Jurisprudence sur l’Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : 15 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04501

·

·

Jurisprudence sur l’Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : 15 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04501
Ce point juridique est utile ?

15 juin 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/04501

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRET DU 15 JUIN 2022

(n° 105/2022, 18 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 20/04501 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBTNC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Février 2020 – Tribunal Judiciaire de Paris 3ème chambre – 3ème section – RG n° 17/16416

APPELANTE

S.A.S. DUBOS AS

Société au capital de 729 756 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BORDEAUX sous le numéro 320 924 665

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assistée de Me Serge LEDERMAN de la SAS DGFLA2, avocat au barreau de PARIS, toque : K0035

INTIMEE

S.A.S. EURODIF

Société au capital de 50 000 000 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 408 772 101

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Delphine MENGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1878

Assistée de Me Stéphanie RENAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : P 310

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseillère et Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,

Mme Françoise BARUTEL, conseillère,

Mme Déborah BOHÉE, conseillère,

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DU LITIGE

La société DUBOS, créée en 1981, ayant pour activité la création et la vente de produits pour l’ameublement et la décoration de la maison dont notamment du linge de maison, commercialise depuis la saison automne-hiver 2012/2013 une gamme de serviettes dénommée «MILLA» brodées de la lettre H, présentant des bordures brodées, ainsi que, depuis janvier 2015, une gamme de linge de bain dénommée « ISSEY » plus épurée que la gamme « MILLA», mais comportant la même finition brodée.

Elle a également fait développer au cours du premier semestre 2016, des motifs dénommés «Arabesques», «Etoiles» et «Carreaux de ciment» reproduits sur les gammes de linge de lit «PATNA» et «ZAIO», commercialisées sous sa marque HARMONY, pour la première fois au mois de septembre 2016, à l’occasion de la saison Automne-Hiver 2016/2107.

Elle indique avoir constaté, au cours du mois de septembre 2017, l’offre à la vente et la vente, sous la marque BOUCHARA, dans les magasins à l’enseigne éponyme et notamment dans trois magasins à l’enseigne BOUCHARA, situés respectivement à [Localité 7], [Localité 8] et [Localité 6], d’une part, de produits de linge de lit reproduisant, selon elle, servilement toutes les caractéristiques essentielles originales des trois motifs utilisés dans les gammes PATNA et ZAIO (références : U0403DOUCO60, U0402DOUC150, U0400DOUC180) et d’autre part, de serviettes de bain constituant la copie servile des serviettes de la gamme ISSEY (références T1252HUGO030 et T1253HUGO050).

Autorisée par une ordonnance sur requête du 26 octobre 2017, elle a fait procéder à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société EURODIF, suivant procès-verbal du 2 novembre 2017 puis a, par acte du 30 novembre 2017, fait assigner cette société devant le tribunal de grande instance de Paris, en contrefaçon de droit d’auteur et de dessins et modèles communautaires non enregistrés (sur les trois motifs Arabesque, Etoile et Carreaux de ciment, reproduits sur du linge de lit) et concurrence déloyale .

Suivant ordonnance du 7 décembre 2018, le juge de la mise en état a fait droit partiellement à une demande de droit d’information formulée par la société DUBOS.

Par du jugement du 7 février 2020, dont appel, le tribunal judiciaire de Paris a rendu la décision suivante :

– DIT que les motifs « arabesques », « étoiles » et « carreaux de ciment » ne sont pas protégeables au titre du droit d’auteur,

– DIT que les motifs « arabesques », « étoiles » et « carreaux de ciment » ne sont pas protégeables au titre du dessin et modèle communautaire non enregistré,

– REJETTE l’action en concurrence déloyale et parasitaire formée par la société DUBOS, du fait de la commercialisation des linges de lit similaires à ceux des gammes PATNA et ZAIO, revêtues des motifs « arabesques », « étoiles » et « carreaux de ciment »,

– REJETTE l’action en concurrence déloyale et parasitaire formée par la société DUBOS, du fait de la commercialisation des linges de bain similaires à ceux de la gamme ISSEY, revêtus d’une broderie,

– DEBOUTE la société DUBOS de ses prétentions indemnitaires et de celles, accessoires, en interdiction, confiscation et publication,

– CONDAMNE la société DUBOS aux dépens,

– CONDAMNE la société DUBOS à payer à la société EURODIF, la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire.

La société DUBOS a interjeté appel de ce jugement le 2 mars 2020.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le14 janvier 2022 par la société DUBOS, appelante, qui demande à la cour, de:

– INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– DIRE et JUGER la société DUBOS SAS recevable et bien fondée en son appel,

Statuant à nouveau,

– CONSTATER que la société DUBOS est titulaire des droits d’auteur sur les ‘uvres Arabesques, Etoiles et Carreaux de ciment ;

– CONSTATER que la société DUBOS est titulaire des droits sur les dessins communautaires non enregistrés portant sur les dessins Arabesques, Etoiles et Carreaux de ciment ;

– CONSTATER que la société DUBOS est titulaire de droits sur les dessins communautaires non enregistrés portant sur les produits de lit des gammes PATNA et ZAIO ;

