Jurisprudence sur l’Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : 15 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 18/21343

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Jurisprudence sur l’Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : 15 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 18/21343
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15 juin 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
18/21343

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 15 JUIN 2022

(n° 103/2022, 20 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 18/21343 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6N4R

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mars 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – 3ème chambre – 2ème section – RG n° 15/19131 – Jonction avec le dossier 18/21417

APPELANTES

SA [M] INTERNATIONAL

Société de droit suisse

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 8]

[Localité 1]

SUISSE

Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistée de Me Emmanuelle HOFFMAN de la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0610

SA LE PETIT-FILS DE L.U. [M] & CIE

Société de droit suisse

Immatriculée au Registre du Commerce du canton de Genève sous le numéro CHE-101.762.030

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

SUISSE

Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistée de Me Emmanuelle HOFFMAN de la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0610

SARL H. [B]

Société au capital de 5 000 000 eyris

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 542 030 630

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée de Me Marc PICHON DE BURY de la SELASU DE BURY AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1740

INTIMEES

SA [M] INTERNATIONAL

Société de droit suisse

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 8]

[Localité 1]

SUISSE

Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistée de Me Emmanuelle HOFFMAN de la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0610

SA LE PETIT-FILS DE L.U. [M] & CIE

Société de droit suisse

Immatriculée au Registre du Commerce du canton de Genève sous le numéro CHE-101.762.030

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

SUISSE

Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistée de Me Emmanuelle HOFFMAN de la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0610

SARL H. [B]

Société au capital de 5 000 000 eyris

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 542 030 630

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée de Me Marc PICHON DE BURY de la SELASU DE BURY AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1740

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Mme Déborah BOHÉE, conseillère,

Mme Agnès COCHET-MARCADE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La société de droit suisse LE PETIT-FILS DE L.U. [M] & CIE (ci-après, la société [M]) se présente comme créant et commercialisant des articles de joaillerie et d’horlogerie de prestige sous la marque « [M] ».

Elle expose commercialiser depuis les années 1980 une collection de bijoux « Happy Diamonds » qui est rééditée chaque année depuis sa création, la particularité commune des bijoux de cette collection étant qu’ils renferment entre deux parois transparentes des diamants mobiles.

La société de droit suisse [M] INTERNATIONAL, qui a pour objet social l’exploitation de brevets, licences et marques, est notamment titulaire des dessins et modèles internationaux désignant la France suivants :

– DM/048 915 déposé en date du 14 avril 1999, notamment pour 3 pendentifs : un pendentif carré n°79.1 ; deux pendentifs ronds n° 81.1 et 85.1, et une bague coeur n°22.1 :

– DM/052 597 déposé en date du 22 mars 2000, notamment pour un pendentif coeur n°24 :

La société H. [B] se présente comme une société spécialisée dans la fabrication, l’achat et la vente de bijoux, filiale française du groupe thaïlandais PRANDA JEWELRY PUBLIC COMPANY LIMITED (ci-après, le groupe PRANDA), créée en 1880 et qui distribue aujourd’hui ses produits dans des boutiques en France, mais également en Grande-Bretagne, en Belgique, en Allemagne, et dans le sud de l’Asie.

Ayant constaté la commercialisation par la société H. [B] de bijoux reprenant, selon elles, les caractéristiques principales de 11 bijoux de la collection « Happy Diamonds », après avoir procédé à des constats d’huissier sur internet en date des 16 juin 2014, 8 juillet, 3 septembre et 25 septembre 2015, les sociétés [M] et [M] INTERNATIONAL (ci-après, les sociétés [M]) ont assigné la société H. [B] en contrefaçon de droits d’auteur et de modèles enregistrés, ainsi qu’en concurrence déloyale et parasitaire, le 23 décembre 2015.

Une procédure avait été précédemment diligentée en Suisse par les sociétés [M] en 2005 à l’encontre de la société TENTATION BIJOUX, commercialisant une collection de bijoux « Dancing Diamonds » provenant de la société JOURDAN JOAILLIER, qu’elles considéraient contrefaisante. Par un arrêt en date du 8 juin 2007, la cour de justice du Canton de Genève a prononcé la nullité, notamment, de la partie suisse du modèle DM/048 915 n°85.1 du 14 avril 1999, constatant une auto-divulgation du fait de la commercialisation des bijoux par la société [M] antérieurement au dépôt.

Par jugement rendu le 23 mars 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :

– rejeté le moyen d’irrecevabilité tiré de la prescription ;

– dit que la bague double attache référence 824321, la bague carrée pavée référence 822896, le pendentif c’ur non pavé référence 794611 (3 diamants) et 794612 (5 diamants), le pendentif c’ur pavé référence794502, le pendentif carré bord fin référence 79/3210-20, le pendentif carré bord large référence 792938, le pendentif rond pavé référence 793926 (5 diamants) et 793053 (3 diamants), et les bagues c’ur références 824854 et 824354 ne sont pas protégeables par le droit d’auteur ;

– rejeté en conséquence les demandes des sociétés [M] en contrefaçon de droit d’auteur ;

– annulé la partie française des modèles DM/048 915 (79.1 ; 81.1 ; 85.1 ; 22.1) et DM/052597 (n°24) pour défaut de nouveauté ;

– dit que la décision sera transmise, une fois celle-ci devenue définitive, à l’initiative de la partie la plus diligente, à l’INPI aux fins d’inscription au registre national des modèles ;

– déclaré en conséquence irrecevables les demandes des sociétés [M] sur le fondement de la contrefaçon de modèles ;

– dit qu’en commercialisant 11 bijoux très similaires à ceux de la collection « Happy Diamonds » de la société [M] sous la dénomination « Dancing Diamonds », la société H. [B] a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l’encontre de la société LE PETIT-FILS DE L.U. [M] & CIE ;

– interdit à la société H. [B] la poursuite de ces agissements, et ce sous astreinte de 350 euros par produit, passé un délai de un mois à compter de la signification de la présente décision pendant une durée de 4 mois ;

