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19 mai 2022
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
18/00701
N° RG 18/00701 – N° Portalis DBVM-V-B7C-JM2C
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL GALLIZIA DUMOULIN ALVINERIE
la SELARL AEGIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 19 MAI 2022
Appel d’un Jugement (N° RG 2016J306)
rendu par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE
en date du 10 janvier 2018
suivant déclaration d’appel du 09 Février 2018
APPELANTE :
La Société [I] [X],
société à responsabilité limitée au capital de 300.000 €, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de TOULOUSE sous le numéro B 380 905 539, prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège,
40 Rue de la République – BP 5
31550 CINTEGABELLE
représentée par Me Delphine DUMOULIN de la SELARL GALLIZIA DUMOULIN ALVINERIE, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me Christophe KREMER, avocat au barreau de TOULOUSE, substitué par Me PICAT Mélody, avocat au barreau de GRENOBLE,
INTIMÉE :
SAS AVISOR
société par actions simplifiée au capital de 10.000 €, immatriculée au Registre
du commerce et des sociétés de ROMANS SUR ISERE sous le numéro B 800 494 007, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés es qualités audit siège,
7 Place de l’Eglise
26800 MONTOISON
représentée par Me Jean-Michel BROSSE de la SELARL AEGIS, avocat au barreau de la DROME,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Président,
Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseiller,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Sarah DJABLI, Greffier placé.
DÉBATS :
A l’audience publique du 23 Mars 2022, M. BRUNO conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions,
Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,
Faits et procédure :
1.La société Avisor, créée le 1er février 2014, exerce une activité principale de création, fabrication, transformation, réparation de bijoux et accessoires de mode. A ce titre, elle a travaillé en sous-traitance avec la société [I] [X], exerçant une activité de vente de bijoux. Avant la création de la société Avisor, la société [I] [X] a été l’un des donneurs d’ordres de la société Kfds, dont le fonds de commerce a été racheté par la société Avisor.
2.Après 10 ans de partenariat, la société [I] [X] a mis fin à la relation contractuelle entretenue avec la société Avisor, annulant le 22 mai 2015 toutes les commandes en cours et désirant reprendre les moules ayant servi à la fabrication des bijoux ainsi que les fichiers informatiques correspondant aux maquettes. Elle a remis le 2 juin 2015 la convention de rupture, devant être ratifiée au plus tard le 10 juin 2015 par la société Avisor.
3.Le 9 juin 2015, cette dernière a été informée par sa banque du rejet des lettres de change-relevé, correspondant aux livraisons des mois de mars à juin 2015.
4.Le 23 septembre 2015, la société Avisor a assigné la société [I] [X] devant le président du tribunal de commerce de Toulouse statuant en référé, afin de la voir condamnée à lui payer 76.400,62 euros au titre des factures émises entre le 31 mars et le 4 juin 2015. Par ordonnance du 3 décembre 2015, le président du tribunal de commerce a décliné sa compétence et a invité les parties à se pourvoir au fond.
5.Parallèlement à cette procédure, la société [I] [X] a sollicité du tribunal de commerce de Romans sur Isère l’expertise d’un saphir, et l’expert a déposé son rapport le 13 juillet 2016, concluant à la présence de décollements, mais qui n’auraient pas été provoqués par un choc au sertissage comme prétendu par la société [I] [X].
6.Le 21 septembre 2016, la société Avisor a assigné la société [I] [X] devant le tribunal de commerce de Romans sur Isère, afin d’obtenir paiement de ses factures impayées, sinon déduction faite de la somme de 4.150 euros correspondant à la perte de valeur du saphir retenue par l’expert.
7.Par jugement du 10 janvier 2018, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a’:
– débouté la société [I] [X] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles’;
– déclaré la société Avisor recevable et bien fondée en sa demande en paiement’;
– condamné en conséquence la société [I] [X] à lui payer 76.400,62 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, au titre des factures impayées du 31 mars 2015 au 4 juin 2015′;
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire’;
– condamné la société [I] [X] à payer à la société Avisor la somme de 1.500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre dépens.
8.La société [I] [X] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions le 9 février 2018. Par arrêt du 17 septembre 2020, la présente cour a, avant dire droit, au visa des articles L111-1 et L331-1 du code de la propriété intellectuelle, D211-6-1 du code de l’organisation judiciaire et 49 du code de procédure civile’:
– rouvert les débats afin que les parties s’expliquent sur la compétence de la cour pour se prononcer sur la qualification d’oeuvres de l’esprit des croquis réalisés par la société [I] [X]’;
– renvoyé les parties devant le conseiller de la mise en état afin de conclure sur ce point’;
– réservé les dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 février 2022.