– DIRE ET JUGER que les dessins Arabesques, Etoiles et Carreaux de ciment de la société DUBOS bénéficient de la protection conférée par le Livre I du Code de la propriété intellectuelle;

– DIRE ET JUGER que les dessins Arabesques, Etoiles et Carreaux de ciment et/ou les produits des gammes PATNA ET ZAIO reproduisant les dessins Arabesques, Etoiles et Carreaux de ciment de la société DUBOS bénéficient de la protection conférée par le Livre V du Code de la propriété intellectuelle ;

– DIRE ET JUGER que la société EURODIF, en important, en offrant à la vente et en vendant des articles reproduisant servilement les dessins Arabesques, Etoiles et Carreaux de ciment de la société DUBOS et plus encore ses produits des gammes PATNA et ZAIO, s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon ;

– DIRE ET JUGER que la société EURODIF s’est également rendue coupable d’actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire à l’égard de la société DUBOS en utilisant les dessins contrefaisants pour confectionner des produits identiques à ceux proposés à la vente sous les gammes PATNA et ZAIO par la société DUBOS ;

– DIRE ET JUGER que la société EURODIF s’est également rendue coupable d’actes de concurrence déloyale et parasitaire à l’égard de la société DUBOS en proposant des serviettes de bain qui constituent la copie servile des serviettes de la gamme ISSEY proposées à la vente par la société DUBOS.

En conséquence,

– INTERDIRE à la société EURODIF l’importation, la fabrication, la commercialisation, l’offre à la vente et la vente de tout article reproduisant les dessins Arabesques, Etoiles et Carreaux de ciment de la société DUBOS, ainsi que l’ensemble des produits constituant la copie servile des serviettes de bain ISSEY, quelle que soit la référence sous laquelle ils seraient commercialisés et ce, sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée, à compter de la signification du jugement à intervenir, la Cour restant saisi pour statuer sur la liquidation de ladite astreinte ;

– ORDONNER à la société EURODIF de retirer des circuits commerciaux les produits illicites et de remettre les stocks ainsi restitués à la société DUBOS sous astreinte de 500 euros par jour de retard au-delà d’un délai d’un mois courant à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, le Tribunal restant saisi pour statuer sur la liquidation de ladite astreinte, et dire que la société DUBOS procédera à leur destruction, le tout aux frais avancés de la société EURODIF ;

– CONDAMNER la société EURODIF à verser à la société DUBOS la somme globale de 65 777,73 euros en réparation du préjudice subi au titre des actes de contrefaçon ;

– CONDAMNER la société EURODIF à verser à la société DUBOS la somme de 80 000 euros, en réparation du préjudice résultant des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire relatifs aux produits de linge de lit litigieux ;

– CONDAMNER la société EURODIF à verser à la société DUBOS la somme de 100.000 euros, en réparation du préjudice résultant des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire relatifs aux serviettes de bain litigieuses,

– ORDONNER la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou périodiques au choix de la société DUBOS et aux frais avancés la société EURODIF, sans que le coût global de chaque insertion ne puisse excéder, à la charge de la défenderesse, la somme de 3 500 euros hors taxes;

– CONDAMNER la société EURODIF à publier, durant une période de trois mois, le dispositif de l’arrêt à intervenir en première page de son site internet accessible à l’adresse www.bouchara.com, dans sa partie supérieure, de façon immédiatement visible par le public, dans une taille de caractère d’une valeur au moins égale à 12, et ce sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard passé un délai de 10 jours courant à partir de la signification de l’arrêt à intervenir ;

– AUTORISER la société DUBOS à faire état du dispositif, en entier ou par extraits, de l’arrêt à intervenir sur son propre site internet ;

– CONDAMNER la société EURODIF à verser à la société DUBOS la somme de 35.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel ;

– CONDAMNER la société EURODIF aux entiers dépens de la présente instance, en ce compris les frais d’huissiers engagés pour la réalisation de la saisie-contrefaçon et l’établissement des procès-verbaux de constat, et autoriser Maître [J] [G] à les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 20 novembre 2020 par la société EURODIF, intimée, qui demande à la cour de:

– DECLARER mal fondé l’appel interjeté par la société DUBOS,

En conséquence,

A TITRE PRINCIPAL

– CONFIRMER le jugement rendu en toutes ses dispositions,

SUBSIDIAIREMENT

– DEBOUTER la société DUBOS de l’ensemble de ses prétentions indemnitaires comme étant à la fois injustifiées et disproportionnées aux agissements reprochés.

– REJETER les demandes de publications comme étant inappropriées aux faits poursuivis et dont les conséquences seraient disproportionnées et excessives par rapport aux éléments du présent litiges.

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE

– DEBOUTER la société DUBOS de toutes ses demandes, fins et conclusions.

– CONDAMNER la société DUBOS à verser à la société EURODIF une indemnité supplémentaire de 15.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– CONDAMNER la société DUBOS aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2022.

MOTIFS DE L’ARRÊT

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

– Sur les faits de contrefaçon

Il n’est pas contesté que la société DUBOS est recevable à agir en contrefaçon sur le fondement du droit d’auteur ainsi que sur le fondement du droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés, ces modèles ayant été divulgués à compter du mois de septembre 2016.