– autorisé la publication de l’insertion suivante extraite du dispositif du présent jugement : « Par décision en date du 23 mars 2018, le tribunal de grande instance de Paris a notamment jugé que la société H. [B] a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l’encontre de la société LE PETIT-FILS DE L.U. [M] & CIE SA et l’a condamnée à indemniser la société LE PETIT-FILS DE L.U. [M] & CIE SA en réparation des préjudices subis de ce fait. », et ce dans trois journaux ou revues au choix de la demanderesse et aux frais de la défenderesse, sans que le coût de chaque publication excède, à la charge de celle-ci, la somme de 3.500 euros H.T. ;

– dit que le tribunal se réservait la liquidation des astreintes ;

– condamné la société H. [B] à payer à la société LE PETIT-FILS DE L.U. [M] & CIE SA la somme globale de 50 000 euros en réparation de ses préjudices au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme ;

– rejeté le surplus des demandes ;

– condamné la société H. [B] aux dépens et au paiement aux [M] de la somme globale de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, à laquelle s’ajouteront les frais de constat d’huissier ;

– ordonné l’exécution provisoire du jugement sauf en ce qui concerne les mesures de publication.

Les sociétés [M], les 26 et 27 septembre 2018, puis la société H. [B], les 2 et 3 octobre 2018, ont interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 4 février 2020 de la conseillère de la mise en état, l’ensemble des procédures ont été jointes.

Dans leurs dernières conclusions numérotées 2 transmises le 24 octobre 2019, les sociétés [M] demandent à la cour :

– d’infirmer le jugement entreprise en ce qu’il a :

– dit que la bague double attache référencée 824321, que la bague carrée pavée référencée 822896, que le pendentif [M] coeur non pavé référencé 794611 (3 diamants) et 794612 (5 diamants), le pendentif [M] coeur pavé référencé 794502, le pendentif [M] carré bord fin référencé 79/3210-20, le pendentif [M] carré bord large référencé 792938, le pendentif [M] rond pavé réferencé 793926 (5 diamants) et 793053 (3 diamants) et les bagues [M] coeur référencées 824854 et 824354 ne sont pas protégeables par le droit d’auteur,

– rejeté les demandes des sociétés [M] en contrefaçon d’auteur,

– annulé la partie française des modèles DM / 048 915 (79.1; 81.1; 85.1; 22.1) et DM / 052597 (N°24) pour défaut de nouveauté,

– déclaré irrecevables les demandes des sociétés [M] sur le fondement de la contrefaçon de modèles,

– de confirmer le jugement en ce qu’il a :

– rejeté le moyen d’irrecevabilité tiré de la prescription,

– dit qu’en commercialisant 11 bijoux très similaires à ceux de la collection « HAPPY DIAMONDS » de la société [M] sous la dénomination « DANCING DIAMONDS », la société H [B] a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l’encontre de la société LE PETIT FILS DE LU [M] SA,

– statuant à nouveau :

– de dire que la société H. [B] en commercialisant des modèles reprenant les principales caractéristiques originales des modèles de bijoux HAPPY DIAMONDS appartenant à la société [M] INTERNATIONAL, s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon au sens des dispositions des livres I, III et V du code de la propriété intellectuelle,

– de dire que la société H. [B] s’est également rendue coupable d’actes de concurrence déloyale au sens de l’article 1240 du code civil,

– de dire que la société H. [B] s’est également rendue coupable d’actes de parasitisme au sens de l’article 1240 du code civil,

– en conséquence :

– de faire interdiction à la société H. [B] de poursuivre la commercialisation, directe ou indirecte, des 11 modèles litigieux visés aux présentes, et tout autre modèle similaire aux modèles protégés appartenant à la société [M] INTERNATIONAL, sous astreinte de 3000 euros par modèle commercialisé et de 10 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

– d’en ordonner la destruction sous contrôle d’huissier aux frais de la défenderesse, dans un délai de huit jours à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard,

– d’ordonner la destruction sous contrôle d’huissier aux frais de la défenderesse, des matériels de production de la marchandise contrefaisante (plans/programmes/ dessins), dans un délai de huit jours à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard,

– de condamner la société H. [B] à verser à la société [M] INTERNATIONAL en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon une indemnité de 500 000 euros, à parfaire,

– de condamner la société H. [B] à verser aux sociétés [M] la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis sur le fondement de l’article 1240 du code civil,

– d’ordonner à la société H. [B] de communiquer, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, les quantités de produits litigieux, livrées, reçues et /ou commandées, commercialisées, et vendues pour le territoire français, certifiées conformes par un expert-comptable indépendant ou un commissaire aux comptes,

– d’ordonner l’insertion de l’arrêt à intervenir dans trois publications (journal ou magazine), en format page entière, au choix des sociétés [M] et aux frais de la société H. [B] ; la publication devra être effectuée de façon visible, et en toute hypothèse, sans mention ajoutée, et en police de caractère ARIAL, de taille 14, droits, de couleur noire sur fond blanc, dans un encadre de 468 x 210 pixels, en dehors de tout encart publicitaire, le texte devant être précédé du titre « COMMUNIQUE JUDICIAIRE », en lettres capitales et en police de caractères ARIAL de taille 16 et ce, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,

– d’ordonner la publication de l’arrêt à intervenir sur la première page du site internet www.[06].fr/ , pendant un mois, aux frais de la société H. [B] ; la publication devra être effectuée sur la partie supérieure de la page d’accueil dudit site internet, de façon visible, et en toute hypothèse, au-dessus de la ligne de flottaison, sans mention ajoutée, et en police de caractère ARIAL, de taille 14, droits, de couleur noire sur fond blanc, dans un encadre de 468 x 210 pixels, en dehors de tout encart publicitaire, le texte devant être précédé du titre « COMMUNIQUE JUDICIAIRE », en lettres capitales et en police de caractères ARIAL de taille 16 et ce, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,

– de condamner la société H. [B] à verser aux sociétés [M] la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de débouter la société H. [B] de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive,

– de condamner la société H. [B], aux entiers dépens de la présente instance, y compris les frais de constat dont distraction pour ceux le concernant au profit de Me François TEYTAUD, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions numérotées 3 transmises le 19 janvier 2021, la société H. [B] demande à la cour :