Prétentions et moyens de la société [I] [X]’:
9.Selon ses conclusions n°6 remises par voie électronique le 26 mai 2021, elle demande à la cour, au visa des anciens articles 1134, 1147 et 1289 du code civil applicables aux contrats conclus antérieurement au 1er octobre 2016, L.133-3 du code de commerce, L.111-1 du code de propriété intellectuelle, L.442-6 du code de commerce’:
– avant dire droit, de se déclarer incompétente pour statuer sur les questions relevant du droit de la propriété intellectuelle’; de transférer les questions préjudicielles au tribunal judiciaire de Lyon’;
– en toute hypothèse, de rejeter toutes conclusions contraires comme injustifiées ou en tout cas mal fondées’;
– de réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée au paiement de 76.400,62 euros outre intérêts au taux légal à compter de sa signification et en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et statuant à nouveau’;
– de rejeter la demande de condamnation de la concluante au paiement de 76.400,62 euros outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement’;
– de condamner la société Avisor à lui restituer l’ensemble des 465 maquettes lui appartenant sous astreinte de 200 euros par jour et, à défaut, de la condamner à lui payer 171.436 euros à titre de dommages et intérêts’;
– de condamner la société Avisor à régler la somme de 50.860 euros au titre du préjudice résultant de la perte de bijoux adressés par Chronopost ;
– de la condamner à lui restituer l’ensemble des fichiers numériques CAO dans un format lisible et, à défaut, de la condamner à lui payer 27.360 euros correspondant au préjudice subi’;
– de la condamner à régler 4.150 euros correspondant à la dépréciation du saphir abîmé telle qu’elle résulte de l’expertise judiciaire réalisée ;
– de condamner la société Avisor à cesser de commercialiser des bijoux vendus par la concluante sous son nom de marque «’Nesslana’» ;
– de condamner l’intimée à cesser de faire de la publicité pour sa marque «’Nesslana” en utilisant des modèles appartenant à la concluante ;
– de condamner la société Avisor à régler la somme de 1.946,75 euros au titre des réparations réglées par la concluante suite aux malfaçons constatées ;
– de la condamner encore à lui payer 142.810 euros au titre du préjudice résultant de l’atteinte à son image ;
– de juger que la somme due par la concluante à la société Avisor viendra se déduire des condamnations dues par la société Avisor au titre de la compensation ;
– de rejeter toute demande en exécution provisoire formulée par la société Avisor;
– de la condamner à lui payer 5.000 au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’appelante expose’:
10.- que depuis le mois de mai 2015, les relations entre les deux sociétés se sont dégradées, puisque outre de nombreuses malfaçons, la société Avisor s’est notamment permis de publier des créations appartenant à la concluante sur Facebook sans demander son autorisation préalable ; qu’afin de mettre fin à cette situation, la concluante a entamé une négociation afin d’obtenir une solution à l’amiable et lui a proposé ainsi de signer une convention ce qui a été refusée par elle ; que contrairement aux faits résumés dans le jugement déféré, les relations commerciales n’ont pas été rompues de manière brutale et unilatérale puisque c’est la société Avisor qui a modifié les conditions de la sous-traitance de façon unilatérale, qui a dénoncé le contrat et a rendu le poinçon de maître alors que l’intimée s’est désistée de sa demande en dommages et intérêts pour «rupture du lien commercial» ;
11.- que suite au comportement fautif de l’intimée s’étalant sur plusieurs mois, la concluante a refusé à bon droit, dans un premier temps, de régler les factures qui lui ont été adressées, les fautes et inexécutions lui ayant créé un préjudice important alors que les créances qu’elle détient à l’encontre de la société Avisor sont nettement supérieures à la prétendue créance que celle-ci fait valoir’;
12.- que les associés de la société Avisor ont créé une nouvelle société Mariusse et Bonnet, dont l’objet serait le commerce de gros de parfumerie et de produits de beauté, mais qui présente des modèles de la collection [I] [X] sous son propre nom’;
13.- concernant la compétence de la cour d’appel de Grenoble pour trancher sur les articles L111-1 et L331-1 du code de la propriété intellectuelle et en réponse à l’arrêt avant dire droit du 17 septembre 2020, que les questions touchant à la propriété intellectuelle présentées devant les juridictions sises dans le ressort de cette cour relèvent de la compétence du tribunal judiciaire de Lyon’; que selon l’article 49 du code de procédure civile, la juridiction saisie d’une demande connaît de tous les moyens de défense à l’exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence d’une autre juridiction’;
14.- que la société Avisor a porté la discussion sur le terrain de la propriété intellectuelle en première instance, afin de contrer la demande de restitution des maquettes produites par elle pour la concluante, indiquant un droit de propriété intellectuelle qui lui attribuerait la propriété de ces maquettes’; que le tribunal de commerce a ainsi rejeté la demande de la concluante en considérant que ce n’est pas la production de la maquette et du moule qui a été facturée à la concluante, mais la prestation intellectuelle de la société Avisor’; que le tribunal n’avait cependant pas à se prononcer sur cet argument opposé par l’intimée, puisque la demande de restitution de la concluante était de nature contractuelle, étant propriétaire des maquettes de bijoux, selon le droit commun des contrats’; que la simple production de maquettes et de bijoux sur commandes, selon des consignes précises, n’est pas une production intellectuelle, puisque seule la production est facturée’;