Au titre du droit d’auteur

Le dessin Arabesque

La société DUBOS rappelle qu’une ‘uvre de l’esprit est protégeable au titre du droit d’auteur à la seule condition qu’elle présente un caractère original qui s’apprécie en prenant en compte l’impression d’ensemble produite par celle-ci. Elle ajoute que le seul fait que certains éléments préexistent et soient déjà connus n’exclut pas que la combinaison de ces éléments puisse être en elle-même protégeable si elle est suffisamment originale. Elle conteste la décision du tribunal qui n’a pas apprécié la globalité du dessin Arabesques mais s’est limité au motif en forme de croix à huit branches, lequel est effectivement très proche du motif antérieur dénommé FS FAENZA mais qui concerne un revêtement de sol et non le linge de maison. Elle souligne, en outre, que le dessin Arabesques est un dessin complexe qui joue sur une alternance entre deux motifs principaux : un motif d’arabesque et un motif de croix en forme de fleur de lys insérée dans une forme octogonale stylisée, cette combinaison de deux motifs permettant, selon elle, de donner naissance à une ‘uvre graphique complexe qui mélange deux univers graphiques différents pour lui donner son originalité, aucune ‘uvre antérieure ne faisant apparaître, selon elle, une telle association qui a exigé un véritable travail créatif de la part de son auteur.

L’intimée estime que ce motif est l’exacte réplique, dupliquée de façon grossière, d’un dessin créé antérieurement par la société espagnole Peronda Group, fabricant de carreaux de céramique reconnu, en collaboration avec le designer de meubles vintage Francisco Segarra, diffusé sous la référence FS FAENZA, et issu de la collection FS by Peronda ceramicas, le designer reconnaissant qu’il s’agit d’un motif d’inspiration traditionnelle qui imite lui-même le dessin d’anciennes faïences du moyen-âge. Elle fait donc valoir qu’il n’est en aucun cas le résultat d’un processus de création et de recherche esthétique. Pour l’intimée, la circonstance que ce motif soit issu du domaine des revêtements de sols et non du linge de maison est ici totalement indifférente puisque le droit privatif de propriété intellectuelle revendiqué porte sur un dessin, peu important son support.

Ceci étant exposé, la cour rappelle que l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une ‘uvre de l’esprit jouit sur cette ‘uvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. Ce droit est conféré, selon l’article L.112-1 du même code, à l’auteur de toute ‘uvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une ‘uvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale.

Selon l’article L. 112-2-10° du même code, sont considérées comme oeuvres de l’esprit, les oeuvres des arts appliqués.

Lorsque la protection par le droit d’auteur est contestée en défense, l’originalité de l”uvre revendiquée doit être explicitée par celui qui s’en prétend auteur, seul ce dernier étant à même d’identifier les éléments traduisant sa personnalité.

Et, si la notion d’antériorité est indifférente en droit d’auteur, celui qui se prévaut de cette protection devant plutôt justifier de ce que l’oeuvre revendiquée présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur, l’originalité doit être appréciée au regard d’oeuvres déjà connues afin de déterminer si la création revendiquée s’en dégage d’une manière suffisamment nette et significative, et si ces différences résultent d’un effort de création, marquant l’oeuvre revendiquée de l’empreinte de la personnalité de son auteur.

La combinaison d’éléments qui en eux-mêmes ne présentent pas d’originalité peut manifester un effort créatif si elle confère à l’oeuvre revendiquée une physionomie propre la distinguant de celles appartenant au même genre et traduisant un parti pris esthétique du créateur.

La société DUBOS, à qui incombe de démontrer l’originalité de l’oeuvre revendiquée, après une description détaillée des motifs de ce dessin, souligne que l’objectif recherché par cette création a été d’imaginer une variante aux ornements classiquement composés de rinceaux végétaux et, ainsi, de ré-interpréter les motifs arabesques traditionnels pour en créer de nouveaux aux tonalités plus modernes, au travers de l’association de d’un motif d’arabesque et d’un motif de croix, cette combinaison permettant de donner naissance à une ‘uvre graphique complexe qui mélange deux univers graphiques différents pour lui donner son originalité, aucune ‘uvre antérieure ne faisant apparaître une telle association.

Cependant, cette seule description du dessin en cause ne permet pas de caractériser son originalité, et notamment l’effort créatif conférant à ce motif une physionomie propre le distinguant de ceux appartenant au même genre et traduisant un parti pris esthétique du créateur, s’agissant de la reprise de motifs appartenant au fonds commun ancien en matière de carreaux décoratifs en céramique, le fait que la société DUBOS l’a repris en matière de linge de maison étant indifférent, puisque la protection est revendiquée pour le seul dessin.

Le dessin Etoiles

La société DUBOS explique que ce dessin se caractérise par la combinaison d’étoiles fines à quatre branches, rappelant la fleur de lys, et d’étoiles pleines à huit branches, lui conférant un côté à la fois enfantin, géométrique et très aéré, associant l’univers des astres et celui de la royauté.

La société EURODIF conteste toute originalité du dessin, s’agissant de motifs de décor habituel en matière de revêtements de sol et reprenant notamment le dessin FS Stars du créateur Francisco Segarra, divulgué antérieurement par la société Peronda.