– de confirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit que la bague double attache référence 824321, la bague carrée pavée référence 822896, le pendentif c’ur non pavé référence 794611 (3 diamants) et 794612 (5 diamants), le pendentif c’ur pavé référence 794502, le pendentif carré bord fin référence 79/3210-20, le pendentif carré bord large référence 792938, le pendentif rond pavé référence 793926 (5 diamants) et 793053 (3 diamants), et les bagues c’ur référence 824854 et 824354 ne sont pas protégeables par le droit d’auteur,

– rejeté en conséquence les demandes des sociétés [M] en contrefaçon de droits d’auteur,

– annulé la partie française des dépôts DM/048 915 (79.1 ; 81.1 ; 85.1 ; 22.1) et

DM/052597 (n°24) pour défaut de nouveauté,

– dit que la décision sera transmise, une fois celle-ci devenue définitive, à l’initiative de la partie la plus diligente, à l’INPI, aux fins d’inscription au registre national des modèles,

– déclaré en conséquence irrecevables les demandes des sociétés [M] sur le fondement de la contrefaçon de modèles,

– d’infirmer le jugement en ce qu’il a :

– rejeté le moyen d’irrecevabilité tiré de la prescription,

– dit qu’en commercialisant onze (11) bijoux très similaires à ceux de la collection Happy Diamonds sous la dénomination Dancing Diamonds, H. [B] a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l’encontre des sociétés [M],

– interdit à la société H. [B] la poursuite de ces agissements, et ce sous astreinte de 350 Euros par produit, passé un délai d’un (1) mois à compter de la signification de la présente décision pendant une durée de quatre (4) mois,

– autorisé la publication de l’insertion suivante extraite du dispositif du jugement : «Par décision en date du 23 mars 2018, le Tribunal de grande instance de Paris a notamment jugé que la société H. [B] a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l’encontre de la société Le Petit-Fils de L.U. [M] & Cie SA et l’a condamnée à indemniser la société Le Petit-Fils de L.U. [M] & Cie SA en réparation des préjudices subis de ce fait», et ce dans trois journaux ou revues au choix de la demanderesse et aux frais de la défenderesse, sans que le coût de chaque publication n’excède, à la charge de celle-ci, la somme de 3 500 Euros HT,

– dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes,

– condamné la société H. [B] à payer à la société Le Petit-Fils de L.U. [M] & Cie SA la somme globale de 50 000 Euros en réparation de ses préjudices au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme,

– condamné la société H. [B] à payer aux sociétés [M] la somme globale de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, à laquelle s’ajouteront les frais de constat d’huissier,

– rejeté le surplus des demandes de la société H. [B] et notamment celle relative aux dommages et intérêts pour procédure abusive,

– condamné la société H. [B] aux entiers dépens,

– statuant de nouveau :

– à titre liminaire, de juger que l’action des sociétés [M] est prescrite,

– sur le fond :

– de juger que la société H. [B] n’a commis aucun acte de concurrence déloyale et parasitaire à l’encontre des sociétés [M],

– de juger que les sociétés [M] ne démontrent pas la réalité et l’ampleur des préjudices qu’elles prétendent avoir subis,

– en tout état de cause :

– de débouter les sociétés [M] de l’ensemble de leurs demandes,

– de condamner les sociétés [M] à verser à la société H. [B] la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– de condamner les sociétés [M] à payer à la société H. [B] la somme de 50 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner les sociétés [M] aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction pour ceux d’appel au profit de la SELARL BDL AVOCATS en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 mars 2021.

MOTIFS DE L’ARRET

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur la prescription de l’action des sociétés [M]

La société H. [B] soutient, au visa de l’article 2224 du code civil, que les sociétés [M] ont eu connaissance à compter de 2004 de la commercialisation des modèles litigieux par la société suisse TENTATION BIJOUX, de sorte que les actions entreprises sur le fondement de la contrefaçon de droit d’auteur et de modèles et sur le fondement de la concurrence déloyale étaient prescrites à la date de l’assignation, le 23 décembre 2015.

En réponse, les sociétés [M] soutiennent que la contrefaçon est un délit continu, chaque commercialisation d’un bijou contrefaisant constituant, au sens de l’article 2224 du code civil, un fait faisant courir un délai de prescription distinct à compter de la connaissance qu’en a celui qui exerce l’action. Elles estiment par conséquent que leur action est recevable pour les actes contrefaisants commis moins de cinq ans avant l’assignation, les premiers faits incriminés en l’espèce datant de 2014. Elles arguent en outre que les faits incriminés au sein de la présente procédure sont distincts de ceux dénoncés en 2004 par les sociétés [M] dans le cadre de la procédure suisse dès lors que les sociétés TENTATION BIJOUX et H. [B] n’ont aucun lien de droit, que la quasi-totalité de leurs modèles n’était pas invoquée lors de la procédure suisse et que les références des modèles litigieux de la présente espèce sont différentes de celles des produits commercialisés par la société TENTATION BIJOUX.

Ceci étant exposé, aux termes de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ; l’article L. 521-3 du code de la propriété intellectuelle, propre aux dessins et modèles, dispose que l’action civile en contrefaçon se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître le dernier fait lui permettant de l’exercer.

C’est à juste raison que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription en retenant que la société H.[B] ne peut arguer de l’existence du contentieux ayant opposé en Suisse les sociétés [M] à la société TENTATION BJOUX (concernant des bijoux fournis par la société JOURDAN JOAILLIER), étrangère à la présente instance, pour soutenir que le délai de prescription aurait commencé à courir dès 2004, au moment de la mise en demeure adressée par les sociétés [M] à la société TENTATION BJOUX, alors qu’il est constant que c’est à partir d’octobre 2012 que la société H. [B] a commercialisé une collection de bijoux sous la marque ‘DANCING DIAMONDS BY H. [B]’ enregistrée le 4 octobre 2012 et qu’il n’est pas démontré que les sociétés [M] auraient eu ou auraient dû avoir connaissance de ces faits avant cette date.

