Jurisprudence sur l’Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : 15 février 2012 Cour d’appel de Paris RG n° 10/07886

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Jurisprudence sur l’Article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle : 15 février 2012 Cour d’appel de Paris RG n° 10/07886
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15 février 2012
Cour d’appel de Paris
RG n°
10/07886

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRET DU 15 FEVRIER 2012

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 10/07886

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mars 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 09/02288

APPELANTS ET INTIMES

SCE [U] [D] prise en la personne de ses représentants légaux

dont le siège social est [Adresse 3]

[Localité 9]

Madame [T] [E] épouse [D]

[Adresse 3]

[Localité 9]

Monsieur [S] [D]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Madame [H] [D] épouse [J]

[Adresse 14]

[Localité 12]

Monsieur [O] [D]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Monsieur [G] [D]

[Adresse 13]

[Localité 15]

représentés par Maître FLAURAUD, avocat postulant au barreau de PARIS (D 1527)

assistés de Maître François GREFFE, avocat au barreau de PARIS (E 617)

INTIMEE

Madame [N] [P]

[Adresse 1]

[Localité 10]

représentée par Maître Patrick BETTAN, avocat postulant au barreau de PARIS (B0536)

assistée de Maître Dominique DE LEUSSE, avocat au barreau de PARIS (C2129)

INTIMEES ET APPELANTES

S.A.R.L. BERGEROT exerçant sous l’enseigne GALERIE PATRICK SEGUIN, prise en la personne de son gérant et de tous représentants légaux

dont le siège social est [Adresse 5]

[Localité 11]

SOCIETE SONNABEND GALLERY prise en la personne de ses représentants légaux

dont le siège social est [Adresse 6]

[Adresse 19] (ETATS UNIS)

représentées par Maître Frédéric INGOLD, avocat postulant au barreau de PARIS (B 0536)

assistées de Maître Olivier BARATELLI, avocat au barreau de PARIS (E 183)

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 04 Janvier 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

– Monsieur Didier PIMOULLE, Président

– Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère

– Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Aurore THUILLIER

ARRET :

– contradictoire

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Monsieur Gilles DUPONT, greffier

* * *

LA COUR,

Vu les appels du jugement du tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre, 4ème section, n° de RG : 19/2288), rendu le 25 mars 2010, relevés :

1°) le 6 avril 2010 (déclaration d’appel n° 7451) par la société civile d’exploitation (s.c.e.) [U] [D], Mme [T] [E] née [D], Mme [S] [D], Mme [H] [J] née [D], M. [O] [D], Mme [G] [D],

2°) le 13 avril 2010 (déclaration d’appel n° 8053) par la s.a.r.l. Bergerot et la société de droit américain Sonnabend Gallery,

Joints par ordonnance du conseiller de la mise en état du 19 octobre 2010,

Vu les dernières conclusions (16 décembre 2011) de la s.a.r.l. Bergerot et de la société de droit américain Sonnabend Gallery, appelantes et intimées ;

Vu les dernières conclusions (19 décembre 2011) de M. [O] [D], Mme [G] [D], Mme [H] [J] née [D], Mme [S] [D], Mme [T] [E] née [D] et de la s.c.e. [U] [D] appelants et intimés ;

Vu les dernières conclusions (13 décembre 2011) de Mme [N] [P], intimée et incidemment appelante ;

Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 4 janvier 2012 ;

* *

SUR QUOI,

Considérant que Mme [P], fille et unique ayant droit de [R] [L], ayant constaté que la société Bergerot avait coédité, avec la société Sonnabend Gallery, un livre consacré à l”uvre de [U] [D] et estimant que certains meubles étaient présentés dans cet ouvrage comme des ‘uvres créées en collaboration par [U] [D] et [R] [L] alors que, selon elle, [R] [L] en était l’unique auteur, a assigné ces deux sociétés en réparation de l’atteinte portée à son droit moral ; qu’elle a également assigné la s.c.e. [U] [D] ainsi que les ayants droit de [U] [D] afin que le jugement à rendre leur soit déclaré commun ;

Que le tribunal, ayant retenu que [R] [L] était l’unique auteur des meubles litigieux à défaut de preuve, pour chacun d’eux, d’un apport créatif de [U] [D], a jugé que les atteintes alléguées au droit moral de la créatrice étaient établies et a condamné en conséquence les sociétés Bergerot et Sonnabend Gallery à payer des dommages-intérêts à Mme [P] et à des mesures réparatrices d’interdiction de poursuivre la vente de l’ouvrage et de publication d’un communiqué judiciaire ;

