Jurisprudence sur l’Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : 19 janvier 2011 Cour d’appel de Paris RG n° 09/03740

·

·

Jurisprudence sur l’Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : 19 janvier 2011 Cour d’appel de Paris RG n° 09/03740
Ce point juridique est utile ?

19 janvier 2011
Cour d’appel de Paris
RG n°
09/03740

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 19 JANVIER 2011

(n° 7 , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 09/03740

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Janvier 2009 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY – RG n° 06/10609

APPELANTS

La société VIRAGES, S.A.R.L.

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 7]

Maître [W] [A]

es qualité d’Administrateur Judiciaire au redressement judiciaire de la Société VIRAGES

demeurant [Adresse 2]

[Localité 6]

La société MB ASSOCIES, SELARL

représentée par Maître [J] [R] es qualité de Mandataire Judiciaire au redressement judiciaire de la Société VIRAGES

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 5]

représentées par Me Gilbert THEVENIER, avoué à la Cour

assistées de Me Karine RIAHI, avocat au barreau de Paris, toque : K110

plaidant pour KGA

INTIMÉS

Monsieur [D] [N]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 8]

Monsieur [V] [U]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 8]

représentés par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour

assistés de Me Nicolas SERRE, avocat au barreau de Paris, toque : A966

plaidant pour la SELARL OX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 Novembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Didier PIMOULLE, Président

Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Melle Aurélie GESLIN

ARRÊT :- contradictoire

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mademoiselle Aurélie GESLIN, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu l’appel interjeté le 23 février 2009 par la société VIRAGES (SARL), du jugement contradictoire rendu par le tribunal de grande instance de Bobigny le 6 janvier 2009 dans le litige l’opposant à [D] [N] et [V] [U] ;

Vu les ultimes écritures signifiées le 8 novembre 2010 dans l’intérêt de la société VIRAGES, appelante, assistée de [W] [A] et de la SELARL MB ASSOCIES cette dernière représentée par Me [J] [R], intervenant respectivement ès qualités d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de ladite société ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 2 novembre 2010 pour le compte de [D] [N] et [V] [U], intimés ;

Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 9 novembre 2010 ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant qu’il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu’il suffit de rappeler que :

– la société VIRAGES, ayant pour activité l’importation et la distribution d’objets à caractère insolite ou astucieux pour la maison, a engagé suivant contrat du 13 avril 2004 [D] [N] au poste de directeur commercial,

– chargé à ce titre de développer l’identité visuelle de la société, jusque là confiée à des intervenants extérieurs, [D] [N] a eu recours, avec l’accord de son employeur, aux services de [V] [U], designer graphique indépendant, pour la conception de divers outils commerciaux: catalogues, boîtes d’emballages, affiches publicitaires, cartons d’invitation,

– le 12 août 2006 la société VIRAGES a licencié [D] [N] pour faute grave au motif qu’il aurait manqué à la loyauté dûe à son employeur en créant en juillet 2006, avec [V] [U], la société concurrente POP CORN,

– le licenciement, contesté par [D] [N] qui soutient avoir créé cette société à la demande de son employeur de manière à lui faire prendre en charge la rémunération de [V] [U], fait l’objet d’une procédure en cours,

– c’est dans ce contexte que [D] [N] et [V] [U] ont revendiqué des droits d’auteur sur l’ensemble des réalisations faites pour la société VIRAGES de 2004 à 2006, fait procéder le 28 août 2006 à la saisie-contrefaçon de catalogues de la saison automne/hiver 2006 et assigné le 19 septembre 2006 la société VIRAGES en paiement de dommages-intérêts au fondement de contrefaçon, [V] [U] y ajoutant des demandes propres en rémunération du travail fourni et pour rupture abusive des relations contractuelles,