Il sera ajouté que si, comme le soutient la société H. [B], les bijoux litigieux dans le cadre de la présente procédure sont les mêmes que ceux objets de la procédure suisse dès lors que le groupe PRANDA auquel elle appartient a acquis la collection « Dancing Diamonds » de la société JOURDAN JOAILLIER en juillet 2012 pour lui en confier la commercialisation, le délai de prescription aurait alors dû courir à compter de cette reprise de la collection par la société H. [B] à l’été 2012, de sorte qu’en tout état de cause, la prescription n’était pas acquise à la date de l’assignation le 23 décembre 2015.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté le moyen d’irrecevabilité tiré de la prescription.

Sur la contrefaçon

Sur la contrefaçon de droits d’auteur

Sur l’originalité des bijoux ‘Happy Diamonds’

Les sociétés [M] soutiennent que les combinaisons de l’ensemble des éléments des trois bagues et des quatre pendentifs qu’elles opposent sont originales. Elles font en outre valoir que la société H. [B] ne verse aux débats aucun modèle similaire préexistant susceptible de remettre en cause l’originalité de ces combinaisons.

La société H. [B] conteste les droits d’auteur revendiqués par les sociétés [M], faisant valoir que les caractéristiques essentielles des bijoux sont dépourvues de tout caractère original, des bijoux incorporant des éléments décoratifs mobiles entre deux parois transparentes ou revêtant la forme d’un coeur, d’un cercle ou d’un carré étant connus depuis fort longtemps dans le domaine de la bijouterie, le pavage de diamants sur ces formes ne leur conférant aucune originalité et la combinaison revendiquée par les sociétés [M] d’une forme de coeur, de rond ou de carré, et de bijoux incorporant des éléments décoratifs mobiles entre deux parois transparentes ne reflétant en rien la personnalité d’un auteur et l’apport créatif de [M].

En vertu de l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. L’article L.112-1 du même code protège par le droit d’auteur toutes les ‘uvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, pourvu qu’elles soient des créations originales. Il se déduit de ces dispositions, le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale. Selon l’article L. 112-2, 14° du même code, sont considérées comme ‘uvres de l’esprit les créations des industries saisonnières de l’habillement et de la parure.

La notion d’antériorité est indifférente en droit d’auteur, celui qui se prévaut de cette protection devant plutôt justifier de ce que l’oeuvre revendiquée présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur. Toutefois, l’originalité doit être appréciée au regard d’oeuvres déjà connues afin de déterminer si la création revendiquée s’en dégage d’une manière suffisamment nette et significative, et si ces différences résultent d’un effort de création, marquant l’oeuvre revendiquée de l’empreinte de la personnalité de son auteur.

Les sociétés [M] caractérisent ainsi qu’il suit l’originalité des bijoux revendiqués :

‘ la bague ronde double attache référencée 82/4321

– un cercle central épais ;

– l’anneau de la bague se dédouble à mi-hauteur dans sa partie supérieure pour former quatre fines branches latérales qui se prolongent jusqu’au sommet et à la base du cercle central, créant ainsi un effet « d’espace et de légèreté » entre les branches de l’anneau et le cercle ;

– le cercle central est apposé en superposition de l’anneau, qui le soutient par le sommet et sa base ;

– à l’intérieur du cercle, quelques diamants mobiles isolés les uns des autres circulent librement et dans un large espace au sein de deux parois transparentes.

Les appelantes ajoutent qu’a été ainsi créé un modèle de bague à la forme à la fois massive (du fait de l’épaisseur du cercle central) et délicate par les quatre branches latérales de l’anneau qui se dédoublent pour laisser entrevoir le doigt de chaque côté du cercle ; que l’ensemble (le cercle central et les quatre branches et de l’anneau) est en combinaison avec des diamants mobiles dont la liberté de mouvement dans un large espace à l’intérieur du cercle procure et rappelle ainsi la même impression d’espace et de légèreté que celle entre les 4 branches de l’anneau et le cercle ; que la structure de la bague, avec son anneau souligné par les quatre branches latérales, est destinée à mettre en valeur les diamants mobiles circulant librement au sein d’un cercle central.

‘ la bague carrée pavée référencée 82/2896

– un anneau large et épais, dont le profil présente une section carrée ;

– au centre de l’anneau et sur sa partie supérieure s’insère un élément de forme carrée dont les contours sont larges et épais ;

– à l’intérieur et au centre du carré, un diamant mobile et isolé circule librement entre deux parois transparentes ;

– le pourtour du carré est entièrement pavé de diamants sur le dessus, tandis que les quatre surfaces latérales du carré sont sans pavage.

Les appelantes ajoutent que la structure massive, plate et anguleuse de la bague (épaisseur, sections carrées) est destinée à permettre l’insertion d’un diamant mobile à l’intérieur et au centre du carré ; que la largeur à la fois de l’anneau et du carré permet en effet l’insertion d’un espace central transparent suffisamment grand pour que la mobilité du diamant puisse réellement être mise en valeur ; que la structure est pensée autour du diamant mobile, afin que celui-ci ait suffisamment de place pour bouger au sein de la bague ; que de la même façon, le pavage sur le dessus de la bague met également en valeur ce diamant mobile en en rappelant l’éclat sur le pourtour.

‘ la bague coeur non pavée référencée 82/4854 (un diamant)

– un anneau assez épais;

– en son centre et sur sa partie supérieure s’insère une forme de c’ur en métal précieux, elle aussi épaisse, l’anneau rejoignant le c’ur au milieu de chacune de ses ailes;

– au sein du c’ur dont les pointes et le creux sont peu prononcés circule librement et isolément un diamant mobile entre deux parois transparentes.

‘ la bague coeur non pavée à bords plats référencée 82/4354 (un diamant)

– un anneau épais large et plat dont le profil présente une section carrée;

– en son centre et sur sa partie supérieure s’insère une forme de c’ur en métal précieux elle aussi épaisse, large et plate et dont le profil présente une section carrée, l’anneau rejoignant le c’ur au milieu de chacune de ses ailes ;

– au sein du c’ur dont les pointes et le creux sont peu prononcés circule librement et isolément un diamant mobile entre deux parois transparentes.