15.- qu’en conséquence, la cour pourra se déclarer incompétente pour trancher la question de la propriété intellectuelle au profit de la juridiction lyonnaise, ou, subsidiairement, statuer uniquement sur les actions relevant de sa compétence, à savoir le droit de propriété résultant de la relation contractuelle entre les parties’;
16.- concernant sa condamnation au paiement de 76.400,62 euros, que la société Avisor n’a pas fourni les prestations qu’elle a facturées puisque les maquettes qui auraient dû être produites ne lui ont pas été remises, seuls les bijoux ayant été livrés; que l’objet des contrats était la production de bijoux à partir des consignes et des dessins fournis par monsieur [X]’; que la concluante a payé les maquettes, les moules et les fichiers numériques nécessaires pour la fabrication des bijoux, que l’intimée n’a restitué qu’en partie; que les prestations n’ont pas été fournies’;
17.- concernant la demande de la concluante au titre de la restitution des maquettes et des fichiers numériques, que si la société Avisor prétend être la créatrice des bijoux [I] [X] ainsi que propriétaire des maquettes qu’elle a fabriquées pour son donneur d’ordre, l’article L113-1 du code de la propriété intellectuelle pose comme principe que la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l”uvre est divulguée; que l’intimée ne rapporte pas la preuve de ce fait, d’autant que l’objet social de la société Kfds, prédécesseur de la société Avisor et partenaire initial, était le commerce de détail d’horlogerie bijoutière, la fabrication et la réparation de bijoux et que c’est sur cette base que la sous-traitance était fondée ; que c’est monsieur [X] qui décide et crée les lignes de bijoux qui seront commercialisées sous la marque [I] [X] en qualité de dirigeant de sa société; que le sous-traitant utilisait son poinçon de maître pour assurer la production de certaines pièces, comme d’autres sous-traitants de la concluante;
18.- que si la société Avisor semble croire que le fait que la marque «'[I] [X]’» déposée le 19 octobre 2016 priverait la concluante de tous ces droits, un nom commercial est évidemment protégé dès son premier usage’; que le nom [I] [X] utilisé par elle depuis de nombreuses année, bénéficiait, avant son inscription à l’INPI, d’une protection juridique’; que l’appelante reconnaît que le créateur dessine une simple esquisse crayonnée sur papier, de sorte que c’est bien la concluante qui est la créatrice, lui envoyant des instructions précises sur les matières à utiliser et sur le design’; que la simple production de maquettes et de bijoux sur commandes, selon des consignes précises, n’est pas une prestation intellectuelle puisque c’est cette production qui était facturée alors que les modèles produits par le sous-traitant étaient tamponnés avec le poinçon de Maître de la concluante’;
19.- que la concluante est propriétaire des maquettes et des moules, fabriqués par l’intimée, dont le prix lui est facturé par elle, de sorte qu’en refusant de remettre l’ensemble des maquettes, la société Avisor sait qu’elle ne pourra, dans le futur, répondre à une grande partie des demandes de ses clients’; que l’intimée ne peut prétendre avoir un droit d’auteur sur les objets produits puisque aucune ‘uvre de l’esprit n’est créée par ce fabriquant, qui n’est qu’un simple exécutant’; que le producteur d’un objet qui a été créé par une personne, en exécution d’un contrat de sous-traitance, ne devient pas le propriétaire de l’objet en question’;
20.- concernant le Colis Chronopost, que le 29 avril 2015, la maison [N] a envoyé un pli par ce biais à la société Avisor contenant cinq pochettes de bijoux d’une valeur de 50.860 euros, au titre d’un contrat conclu entre la concluante et ce client’; que ce colis a été reçu par la société Avisor sans réserve alors qu’il était vide’; qu’elle aurait dû s’apercevoir que le colis a été ouvert et vidé par un tiers car l’ouverture d’un paquet Chronopost entraîne sa déformation’; que suite à cette négligence de l’intimée, l’assureur de la concluante ainsi que celui de la maison [N] ont refusé de réparer le préjudice subi en raison notamment de l’absence de réserve de l’intimée lors de la réception du colis’; qu’il lui appartenait d’établir que ces dommages étaient imputables au transport, et donc qu’ils existaient déjà au moment de la livraison, alors que l’article L.133-3 du code de commerce dispose que la réception des objets transportés éteint toute action contre le voiturier pour avarie ou perte partielle si dans les trois jours, non compris les jours fériés, qui suivent celui de cette réception, le destinataire n’a pas notifié au voiturier, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée, sa protestation motivée’; que ce manque de diligence de la société Avisor a amené l’assureur de la maison [N] à ne pas réparer le préjudice qui s’élève à 50.860 euros que la concluante a dû rembourser à son client’;
21.- concernant les fichiers informatiques CAO, comprenant l’ensemble des logiciels et des techniques de modélisation permettant de concevoir, de tester virtuellement et de réaliser des produits manufacturés et les outils pour les fabriquer, que si l’intimée refuse de les lui rendre au motif qu’elle veut s’approprier les fichiers de construction afin de pouvoir créer de nouveaux modèles en modifiant les fichiers de réalisation, elle n’est qu’un sous-traitant et ne peut, même si elle a réalisé ces fichiers, en revendiquer la propriété, ces derniers résultant de l’oeuvre de l’esprit de [I] [X]’; que ces fichiers ne sont que la version numérique d’une maquette alors que tous les sous-traitants utilisent cette technique’; que l’intimée n’a qu’un rôle d’exécutant et ne peut prétendre être à l’origine de l”uvre’; que ces fichiers ont été restitués de façon incomplète, ce qui les rend inutilisables, afin d’empêcher la concluante de développer sa ligne de bijoux qui évolue dans le temps’; que le coût de ces fichiers s’élève à 570 euros par pièce et à un total de 27.360 euros’;