– le tribunal de grande instance de Bobigny a reconnu à [D] [N] et à [V] [U] la qualité d’auteur des créations respectivement revendiquées, admis ces créations au statut d’oeuvres de l’esprit éligibles à la protection par le droit d’auteur, dit que la société VIRAGES a commis des actes de contrefaçon en les exploitant sans autorisation, prononcé des mesures d’interdiction et de publication, alloué des dommages-intérêts essentiellement au titre de l’atteinte portée aux droits des auteurs, tant au plan patrimonial qu’au plan moral, et des préjudices subis par [V] [U] faute de rémunération de son travail et du chef de rupture abusive des relations contractuelles,

– la société VIRAGES s’est déclarée en cessation de paiements et a été placée en redressement judiciaire par décision du tribunal de commerce de Paris du 9 février 2009,

– assistée des organes de la procédure collective elle poursuit l’infirmation du jugement dont appel en toutes ses dispositions et la condamnation in solidum des intimés à lui payer 75 000 euros pour procédure abusive ainsi que 70 000 euros au titre des frais irrépétibles,

– [D] [N] et [V] [U] prient la cour de confirmer le jugement entrepris sauf, statuant à nouveau sur les mesures réparatrices, à porter l’astreinte à 10 000 euros par infraction à l’interdiction d’exploiter les créations litigieuses et dire que la cour se réservera la liquidation de l’astreinte, augmenter à 35 000 euros le montant maximal des frais de publication judiciaire, fixer au passif de la société VIRAGES, en redressement judiciaire :

* au bénéfice de [D] [N], les sommes de 4 000 euros en réparation de l’atteinte à son droit patrimonial d’auteur, 3 000 euros au titre du préjudice moral, 15 000 euros pour résistance abusive,

* au bénéfice de [V] [U], les sommes de 595 000 euros en réparation du préjudice patrimonial d’auteur, 208 100 euros en réparation des atteintes au droit moral, 109 300 euros en rémunération du travail fourni, 10 000 euros pour le préjudice subi des suites du refus de la société VIRAGES de le rémunérer, 100 000 euros au titre de la rupture brutale des relations contractuelles, 30 000 euros pour la résistance abusive opposée à ses demandes ;

Sur la qualité d’auteur,

Considérant que la société VIRAGES, pour combattre le grief de contrefaçon, soutient pour l’essentiel être investie à titre originaire des droits d’auteur sur les créations invoquées qui constituent, selon elle, des oeuvres collectives au sens des dispositions de l’article L.113-5 du Code de la propriété intellectuelle ; qu’elle fait valoir à cet égard que [N] et [U] ont travaillé pour son compte moyennant rémunération, que les créations litigieuses ont été réalisées à son initiative et sous sa direction par les salariés du service commercial sans que la contribution de chacun ne puisse être individualisée et qu’elles ont été éditées, divulguées et exploitées sous son nom ;

Que [N] et [U] prétendent pour leur part être les auteurs des créations dont ils se prévalent respectivement et en veulent pour preuve les crédits qui y sont portés, qu’ils démentent par ailleurs que la société VIRAGES soit investie des droits de l’auteur, soulignant à cet effet d’abord, que chacun ayant seul contribué, et en toute liberté, à l’élaboration des oeuvres qu’il revendique, ces oeuvres ne sauraient être collectives, ensuite, qu’aucun n’a cédé dans les conditions du Livre I du Code de la propriété intellectuelle ses droits patrimoniaux de créateur ;

Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L.113-1 du Code de la propriété intellectuelle, la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée ;

Considérant, en ce qui concerne en premier lieu les demandes de [V] [U], que la cour constate au terme de l’examen auquel elle s’est livrée, que :

– les catalogues VIRAGES automne/hiver 2005 et printemps/été 2006 font apparaître dans une ourse intitulée CREDITS CATALOGUE et PACKS les mentions suivantes : Design et Coordination artistique [V] [U] , Photos et retouche [V] [U] ,

– le calendrier 2005 édité par la société VIRAGES sur le thème ‘illegal aliens à Paris’, contient en dernière page une rubrique CREDITS portant l’indication Photos, Création graphique et Design par [V] [U] ,

