fil des années ; ces photographies sont identiques à celles antérieures à l’arrivée de Monsieur [M] chez elles-mêmes ; il n’y a aucune empreinte de la personnalité de l’auteur, et rien ne permet à leur vue d’identifier l’auteur ; il n’y a ni mise en scène ni choix créatif ; les clichés sont des représentations fidèles des roses ; Monsieur [M] ne bénéficiait pas d’une liberté totale dans l’exercice de son activité, les photographies étant réalisées dans un but purement commercial de présentation/promotion des roses ; le même fait un amalgame entre les photographies litigieuses et celles pour d’autres publications ; les clichés des catalogues sont de simples photographies d’identité de fleurs dont la neutralité se retrouve année après année ;

– Monsieur [M] ne rapporte pas la preuve du caractère original (apport créatif d’auteur, empreinte de sa personnalité) des photographies ;

– le même, s’il bénéficie du droit d’auteur, a cédé ses droits sur les clichés litigieux de manière implicite mais non équivoque : chaque facture qu’il a établie mentionne ou , la T.V.A. à 5,5 % applicable aux droits d’auteur, et individualise les frais techniques par rapport à ces derniers ; Monsieur [M] a travaillé 23 ans pour elles-mêmes sans formuler aucune réclamation sur le paiement de ses droits ou l’utilisation des clichés ;

– à titre subsidiaire Monsieur [M] n’a subi aucun préjudice : son mode de calcul de l’indemnité est arbitraire et disproportionné ; le tarif unitaire des photographies est de 50 € 00, soit pour 268 clichés la somme de 13 400 € 00 ;

– l’appelant ne démontre pas la prétendue atteinte à son droit moral (intégrité de ses oeuvres et droit à la paternité) ;

– la prescription commence à courir à compter de la connaissance par Monsieur [M] de l’utilisation de ses clichés, soit au jour de l’assignation, et le délai est de 10 ans ;

– Monsieur [M] a perçu entre 2005 et 2009 la somme de 197 414 € 49.

Les intimées demandent à la Cour, vu le livre I du Code de la Propriété Intellectuelle, les articles 6 et 9 du Code de Procédure Civile, de :

* confirmer le jugement en ce qu’i1 a :

– dit que les actes allégués de contrefaçon réalisés avant le 21 février 2002 sont prescrits ;

– dit que les photographies de roses capturées pour le compte de la société MEILLAND INTERNATIONAL et de la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER entre 2002 et 2009 par Monsieur [M] sont dépourvues d’originalité et ne sont pas protégées par le droit d’auteur ;

– débouté par conséquent Monsieur [M] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamné Monsieur [M] à verser à la société MEILLAND INTERNATIONAL et à la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER la somme de 1 500 € 00 (au total, pas à chacune) au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– mis les dépens de l’instance à la charge de Monsieur [M] ;

* infirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit que Monsieur [M] est l’auteur des photographies de roses capturées pour le compte de Ia société MEILLAND INTERNATIONAL et de la société ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER entre 2002 et 2009 ;

– rejeté par conséquent la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de Monsieur [M] ;

– débouté la société MEILLAND INTERNATIONAL et la société ROSERAIES

MEILLAND RICHARDIER de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

* statuant à nouveau ;

* à titre principal :

– dire et juger que Monsieur [M] n’a pas rapporté la preuve de sa qualité

d’auteur de l’ensemble des clichés sur lesquels il prétend avoir des droits ;

– dire et juger que les photographies litigieuses ne sont pas des oeuvres originales

protégées par le Livre I du Code de la Propriété Intellectuelle ;

– dire et juger que Monsieur [M] est irrecevable à agir en contrefaçon ;

* subsidiairement ;

– dire et juger qu’en tout état de cause Monsieur [M] en tant que de besoin a

cédé ses droits sur les clichés litigieux ;

– dire et juger qu’aucune atteinte au droit moral n’est caractérisée ;

– constater que Monsieur [M] a perçu entre 2005 et 2009 la somme de

197 414 € 49 en règlement des factures qu’il a émises et intitulées ;

– dire et juger que Monsieur [M] n’a subi aucun préjudice ;

– en conséquence, débouter Monsieur [M] de toutes ses demandes ;

* très subsidiairement, dire et juger que si par extraordinaire la Cour devait estimer que Monsieur [M] a droit à une rémunération complémentaire relative à la cession de ses droits d’auteur, le calcul du préjudice ne saurait excéder la somme de 13 400 € 00

(268 clichés x 50 € 00) ;

* à titre reconventionnel : condamner Monsieur [M] à verser aux :

– la somme de 50 000 € 00 de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– la somme globale de 15 000 € 00 au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2018.