22.- s’agissant du saphir de 6,61 carats, que la société [G] avait sollicitée la concluante pour refaire la monture d’une bague et qu’elle a ainsi demandé à la société Avisor de monter le saphir sur une nouvelle bague’; qu’aucune réserve n’a été faite par la société Avisor concernant cette pierre, alors que l’expert judiciaire a retenu que les décollements ont été provoqués par un choc thermique en un point donné’; qu’il est certain que le saphir a été endommagé dans les ateliers de l’intimée, qui auparavant signalait systématiquement le fait qu’une pierre qui lui avait été confiée était endommagée’; que l’expert a chiffré le préjudice subi à 4.150 euros’;
23.- que l’intimée a commis de nombreuses malfaçons, ayant nécessité des reprises par d’autres sous-traitants que la concluante a payé; qu’il en est ainsi pour la client Prieur, concernant la réfection d’une monture de bague avec saphir qui a été cassée, de sorte qu’elle a dû assumer le coût de remplacement de cette pierre et a perdu ce client’; qu’elle a chargé la société Brochier Vulliod de reprendre les pierres abîmées par l’intimée, qui envoyait directement à ce prestataire les pierres cassées’;
24.- que la société Avisor commercialise désormais des bijoux dont les modèles lui appartiennent, sous le nom «’Nesslana’», ce qui constitue un acte de concurrence déloyale et engage sa responsabilité sur la base de l’article 1240 du code civil, ainsi concernant un globe pendentif qui a été créé par la concluante en 2015 et une bague commercialisée désormais sous le nom «’Mathilde’» par la société Mariusse et Bonnet’;
25.- que les nombreuses inexécutions contractuelles commises par la société Avisor ont causé, outre les préjudices déjà énoncés, une atteinte grave à son image, puisqu’elle a ainsi perdu son client Maison Prieur’; que la concluante a subi une chute de son chiffre d’affaires de 408.030 euros HT, et ainsi a perdu une marge brute de 142.810 euros.
Prétentions et moyens de la société Avisor’:
26.Selon ses dernières conclusions remises par voie électronique le 31 mars 2021, elle indique s’en remettre à l’appréciation de la cour concernant sa compétence pour statuer sur la qualification d’oeuvre de l’esprit revendiquée par [I] [X].
27.Sur le fond, elle demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil, L.111-1 du code de la propriété intellectuelle’:
– de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions’;
– de débouter la société [I] [X] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles’;
– y ajoutant, de condamner l’appelante à lui payer 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la Selarl Am Consultants, avocat.
Elle indique’:
28.- qu’après dix années de partenariat sans nuage, la société [I] [X] a mis fin, de manière brutale et unilatérale, à cette relation contractuelle, alors que la concluante n’y avait aucun intérêt puisque les commandes de la société [I] [X] représentaient près de 60 % de son chiffre d’affaires ; que cette réaction fait suite à une lettre de sa part du 18 mai 2015, dans laquelle elle a fait part à la société [I] [X] de son souhait de fixer un cadre précis à leur relation professionnelle, conforme aux exigences de la Charte de la bijouterie-joaillerie française et de la législation douanière’;
29.- que dès le 22 mai 2015, la société [I] [X] a annulé toutes ses commandes en cours et a récupéré la totalité des moules ayant servi à la fabrication des bijoux de sa collection’; que le 29 mai 2015, elle a demandé de lui transférer les fichiers CAO correspondant aux maquettes de bijoux de la collection [I] [X], ce qui a été fait le jour même’; que l’appelante lui ayant indiqué qu’elle ne pouvait pas ouvrir ces fichiers, la concluante lui a répondu le 1er juin 2015 qu’elle devait pour cela disposer d’un logiciel professionnel ou une liseuse STL et qu’à défaut, elle devait se munir d’un disque de stockage ou d’une clé USB pour les récupérer, lors du passage de monsieur [X] programmé pour le 2 juin 2015′; qu’à cette date, ce dernier s’est rendu dans ses locaux pour reprendre l’ensemble des objets (pierres, montures, poinçons de maître), contre bon de restitution des poinçons contresigné par [I] [X]’; que le 4 juin 2015, l’épouse de [I] [X] est passée à son tour dans ses locaux pour récupérer les dernières commandes en cours’; que [I] [X] n’est jamais repassé le 10 juin 2015, comme cela avait été prévu pour remise de la convention de rupture’;
30.- concernant la compétence de la cour, que [I] [X] n’a jamais dessiné le moindre bijou et ne peut ainsi revendiquer ni la qualité de créateur, ni la propriété des moules et des maquettes’; que cependant la concluante s’en remet à la cour pour se prononcer sur les demandes reconventionnelles formulées par l’appelante’;
31.- Sur le fond, concernant les quatre factures impayées de la concluante pour 76.400,62 euros TTC, que l’appelante n’a jamais contesté cette somme devant les premiers juges, ce qu’ils ont souligné, ne le faisant devant la cour que de façon lapidaire, alors qu’elles portent toutes soit sur des réparations de bijoux pour le compte de la société [I] [X], soit sur des fabrications de bijoux que cette dernière a ensuite revendus et qu’on ne voit pas comment elle pourrait contester avoir bien reçu ces bijoux et, par conséquent, refuser de régler les factures correspondantes’; que sa contestation ne porte pas sur les livraisons elles-mêmes, mais sur le fait que les maquettes ayant servi à fabriquer ces bijoux ne lui ont pas été restituées, alors qu’il s’agit de faits différents’;
