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20 mars 2018
Cour de cassation
Pourvoi n°
16-84.564
N° Y 16-84.564 FS-P+B
N° 316
ND
20 MARS 2018
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
Irrecevabilité, rejet, cassation partielle et désignation de juridiction sur les pourvois formés par la société Ice, la société Ice IP, parties civiles, l’administration des douanes et des droits indirects, partie poursuivante, contre l’arrêt de la cour d’appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 27 avril 2016, qui les a déboutées de leurs demandes après relaxe de la société Lidl des fins de la poursuite des chefs de contrefaçon par reproduction d’une oeuvre de l’esprit au mépris des droits de l’auteur, atteinte aux droits du créateur d’un dessin ou modèle et contrebande de marchandises prohibées ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 30 janvier 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme X…, conseiller rapporteur, M. Pers, Mme Dreifuss-Netter, M. Fossier, Mmes Schneider, Ingall-Montagnier, MM. Bellenger, Lavielle, conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, conseiller référendaire ;
Premier avocat général : M. Y… ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire X…, les observations de la société civile professionnelle HÉMERY et THOMAS-RAQUIN et de la société civile professionnelle BORÉ, SALVE DE BRUNETON et MÉGRET, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général Y… ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
I – Sur la recevabilité du pourvoi de la société Ice :
Attendu qu’aucune disposition de l’arrêt attaqué ne concernant la société Ice, celle-ci est sans qualité pour se pourvoir en cassation ;
D’où il suit que le pourvoi est irrecevable ;
II – Sur les pourvois de la société Ice IP et de l’administration des douanes et des droits indirects :
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, les 23 janvier, 13 février et 12 mars 2014, des agents de l’administration des douanes et des droits indirects ont saisi des montres de la marque Auriol commercialisées par la société Lidl et susceptibles d’être des marchandises contrefaisant le modèle Sili Forever dont les droits, appartenant alors à la société Ice, ont été cédés à la société Ice IP à compter du 1er août 2014 ; qu’à la suite des plaintes déposées par ces dernières, la société Lidl a été poursuivie à l’initiative du procureur de la République pour contrefaçon par reproduction d’une oeuvre de l’esprit au mépris des droits de l’auteur, atteinte aux droits du créateur d’un dessin ou modèle et contrebande de marchandises prohibées ; que le tribunal correctionnel a renvoyé la prévenue des fins de la poursuite et a débouté en conséquence la partie civile de ses demandes ; que la société Ice IP et l’administration des douanes et des droits indirects ont relevé appel de cette décision ;
En cet état :
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour la société Ice IP, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 80, 81 et 82 du règlement CE n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001, L. 522-2 et R. 522-1 du code de la propriété intellectuelle, R. 211-7 du code de l’organisation judiciaire, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale :
“en ce que la cour d’appel de Colmar a statué sur l’action en contrefaçon de dessins ou modèles communautaires ;
“alors que le tribunal de grande instance de Paris, en tant que tribunal des dessins ou modèles communautaires, est exclusivement compétent pour connaître des actions et des demandes en matière de contrefaçon et de nullité des dessins et modèles communautaires ; qu’en statuant sur l’action en contrefaçon et sur la validité des dessins et modèles communautaires alors que seule la cour d’appel de Paris était compétente pour statuer sur cette action, la cour d’appel a violé les textes susvisés” ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour la société Ice IP, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 91 du règlement CE n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001, 38, 215, 215 bis, 369, 414, 419, 432bis, 435, 436 et 438 du code des douanes, 591 et 593 du code de procédure pénale :