– les pages écrans du site internet de la société VIRAGES, telles que capturées suivant constat d’huissier de justice du 3 août 2006, attribuent les Photos/vidéos et couvertures des catalogues à [V] [U] , et exposent les couvertures des catalogues de septembre 2004, mars 2005, septembre 2005, mars 2006,

– les emballages des produits : SAPIN ETOILES , VAVAVOOMS, ZAEROGRAPHS, MA PREMIERE HORLOGE, ZARBOX, COCCIO, FLIPPER donnent pour information : Design packaging by [V] [U] ou encore graphic design par [V] [U] ;

Considérant qu’il résulte de ces éléments que [V] [U] est fondé à se prévaloir de la présomption instituée par les dispositions légales précitées pour prétendre à la qualité d’auteur sur :

– les 57 photographies figurant aux pages 43 à 51 des dernières écritures des intimés, extraites des catalogues VIRAGES automne/hiver 2005 et printemps/été 2006,

– la charte graphique et les photographies du calendrier VIRAGES 2005,

– les photographies animant le site internet de la société VIRAGES à la date du 3 août 2006,

– les illustrations des couvertures des catalogues VIRAGES de septembre 2004, mars 2005, septembre 2005, mars 2006,

– la maquette des catalogues VIRAGES automne/hiver 2005 et printemps/été 2006,

– les dessins figurant sur les emballages des produits SAPIN ETOILES , VAVAVOOMS, ZAEROGRAPHS, MA PREMIERE HORLOGE, ZARBOX, COCCIO, FLIPPER ;

Considérant que la société VIRAGES n’est pas fondée en de telles conditions à se prévaloir sur les créations précitées, parfaitement individualisées, divulguées sous le nom de [V] [U] et non sous celui de la société VIRAGES, les dispositions de l’article L.113-5 du Code de la propriété intellectuelle relatives à l’oeuvre collective ;

Qu’il lui est toutefois possible de détruire la présomption de l’article L.113-1 du Code de la propriété intellectuelle en rapportant la preuve que [V] [U] n’est pas l’auteur des créations qui lui sont créditées ;

Qu’elle soutient à cet égard avoir conservé une maîtrise complète du processus de création auquel ont participé sous ses instructions l’ensemble des salariés du service commercial ;

Qu’elle produit à l’appui de ses allégations une attestation de [S] [I], frère de l’un des associés de la société VIRAGES, aux termes de laquelle [B] [L] et [T] [I] ( les deux associés de la société) intervenaient quotidiennement : accord pour telle page, telle autre à retoucher, photo à refaire, etc…leur accord était nécessaire pour valider chaque page (…) Leur participation aidait à l’accélération du processus de fabrication du catalogue , ils donnaient leur accord final pour le tirage et le lancement du catalogue ;

Or considérant qu’une telle attestation d’où il résulte que [V] [U] devait soumettre ses réalisations à la validation de la société VIRAGES et pouvait ainsi être appelé à réviser ses choix, n’est pas pertinente à démontrer que, privé de toute liberté d’expression dans l’élaboration des créations litigieuses, [V] [U] n’aurait été qu’un simple exécutant dont la contribution propre ne serait pas identifiable ;

Que [X] [O], préposée au service commercial de la société VIRAGES vient attester au contraire : J’ai assisté en juillet et en août 2005 à la création par [V] [U] d’une maquette graphique et typographique originale destinée à l’exécution d’un catalogue commercial . J’ai ensuite été amenée à participer, en ma qualité d’exécutante, à la réalisation du catalogue commercial de la société VIRAGES (…) j’ai pu constater que ce catalogue commercial diffusé en septembre 2005, avait été réalisé en reprenant intégralement les éléments graphiques et typographiques de cette maquette, ainsi que plusieurs oeuvres photographiques également créées par M.[U] ;