32.- que s’agissant des maquettes de bijoux non restituées, peu importe que la marque «'[I] [X]’» ait été déposée, puisque ce dépôt a été effectué le 19 octobre 2016, soit postérieurement à la rupture des relations commerciales’; qu’avant cette date, l’appelante ne disposait d’aucun droit de propriété intellectuelle sur les bijoux qu’elle commercialisait’; que pendant les dix années de collaboration avec la société Kfds puis avec la concluante, la société [I] [X] n’a jamais dessiné un seul bijou et s’est contentée de demander qu’on lui soumette des propositions de bijoux pour ses nouvelles collections’; que c’est ainsi la concluante qui dessinait et indiquait le nombre de pierres à monter sur chaque bijou alors que la société [I] [X] se contentait d’indications générales sur le bijou final qu’elle souhaiterait voir fabriquer; que l’appelante ne produit aucun dessin, mais se contente de joindre à ses demandes de devis des photos de bijoux qu’elle a récupérées et qu’il est impossible de rattacher à un créateur quelconque en l’absence d’indication sur le type de bijou, les pierres utilisées ou les formes des pierres, alors que les attestations produites sont de pure complaisance’; que c’était ainsi la société Kfds puis la concluante qui effectuait le travail de création, qui, s’il était retenu, était facturé au regard du temps passé à la réalisation du prototype (maquette) permettant le tirage en série’;
33.- que toutes les maquettes n’ont pas été conservées, soit parce qu’il s’agissait de pièces uniques et qu’il n’était pas envisagé de reproduction en série, soit parce qu’elles étaient réalisées en métal et que le métal qui les composait appartenait à la société Kfds ou à la concluante; qu’ainsi, lors de la rupture des relations commerciales, la concluante ne détenait plus que 25 maquettes physiques, qu’elle a proposé de restituer à la société [I] [X] le 22 mai 2015′;
34.- que tous les fichiers CAO ont été transférés à la société [I] [X] le 29 mai 2015, alors que les moules fabriqués à partir des maquettes, permettant la reproduction des bijoux en série à un coût raisonné, lui ont également été restitués en totalité le 22 mai 2015′;
35.- que si la concluante a proposé à la société [I] [X] d’échanger son droit de reproduction, ainsi que celui de la société Kfds, contre une renonciation de la société [I] [X] à exiger la restitution des maquettes qui auraient été détruites, ou réutilisées à la demande de la société [I] [X] elle-même pour fabriquer d’autres bijoux de sa collection, il ne s’agit que d’un geste de bonne volonté ne pouvant être interprété comme un aveu de reconnaissance de la propriété de la société [I] [X] sur ces maquettes, puisqu’en application de l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une ‘uvre de l’esprit jouit sur cette ‘uvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous’; que l’existence d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une ‘uvre de l’esprit n’emporte pas dérogation à la jouissance de ce droit’; qu’ainsi, dès lors que [I] [X] n’a jamais dessiné le moindre bijou, il ne peut pas revendiquer la qualité de créateur alors que ce sont les dirigeants de la société Kfds, puis de la concluante, qui avaient seuls cette qualité, peu important qu’ils aient agi dans le cadre d’un contrat de sous-traitance’;
36.- que les maquettes en métal (précieux ou non précieux) ne lui ont jamais été facturées, pas plus que les moules permettant la reproduction des bijoux en série et que l’on ne voit pas sur quel fondement repose la revendication de l’appelante’; que l’apposition du poinçon de maître sur les bijoux fabriqués pour le compte de la société [I] [X] par ses différents sous-traitants ne saurait être utilisée comme un argument en faveur de la reconnaissance d’un quelconque droit de propriété intellectuelle sur les maquettes ayant servi à cette fabrication, puisque seuls les bijoux sont poinçonnés conformément à la réglementation douanière, mais pas les maquettes, qui sont de simples outils de production’;
37.- concernant le colis Chronopost, qu’il ne présentait aucune trace de déformation, car la concluante aurait sinon émis les réserves d’usage, recevant annuellement un nombre important de ce type de colis’; qu’il s’est avéré après ouverture que ce colis était vide, alors qu’il était censé contenir cinq bijoux; que si l’assureur de la société [N] a refusé sa garantie, ce n’est pas en raison d’une faute de sa part, mais parce qu’il ne couvre pas les expéditions par Chronopost; que la société [N] a expédié à ses risques et périls ce colis d’une valeur importante, en sachant qu’elle ne serait pas couverte par son assureur; que la société [I] [X] ne produit pas la preuve de l’indemnité de 50.860 euros qu’elle prétend avoir payée à la société [N]; qu’il n’est pas contesté que le colis n’était pas détérioré à son arrivée et que rien n’est susceptible de rendre la concluante responsable du vol des bijoux, alors que c’est l’expéditeur qui supporte les risques du transport’; que ce problème est étranger aux relations existant avec la société [I] [X], puisque ce n’est pas cette dernière qui était l’expéditrice du colis ;