La cour constate, à nouveau, que la société DUBOS qui se livre à une description technique du dessin en cause, ne procède que par affirmation pour soutenir son originalité, alors que ce dessin ne se distingue nullement d’une manière suffisamment nette et significative des motifs déjà connus issus du fonds commun en matière de carreaux décoratifs en céramique, l’appelante n’établissant au demeurant pas en quoi l’oeuvre revendiquée présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur, ni l’effort de création qui l’a porté.

Le dessin carreaux de ciment

La société DUBOS explique que le dessin «Carreaux de Ciment» se caractérise par la combinaison, de manière symétrique et géométrique, de deux lignes distinctes : une première ligne composée de fines étoiles à quatre branches et une seconde ligne composée d’une fleur à quatre pétales similaires à la forme d’un as de pique, placée au centre d’une forme octogonale, aux coins légèrement entre-ouverts avec deux bouts arrondis et aux bords très fins et délicats et légèrement arrondis. Selon elle, les dessins opposés par l’intimée sont notablement différents, sa création étant moins chargée pour donner une impression de légèreté et de finesse.

La société EURODIF conteste toute originalité au dessin, très similaire à des motifs antérieurs qui présentent la même impression d’ensemble et s’inscrit dans un genre et une tendance inspirée des motifs « carreaux de ciment ».

Force est de constater que le motif revendiqué évoque fortement d’autres motifs issus du fonds commun en matière de décor de carrelage en céramique et, plus particulièrement de carreaux de ciment, comme son nom l’indique au demeurant, la société DUBOS n’expliquant nullement en quoi les éventuelles différences revendiquées résulteraient d’un effort particulier de création, au regard de l’impression d’ensemble donnée par son motif, ni au demeurant en quoi sa physionomie traduit un parti pris esthétique reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur.

C’est en conséquence à juste titre que le tribunal a retenu que ces dessins ne pouvaient bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur et a débouté la société DUBOS des demandes formées à ce titre.

Au titre du droit des dessins et modèles

La société DUBOS qui indique avoir divulgué et commercialisé sous son nom, les dessins «Arabesques », « Etoiles » et « Carreaux de ciment », au plus tôt en septembre 2016 soutient être recevable à agir au titre des dessins et modèles non enregistrés, chacun des motifs revendiqués étant nouveau et présentant un caractère individuel et aucun d’entre eux n’étant susceptible de produire sur l’utilisateur averti, soit un consommateur habituel de linge de maison, une impression globale identique ou un sentiment de « déjà vu ».

La société EURODIF soutient que la demanderesse n’établit pas que les conditions de la protection revendiquée soient réunies, versant aux débats différents modèles précédemment divulgués et attestant, selon elle, que les dessins en cause ne présentent pas le caractère individuel revendiqué.

Sur ce, l’article 4 § 1 du règlement communautaire n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires dispose que la protection d’un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel. Puis, en application des articles 5 § 1 a) et 6 § 1 a) du même règlement, un dessin ou modèle communautaire non enregistré est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première fois, et comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public avant cette même date. L’article 6 § 2 indique, en outre, que pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle. Par ailleurs, l’article 8 § 1 du même règlement dispose qu’un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique.

Et, en application de l’article 11 du même règlement, un dessin ou modèle communautaire non enregistré est réputé avoir été divulgué au public au sein de la Communauté s’il a été publié, exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière de telle sorte que, dans la pratique normale des affaires, ces faits pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans la Communauté.

La nouveauté d’un dessin ou modèle s’apprécie par comparaison globale entre le modèle tel qu’il est déposé et le modèle antérieurement divulgué qui est opposé, tous deux pris dans leur ensemble constitué par la combinaison de leurs éléments caractéristiques, et non par l’examen de chacun des éléments qui les composent pris isolément. Seule l’identité entre le modèle et la création divulguée, qui découle de l’absence de différences ou de l’existence de différences insignifiantes révélées par cet examen global, est destructrice de nouveauté, et il appartient à celui qui conteste la nouveauté du modèle de rapporter la preuve du contenu et de la date certaine de la divulgation de l’antériorité qu’il oppose.

L’examen du caractère individuel, quant à lui, doit être effectué de manière globale, en tenant compte du degré d’attention de l’utilisateur averti, se définissant comme doté non d’une attention moyenne, mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré, de l’importance respective qu’il y a lieu d’accorder aux différentes caractéristiques des dessins ou modèles comparés et, enfin, du degré de liberté du créateur qui varie selon la nature du produit.

Le dessin Arabesques

Pour contester la protection au titre du droit des dessins et modèle, il est opposé à la société DUBOS par la société EURODIF un dessin créé antérieurement par la société espagnole Peronda Group, fabricant de carreaux de céramique, en collaboration avec le designer de meubles vintage Francisco Segarra, diffusé sous la référence FS FAENZA, et issu de la collection FS by Peronda ceramicas, utilisé pour des travaux de restauration de la façade d’une maison située à [Adresse 5] en 2013, tel que représenté ci dessous.

Cependant, la cour constate d’abord que le motif opposé appartient à un ensemble plus vaste composé de huit autres motifs juxtaposés, dont il a été extrait pour les besoins de la cause.