“en ce que la cour d’appel a confirmé le jugement ayant relaxé la SNC LIDL des fins de la poursuite et ordonné la restitution des montres saisies ;
“aux motifs que la société Ice IP et la société Ice IP SA (qui a repris le 1er août 2014 tous les droits d’auteur et les droits sur les dessins et modèles de la montre Sili Forever estiment que les montres commercialisées par SNC Lidl sous la marque Auriol contrefont les dessins et modèles communautaires détenus par la société Ice déposé le 19 avril 2013 auprès de l’office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) sous les numéros déjà mentionnés mais non repris dans l’acte de saisine ; que force est de constater que par décision rendue le 5 août 2014 par l’OHMI, les modèles 002223834-0027 et 002223834-0028 ont a été annulés en raison de l’existence d’antériorité leur ôtant tout caractère nouveau et/ou individuel ; que c’est donc à juste titre que le tribunal a estimé qu’il ne pouvait être reproché à la société Lidl un délit de contrefaçon sur la base de ce modèle ; qu’en ce qui concerne les modèles n° 002223834-0032, 002223834-0033, 002223834-0038 et 002223834-0039 qui présentent à quelques minimes différences les même caractéristiques que le modèle 002223334-0027, deux font toujours l’objet d’une procédure d’invalidité devant l’OHMI (0032 et 0033) ; que par ailleurs, les modèles n° 002223834-0038 et 002223834-0039 qui sont des montres pourvues d’un double bracelet, ne sont pas commercialisées par la société Lidl ; que le débat porte donc aujourd’hui sur les seuls modèles n° 002223839-0032 et n° 002223834-0033 ; qu’il résulte des débats comme de l’examen des pièces produites que les modèles commercialisés tant par la société Ice que par Lidl ont en commun la reprise de caractéristiques techniques appartenant au domaine public pour avoir été divulguées par Rolex dans les années 1950 ; que l’article 4 du règlement communautaire n° 6/2002 dispose qu’un dessin ou modèle n’est protégeable que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel ; que l’article 6 précise également qu’un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ; qu’il résulte des débats, ce point n’étant au demeurant pas contesté, que la SNC Lidl commercialisait déjà au mois de mars 2013 la montre Auriol arguée de contrefaçon, soit avant le dépôt des modèles susvisés intervenu le 19 avril 2013, ce qui ôte tout caractère individuel à ces modèles ; qu’il est également établi par les nombreuses pièces produites qu’antérieurement au dépôt de ses modèles par Ice IP, d’autres opérateurs économiques commercialisaient des modèles identiques et/ou similaires ; que c’est le cas notamment de Ice watch et Toy watch ; que c’est d’ailleurs ce qu’a retenu l’OHMI dans sa décision d’annulation des modèles 002223834-0027 et 002223834-0028 rendue le 5 août 20014 en s’exprimant dans les termes suivants :
– le modèle contesté est identique au modèle de la société ICE divulgué antérieurement, avant la demande d’enregistrement et le délai de grâce accordé au titulaire. La divulgation antérieure du modèle constitue un obstacle à la validité de l’enregistrement communautaire,
– les modèles antérieurs et le modèle contesté sont identiques en tout point, excepté concernant les éléments verbaux et graphiques sur la face de la montre, le boîtier et le bracelet et la couleur de la deuxième aiguille. Bien que ces différences soient identifiables au sein des modèles, elles ne sont pas propres à conférer, en comparaison avec les modèles antérieurs, un caractère individuel au modèle contesté ; que ces motifs d’annulation sont évidemment transposables aux modèles n° 002223834-0032, 002223834-0033 affectés d’un vice susceptible d’entraîner leur annulation puisqu’en effet, tous ces modèles reproduisent, avec un bracelet en silicone, la montre Oyster Submariner de Rolex ; que comme l’a retenu à juste titre le tribunal le seul fait de modifier le matériau d’un modèle appartenant au domaine public ne peut conférer au modèle ainsi obtenu un caractère nouveau et/ou individuel ; que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a renvoyé la SNC Lidl des fins de la poursuite de contrefaçon de modèle et dessins (…) ; que compte tenu des relaxes pour les délits de contrefaçon, le délit de détention de marchandises contrefaisantes sans document justificatif n’est pas caractérisé ; que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a ordonné la restitution des montres saisies ;