Les appelantes précisent que pour ces deux bagues, le parti pris esthétique réside dans le fait que les bagues, par l’épaisseur et l’aspect plat des éléments (c’ur et anneau) en métal précieux qui les composent, conservent une présence forte et marquante visuellement tout en permettant au diamant mobile de « s’exprimer » dans un espace suffisamment large ; que cela crée un contraste entre la structure en métal précieux très présente et le caractère très aéré du centre de la bague au sein du c’ur, qui laisse passer la lumière grâce aux deux parois transparentes.

‘ les pendentifs c’ur non pavés référencés 79/4611 (3 diamants) et 79/4612 (5 diamants)

Le appelantes indiquent que ces deux modèles correspondent en réalité à un seul et même modèle, qui présente une même forme de c’ur, mais dont la taille et le nombre de diamants à l’intérieur des parois transparentes varient selon les références, la référence 79/4611 étant composée d’un c’ur plus petit et de 3 diamants tous de même taille mais plus petits, tandis que la référence 79/4612, est composée d’un c’ur plus grand et de 5 diamants tous de même taille mais plus grands.

Elles exposent que ce modèle se caractérise par :

– une forme de c’ur en or jaune aux contours épais, lisses et doux (pointes et creux peu prononcés) ;

– une longue bélière s’évasant très légèrement vers le haut, située au creux du c’ur ;

– à l’intérieur et au centre du c’ur, quelques diamants mobiles isolés les uns des autres circulent librement entre deux parois transparentes.

Elles précisent que l’empreinte de la personnalité de l’auteur se traduit par un c’ur aux formes douces, dont la surface externe et le volume intérieur sont suffisamment grands pour permettre l’insertion en son centre de diamants mobiles et isolés les uns des autres ; que le parti pris esthétique réside dans le fait de mettre en valeur ces diamants mobiles en leur laissant un espace suffisamment important pour que leur mobilité et leur éclat soient mis en valeur ; que la forme est par conséquent pensée pour cette mise en valeur ; que plus particulièrement, les contours du c’ur sont épais afin que la structure en métal précieux (or jaune) soit présente et marquante visuellement, malgré la place prépondérante qu’occupe l’espace central composé des deux parois transparentes.

‘ le pendentif c’ur pavé référencé 79/4502 (3 diamants)

– une forme de c’ur en métal précieux (or blanc avec pavage) aux contours épais, lisses et doux (pointes et creux peu prononcés) ;

– une bélière courte et droite, située au creux du c’ur ;

– le c’ur est pavé de diamants ronds sur son contour, tandis que les surfaces latérales sont dépourvues de pavage ;

– à l’intérieur et au centre du c’ur, quelques diamants mobiles ronds isolés les uns des autres circulent entre deux parois transparentes.

Selon les appelantes, le parti pris esthétique réside dans le fait de mettre en valeur les diamants mobiles ronds en leur laissant un espace suffisamment important pour que leur mobilité et leur éclat soient mis en valeur ; que la forme est par conséquent pensée pour cette mise en valeur ; que plus particulièrement, les contours du c’ur sont épais afin que la structure en métal précieux (or blanc avec pavage) soit présente et marquante visuellement, malgré la place prépondérante qu’occupe l’espace central composé des deux parois transparentes ; que le pavage de diamants ronds, qui souligne et rappelle les diamants ronds à l’intérieur de l’espace central, renforce encore ce lien et l’unité de rondeur entre les diamants du pavage et ceux qui circulent librement entre les parois transparentes.

‘ le pendentif carré à bords fins référencé 79/3210 (3 diamants)

– une forme carrée externe ;

– l’insertion à l’intérieur et au centre du carré externe d’un carré interne composé de parois transparentes au sein desquelles circulent des diamants mobiles isolés les uns des autres ;

– les pourtours du carré externe sont lisses et plans ;

– une bélière massive, très large, droite et rectangulaire est fixée au centre du pendentif au-dessus du carré externe ;

Les appelantes ajoutent que le parti pris esthétique consiste ici à laisser le plus de place possible aux diamants mobiles, tout en conservant une présence significative du métal précieux à travers des pourtours assez marqués du carré et une bélière très présente. ; que tout est ici question d’équilibre subtil entre la légèreté des parois transparentes et la présence d’une surface en métal précieux qui les enserrent, afin de mettre en valeur les diamants et permettre leur mobilité, tout en produisant un modèle visuellement assez présent et marquant.

‘ le pendentif carré à bords larges référencé 79/2938 (un diamant)

– un pendentif de petite taille, de forme carrée, large et épais;

– l’insertion à l’intérieur et au centre du carré externe d’un petit carré interne composé de deux parois transparentes au sein desquelles circule un unique diamant mobile isolé ;

– les pourtours du carré externe sont très larges, et fortement biseautés sur la face avant, laissant ainsi apparaître quatre plans inclinés soulignés par des arêtes vives aux quatre angles du carré externe ;

– le profil des quatre côtés du carré externe est large, épais et droit ;

– une bélière très large et droite est fixée au centre du pendentif sur le dessus du carré externe.

Les appelantes précisent que pour ce modèle, le parti pris esthétique est celui d’un coffre, massif, qui enfermerait un unique diamant ; que l’aspect biseauté des pourtours sur la face avant du carré externe met en valeur le diamant qui semble ainsi disposé au sommet d’une pyramide ; qu’il s’agit là encore de trouver une manière particulière et singulière de mettre en valeur le diamant mobile, en lui laissant la place d’évoluer et en imaginant une structure en métal précieux focalisant l’attention du public sur ce diamant.