En outre, si ce motif s’approche du détail d’une des séquences composant le modèle revendiqué, la cour rappelle qu’il convient de procéder à une comparaison globale entre le modèle tel qu’il est revendiqué et le modèle antérieurement divulgué qui est opposé, tous deux pris dans leur ensemble constitué par la combinaison de leurs éléments caractéristiques. Or, le dessin «arabesques» constitue un assemblage entre deux motifs dont la combinaison diffère notablement du modèle FAENZA, de sorte qu’il ne permet pas de détruire la nouveauté du modèle revendiqué, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal.

S’agissant de l’examen du caractère individuel, la cour retient que les dessins en cause sont apposés sur du linge de maison et que le degré de liberté de leur concepteur doit être considéré comme élevé, étant peu limité par des contraintes fonctionnelles. L’utilisateur averti peut être défini tant comme le consommateur moyen amateur de produits de décoration intérieure que comme le professionnel qui achète et revend ces produits.

Par ailleurs, le dessin arabesque est un dessin complexe jouant sur l’alternance de deux motifs, un motif arabesque et un motif de croix en quatre branches, et de formes pleines et creuses, rondes ou plus fines alors que le modèle opposé est constitué à l’origine d’une séquence de huit dessins très différents constituant un ensemble assez chargé, dont au surplus, un seul s’approche d’un des motifs constituant le modèle revendiqué. Ainsi, l’impression globale produite par le dessin revendiqué au regard de celle produite par l’ensemble FAENZA ou le motif qui en est extrait par la société EURODIF, diffère notablement sur l’utilisateur averti, qui percevra immédiatement à la fois cette différence d’aspect mais aussi de construction.

En conséquence, la société DUBOS est fondée à revendiquer la protection au titre du droit des dessins et modèles non enregistrés pour le motif «Arabesque».

Le dessin Etoiles

Pour contester la protection au titre du droit des dessins et modèle, il est opposé à la société DUBOS par la société EURODIF un dessin créé antérieurement par M. Francisco Segarra pour la société Peronda, présenté sous la référence « stars », diffusé par cette société sur sa page Facebook en février et avril 2016. L’intimée retient que ce dessin se caractérise par une alternance, de manière symétrique et géométrique, d’étoiles de forme elliptique et d’étoiles pleines de forme circulaire, qui, s’il ne constitue pas la reprise à l’identique du dessin revendiqué, produit la même impression d’ensemble au regard de sa structure, sa géométrie et des motifs qui le composent.

Sur ce, le modèle revendiqué se caractérise par la combinaison d’étoiles fines à quatre branches et d’étoiles pleines à huit branches, formant presque un disque, chaque dessin figurant sur la même ligne en alternance mais sans jamais se toucher. Le modèle opposé est composé également d’une combinaison d’étoiles très grosses à huit branches et d’étoiles plus petites et ramassées, ces étoiles étant reliées entre elles par des traits fins.

Contrairement à ce qu’a retenu le tribunal et ce que reconnaît la société EURODIF, le dessin précédemment divulgué par la société PERONDA ne peut être considéré comme identique au modèle «Etoiles», s’en différenciant notablement tant par les éléments qui le composent, que par son rendu beaucoup plus dense et chargé.

Pareillement, l’impression d’ensemble produite par ces deux modèles diffère notablement sur l’utilisateur averti, qui ne retrouvera nullement dans le dessin opposé le même rendu aérien et léger que celui présent dans le modèle «Etoiles».

En conséquence, la société DUBOS est fondée à revendiquer la protection au titre du droit des dessins et modèles non enregistrés pour son motif «Etoiles».

Le dessin «carreaux de ciment»

Pour contester la protection au titre du droit des dessins et modèle, la société EURODIF oppose à la société DUBOS un motif «red star» commercialisé sous la marque ATW présenté dans le mensuel Art & Décoration du mois de janvier 2012 et un dessin du créateur Nicholas BERTHETcréé en 2014 et commercialisé sous la référence DONATELLO, qui produisent, selon elle sur l’utilisateur averti une même impression globale à celle produite par le dessin revendiqué.

Le dessin «carreaux de ciment» se caractérise par la combinaison de manière symétrique et géométrique de deux lignes distinctes composées, d’une part, de fines étoiles à quatre branches placées au centre d’un losange aux formes légèrement incurvées, et d’autre part, d’une fleur à quatre pétales, en forme d’as de pique, placée au centre d’un cercle aux côtés discontinus.

Le dessin «Red Star» se caractérise par la combinaison de manière symétrique et géométrique de deux lignes distinctes composées, d’une part, par l’alternance d’un petit motif d’étoile dessiné dans un carré plein, puis d’une fleur à six pétales représentée dans un octogone plein, lui même entouré de petits points reliés au motif étoile et, d’autre part, une fleur à quatre pétales rehaussés chacun d’un point, alternant avec la même étoile précédemment décrite.

Enfin, le motif DONATELLO est inspiré du style florentin caractérisé par des motifs botaniques et floraux, et, plus précisément, est constitué d’une représentation d’une série de fleurs à six pétales placées dans un cercle crénelé lui même entouré de huit feuilles constituant un octogone irrégulier, alternant avec un losange aux bords larges avec en son centre un cercle creux.

