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20 septembre 2019
Cour d’appel de Paris
RG n°
18/15741
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRET DU 20 SEPTEMBRE 2019
(n°127, 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 18/15741 – n° Portalis 35L7-V-B7C-B55NU
Décision déférée à la Cour : jugement du 08 juin 2018 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3ème chambre 2ème section – RG n°16/09844
APPELANTE
S.A. FASHION B. AIR, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 1]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 378 728 885
Représentée par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque C 1050
Assistée de Me Stéphanie ROUBINE, avocat au barreau de PARIS, toque D 1100
INTIMEE
S.A.S. DENTELLE [A] [G], prise en la personne de son président ou de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 2]
Immatriculée au rcs de Douai sous le numéro 672 029 725
Représentée par Me Laurence TAZE-BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque P 0241
Assistée de Me Corinne CHAMPAGNER-KATZ, avocat au barreau de PARIS, toque C 1864
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 mai 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne-Marie GABER, Présidente, en présence de Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mmes Anne-Marie GABER et Laurence LEHMANN ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Anne-Marie GABER, Présidente
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
M. François THOMAS, Conseiller, désigné en remplacement de Mme Françoise BARUTEL, Conseillère, empêchée
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Anne-Marie GABER, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire du 8 juin 2018 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,
Vu l’appel interjeté le 23 juin 2018 par la société SA Fashion B. Air (Fashion),
Vu les dernières conclusions numérotées 4 remises au greffe et notifiées, par voie électronique, le 8 avril 2019 par la société Fashion, appelante,
Vu les dernières conclusions numérotées 4 remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 10 avril 2019 par la société SAS Dentelle [A] [G] ([A] [G]), intimée,
Vu l’ordonnance de clôture du 16 mai 2019,
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que la société [G] immatriculée le 23 février 1994 au registre du commerce et des sociétés de Douai, a pour activité le négoce, la fabrication, la vente à la commission, le courtage et la représentation de toutes étoffes et plus particulièrement de dentelles et tulles ainsi que de textiles confectionnés ou non. Son président est la société Holesco dont elle indique être une filiale à 100%.
Elle dit être spécialisée dans la dentelle haute gamme et revendique des droits d’auteur sur un dessin de dentelle de style baroque présentant majoritairement des fleurs, associant deux compositions florales différentes, référencé 970120, qu’elle commercialise depuis 2012.
Elle précise toutefois que ce dessin a été divulgué et commercialisé pour la première fois par la société Riechers Marescot sous la référence 78184 mais que dans le cadre d’une restructuration du groupe des sociétés filiales de la société Holesco, c’est elle seule qui à compter de 2012 exploite ce dessin.
Elle revendique sur ce dessin référencé 970120 et anciennement 78184 l’application à son profit de la présomption judiciaire de titularité.
La société Riechers Marescot immatriculée le 8 janvier 1924 au Registre du Commerce et des Sociétés de Boulogne sur Mer est également, au vu du B2 produit en date du 12 mars 2017, présidée par la société Holesco qui en serait l’unique associée.
La société [A] [G], ayant constaté que la société Fashion, qui a pour activité la fabrication et la commercialisation d’articles de prêt-à-porter, proposait à la vente sous la marque BELAIR dans une boutique à enseigne éponyme située à [Localité 3] ([Adresse 3]) des vêtements confectionnés dans une dentelle qui, selon elle, reproduisent les caractéristiques de sa dentelle 970120, a fait dresser un procès-verbal de constat sur le site internet www.belair-paris.frle 24 février 2016 et le 22 mars 2016.
Elle a également fait effectuer des achats dans la boutique susmentionnée 24 février 2016 et a fait opérerune saisie-contrefaçon dans ces locaux le 10 mai 2016, autorisée par ordonnance présidentielle en date du 8 avril 2016.
A cette occasion, le directeur de la société Fashion a indiqué à l’huissier instrumentaire que les produits de la marque BELAIR étaient également commercialisés auprès de magasins multimarques.
Par acte d’huissier de justice en date du 10 juin 2016, la société [A] [G] a, dans ces circonstances, fait assigner la société Fashion en contrefaçon de droits d’auteur et, à titre subsidiaire, en parasitisme.