‘ le pendentif rond pavé référencé 79/3053 (3 diamants) présenté avec le pendentif rond pavé référencé 79/3926 (5 diamants)

– une forme ronde en métal précieux (or blanc avec pavage), épaisse, plate et dont le profil présente une section carrée ;

– l’insertion à l’intérieur et au centre du rond externe d’un petit rond interne composé de deux parois transparentes au sein desquelles circulent des diamants mobiles isolés les uns des autres ;

– le pendentif est relié à la chaîne par une bélière massive, très large, droite et rectangulaire située au centre du pendentif au-dessus du rond externe.

Il est expliqué que le parti pris esthétique réside ici dans les contours épais et plats du rond extérieur, afin que la structure en métal précieux soit présente et marquante visuellement, malgré la place prépondérante qu’occupe l’espace central composé des deux parois transparentes ; que l’idée est toujours de laisser une place prépondérante à l’espace central afin que les diamants soient significativement mobiles, tout en préservant une structure en métal précieux présente et marquante afin que le bijou conserve son caractère propre ; que le pavage de diamants sur le rond externe, qui souligne et rappelle les diamants ronds à l’intérieur de l’espace central, renforce encore ce lien et l’unité de rondeur entre le rond pavé externe et les diamants qui circulent librement entre les parois transparentes.

Cependant, la société H. [B] justifie que dans les années 1970, le bijoutier [D] [W] a créé une ligne de bijoux ‘Diamants captifs’ consistant notamment en des pendentifs se composant d’un miroir d’or poli reflétant un ou plusieurs diamants, l’ensemble étant enchâssé dans un volume de plexiglas pur (pièce 25) et que ce même bijoutier a créé un pendentif ‘Diamant libre’ en 1970 comprenant un diamant enfermé dans un pendentif en forme de cube aux faces transparentes (pièce 26). L’intimée établit également que M. [J] [U] a déposé un brevet publié le 5 octobre 1979, intitulé ‘bijou’, concernant un pendentif dont la partie centrale est composée de deux plaques transparentes entre lesquelles est disposé un produit ‘pulvérulent’ (poudre) (pièce 22), que des pendentifs comportant de la poudre ou des billes d’or entre deux plaques de verre ont été commercialisés en 1977 par l’inventeur et salués dans la presse (pièce 30), et que M. [U] a déposé un autre brevet, le 28 juillet 1989, intitulé ‘perfectionnements aux bijoux’ concernant un bijou comprenant deux plaques dont l’une au moins est transparente et une pierre précieuse ‘en taille brillant, tel qu’un diamant par exemple’ reposant librement sur une rampe (pièce 23), des bijoux [J] [U] ayant été proposés à la vente, notamment dans une boutique à [Localité 7] ([Localité 7]), et le créateur ayant été récompensé de neuf ‘Diamond Awards’ selon un article du Figaro Madame de 2005 (pièce 47). Sont en outre fournis plusieurs pièces qui, bien que non datées, montrent la commercialisation contemporaine de bijoux (bagues, pendentifs) recourant à la technique de l’insertion d’éléments décoratifs mobiles (pierres précieuses, diamants…) entre deux parois transparentes (pièces 32.1à 32.6). C’est donc à juste raison que les premiers juges ont retenu que le fait d’insérer des diamants mobiles entre deux plaques de verre appartient au fonds commun de la joaillerie et de la bijouterie depuis les années 1970.

C’est également pour de justes motifs, que la cour adopte, que les premiers juges ont estimé que les formes revendiquées pour les bagues (formes rondes ou carrées ou en coeur, avec un anneau dédoublé (ref. 82/4321) ou large/épais (ref. 82/2896 et 82/4854) ou plat (ref. 82/4354), avec ou sans pavage de diamants, avec la partie centrale et ornée de la bague positionnée au centre et sur la partie supérieure de l’anneau (ref. 82/4354)) et pour les pendentifs (coeur ou carrés, contours épais et lisses, bords plats et larges ou biseautés, bélière longue ou courte ou large s’évasant ou non vers le haut et implantée au creux du pendentif) sont banales pour les bijoux considérés.

S’il est vrai que la combinaison d’éléments en eux-mêmes banals peut être originale, en l’espèce, la société [M] échoue à démontrer que l’association de formes banales et de l’insertion de diamants mobiles entre deux plaques de verre, connue depuis les années 1970, caractérise des choix arbitraires et créatifs révélant l’empreinte de la personnalité d’un auteur et rendant les bijoux revendiqués éligibles à la protection par le droit d’auteur.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a dit que les onze bijoux revendiqués ne sont pas protégables par le droit d’auteur et rejeté en conséquence les demandes des sociétés [M] en contrefaçon de droits d’auteur.

Sur la contrefaçon de dessins et modèles enregistrés

Sur la validité de deux modèles

Pour défendre la validité de leur deux dessins et modèles enregistrés, les sociétés [M] font valoir que le critère de nouveauté posé par la loi du 14 juillet 1909, applicable en l’espèce compte tenu de la date d’enregistrement des modèles, comportait deux composantes : une composante objective, le modèle ne devant pas être antériorisé par une antériorité de toute pièce, et une plus subjective, supposant que le titulaire démontre l’existence d’une création révélant la personnalité de son auteur. Elles arguent qu’aucune antériorité de toute pièce n’est versée aux débats par la société H. [B] pour chacun des modèles invoqués et que tous ces modèles sont nouveaux, possèdent un caractère propre et portent l’empreinte de la personnalité de son auteur.

Elles ajoutent que contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, le pendentif coeur DM/052 597 ne correspond pas au pendentif coeur 79/4611 et que, de même, que le modèle bague coeur DM/048 915 (n° 22.1) ne correspond pas au modèle référencé 82/4354.

La société H. [B] oppose que sous l’empire de la loi ancienne applicable à l’espèce, la jurisprudence subordonnait la protection par le dessin et modèle à la nouveauté et à l’originalité, critères auxquels ne répondent pas les modèles des sociétés [M], pour les raisons exposées au titre du défaut d’originalité des bijoux revendiqués au titre du droit d’auteur.