38.- concernant les fichiers CAO, qu’ils ont été envoyés par mail le 29 mai 2014 puis à nouveau le 1er juin 2015′; que la concluante a précisé à la société [I] [X] que, pour ouvrir ces fichiers, elle devait disposer d’un logiciel professionnel ou d’une liseuse STL’; que la société [I] [X] a voulu s’approprier les fichiers, afin de pouvoir créer de nouveaux modèles en modifiant les fichiers de réalisation, propriété de la concluante, qui n’avait pas ainsi à transmettre également les fichiers de construction des prototypes, permettant cette fois de créer de nouveaux modèles à partir des anciens’;
39.- s’agissant du saphir de 6,61 carats, qu’il a été fourni à la société [I] [X] le 20 mars 2015 par monsieur [G] en lui demandant de l’adapter sur une bague de la collection [X]’; que la concluante a livré la bague le 2 juin 2015 à monsieur [X] qui, après l’avoir examinée à la loupe, n’a pas remarqué de décollement ; qu’il l’a livrée le lendemain à son destinataire qui n’a pas émis de remarque; que la concluante n’a été avisée que le 11 juin 2015 par monsieur [X] du refus de la bague par son client, sous prétexte qu’elle était cassée ; que l’expert a écarté tout décollement lié à un choc au sertissage, comme le soutenait pourtant la société [I] [X], mais qu’il a indiqué qu’un choc thermique a pu intervenir lors de la taille initiale comme dans les ateliers de la concluante, voir chez le bijoutier final qui a attendu sept jours avant de se manifester’;
40.- concernant les prétendues malfaçons avancées par l’appelante au sujet du client Prieur, que la concluante a monté une pierre d’occasion qu’elle a reçu en l’état, se contenant de la sertir sur une autre monture’; que si l’appelante soutient que la société Brochier Vulliod aurait été chargée de reprendre des malfaçons, les factures de celle-ci correspondent à des retailles ou des polissages de pierres précieuses commandées par la société [I] [X], les pierres devant ensuite être envoyées à la concluante pour être montées sur bagues ; que la facture bijouterie Labor correspond à des livraisons effectuées par la société Avisor après le 18 mai 2015, alors que ce n’est que le 26 mai 2015 que la société [I] [X] lui a renvoyé 12 pièces qu’elle ne jugeait pas parfaites, en précisant d’ailleurs que ce n’était pas grave, mais qu’elle ne pouvait les livrer en l’état, de sorte que la concluante a repris ces pièces sans difficulté ;
41.- s’agissant d’activités parasitaires, que les modèles présentés par l’appelante indiquent qu’il ne s’agit pas des mêmes bijoux (formes de pierres différentes, techniques de sertissage également différentes); que le premier modèle fourni en exemple par la société [I] [X] est une commande récente et unique de l’un des clients de la concluante, ne figurant donc pas dans la collection de l’appelante et n’étant pas la copie de la bague [I] [X] ; que la bague “Pavage” est un type de bijou très courant que de nombreux joailliers réalisent alors qu’il a été dessiné par la concluante et non par [I] [X] ; qu’il n’existe pas de similitude entre les bagues de la collection «’Nesslana’» et les alliances de la collection [I] [X] ; qu’une bague a été dessinée par la concluante d’après les indications de son client [R], pour une étude de devis restée sans suite, et ne fait pas ainsi partie de sa collection ; que différentes pièces qui se trouvent sur son site internet résultent de croquis provenant de la société Kfds ; que le pendentif “Globe” est la création de Monsieur [N] que la concluante n’a pas commercialisée mais qu’elle a seulement exposée; que les pièces produites ne sont pas probantes et ne caractérisent pas le moindre parasitisme de sa part, alors qu’on ne peut vérifier s’il s’agit réellement de copies ;
42.- concernant le préjudice invoqué par la société [I] [X], qu’elle ne produit qu’un tableau incompréhensible dressé à partir de chiffres non vérifiés et non appuyés de documents comptables, ce qui suffit à lui ôter toute valeur probante, alors que ses comptes indiquent une progression constante de son chiffre d’affaires et de son résultat d’exploitation’; que si elle invoque la perte du client Prieur, les extraits de ses grands-livres clients démontrent qu’elle a conservé ce client et que le chiffre d’affaires réalisé avec ce dernier a progressé entre 2014 et 2016.
*****
43.Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION’:
1) Concernant les demandes de la société Avisor’:
44.Concernant les factures impayées s’élevant à 76.400,62 euros TTC, l’appelante n’a pas contesté devoir cette somme devant les premiers juges, ce que le tribunal de commerce a constaté. Elle a seulement opposé les différents points constituant ses demandes reconventionnelles, afin d’opérer compensation.
45.La cour constate que dans ses dernières conclusions, l’appelante ne forme pas plus de contestation concernant cette créance, opposant toujours les autres griefs invoqués à l’encontre de la société Avisor, afin qu’une compensation soit opérée. L’obligation n’étant pas ainsi contestée, le jugement déféré ne peut qu’être confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande en paiement de la société Avisor.
2) Concernant les demandes reconventionnelles de la société [I] [X]’:
a) Concernant la restitution de maquettes, moules et fichiers informatiques’:
46.S’agissant en premier lieu du litige concernant la restitution des maquettes, des moules et des fichiers informatiques, aucune convention cadre n’est produite, précisant les obligations réciproques des parties, pas plus qu’un contrat type concernant les commandes adressées par la société [I] [X] d’abord à la société Kfds puis à la société Avisor. Il n’existe aucun contrat de sous-traitance. Il est enfin constant que ce n’est qu’en 2016 que la société [I] [X] a pris des mesures juridiques afin de protéger ses créations.