“alors que sauf s’il existe des raisons particulières de poursuivre la procédure, un tribunal des dessins ou modèles communautaires saisi d’une action en contrefaçon ou en nullité visées à l’article 81 du règlement 6/2002 du 12 décembre 2001, à l’exception d’une action en constatation de non-contrefaçon, sursoit à statuer de sa propre initiative après audition des parties ou à la demande de l’une des parties et après audition des autres parties, lorsque la validité du dessin ou modèle communautaire est déjà contestée par une demande reconventionnelle devant un autre tribunal des dessins ou modèles communautaires ou que, s’agissant d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, une demande en nullité a déjà été introduite auprès de l’Office de l’Union pour la propriété intellectuelle ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt que les modèles communautaires n° 002223839-0032 et n° 002223834-0033 argués de contrefaçon faisaient l’objet d’une procédure d’invalidité devant l’OHMI, devenue l’OUPI ; qu’en s’abstenant de surseoir à statuer, au besoin d’office, dans l’attente de l’issue de la procédure introduite devant l’OHMI, devenue l’OUPI, la cour d’appel a violé les textes susvisés” ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour l’administration des douanes et des droits indirects, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 80, 81 et 82 du règlement CE n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001, L. 522-2 et R. 522-1 du code de la propriété intellectuelle, R. 211-7 du code de l’organisation judiciaire, 591 et 593 du code de procédure pénale :
“en ce que la cour d’appel de Colmar a statué sur l’action en contrefaçon de dessins ou modèles communautaires ;
“alors que le tribunal de grande instance de Paris, en tant que tribunal des dessins ou modèles communautaires, est exclusivement compétent pour connaître des actions et des demandes en matière de contrefaçon et de nullité des dessins et modèles communautaires ; qu’en statuant sur l’action en contrefaçon et sur la validité des dessins et modèles communautaires alors que seule la cour d’appel de Paris était compétente pour statuer sur cette action, la cour d’appel a violé les textes susvisés” ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour l’administration des douanes et des droits indirects, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 91 du règlement CE n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001, 38, 215, 215 bis, 369, 414, 419, 432bis, 435, 436 et 438 du code des douanes, 591 et 593 du code de procédure pénale :
“en ce que la cour d’appel a confirmé le jugement ayant relaxé la SNC Lidl des fins de la poursuite et ordonné la restitution des montres saisies ;
“aux motifs que la société Ice IP et la société Ice IP SA (qui a repris le 1er août 2014 tous les droits d’auteur et les droits sur les dessins et modèles de la montre Sili Forever) estiment que les montres commercialisées par SNC Lidl sous la marque Auriol contrefont les dessins et modèles communautaires détenus par la société Ice déposé le 19 avril 2013 auprès de l’office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) sous les numéros déjà mentionnés mais non repris dans l’acte de saisine ; que force est de constater que par décision rendue le 5 août 2014 par l’OHMI, les modèles 002223834-0027 et 002223834-0028 ont a été annulés en raison de l’existence d’antériorité leur ôtant tout caractère nouveau et/ou individuel ; que c’est donc à juste titre que le tribunal a estimé qu’il ne pouvait être reproché à la société Lidl un délit de contrefaçon sur la base de ce modèle ; qu’en ce qui concerne les modèles n° 002223834-0032, 002223834-0033, 002223834-0038 et 002223834-0039 qui présentent à quelques minimes différences les même caractéristiques que le modèle 002223334-0027, deux font toujours l’objet d’une procédure d’invalidité devant l’OHMI (0032 et 0033) ; que par ailleurs, les modèles n° 002223834-0038 et 002223834-0039 qui sont des montres pourvues d’un double bracelet, ne sont pas