Que [V] [F], autre employé du service commercial de la société VIRAGES atteste dans le même sens en ce qui concerne le catalogue de mars 2006 : Pour ce qui est de la maquette et de tous les éléments graphiques et typographiques formant l’identité du catalogue (incluant polices des caractères et divers pictogrammes ), j’ai eu à reproduire intégralement ce qui avait été créé antérieurement par [V] [U], photographe et designer graphique auquel VIRAGES commande habituellement la création des oeuvres servant de contenu aux différents supports de communication ;

Que, par ailleurs, les mails produits aux débats ne justifient aucunement des instructions que la société VIRAGES prétend avoir données à [V] [U] ;

Que le seul mail demandant à celui-ci de modifier ses choix souligne le caractère inhabituel voire exceptionnel d’une telle demande : (…) Peux – tu donc exceptionnellement revoir ta créa . En simplifiant encore plus ;

Considérant que force est de conclure au vu de ces éléments que la société VIRAGES échoue à démontrer que [V] [U] n’aurait pas disposé de la liberté d’expression nécessaire à la reconnaissance de droits d’auteur sur les créations qu’il revendique ;

Considérant, s’agissant en second lieu de [D] [N], que celui-ci soutient être l’auteur des éditoriaux présentés en ouverture des catalogues de mars 2005, septembre 2005, mars 2006, des textes de présentation des articles exposés dans ces catalogues, des noms de l’ensemble des produits édités et exploités sous la marque VIRAGES ;

Considérant que la société VIRAGES ne dément pas ces allégations qui sont en toute hypothèse confirmées par l’attestation de [V] [F] aux termes de laquelle les noms des produits et tous les textes les décrivant m’ont été communiqués (…) au fur et à mesure que [D] [N] les créait et par l’apposition de son nom dans l’ourse de ces catalogues ;

Sur l’originalité,

Considérant que la société VIRAGES, toujours pour voir écarter le grief de contrefaçon, conteste aux créations concernées l’originalité requise pour accéder à la protection par le droit d’auteur ;

Or considérant que la cour relève que :

– les photographies précédemment évoquées de [V] [U], loin de procéder d’un simple savoir-faire technique, attestent de choix délibérés opérés par le photographe quant à l’angle de prise de vue, au cadrage, à l’éclairage, à la composition des plans, de manière à mettre en exergue l’objet qu’il s’agit de promouvoir avec son propre regard et selon sa propre sensibilité,

– la charte graphique du calendrier VIRAGES 2005 associant à chacun des mois de l’année une photographie, une couleur dominante et des éléments figuratifs stylisés évocateurs du mois concerné, fait montre d’une recherche artistique personnelle,

– les illustrations des couvertures des catalogues VIRAGES de septembre 2004, mars 2005, septembre 2005, constituées d’un assemblage de figures abstraites aux couleurs diverses, résultent des choix arbitraires auxquels a procédé l’auteur pour parvenir à une combinaison particulière de formes et de couleurs,

– la couverture du catalogue VIRAGES de mars 2006 illustrée d’un enchevêtrement de lettres de l’alphabet de tailles et polices variées, de couleurs diverses à la tonalité générale vive et acide, produit une impression d’ensemble très différente du dessin de [G] [K] qui lui est opposé, sans que sa date de divulgation ne soit indiquée, où le mot ‘PEACE’ est inscrit en lettres bâtons noires et blanches dans un cadre en forme de coeur,

– les catalogues VIRAGES automne/hiver 2005 et printemps/été 2006, loin de reprendre la présentation de leur prédécesseur de 2003 intitulé ‘tarif au 1er septembre 2003″ où se succèdent banalement des articles au côté desquels figure un prix, offrent une mise en page élaborée qui révèle l’apport de l’auteur et traduit les choix arbitraires opérés par ce dernier: classement par thème ( bain, cuisine, living, saison, pratique), couleur dominante pour chacun de ces thèmes, aspect général très aéré mettant en exergue le produit, contenu rédactionnel discret inscrit suivant une typographie sobrement stylisée, dans une bande située en bas de page,