47.Le tribunal de commerce a retenu que les pièces produites par l’appelante ne permettent pas de justifier qu’elle aurait créé des lignes de bijoux et ainsi de design. Il a relevé que dans ses bons de commande, la société [I] [X] se contentait de demander à la société Avisor de lui soumettre des propositions de bijoux et que l’appelante ne peut ainsi valablement prétendre être à l’origine de leur création, puisque c’est initialement la société Kfds devenue Avisor qui réalisait les maquettes, l’appelante étant ensuite libre de valider ou non les propositions, la société Avisor étant rémunérée alors au temps passé. Les premiers juges en ont conclu que ce n’est pas la production de maquettes et de moules qui a été facturée à la société [I] [X], mais la prestation intellectuelle de la société Avisor.
48.Devant la cour, l’appelante ne produit que quelques croquis très sommaires effectués à la main avec les précisions concernant la nature, le nombre et la taille des pierres à assembler. Il ne s’agit pas de dessins précis, ainsi que conclu par l’intimée. La question reste cependant de déterminer si ces croquis peuvent être regardés comme une ‘uvre de l’esprit au sens de l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle.
49.Les factures produites ne permettent pas plus de déterminer la nature et l’ampleur du travail confié à l’intimée à ce titre, rien n’indiquant qu’elles se rapportent notamment à des moules ou à des maquettes. Si l’appelante produit une attestation de [T] [B] concernant la réalisation de fichiers 3D ensuite mis à disposition de l’intimée pour la réalisation de bijoux, cette attestation ne permet pas de déterminer qui a réglé ce travail ni qui est devenu propriétaire des moules. La comptabilité produite par l’appelante ne permet pas plus de déterminer si elle a rémunéré des moules fabriqués par l’intimée, car étant insuffisamment détaillée alors que la société [I] [X] travaillait avec d’autres structures.
50.Le fait que le poinçon de l’appelante était apposé sur les pièces produites est sans incidence, puisqu’il ne s’agit que de l’exécution de prescriptions légales en matière de bijouterie, la société Avisor concevant et fabriquant en sous-traitance les bijoux pour la société [I] [X].
51.En conséquence, la question de l’existence d’un droit de propriété sur les maquettes et sur les moules réalisés par la société Avisor, reste entière. Par application des articles L111-1 et L331-1 du code de la propriété intellectuelle et D211-6-1 du code de l’organisation judiciaire, cette question échappe à l’appréciation du tribunal de commerce et de la présente cour, puisque les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux judiciaires, déterminés par voie réglementaire. En l’espèce, pour les juridictions sises sur le ressort de la cour d’appel de Grenoble, le tribunal judiciaire de Lyon et la cour d’appel de Lyon ont une compétence exclusive pour connaître des litiges portés devant ces juridictions.
52.Il en résulte que les demandes de la société [I] [X] portant sur la restitution des 465 maquettes lui appartenant sous astreinte de 200 euros par jour et, à défaut, sur la condamnation de l’intimée à lui payer 171.436 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi que sur la restitution des fichiers numériques CAO dans un format lisible et, à défaut, sur la condamnation de l’intimée à lui payer 27.360 euros correspondant au préjudice subi, échappent à la compétence de la présente cour, comme du tribunal de commerce. En conséquence, le jugement déféré ne peut qu’être infirmé en ce qu’il a débouté la société [I] [X] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles. Statuant à nouveau, la cour renverra l’appréciation de ces demandes devant le tribunal judiciaire de Lyon, compétent pour se prononcer sur l’existence d’un droit de propriété intellectuelle.
b) Concernant la commercialisation de bijoux sous la marque Nesslana’:
53.Concernant les actes de parasitisme invoqués par l’appelante, le tribunal de commerce a retenu que le parasitisme se définit par le fait pour une société ou une personne, de s’inspirer ou de copier, à titre lucratif et de façon injustifiée, une valeur économique appartenant à autrui, individualisée et procurant un avantage concurrenciel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissement. Il a a indiqué qu’en l’espèce, il n’est pas démontré qu’il s’agirait des mêmes bijoux, alors que comme jugé précédemment, l’appelante ne peut se prévaloir d’un droit de propriété intellectuelle sur ces modèles qui ont été réalisés et dessinés par l’intimée. Il a ainsi débouté l’appelante de sa demande.
54.La cour constate qu’il s’agit également d’apprécier en premier lieu l’existence d’un droit de propriété intellectuelle sur les pièces commercialisées par la société [I] [X], issues des prestations de l’intimée. Il s’agit également d’une appréciation échappant à sa compétence comme précédemment. En conséquence, cette question sera également renvoyée devant le tribunal judiciaire de Lyon, ayant une compétence d’attribution exclusive sur ce point.
c) Concernant la demande de la société [I] [X] fondée sur le colis expédié par la société [N]’:
55.S’agissant du colis Chronopost expédié par la société [N], la société Avisor n’a émis aucune réserve concernant l’état de ce colis lors de sa remise. Si la société [I] [X] soutient que l’intimée aurait manqué de diligence en n’émettant aucune réserve auprès du transporteur dans les trois jours de la réception de ce colis, éteignant ainsi toute action par application de l’article L133-3 du code de commerce, aucun élément n’indique que ce colis était endommagé et ainsi que des réserves étaient nécessaires. Ainsi que souligné par le tribunal de commerce et comme cela résulte du mode de fonctionnement adopté par les parties, la société Avisor avait l’habitude de recevoir des colis contenant des pierres précieuses et connaissait la procédure à suivre afin d’éviter toute difficulté. Rien ne vient établir que les bijoux ont disparu dans les locaux de la société Avisor.