Huit vêtements commercialisés par la société Fashion étaient visés à la procédure, à savoir :
– une blouse manches longues, référencée TITUS
– un short taille haute, référencé SHERLOCK
– un top à manches, référencé CHARMEUR
– une combinaison pantalon, référencée CALCAIRE
– une jupe longue, référencée JONAS
– une robe, référencée RUFUS
– un top, référencé TACHA
– une robe, référencée ROYON
– un kimono, référencé KYLIE.
Le jugement déféré a notamment, au bénéfice de l’exécution provisoire, rejeté la fin de non recevoir soulevée par la société Fashion pour défaut de titularité sur le dessin de la société [A] [G], dit que le dessin référencé 970120 est original, retenu des actes de contrefaçon commis par la société Fashion s’agissant des huit vêtements en cause, condamné la société Fashion à payer, la somme de 250 000 euros à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon et de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens et ordonné des mesures de destruction et de publication.
Sur la titularité du droit sur le dessin revendiqué par la société [A] [G]
En l’absence de revendication du ou des auteurs, l’exploitation non équivoque d’une ‘uvre par une personne morale sous son nom fait présumer, à l’égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l”uvre, qu’elle soit collective ou non, du droit de propriété incorporelle de l’auteur, sans qu’il soit nécessaire d’exiger de celle-ci de rapporter la preuve d’un processus créatif ou d’une cession des droits à son profit.
Les faits reprochés à la société Fashion ayant été constatés entre le mois de février et le mois de mai 2016, l’assignation ayant été délivrée au mois de juin 2016, c’est sur le premier semestre 2016 et notamment au mois de février 2016 qu’il convient de se placer pour appréhender la commercialisation non équivoque par la société [A] [G] du dessin de dentelle revendiqué.
Il est constant, les parties étant en accord sur ce point, que le dessin de dentelle n’a pas été divulgué par la société [A] [G] mais par la société Riechers Marescot qui l’a commercialisé pour la première fois en septembre 1988, sous la référence 78184 et qui en a poursuivi la commercialisation à tout le moins jusqu’en 2011.
La société Fashion dénie à la société [A] [G] la présomption de titularité en arguant qu’elle n’établit pas avec certitude la physionomie de la dentelle revendiquée et ne justifie pas d’une exploitation non équivoque dès lors qu’il n’est pas justifié que la société Riechers Marescot ait cessé la commercialisation de la dentelle postérieurement à 2011 et que la société [G] fait toujours mention du nom de Riechers Marescot et de l’ancienne référence pour nommer la dentelle litigieuse.
La cour constate cependant que la société [A] [G] produit un horodatage Fidealis du 24 janvier 2014, au nom de [A] [G] portant sur une dentelle référencée 970120 et 78184, ainsi qu’un échantillon sous robrack de la même dentelle au nom de [A] [G] sous les deux références 970120 et 78184, ces documents permettant d’établir que le motif de cette dentelle, parfaitement identifiée, est le même sous ces deux références.
M. [C] [C], président de la société Holesco, atteste par ailleurs que depuis 2006 la société Holesco est propriétaire des sociétés Riechers Marescot et [A] [G], que la société Riechers Marescot a divulgué et commercialisé le dessin de dentelle litigieux à compter du 19 septembre 2008 et jusqu’en 2011 sous la référence 78184 et que la propriété du dessin a ensuite été transférée à la société [A] [G] qui l’a exploité sous une nouvelle référence 970120 pour permettre la mise en production sur ses propres machines.
Son témoignage ne peut être rejeté du seul fait qu’il serait partie au litige, la société Holesco étant présidente des sociétés Riechers Marescot et [A] [G], dès lors qu’il est corroboré par les autres éléments produits aux débats.
Ainsi, la société [G] produit notamment pour justifier de l’exploitation revendiquée :
– des factures de commercialisation par la société [A] [G] du dessin référencé 970120 et précisant qu’il était initialement référencé 78184, factures établies entre 2012 et 2019,
– un extrait de catalogue «[A] [G]» de 2011 présentant un mannequin revêtu d’une robe reprenant les motifs du dessin revendiqué avec la mention Riechers Marescot pour Carven n°78184,
– un extrait de catalogue «[A] [G]» de 2012 présentant un mannequin revêtu d’une combinaison reprenant le dessin revendiqué et portant la mention [A] [G] pour Valentino n°78184,
– un extrait de catalogue «[A] [G]» de 2013 présentant un mannequin revêtu d’une robe reprenant les motifs du dessin revendiqué avec la mention Riechers Marescot pour Valentino n°78184 et précisant que Riechers Marescot est une marque de la maison [A] [G],
– un extrait de la collection VALENTINO Automne/Hiver 2013 sur lequel apparaît un mannequin revêtu d’une robe verte couverte de dentelle reprenant le motif revendiqué et qui fait apparaître la mention Riechers Marescot et précisant que Riechers Marescot est une marque de la maison [A] [G],
– une attestation du cabinet comptable Cogefis qui atteste que le chiffre d’affaire de la société [A] [G] généré par le dessin 970120 pour la période du 1er janvier 2012 au 11 septembre 2015 est de 4 058 910,67 euros,
– une attestation du commissaire aux comptes de la société Riechers Marescot qui atteste que cette société n’a fait aucun chiffre d’affaire généré par sa référence 978184 pour la période 2014/2016.