– les dessins stylisés figurant sur les emballages des produits SAPIN ETOILES , VAVAVOOMS, ZAEROGRAPHS, MA PREMIERE HORLOGE, ZARBOX, COCCIO, FLIPPER procèdent d’un effort artistique destiné à mettre en valeur le caractère insolite, étrange ou magique de l’objet,

– les textes de [D] [N] traduisent une recherche de l’auteur pour promouvoir par un message court au style alerte les produits de la société, le choix des noms donnés aux produits offerts à la vente sur les catalogues automne/hiver 2005 et printemps/été 2006 : ZAEROGRAPHS, VAVAVOOMS, ZARBOX, COCCIO, LOOK ME, CANDELOO, DREAM GARDEN, WANDER etc…procèdent également d’un effort particulier pour évoquer selon le produit, son aspect amusant, étrange, pratique ;

Considérant qu’au terme de l’appréciation globale à laquelle elle s’est livrée, la cour observe que les créations précitées offrent une physionomie propre qui résulte des choix arbitraires et des parti-pris esthétiques de leur auteur ; qu’elles portent ainsi l’empreinte de la personnalité de leur auteur et présentent, en conséquence, l’originalité requise pour être éligibles à la protection instituée au titre du droit d’auteur par les dispositions du Livre I du Code de la propriété intellectuelle ;

Sur la contrefaçon,

Considérant que la société VIRAGES ne conteste pas exploiter les oeuvres de [V] [U] et de [D] [N] ;

Considérant qu’il doit être à cet égard précisé que les illustrations créées par [V] [U] pour les couvertures des catalogues de septembre 2005 et mars 2006 ou pour les emballages des produits ont été également utilisées pour des cartons d’invitation et des affiches, que par ailleurs, le catalogue de septembre 2006 reproduit les caractéristiques de la maquette créée par [V] [U] et certains des noms de produits créés par [D] [N] ;

Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L 111-1 du Code de la propriété intellectuelle pris en son alinéa 3, l’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une oeuvre de l’esprit n’emporte aucune dérogation à la jouissance du droit de propriété incorporelle qui lui est reconnu sur cette oeuvre ;

Considérant de plus fort, que l’article L 131-3 du Code précité, subordonne la transmission des droits de l’auteur à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ;

Que force est de constater en l’espèce que le contrat de travail de [D] [N] ne présente aucune clause de cession par le salarié de ses droits d’auteur et que s’agissant de [V] [U], les mails produits aux débats en abondance montrent amplement que celui-ci a travaillé pour la société VIRAGES au vu et au su de tous et qu’il a vainement réclamé, à de nombreuses reprises, le paiement de ses notes d’honoraires ;

Considérant qu’il s’infère de ces éléments que la société VIRAGES a commis des actes de contrefaçon en exploitant sans droit les créations de [D] [N] et de [V] [U] ;

Sur les mesures réparatrices,

Considérant qu’il importe de prendre une mesure d’interdiction selon les modalités fixées au dispositif ci-après ;

Considérant que la mesure de publication sollicitée n’est pas opportune au regard de l’ancienneté des faits et n’est pas nécessaire pour les faire cesser ou prévenir leur renouvellement ;

Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L.131-4 du Code de la propriété intellectuelle, la cession par l’auteur de ses droits a pour contrepartie une rémunération en principe proportionnelle aux recettes provenant de l’exploitation ;

Considérant qu’il n’est pas démenti que le chiffre d’affaires de la société VIRAGES est passé de 2 292 474 euros en 2003 à 3 324 957 euros en 2004 et à 3 757 473 euros en 2005 et que les catalogues (diffusés en 2000 exemplaires environ par saison) et autres visuels constituent un vecteur de communication très important pour cette société qui vend essentiellement en gros et expose régulièrement dans les salons professionnels ;

Considérant qu’il importe enfin de prendre en compte le nombre important des créations réalisées ;