commercialisées par la société Lidl ; que le débat porte donc aujourd’hui sur les seuls modèles n° 002223839-0032 et n° 002223834-0033 ; qu’il résulte des débats comme de l’examen des pièces produites que les modèles commercialisés tant par la société Ice que par Lidl ont en commun la reprise de caractéristiques techniques appartenant au domaine public pour avoir été divulguées par Rolex dans les années 1950 ; que l’article 4 du règlement communautaire n° 6/2002 dispose qu’un dessin ou modèle n’est protégeable que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel ; que l’article 6 précise également qu’un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ; qu’il résulte des débats, ce point n’étant au demeurant pas contesté, que la SNC Lidl commercialisait déjà au mois de mars 2013 la montre Auriol arguée de contrefaçon, soit avant le dépôt des modèles susvisés intervenu le 19 avril 2013, ce qui ôte tout caractère individuel à ces modèles ; qu’il est également établi par les nombreuses pièces produites qu’antérieurement au dépôt de ses modèles par Ice IP, d’autres opérateurs économiques commercialisaient des modèles identiques et/ou similaires ; que c’est le cas notamment de Ice watch et Toy watch ; que c’est d’ailleurs ce qu’a retenu l’OHMI dans sa décision d’annulation des modèles 002223834-0027 et 002223834-0028 rendue le 5 août 20014 en s’exprimant dans les termes suivants :
– le modèle contesté est identique au modèle de la société Ice divulgué antérieurement, avant la demande d’enregistrement et le délai de grâce accordé au titulaire. La divulgation antérieure du modèle constitue un obstacle à la validité de l’enregistrement communautaire,
– les modèles antérieurs et le modèle contesté sont identiques en tout point, excepté concernant les éléments verbaux et graphiques sur la face de la montre, le boîtier et le bracelet et la couleur de la deuxième aiguille. Bien que ces différences soient identifiables au sein des modèles, elles ne sont pas propres à conférer, en comparaison avec les modèles antérieurs, un caractère individuel au modèle contesté ; que ces motifs d’annulation sont évidemment transposables aux modèles n° 002223834-0032, 002223834-0033 affectés d’un vice susceptible d’entraîner leur annulation puisqu’en effet, tous ces modèles reproduisent, avec un bracelet en silicone, la montre Oyster Submariner de Rolex ; que comme l’a retenu à juste titre le tribunal le seul fait de modifier le matériau d’un modèle appartenant au domaine public ne peut conférer au modèle ainsi obtenu un caractère nouveau et/ou individuel ; que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a renvoyé la SNC Lidl des fins de la poursuite de contrefaçon de modèle et dessins (…) ; que compte tenu des relaxes pour les délits de contrefaçon, le délit de détention de marchandises contrefaisantes sans document justificatif n’est pas caractérisé ; que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a ordonné la restitution des montres saisies ;
“alors que sauf s’il existe des raisons particulières de poursuivre la procédure, un tribunal des dessins ou modèles communautaires saisi d’une action en contrefaçon ou en nullité visées à l’article 81 du règlement 6/2002 du 12 décembre 2001, à l’exception d’une action en constatation de non-contrefaçon, sursoit à statuer de sa propre initiative après audition des parties ou à la demande de l’une des parties et après audition des autres parties, lorsque la validité du dessin ou modèle communautaire est déjà contestée par une demande reconventionnelle devant un autre tribunal des dessins ou modèles communautaires ou que, s’agissant d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, une demande en nullité a déjà été introduite auprès de l’Office de l’Union pour la propriété intellectuelle ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt que les modèles communautaires n° 002223839-0032 et n° 002223834-0033 argués de contrefaçon faisaient l’objet d’une procédure d’invalidité devant l’OHMI, devenue l’OUPI ; qu’en s’abstenant de surseoir à statuer, au besoin d’office, dans l’attente de l’issue de la procédure introduite devant l’OHMI, devenue l’OUPI, la cour d’appel a violé les textes susvisés” ;
Les moyens étant réunis ;