Au vu de ces éléments concordants démontrant la réalité d’une exploitation par la seule société [A] [G] de la dentelle en cause, la société Fashion arguerait vainement du caractère équivoque de cette exploitation aux motifs qu’il ne serait pas justifié de ce que la société Riechers Marescot ait cessé la commercialisation de ce dessin de dentelle pour son compte et que persisterait l’utilisation du nom de Riechers Marescot et du numéro 781 84 qui était celui utilisé par cette société.
A cet égard, il sera souligné que la société [A] [G] justifie être titulaire de deux marques verbales RIECHERS MARESCOT, l’une française déposée le 15 octobre 2012 et l’autre internationale désignant notamment l’union européenne déposée le 25 mars 2013, lui permettant d’utiliser cette appellation pour nommer ses collections provenant de dentelles initialement exploitées par la société Riechers Marescot et il ressort des éléments précités qu’elle le rappelait expressément, en particulier pour ses collections 2013.
Ainsi, en l’absence de revendication de la titularité par un tiers et notamment par la société Riechers Marescot, la société [A] [G] qui justifie exploiter le dessin litigieux, sous son nom [A] [G] ou sous celui de sa marque RIECHERS MARESCOT, bien antérieurement aux faits reprochés et alors qu’il est attesté que la société Riechers Marescot en a cessé la commercialisation à tout le moins depuis 2014, est présumée, à l’égard de la société Fashion recherchée pour contrefaçon en 2016, être titulaire sur ce dessin du droit de propriété incorporelle d’auteur allégué.
Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté la fin de non recevoir soulevée par la société Fashion.
Sur l’originalité dessin de dentelle
L’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une ‘uvre de l’esprit jouit sur cette ‘uvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.
Ce droit est conféré, selon l’article L.112-1 du même code, à l’auteur de toute ‘uvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.
Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une ‘uvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale.
Néanmoins, lorsque cette protection est contestée en défense, l’originalité d’une ‘uvre doit être explicitée par celui qui s’en prétend auteur, seul ce dernier étant à même d’identifier les éléments traduisant sa personnalité.
L’originalité d’une ‘uvre doit s’apprécier de manière globale de sorte que la combinaison des éléments qui la caractérise du fait de leur agencement particulier lui confère une physionomie particulière qui démontre l’effort créatif et le parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
La société Fashion conteste l’originalité de la dentelle litigieuse et reproche à la société [A] [G] de se contenter d’une description purement objective de cette dentelle qui ne permettrait pas de comprendre le parti pris de l’auteur. Elle produit par ailleurs des antériorités à 2008 qui reprendraient, selon elle, les mêmes motifs.
La société [A] [G], qui ne revendique pas des droits d’auteur sur un genre de dentelle mais bien sur un motif particulier dont la description a parfaitement été reprise par le jugement déféré qui retient pertinemment que le dessin revendiqué comporte une combinaison de deux compositions ‘orales différentes, l’une constituée d’un c’ur d’anémone éclose et l’autre composée d’une fleur arrondie entourée de plusieurs rangées de pétales, chacune des compositions comprenant un feuillage spécifique, le créateur ayant fait le choix de proposer une densité du tissage des motifs floraux en contraste avec un aspect plus léger de l’espace en bordure de ‘eur, renforçant ainsi l’effet de contraste ainsi que des tissages, et maillages différents pour chaque élément composant les ‘eurs et le feuillage du modèle.
La prétendue banalité du motif de dentelle opposé n’est aucunement avérée au vu des éléments versés aux débats par la société Fashion qui montrent des motifs de dentelle différents quoique relevant d’un même genre de dentelles florales, aucune des dentelles préexistantes produites ne présentant dans une même combinaison les compositions florales revendiquées, étant rappelé que la notion d’antériorité est indifférente en droit d’auteur, seule la preuve du caractère original étant exigée comme condition de l’octroi de la protection.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a retenu l’originalité du dessin référencé 970120.