La seule description des trois modèles en cause permet de retenir l’existence de différences significatives entre eux, de sorte que c’est à tort que le tribunal a retenu qu’il s’agissait de motifs identiques.

De même, il doit être retenu que les différents motifs opposés par la société EURODIF donnent tous une impression d’ensemble nettement différente de celle présentée par le modèle «carreaux de ciment» de la société DUBOS qui présente un aspect à la fois plus épuré et moderne que le modèle «Red Star», plus naïf, et que le modèle Donatello, plus chargé, outre que les formes les composant sont très différentes.

Par conséquent, l’utilisateur averti qu’est le consommateur amateur de produits de décoration intérieure ou le professionnel commercialisant les produits sur lesquels ce motif est apposé, n’y retrouvera pas combinée cette association d’une part de fines étoiles à quatre branches placées au centre d’un losange aux formes légèrement incurvées, et d’autre part d’une fleur à quatre pétales, en forme d’as de pique, placée au centre d’un cercle aux côtés discontinus, autant d’éléments caractéristiques du modèle revendiqué par l’appelante, de sorte qu’il convient de retenir que le motif «carreaux de ciment» apposé sur le linge de maison par la société DUBOS présente une apparence distincte de celle des autres motifs versés aux débats. La société EURODIF échoue ainsi à démontrer que le modèle en cause serait dépourvu de caractère individuel.

En conséquence, ce dessin est éligible à la protection au titre du droit des dessins et modèles.

Le jugement déféré doit donc être infirmé de ce chef, la société DUBOS étant en droit de revendiquer la protection triennale au titre du dessin communautaire non enregistré sur ses trois dessins sur la période du 1er septembre 2016 au 1er septembre 2019.

Sur la matérialité des actes de contrefaçon

La société DUBOS expose que la reprise à l’identique de l’ensemble des caractéristiques essentielles des trois dessins originaux revendiqués par la société DUBOS pour commercialiser du linge de lit caractérise clairement des actes de contrefaçon desdits dessins commis délibérément par la société EURODIF.

La société EURODIF ne formule dans ses écritures aucune remarque concernant la matérialité des faits de contrefaçon dénoncés.

La comparaison des motifs figurant sur les articles de linge de lit commercialisés par la société EURODIF avec les trois dessins Arabesques, Etoiles et Carreaux de ciment revendiqués par la société DUBOS permet d’établir qu’ils en constituent la reproduction servile.

Par conséquent, en commercialisant les produits litigieux référencés U0403DOUC060 / 4145007166451, U0402DOUC150 / 4145007166246, U0400DOUC180 / 4145007166345, U0403DOUC060 / 4145007166468, U0402DOUC150 / 4145007166253 et U0400DOUC230 / 4145007166857 de la gamme «Douceur», la société EURODIF a contrefait les dessins de la société DUBOS, tels que figurant sur ses collections ZAIA et PATNA, protégeables au titre des dessins et modèles communautaires non enregistrés.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement dont appel qui a rejeté les demandes présentées par la société DUBOS au titre de la contrefaçon des dessins et modèles.

– Sur les faits de concurrence déloyale et parasitaire:

Au titre des gammes de linge de lit PATNA et ZAIO

La société DUBOS dénonce la commission d’actes de concurrence déloyale distincts commis par la société EURODIF qui, au delà de la copie non autorisée des trois dessins, a décidé de les associer ensemble, de la même manière, dans les mêmes coloris et sur des produits identiques à ceux qu’elle commercialise, soit des taies d’oreiller, des édredons ainsi que des couvre lits.

La société EURODIF soutient d’abord que l’appelante n’invoque aucun fait distinct de ceux argués au titre la contrefaçon, et conteste les faits de concurrence déloyale invoqués, soulignant l’absence de risque de confusion, ses produits étant commercialisés sous sa marque, avec des coloris différents, l’imprimé type carreau de ciment étant couramment employé, créant un marché saturé et les produits revendiqués ayant été commercialisés par d’autres sociétés via leur site internet.

La concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l’article 1240 du code civil mais sont caractérisés par l’application de critères distincts, la concurrence déloyale l’étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d’autrui individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d`un savoir-faire, d`un travail intellectuel et d’investissements.

Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique qu’un produit ou un service qui ne fait pas l’objet d’un droit de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit ou par l’existence d’une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l’exercice paisible et loyal du commerce.

La charge de la preuve incombe au cas présent à l’appelante.

En l’espèce, la cour retient qu’en commercialisant à la même époque que la société DUBOS, la même gamme de produits de linge de lit que ses collections PATNA et ZAIO, (soit des taies d’oreiller, des édredons et des couvre-lits) revêtus de la même association de motifs en recto/verso sur les articles, dans des coloris identiques (vert céladon et jaune curry), aux dimensions très proches, la société EURODIF a commis des actes de concurrence déloyale distincts de ceux argués au titre de la contrefaçon de dessins et modèles, ces actes créant indubitablement une confusion dans l’esprit de la clientèle, au travers de l’effet de gamme ainsi créé, 6 produits de la gamme DOUCEUR étant concernés.