56.En conséquence, aucune faute n’est établie à l’encontre de l’intimée, sur laquelle ne pesait pas les risques de la livraison. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de l’appelante portant sur 50.860 euros.
d) Concernant les décollements affectant un saphir remis à la société Avisor’:
57.Concernant le saphir confié à la société Avisor afin de procéder à un montage sur une nouvelle bague, il résulte du rapport d’expertise judiciaire que les décollements constatés résultent d’un choc thermique dont l’origine et la cause sont inconnues et non d’un choc résultant du sertissage de cette pierre. Ainsi que conclu par l’expert, ce choc a pu survenir soit lors de la taille initiale de la pierre sur son lieu de production, soit même du fait du dernier bijoutier l’ayant eu en garde, lequel a mis une semaine avant de signaler le problème. Ainsi que constaté par les premiers juges, aucun élément ne permet de retenir une faute de l’intimée susceptible d’engager sa responsabilité. Le tribunal a justement débouté la société [I] [X] de sa demande de paiement de 4.150 euros.
e) Sur la demande de la société [I] [X] concernant des travaux de reprise’:
58.Concernant la demande reconventionnelle de la société Pierro [X] en paiement de 1.946,75 euros au titre de travaux de reprise de bijoux pour malfaçons, celle-ci produit un échange de mails concernant des livraisons effectuées en mai 2015, une lettre de l’appelante du 26 mai 2015 concernant le retour auprès de la société Avisor de 12 pièces pour malfaçons, et un ensemble de factures émises par la société Brochier Vulliod à l’attention de la société [I] [X], dont certaines remontant à l’année 2014 et avant le mois de mai 2015. Il ne résulte pas de ces factures que les travaux aient été nécessités par des malfaçons. L’appelante ne rapporte ainsi aucune preuve concernant la nécessité de la reprise de bijoux à hauteur de la somme énoncée ci-dessus ainsi que soutenu par l’intimée. Elle a en outre effectivement précisé que ces désordres étaient sans conséquence dans son courrier.
f) Concernant la perte de clientèle et l’atteinte à l’image de la société [I] [X]’:
59.S’agissant de sa demande complémentaire prise de la perte de clientèle et d’une atteinte à son image, la société [I] [X] ne rapporte pas plus la preuve de tels faits de nature à entraîner l’allocation de 142.810 euros, ce qu’a relevé le tribunal de commerce. Aucun élément pertinent ne permet de constater que la société Prieur aurait cessé toute activité avec elle, notamment en raison de malfaçons imputables au sous-traitant. Cette prétention ne peut qu’être également écartée.
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60.Il résulte de ces motifs que les demandes reconventionnelles de l’appelante sont soit renvoyées devant le tribunal judiciaire de Lyon en ce qu’elles concernent l’appréciation de l’existence d’un droit de propriété intellectuel, soit rejetées. En conséquence, la société [I] [X] ne peut prétendre opérer une compensation entre les sommes respectivement dues par les parties et cette demande sera rejetée.
61.La société [I] [X] succombant au principal en son appel sera condamnée à payer à la société Avisor la somme complémentaire de 5.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 1134 (ancien) et 1103 et 1104 du code civile, l’article L111-1 du code de la propriété intellectuelle’;
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société [I] [X] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles’;
Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions’;
statuant à nouveau’;
Se déclare incompétente pour statuer sur les demandes de la société [I] [X] concernant les maquettes, moules et fichiers informatiques, concernant la condamnation de la société Avisor à cesser de commercialiser des bijoux vendus par la société [I] [X] sous son nom de marque «’Nesslana’», concernant la condamnation de la société Avisor à cesser de faire de la publicité pour sa marque «’Nesslana” en utilisant des modèles appartenant à la société [I] [X] et renvoie l’appréciation de ces demandes devant le tribunal judiciaire de Lyon ;
Déboute la société [I] [X] de ses demandes concernant’:
– le paiement de 50.860 euros au titre du préjudice résultant de la perte de bijoux adressés par Chronopost’;
– le paiement de 4.150 euros au titre de la dépréciation d’un saphir’;
– le paiement de 1.946,75 euros au titre de frais de reprise de malfaçons’;
– le paiement de 142.810 euros au titre du préjudice résultant d’une atteinte à son image’;
– la compensation des sommes éventuellement dues respectivement par chacune des parties’;
Y ajoutant’:
Condamne la société [I] [X] à payer à la société Avisor la somme complémentaire de 5.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile’;
Condamne la société [I] [X] aux dépens, avec distraction au profit de la Selarl Am Consultants, avocat ;
SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme DJABLI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La GreffièreLa Présidente