Sur les faits de contrefaçon
La société [A] [G] produit pour établir les faits de contrefaçon deux constats d’huissier de justice en date des 24 février et 22 mars 2016 établis sur le site Internet www.belair-parisfr, les pièces relatives à des achats effectués les 24 février et 5 avril 2016 en boutique, ainsi que le procès-verbal des opérations de saisie contrefaçon diligentées le 10 mai 2016.
La société Fashion sollicite au dispositif de ses conclusions, à titre subsidiaire, que soit prononcée la nullité des opérations de la saisie-contrefaçon réalisée dans ses locaux ainsi que tous documents y afférents. Pour autant ses écritures ne contiennent aucune motivation relative à cette demande. Il n’y a donc pas lieu à annulation des opérations ou du procès-verbal de saisie contrefaçon.
Par ailleurs, il est suffisamment justifié par la société [A] [G] des achats qu’elle a effectués au sein de la boutique BEL AIR située [Adresse 4], dans le [Localité 3] d’une part le 24 février 2016 d’un kimono référencé KYLIE en coloris bleu taille 2 (pièce 27), d’une robe référencée ROYON en coloris camel taille 2 (pièce 26), d’un top référencé TITUS en coloris bleu marine taille 3 (pièce 19), d’un short référencé SHERLOCK en coloris blanc taille 2 (pièce 20) et d’autre part le 5 avril 2016 d’une blouse référencée CHARMEUR en coloris noir taille 3 (pièce 21), d’un top référencé TACHA en coloris noir taille 3 (pièce 25), d’une combinaison référencée CALCAIRE en coloris kaki taille 3 (pièce 22), et d’une jupe référencée JONAS en coloris kaki taille 3 (pièce 23).
Les mentions portées sur les tickets sont en effet explicites et en concordance avec les étiquettes cousues aux vêtements produits.
Ces modèles litigieux ont également été présentés et commercialisés sur le site internet www.belair-paris.fr comme en atteste le procès-verbal de constat du site internet www.belair-pairsfr en date du 24 février 2016 et du 22 mars 2016 et les déclarations recueillies lors des opérations de saisie-contrefaçon, étant précisé que le directeur de la société Fashion a en outre indiqué à l’huissier instrumentaire que les produits de la marque BELAIR étaient commercialisés auprès de magasins multimarques. Il n’est pas discuté que la marque BELAIR appartient bien à la société Fashion.
Les opérations de saisie contrefaçon ont également permis l’achat par l’huissier de justice de 5 vêtements, un kimono référencé KYLIE, une combinaison référencée CALCAIRE, une robe référencée TENCEL, un short référencé SHERLOCK et un top référencé TACHA que l’huissier instrumentaire a photographié et dont il a annexé les clichés à son procès-verbal.
La cour ayant procédé à l’examen des pièces versées aux débats pour établir la contrefaçon et ayant examiné chacun des vêtements de la société Fashion produits constate, comme le tribunal, que chacun d’eux comporte une pièce de dentelle correspondant toujours au même dessin, identique à celui revendiqué par la société [A] [G], ce motif de dentelle étant présent sur :
– la blouse référencée TITUS sur le dos du vêtement et le bas à l’avant ;
– le short référencé SHERLOCK au niveau de chaque côté du vêtement, à l’avant et à l’arrière ;
– le top à manches longues référencé CHARMEUR au dos du vêtement ;
– la combinaison-pantalon référencée CALCAIRE au dos du vêtement ainsi que sur le décolleté et les côtés jusqu’à la taille ;
– la jupe longue référencée JONAS de chaque côté du vêtement, au niveau des cuisses ;
– le débardeur référencé TACHA au dos du vêtement ;
– la robe référencée ROYON sur une bande triangulaire au bas du vêtement à l’avant et à l’arrière de celui-ci ;
– le kimono référencé KYLIE sur des bandes de dentelle situées au bas du vêtement, à l’avant et à l’arrière, à l’extrémité des manches et le long de la bordure.
Il est manifeste, à l’observation des vêtements, que le même dessin de dentelle a été reproduit avec des découpes de tissus et un agencement du tissu différents. Pour autant une superposition du motif de dentelle revendiqué sur les vêtements litigieux permet de constater une reprise de ses caractéristiques essentielles, et notamment de la combinaison de l’un ou des deux motifs du dessin original.