Considérant qu’au regard de ces éléments d’appréciation la cour évalue le préjudice patrimonial de [V] [U] à 100 000 euros et celui de [D] [N] à 4000 euros ;

Considérant que le préjudice moral de [V] [U] et de [D] [N] résulte de l’utilisation de leur oeuvre dans le catalogue VIRAGES de septembre 2006 sans mention de leur nom et par là-même au mépris de leur droit de paternité ;

Qu’il leur sera alloué de ce chef une somme de 20 000 euros à [V] [U] et de 3000 euros à [D] [N] ;

Sur la demande de rémunération,

Considérant que [V] [U] a oeuvré pendant 2 ans et demi au service de la société VIRAGES sans être rétribué ;

Considérant qu’il résulte des mails versés aux débats qu’il a fourni un travail intense dans des conditions d’urgence le conduisant à travailler souvent la nuit et en fin de semaine ;

Qu’il convient de lui allouer en rémunération de ses prestations une indemnité de 100 000 euros ;

Sur la rupture brutale des relations contractuelles,

Considérant que [V] [U] qui a travaillé exclusivement pour la société VIRAGES pendant 2 ans et demi a vu rompre brutalement les relations contractuelles en juillet 2006 avec le licenciement de [D] [N] ;

Qu’il lui sera octroyé de ce chef une indemnité de 3000 euros ;

Considérant que le sens de l’arrêt commande de rejeter la demande de la société VIRAGES en procédure abusive ;

Considérant que [V] [U] est fondé en revanche à se prévaloir du caractère abusif de la résistance opposée par la société VIRAGES, qui a tiré profit de ses prestations et de ses créations pendant deux ans et demi sans débourser une quelconque somme, à la reconnaissance de ses droits ; qu’il lui sera alloué de ce chef une indemnité de 10 000 euros ;

Considérant que les indemnités précitées seront fixées au passif de la société VIRAGES en redressement judiciaire ;

PAR CES MOTIFS,

Réformant le jugement déféré,

Fait interdiction à la société VIRAGES d’exploiter, sous peine d’une astreinte de 100 euros par infraction constatée :

– les 57 photographies figurant aux pages 43 à 51 des dernières écritures des intimés, extraites des catalogues VIRAGES automne/hiver 2005 et printemps/été 2006,

– la charte graphique et les photographies du calendrier VIRAGES 2005,

– les photographies animant le site internet de la société VIRAGES à la date du 3 août 2006,

– les illustrations des couvertures des catalogues VIRAGES de septembre 2004, mars 2005, septembre 2005, mars 2006,

– la maquette des catalogues VIRAGES automne/hiver 2005 et printemps/été 2006,

– les dessins figurant sur les emballages des produits SAPIN ETOILES , VAVAVOOMS, ZAEROGRAPHS, MA PREMIERE HORLOGE, ZARBOX, COCCIO, FLIPPER,

– les noms donnés aux produits exposés dans les catalogues de septembre 2005 et mars 2006 ;

Fixe au passif du redressement judiciaire de la société VIRAGES les sommes de :

– 100 000 euros au titre du préjudice patrimonial d’auteur de [V] [U],

– 4000 euros au titre du préjudice patrimonial d’auteur de [D] [N],

– 20 000 euros au titre de l’atteinte au droit moral d’auteur de [V] [U],

– 3000 euros au titre de l’atteinte au droit moral d’auteur de [D] [N],

– 100 000 euros au titre de la rémunération du travail fourni par [V] [U],

– 3000 euros au titre de l’indemnité due à [V] [U] pour rupture brutale des relations contractuelles,

– 10 000 euros au titre de l’indemnité allouée à [V] [U] pour résistance abusive,

– 30 000 euros au titre de l’indemnité revenant aux intimés par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Déboute du surplus des demandes ;

Condamne la société VIRAGES aux dépens de la procédure qui seront pour ceux d’appel recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile .

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x