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M O T I F S D E L ‘ A R R E T :

Sur la prescription :

Les actes de contrefaçon de droit d’auteur éventuellement commis par les sociétés MEILLAND INTERNATIONAL et ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER au préjudice de Monsieur [M] sont tous de nature ponctuelle même s’ils sont en très grand nombre, et par suite ne constituent pas des infractions continues ; il en résulte que le délai de prescription a commencé à courir avant l’assignation des 21-23 février 2012.

Ce délai était, vu le fondement délictuel de l’action de Monsieur [M], de 10 ans aux termes de l’ancien article 2270-1 alinéa 1 du Code Civil ; la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a, dans son article 26-II, précisé que la durée de la prescription en cours ne peut excéder celle prévue par la loi antérieure.

C’est donc à bon droit que le Tribunal a jugé que le délai de prescription applicable est de 10 ans, ce qui implique que sont prescrits les actes litigieux antérieurs au 21 février 2002 ainsi que l’a justement retenu le jugement .

Sur la qualité d’auteur de Monsieur [M] :

Le Tribunal a relevé que ce dernier est mentionné en dernière de couverture de chacun des catalogues MEILLAND de 2003 à 2009 ; la même mention figure sur la dernière page des catalogues MEILLAND RICHARDIER automne-hiver 2008-2009, printemps-été 2009 et automne-hiver 2009-2010. Les catalogues suivants jusqu’en printemps-été 2012 ne mentionnent pas le nom de Monsieur [M], lequel est pourtant le photographe des roses.

Le jugement est donc confirmé pour avoir dit que Monsieur [M] est l’auteur des photographes de roses [réalisées] pour le compte des sociétés MEILLAND INTERNATIONAL et ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER.

Sur le droit d’auteur de Monsieur [M] :

Les nombreuses factures de droits d’auteur établies par ce dernier jusqu’au 28 février 2009 ne suffisent pas en elles-mêmes à démontrer l’existence de la qualité d’auteur au sens du Code de la Propriété Intellectuelle.

Les roses photographiées par Monsieur [M] sont des éléments utilitaires puisque destinées à figurer dans les catalogues des sociétés MEILLAND INTERNATIONAL et ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER. Cependant l’intéressé bénéficiait d’une grande liberté d’action quant à ses choix artistiques même s’il a reçu des directives techniques de ces sociétés, et a toujours disposé d’une grande marge de manoeuvre pour réaliser ses photographies (liberté et créativité pour les prises de vues, choix du sujet et du moment, choix du type de fichier utilisé, détermination de l’angle et du cadrage, préparation de la mise en scène, réglage de la lumière, sélection et correction des images, angle de prise de vue, mise en scène et atmosphère), le tout tel qu’exposé dans son du 15 janvier 2013.

L’ensemble de ces photographies porte l’empreinte esthétique de la personnalité de Monsieur [M], même s’il est destiné à être commercialisé par les sociétés MEILLAND INTERNATIONAL et ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER, d’où son éligibilité au droit d’auteur en vertu de l’article L. 111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal de Commerce.

Sur les demandes de Monsieur [M] :

Ce dernier est fondé à demander à la Cour les interdictions et injonctions telles que précisées au dispositif de l’arrêt, qui seules répareront en nature la violation de son droit d’auteur par reproduction de ses photographies.

Le procès-verbal de constat par Huissier de Justice dressé le 16 mars 2011 à la requête de Monsieur [M] recense plusieurs centaines de ces photographies ; par ailleurs de très nombreuses photographies ont été reproduites dans les catalogues des sociétés MEILLAND INTERNATIONAL et ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER durant chacune des années 2002 à 2012 ; en outre lesdites reproductions sont sur divers sites internet dont vente-privee.com., rosalesferrer.com, truffaut.com., ce qui exclut l’indemnité provisionnelle réclamée par Monsieur [M].

Par suite la Cour chiffre le préjudice matériel causé à Monsieur [M] à la somme globale de 200 000 € 00, et le préjudice moral à celle de 20 000 € 00.