Le jugement dès lors sera confirmé en ce qu’il a retenu que la société Fashion a commis des actes de contrefaçon en faisant fabriquer, en important, en offrant à la vente et en commercialisant une blouse référencée TITUS, un short référencé SHERLOCK, un top à manches longues référencé CHARIVIEUR, une combinaison-pantalon référencée CALCAIRE, une jupe longue référencée JONAS, un top débardeur référencé TACHA, une robe référencée ROYON, un kimono référencé KYLIE reproduisant les caractéristiques originales du dessin référencé 970120, vendus sous sa marque.
Sur la réparation des préjudices
La société [A] [G] sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a fixé à la somme de 250 000 euros le préjudice subi du fait des actes de contrefaçon et la condamnation de la société Fashion à payer les sommes de :
‘ 1 594.875 euros au titre du manque à gagner,
‘ 200 000 euros pour l’avilissement du dessin,
‘ 170 400 euros au titre d’une atteinte à ses investissements,
‘ 200 000 euros en réparation de son préjudice moral,
‘ 2 478 000 euros au titre de bénéfices indûment réalisés,
‘ 3 843 000 euros au titre de la confiscation des recettes.
L’article L331-1-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que :
« Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à
gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies
d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de
l’atteinte aux droits».
Ces dispositions impliquent que le juge procède à l’examen de chacun de ces postes, sans pour autant qu’il en soit nécessairement réalisé un cumul, comme le soutient la société [A] [G].
C’est à juste titre que le jugement a ainsi pris en compte, pour apprécier l’entier préjudice subi par la société [A] [G], distinctement les éléments énoncés à l’article susvisé sans en faire le cumul et s’est fondé pour apprécier le préjudice sur les éléments de preuves du dossier et notamment sur l’attestation de l’expert comptable de la société Fashion qui atteste qu’elle a acquis, toutes références litigieuses confondues, 7 203 pièces, et non sur les extrapolations des ventes, non justifiées, effectuées par la société [A] [G].
Le jugement doit également être approuvé en ce qu’il a retenu qu’il existait un préjudice lié à la banalisation de la dentelle contrefaite qui doit être pris en compte.
La cour retient cependant que la société [A] [G] ne peut invoquer une atteinte à ses investissements puisqu’il est avéré, que la dentelle a été créée par la société Riechers Marescot et qu’il n’est pas allégué qu’elle en ait fait l’acquisition à titre onéreux et qu’il n’est pas plus justifié qu’elle ait exposé des frais de promotions spécifiques pour cette dentelle.
Elle ne peut non plus légitimement, solliciter simultanément la confiscation des recettes et le paiement des bénéfices indûment réalisés, sauf à obtenir une double indemnisation d’un même préjudice.
Au vu des pièces versées aux débats, le tribunal a justement évalué à 3 601,5 mètres la dentelle contrefaisante et tenu compte du prix moyen de 42,53 euros auquel la société [A] [G] commercialise ses dentelles.
Dès lors, au regard des éléments produits à la procédure et des critères de l’article L331-1-3 du code de la propriété intellectuelle il y a lieu de confirmer la condamnation de la société Fashion à verser la somme de 250 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Les mesures d’interdiction et de destruction des stocks qui avaient été prononcées avec exécution provisoire méritent également confirmation.
La mesure publication sera aussi confirmée sauf à ce que soit visé au communiqué le présent arrêt prononcé le 20 septembre 2019 confirmant le jugement entrepris.
Sur les autres demandes
La société Fashion condamnée pour des faits de contrefaçon sera déboutée de ses demandes incidentes indemnitaires. Le jugement étant également confirmé de ces chefs.
Les dépens seront mis à la charge de la société Fashion qui succombe et il est équitable de condamner cette dernière au paiement d’une somme de 8 000 euros supplémentaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf à préciser que la publication ordonnée fera mention du présent arrêt confirmatif en date du 20 septembre 2019.
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation,
Condamne la société Fashion B. Air aux dépens d’appel avec distraction au profit de Me Laurence Taze-Bernard conformément à l’article 699 du code de procédure civile et, vu l’article 700 dudit code, la condamne à payer à ce titre à la société Dentelle [A] [G] une somme de 8 000 euros pour les frais irrépétibles d’appel.
La Greffière La Présidente