Ceci étant exposé, les modèles ayant été enregistrés en 1999 et 2000, c’est l’ancien article L. 511-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 qui est applicable, aux termes duquel bénéficient de la protection accordée aux dessins et modèles ‘tout dessin nouveau, (…) toute forme plastique nouvelle, (…) tout objet industriel qui se différencie de ses similaires, soit par une configuration distincte et reconnaissable lui conférant un caractère de nouveauté, soit par un ou plusieurs effets extérieurs lui donnant une physionomie propre et nouvelle’.

Il est constant que sous l’empire de ce texte codifiant la loi du 14 juillet 1909, la validité d’un dessin et modèle s’appréciait cumulativement au regard de sa nouveauté et de son originalité, ce second critère imposant de rechercher si le modèle revêtait un caractère dissociable de la fonction technique ou utilitaire et constituait une création révélant l’empreinte de la personnalité de son auteur.

Pour les motifs qui ont été exposés supra, les dessins et modèles de pendentifs DM/048 915 (n°79.1), DM/048 915 (n°81.1), DM/048 915 (n°85.1), qui correspondent aux bijoux 79/3210, 79/3053 (en version non pavée pour le modèle enregistré et avec une double bélière pour le DM/048 915 (n°85.1)) déjà examinés au titre du droit d’auteur, ne revêtent pas un caractère original et ne peuvent bénéficier de la protection au titre des dessins et modèles.

Les sociétés [M] observent à juste raison que le modèle de pendentif en forme de coeur DM/052 597 ne correspond pas exactement au pendentif 79/4611 examiné plus haut au titre du droit d’auteur, de même que le modèle de bague en forme de coeur DM/048 915 ne correspond pas exactement à la bague 82/4354. Elles font valoir que :

– le modèle de pendentif en forme de coeur DM/052 597 se caractérise par :

– une forme arrondie de c’ur aux contours larges et plats, dont la pointe et le creux

sont peu prononcés ;

– une bélière droite, située au creux du c’ur ;

– à l’intérieur et au centre du c’ur, quelques diamants mobiles isolés les uns des autres circulent librement entre deux parois transparentes ; le parti pris esthétique a consisté à laisser le plus de place possible aux diamants mobiles, tout en conservant une présence significative de la forme en métal précieux du coeur, à travers les contours très marqués du c’ur du fait de leur largeur et de leur aspect très plat, et une bélière assez présente et que tout est ici question d’équilibre subtil entre la légèreté des parois transparentes et la présence d’une surface massive en métal précieux qui les enserrent, afin de mettre en valeur les diamants et permettre leur mobilité, tout en produisant un modèle visuellement assez présent et marquant ;

– le modèle de bague en forme de coeur DM/048 915 se caractérise par :

– un anneau épais, large et plat, dont le profil présente une section carrée ;

– en son centre et sur sa partie supérieure s’insère une forme de c’ur en métal précieux elle aussi épaisse, large et plate et dont le profil présente une section carrée, l’anneau rejoignant le c’ur au milieu de chacune de ses ailes ;

– au sein du c’ur, dont les pointes et le creux sont peu prononcés circulent librement

et isolément trois diamants entre deux parois transparentes ; le parti pris esthétique réside dans le fait que la bague, par l’épaisseur des éléments (c’ur et anneau) en métal précieux, qui la compose, conserve une présence forte et marquante visuellement tout en permettant aux diamants mobiles de ‘s’exprimer’ dans un espace suffisamment large et que cela crée un contraste entre la structure en métal précieux très présente, et le caractère très aéré du centre de la bague au sein du c’ur, qui laisse passer la lumière grâce aux deux parois transparentes.

La cour estime que les caractéristiques ainsi mises en avant correspondent à la description de formes banales pour les bijoux considérés, ne traduisant pas l’effort créatif d’un auteur reflétant l’empreinte de sa personnalité, s’agissant d’une forme de coeur présentant des bords arrondis aux contours larges et plats et d’une bélière implantée au creux du pendentif (pour le pendentif) et de faces larges et plates et d’un positionnement du coeur au centre de l’anneau (pour la bague), l’insertion de diamants mobiles entre deux plaques de verre appartenant, comme il a été dit, au fonds commun de la joaillerie et de la bijouterie depuis les années 1970.

Ces deux dessins et modèles ne présentent donc pas l’originalité requise pour bénéficier, au sens de l’ancien article L. 511-3 du code de la propriété intellectuelle, de la protection des dessins et modèles.

Le jugement sera par conséquent également confirmé en ce qu’il a annulé la partie française des modèles DM/048 915 (n°79.1 ; n°81.1 ; n°85.1 ; n°22.1) et DM/052597 (n°24) pour défaut de nouveauté, ordonné la transmission de la décision à l’INPI aux fins d’inscription au registre national des modèles et déclaré irrecevables les demandes des sociétés [M] sur le fondement de la contrefaçon de modèles.

Sur les demandes en concurrence déloyale et en parasitisme des sociétés [M]

Les sociétés [M] soutiennent que la société H. [B] a commis des actes distincts de concurrence déloyale en reprenant de façon servile ou quasi-servile 11 modèles de la collection emblématique ‘Happy Diamonds’ et en créant ainsi un risque de confusion, ou à tout le mois d’association, dans l’esprit du public, par la création d’un effet de gamme, ce risque étant aggravé par le choix de la dénomination ‘Dancing Diamonds’ pour commercialiser les produits litigieux, dénomination qui rappelle le nom de la collection donné par [M] aux modèles antérieurs copiés et que l’intimée n’a pas hésité à déposer à titre de marque en 2012. Les sociétés appelantes soutiennent que la société H. [B] a commis par ailleurs des actes de parasitisme en copiant sa collection de bijoux ‘Happy Diamonds’, reconduite et étoffée depuis 1985, soit depuis près de 30 ans, qui bénéficie d’une réelle notoriété et est directement associée par le public à la Maison [M], et pour laquelle elle a consacré de considérables investissements, notamment en termes de promotion et de marketing.