Ne sont justifiées ni la demande de publication de l’arrêt dans 3 journaux et/ou revues, ni celle de réserver compétence à cette Cour pour la liquidation de l’astreinte car ce pouvoir relève de la compétence du Juge de l’Exécution, ni celle relative à l’ordonnance d’incident du 21 octobre 2013 vu l’insuffisance de son libellé : en ‘constater l’inexécution (…) et en tirer toutes les conséquences de droit’.

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D E C I S I O N

La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.

Confirme le jugement du 19 novembre 2015 uniquement pour avoir :

* dit que les actes allégués de contrefaçon réalisés avant le 21 février 2002 sont prescrits ;

* dit que Monsieur [X] [M] est l’auteur des photographies de roses capturées pour le compte de la S.A. MEILLAND INTERNATIONAL et de la S.A.S. ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER entre 2002 et 2009 ;

* rejeté par conséquent la fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de Monsieur [X] [M].

Infirme tout le reste du jugement, et juge que les photographies de roses faites par Monsieur [X] [M] pour le compte de la S.A. MEILLAND INTERNATIONAL et de la S.A.S. ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER sont éligibles au droit d’auteur.

Interdit à la S.A. MEILLAND INTERNATIONAL et à la S.A.S. ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER ainsi qu’à toutes leurs filiales, établissements, succursales, usines, sous-traitants, grossistes, détaillants et autre revendeurs ou toutes entités présentant des liens économiques, juridiques ou commerciaux de poursuivre les actes contrefaisants, en particulier de reproduction, de représentation et de diffusion des photographies de Monsieur [X] [M], sous astreinte provisoire de 5 000 € 00 par jour de retard et/ou par infraction constatée dès signification de l’arrêt.

Interdit à la S.A. MEILLAND INTERNATIONAL et à la S.A.S. ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER ainsi qu’à toutes leurs filiales, établissements, succursales, usines, sous-traitants, grossistes, détaillants et autre revendeurs ou toutes entités présentant des liens économiques, juridiques ou commerciaux de transmettre à tous tiers les clichés photographiques de Monsieur [X] [M], sur tout support et en toute dimension en vue de leur reproduction, représentation et/ou diffusion, et ce sous astreinte provisoire de 5 000 € 00 par jour de retard et/ou par infraction constatée dès signification de l’arrêt.

Ordonne à la S.A. MEILLAND INTERNATIONAL et à la S.A.S. ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER de s’assurer que les tiers auxquels elles ont transmis les clichés photographiques de Monsieur [X] [M] comme support de vente ne soient plus ni reproduits, ni représentés, ni diffusés, sur quelque support que ce soit, et ce sous astreinte provisoire de 1 000 € 00 par jour de retard et/ou par infraction constatée dès signification de l’arrêt.

Ordonne à la S.A. MEILLAND INTERNATIONAL et à la S.A.S. ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER de détruire tous les supports et notamment les catalogues, brochures, publicités portant reproduction des clichés photographiques de Monsieur [X] [M] diffusés par elles qui seraient en sa possession ou en celle de ses filiales, établissements, succursales, usines, sous-traitants, grossistes, détaillants et autres revendeurs, ceci par Huissier de Justice et aux frais de ces deux sociétés, et ce sous astreinte provisoire de 1 000 € 00 par jour de retard et/ou par infraction constatée dès signification de l’arrêt.

Condamne in solidum la S.A. MEILLAND INTERNATIONAL et la S.A.S. ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER de payer à Monsieur [X] [M] une indemnité totale de 220 000 € 00 en réparation de ses préjudices matériel et moral.

Ordonner à la S.A. MEILLAND INTERNATIONAL et à la S.A.S. ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER de restituer à Monsieur [X] [M] l’intégralité des originaux (ektachromes et fichiers numériques) et ce sous astreinte provisoire de 1 000 € 00 par jour de retard et/ou par infraction constatée dès signification de l’arrêt.

Vu l’article 700 du Code de Procédure Civile condamne in solidum la S.A. MEILLAND INTERNATIONAL et la S.A.S. ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER à payer à Monsieur [X] [M] une indemnité unique de 10 000 € 00 au titre des frais irrépétibles.

Condamne in solidum la S.A. MEILLAND INTERNATIONAL et la S.A.S. ROSERAIES MEILLAND RICHARDIER aux dépens de première instance et d’appel, outre les frais d’Huissier de Justice, avec application de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Rejette toutes les autres demandes.

Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT.

 


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