La cour constate au demeurant que la société EURODIF ne démontre nullement que l’usage de ce type de motifs sur du linge de lit était usuel en 2017, ni davantage que la société DUBOS commercialise ces articles précis sous marque blanche, le seul fait que les produits de l’appelante sont revendus par des tiers ou sur des «market place» étant sans emport, puisque portant sa marque Harmony, de même qu’il est indifférent que les produits commercialisés par la société EURODIF portent la marque BOUCHARA, les consommateurs pouvant à tout le moins être amenés à croire à l’existence d’un partenariat entre ces deux acteurs du même secteur.

En conséquence, il y lieu de retenir que la société EURODIF s’est livré à des actes de concurrence déloyale à l’encontre de la société DUBOS.

Au titre des serviettes de la gamme ISSEY

L’appelante estime que la société EURODIF a, en outre, commis des actes déloyaux et parasitaires par l’importation, l’offre à la vente et la vente de serviettes constituant des copies serviles de celles de la gamme ISSEY qu’elle commercialise depuis 2015 avec énormément de succès et qui constitue une de ses gammes phare.

L’intimée soutient qu’une société, qui ne jouit pas de droits de propriété intellectuelle sur un produit, ne peut être déclarée fondée à agir en concurrence déloyale à l’encontre d’une autre société, au seul motif que cette dernière aurait commercialisé un produit similaire, voire identique, au sien et rappelle que d’autres entreprises spécialisées dans la création et la commercialisation de linge de maison, ont proposé antérieurement ou continuent de proposer des articles revêtus de cette même broderie.

Ainsi, la société EURODIF fait valoir que DUBOS ne démontre aucunement en quoi ce détail de broderie serait emblématique de sa marque et apte à l’identifier aux yeux du public.

Sur ce, la cour rappelle que la copie même servile d’un article non protégeable n’est pas en soi suffisante pour qualifier de déloyale la commercialisation de tels produits.

Or, s’il est établi que la société EURODIF a effectivement commercialisé en septembre 2017 un modèle de serviette éponge comportant une broderie sombre très similaire à celle figurant sur le modèle de serviette ISSEY dont la commercialisation par la société DUBOS a débuté en 2015, la cour constate que le type de finition employé est issu du fonds commun de la broderie, d’autres sociétés ayant déjà apposé le même type de broderie, même en couleur sombre, sur les contours de pièces de linge de maison pour les ornementer ou créer un effet de contraste, de sorte que la société DUBOS n’établit nullement le risque de confusion allégué, même au regard des actes de concurrence déloyale attestés s’agissant des articles de linge de lit, et alors qu’elle admet fabriquer ce produit en marque blanche pour la société Cyrillus, ni davantage d’effet de gamme fautif, le fait de commercialiser des serviettes éponge en plusieurs coloris étant habituel.

De plus, si la société DUBOS démontre qu’elle commercialisait ce modèle de serviettes ainsi décoré avec succès depuis 2015, elle échoue cependant à établir, d’une part, que ce produit constituerait un «produit phare» de ses collections ou un «marqueur emblématique de sa marque», étant, certes, représenté régulièrement dans ses catalogues mais au même titre que d’autres références et ne faisant pas l’objet d’une mise en avant particulière dans la presse ou dans sa communication, et d’autre part qu’il serait le fruit d’une valeur économique individualisée résultant d’investissements et d’un savoir faire particulier, les dépenses mises en avant n’étant pas spécifiques au modèle revendiqué et les investissements quant à la création, s’agissant de l’apposition d’un point de broderie banal sur une serviette, étant nécessairement très limités .

En conséquence, il convient de débouter la société DUBOS des demandes formulées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire s’agissant de ses serviettes de la gamme ISSEY, le jugement querellé étant confirmé de ce chef.

– Sur les demandes de dommages et intérêts:

Au titre des faits de contrefaçon

La société DUBOS invoque au titre des préjudices subis, en lien avec les faits de contrefaçon, la banalisation et la dévalorisation de ses dessins, ainsi que les pertes financières notamment en terme de gain manqué, outre les bénéfices réalisés par la société EURODIF à son détriment.

La société EURODIF conteste la réalité des préjudice allégués, soulignant notamment que la société DUBOS ne justifie pas des frais engagés pour la création des dessins et qu’elle même a pris la peine de retirer de la vente les articles en cause dès le 3 novembre 2017.

La cour rappelle qu’en application de l’article L.521-7 du code de la propriété intellectuelle, ‘Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.’

Sur ce, la société DUBOS démontre que sa gamme de produits PATNA et ZAIO sur lesquels figurent les trois dessins protégés a connu un réel succès lui permettant de réaliser, depuis la date de leur commercialisation en septembre 2026 jusqu’au 1er novembre 2017, des chiffres d’affaires nets respectivement de 71.541,83 et 38.856,92 euros, et d’étendre la reproduction de ces dessins sur d’autres articles, tels que des serviettes de toilette.

Par ailleurs, il résulte de l’attestation du commissaire aux comptes de la société EURODIF en date du 17 janvier 2019 (pièce 72 de l’appelante) que celle ci a acquis les six références de la marque DOUCEUR en cause auprès d’une société chinoise en février 2017, soit 2.386 produits pour un prix d’achat de 21.805,47€, qu’elle a vendu au total 1.319 articles représentant un chiffre d’affaires net de 47.500€ et une marge HT de 22.547€, 867 articles restant en stock au 31 décembre 2018.