La société H. [B] oppose que les faits invoqués par les sociétés [M] au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ne constituent pas des faits distincts de ceux de contrefaçon allégués, alors que l’action en concurrence déloyale n’a pas pour objectif de recréer un monopole d’exploitation qui serait refusé sur le fondement de la propriété intellectuelle. Elle fait valoir encore que les sociétés [M] ne peuvent se prévaloir d’un quelconque monopole sur la technique consistant à insérer un ou plusieurs diamants entre deux plaques transparentes, s’agissant d’un genre de bijoux dont elles ne peuvent revendiquer la création, que son recours au lexique de la danse ne constitue en aucune façon un acte de concurrence déloyale et/ou de parasitisme alors que la société [M] n’a utilisé des mots du registre de la danse qu’à deux reprises espacées de quelques 25 années et sans jamais accoler les termes DANCING et DIAMONDS et que le recours à la métaphore de la danse dans le monde de la joaillerie est relativement banal. Elle souligne enfin que, vieille de plus de 135 ans, elle possède sa propre histoire, sa propre identité et son propre savoir-faire, acquis au prix d’importants investissements et qu’elle n’a aucun besoin de se placer dans le sillage de la société [M].

Ceci étant exposé, la cour rappelle que la concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l’article 1240 du code civil mais sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l’étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.

Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet d’un droit de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit ou par l’existence d’une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l’exercice paisible et loyal du commerce.

L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité, la notoriété de la prestation copiée.

Il sera d’abord observé que les droits privatifs revendiqués par les société [M] n’ayant pas été reconnus, celles-ci peuvent invoquer les mêmes faits que ceux invoqués au titre de la contrefaçon pour former des demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire. En l’espèce, les appelantes invoquent valablement des faits à la fois communs à ceux de contrefaçon (reprise servile ou quasi-servile de bijoux) et distincts (création d’un risque de confusion, création d’un effet de gamme, choix de la dénomination ‘Dancing Diamonds’, captation parasitaire d’investissements).

Sur la concurrence déloyale

C’est pour de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a jugé que la commercialisation par la société H. [B] d’une gamme de pas moins de 11 bijoux très proches de ceux de la collection ‘Happy Diamonds’, tant par leur forme que du fait de l’insertion de diamants mobiles visibles par transparence, qui plus est sous la marque ‘Dancing Diamonds’ évocatrice de la collection [M] ‘Happy Diamonds’, à la fois par le choix de la langue anglaise et l’image de la danse générée par le caractère mobile des diamants au sein des bijoux et d’ailleurs reprise occasionnellement par la société [M] dans sa communication (catalogues 1985/1986 et 2009/2010), peut être source de confusion pour le consommateur et caractérise des actes fautifs de concurrence déloyale.

Il sera ajouté que le risque de confusion est d’autant plus réel que les appelantes affirment sans être démenties que les deux sociétés interviennent sur le même marché de la bijouterie joaillerie de luxe, la société H. [B] disposant notamment d’une boutique [Adresse 5], et que les bijoux en litige ont été proposés concomitamment à la vente.

Sur le parasitisme

C’est pour de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a jugé que les faits de parasitisme étaient également caractérisés, résultant de la captation par la société H. [B] des efforts de promotion consentis par la société LE PETIT-FILS DE L.U. [M] ([M]) pour la collection ‘Happy Diamonds’ sur une durée de 30 ans, attestés par la présence de cette collection dans ses catalogues et dans la presse sous forme d’encarts publicitaires, alors que ladite collection a représenté, selon les années, entre 2011 et 2016, entre 35 % et 51 % du chiffre d’affaires de la société [M].

Il sera ajouté que ces élément comptables, ajoutés à la couverture médiatique dont fait l’objet la

la collection ‘Happy Diamonds’, amplement établie par les pièces au dossier, démontrent que cette collection constitue une valeur économique individualisée importante.

Si la société H. [B] justifie de son côté de son ancienneté, de sa propre visibilité dans la presse magazine et des dépenses d’investissement consacrés à la publicité de sa collection ‘Dancing Diamonds’ au cours des années 2013 à 2015, cette position et ces investissements ne sauraient suffire à écarter tout parasitisme, l’appropriation des efforts de la société [M] et du succès rencontré par la collection ‘Happy Diamonds’ résultant de la reprise quasi-servile de 11 de ses bijoux lui ayant nécessairement permis de réaliser des économies sur le budget consacré au développement de ses propres bijoux.

Le jugement sera par conséquent également confirmé en ce qu’il a dit que la société H. [B] a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l’encontre de la société [M].

Sur les mesures réparatrices

Sur la demande indemnitaire

La société [M] fait valoir qu’elle a subi un préjudice considérable du fait du galvaudage de sa collection emblématique et de l’atteinte portée à l’ensemble de ses investissements engagés pour la création, la fabrication et la promotion de ses bijoux, du fait de la diffusion importante des produits litigieux entraînant un risque de détournement de clientèle et une dévalorisation de sa collection ‘Happy Diamonds’.

La société H. [B] oppose que la demande indemnitaire (500 000 €) est disproportionnée eu égard au fait que la société [M] ne s’est pas manifestée pendant des années pour critiquer la commercialisation en France des bijoux litigieux, qu’elle ne démontre aucun préjudice économique réel et documenté et ne justifie d’aucun préjudice d’image, les produits litigieux n’étant pas des ‘sous-produits’.

En l’absence d’éléments nouveaux produits en appel, s’agissant notamment d’un éventuel impact des faits litigieux sur les ventes de la société LE PETIT-FILS DE L.U. [M], la cour estime que le premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi par cette société du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire dont elle a été victime en lui allouant la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts.

Le jugement sera confirmé de ce chef également.

Sur les autres mesures

Le jugement sera également confirmé en ses dispositions relatives aux mesure d’interdiction et de publication prononcées à l’encontre de la société H. [B].

Sur la demande de la société H. [B] pour procédure abusive

Le succès même partiel des sociétés [M] dans leurs prétentions entraîne le rejet de la demande pour procédure abusive de la société H. [B].

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société H. [B], partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me TEYTAUD, avocat, dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile, et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la société H. [B] au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les sociétés [M] peut être équitablement fixée à 20 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société H. [B] aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me TEYTAUD, avocat, dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile, et au paiement aux sociétés [M] de la somme globale de 20 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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