Il y a lieu, ainsi, de tenir compte de la banalisation et de la dévalorisation des dessins Arabesques, Etoiles et Carreaux de ciment, reproduits sur de nombreux articles commercialisés dans le vaste réseau de magasins exploités par la société EURODIF, à la même époque que la vente des produits des gammes ZAIO et PATNA de la société DUBOS. Cette commercialisation concomitante est également génératrice d’un manque à gagner pour l’appelante, outre le fait que la société EURODIF a réalisé des bénéfices non négligeables sur la vente de ces produits en économisant tout investissement intellectuel ou promotionnel pour profiter du succès rencontré auprès du public par les motifs en cause.

Au vu de cet ensemble d’éléments, appréciés distinctivement, la cour estime que le préjudice ainsi établi sera justement réparé par l’octroi d’une somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts.

Au titre des faits de concurrence déloyale

La société DUBOS invoque au titre des actes de concurrence déloyale distincts un préjudice subi résultant de l’atteinte à son image de marque, de la confusion générée chez sa clientèle, outre la dégradation de ses relations avec ses revendeurs, ce que conteste la société EURODIF.

Sur ce, la commercialisation concomitante, à tout le moins durant l’année 2017, par la société EURODIF, d’une gamme de linge de lit «DOUCEUR» identique à celles proposées par la société DUBOS sous les références ZAIA et PATNA est génératrice de confusion auprès du public et porte nécessairement atteinte à son image et à sa réputation, tant auprès de ses clients que de ses revendeurs, réputation avérée, comme le démontrent les très nombreux articles de presse attestant de son savoir faire ou mettant en valeur ses produits, atteinte aggravée par la commercialisation de ces produits dans de nombreux magasins présents sur l’ensemble du territoire.

Il doit cependant être tenu compte du fait qu’il n’est pas établi que la société EURODIF a communiqué largement pour promouvoir sa gamme «DOUCEUR» et qu’elle a ordonné le rappel d’au moins une partie des produits en cause en novembre 2017.

Le préjudice ainsi subi par la société DUBOS du fait de ces actes de concurrence déloyale sera justement réparé par l’octroi d’une somme de 10.000€ à titre dommages et intérêts.

– Sur les demandes complémentaires:

Sur les demandes d’interdiction de fabrication, de commercialisatio, de confiscation et de retrait des circuits commerciaux

Dans la mesure où la protection conférée au modèle de dessin revendiqué a expiré en septembre 2019 et eu égard à l’ancienneté des faits, aucun acte postérieur à l’année 2018 n’étant établi, il convient de débouter la société DUBOS de l’ensemble de ses demandes d’interdiction de fabrication, de commercialisation, de confiscation et de retrait des circuits commerciaux.

Sur les mesures de publications

Il n’y a pas lieu d’ordonner la publication de la présente décision, le préjudice subi par la société DUBOS étant suffisamment réparé par l’octroi des dommages et intérêts.

– Sur les autres demandes:

La société EURODIF, succombant, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés par Maître Edmond FROMENTIN conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant infirmées.

Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de condamner la société EURODIF à verser à la société DUBOS, une somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a :

– Dit que les motifs « arabesques », « étoiles » et « carreaux de ciment » ne sont pas protégeables au titre du droit d’auteur,

– Rejeté les demandes accessoires en interdiction, confiscation et publication de la société DUBOS,

– Rejeté l’action en concurrence déloyale et parasitaire formée par la société DUBOS, du fait de la commercialisation des linges de bain similaires à ceux de la gamme ISSEY, revêtus d’une broderie,

Statuant à nouveau et y ajoutant

– Dit que les motifs « arabesques », « étoiles » et « carreaux de ciment » divulgués par la société DUBOS sont protégeables au titre du droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés,

– Dit que la société EURODIF, en important, en offrant à la vente et en vendant des articles portant les références U0403DOUC060 / 4145007166451, U0402DOUC150 / 4145007166246, U0400DOUC180 / 4145007166345, U0403DOUC060 / 4145007166468, U0402DOUC150 / 4145007166253 et U0400DOUC230 / 4145007166857 de la gamme «Douceur» reproduisant servilement les dessins Arabesques, Etoiles et Carreaux de ciment de la société DUBOS s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon;

– Dit que la société EURODIF a commis des actes distincts de concurrence déloyale en commercialisant des articles de linge de lit similaires à ceux des gammes PATNA et ZAIO commercialisés par la société DUBOS,

– Condamne la société EURODIF à verser à la société DUBOS la somme de 20.000€ en réparation du préjudice subi par les faits de contrefaçon des dessins et modèles,

– Condamne la société EURODIF à verser à la société DUBOS la somme de 10.000€ en réparation du préjudice subi par les faits distincts de concurrence déloyale,

– Déboute la société DUBOS de ses autres demandes,

– Dit que la liquidation de l’astreinte restera de la compétence du juge de l’exécution,

– Condamne la société EURODIF aux dépens de première instance d’appel, qui pourront être recouvrés par Maître Edmond FROMENTIN conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

– Condamne la société EURODIF à verser à la société DUBOS une somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais de la saisie-contrefaçon.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x