Considérant que les sociétés Bergerot et Sonnabend Gallery concluent à l’infirmation du jugement et au débouté de Mme [P] de toutes ses demandes, subsidiairement à la réduction de l’indemnité allouée à un montant symbolique, plus subsidiairement à la désignation d’un collège d’experts avec mission, notamment, de donner son avis sur la paternité de certaines ‘uvres en indiquant s’il pourrait s’agir d”uvres de collaboration de [U] [D] et [R] [L] ou d”uvres de l’un ou l’autre seul auteur ;

Que les consorts [D] concluent de même à l’infirmation du jugement et au débouté de Mme [P], laquelle, selon eux, n’apporte la preuve d’aucun acte de création de [R] [L] se rapportant aux meubles en cause ;

Considérant que Mme [P] demande pour l’essentiel la confirmation du jugement mais réclame des dommages-intérêts plus élevés et des mesures réparatrices plus contraignantes ;

Sur la charge de la preuve :

Considérant, aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, qu’ « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » ;

Considérant que la prétention de Mme [P] consiste, en synthèse, à faire juger que la publication d’un ouvrage présentant comme des ‘uvres de collaboration des créations de [R] [L] porte atteinte au droit moral d’auteur de cette dernière;

Que le succès de cette prétention suppose la preuve, non pas que [R] [L] est l’auteur des créations en cause, mais que le coauteur supposé n’a, en fait, pas pris part au processus créatif, preuve négative impossible ;

Considérant qu’il incombe en conséquence aux sociétés Bergerot et Sonnabend Gallery de démontrer l’exactitude des affirmations qui ressortent de l’ouvrage attaqué quant à l’existence, à propos des meubles en cause, d’une collaboration créative de [R] [L] et [U] [D], voire aux consorts [D], qui revendiquent la qualité de coauteur – ou d’auteur unique dans certains cas – de [U] [D] d’apporter la preuve de la participation effective de ce dernier au processus de création ;

Considérant, à ce stade, qu’il y a lieu de relever que la qualité d’auteur – ou au moins de coauteur – de [R] [L] s’agissant des meubles en cause n’est pas, sauf pour la « Table Air France », sérieusement remise en cause ;

Considérant en effet, outre que ni l’ouvrage à l’origine du litige, ni les sociétés Bergerot et Sonnabend Gallery ne lui contestent cette qualité, que les consorts [D] eux-mêmes admettent (page 3 de leurs dernières écritures) que « les meubles litigieux étaient le plus souvent présentés sous les noms de [U] [D] et [R] [L], ou de [R] [L] et [U] [D], ou même sous le seul nom de [U] [D], ou encore sous le seul nom de [R] [L], ce qui, compte tenu de ce qui sera indiqué plus loin quant à l’exactitude et la portée des mentions invoquées relatives à « [U] [D] », suffit à établir que [R] [L] a, pour le moins, pris part à la création de ces meubles ;

Considérant, dès lors, que l’argumentation développée par les consorts [D] sur l’absence de dessins ou croquis de la main de [R] [L] et le rôle de la dessinatrice [Y] [M] est hors de propos ;

Considérant que c’est donc à juste titre et par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu qu’il n’appartient pas à [R] [L] (en réalité Mme [P]) de « démontrer son rôle dans la création des meubles et il ne lui incombe pas non plus de faire la preuve négative d’une absence de coauteur. Il appartient, en revanche, aux héritiers de [U] [D] qui revendiquent sa qualité de co-auteur, d’établir que ce dernier· a également participé à la création des meubles en cause. En l’absence de preuve d’un apport créatif de [U] [D], [R] [L] doit être considérée comme l’auteur unique desdits meubles. » ;

Sur la recevabilité des consorts [D] à contester le caractère d’ ‘uvres de l’esprit de certains des meubles en cause :

Considérant que les consorts [D], aux termes du dispositif de leurs dernières écritures, demandent à la Cour de juger que certains des meubles évoqués dans

le cadre de la procédure ne sont pas susceptibles de protection et que la demande de Mme [P] relativement à ces meubles est en conséquence dépourvue de fondement ; que sont visés un tabouret de berger, un bureau en bois massif et une table à manger en bois massif que les consorts [D] prétendent dépourvus d’originalité ;

Considérant que les sociétés Bergerot et Sonnabend Gallery, qui ont choisi de faire figurer la reproduction de ces meubles dans leur ouvrage consacré aux créations de [U] [D], ne contestent pas la nature d’ ‘uvres de l’esprit de ceux-ci au sens du code de la propriété intellectuelle ;

Considérant, en toute hypothèse, que Mme [P] souligne pertinemment qu’elle ne forme aucune demande contre les consorts [D], si ce n’est que l’arrêt leur soit déclaré commun, et que ces derniers ne revendiquent, au nom de [U] [D], aucune co-paternité sur lesdits meubles, reconnaissant même (page 19 de leurs dernières écritures) qu’ils « ont été effectivement édités à la seule initiative de [R] [L] » ; qu’elle fait donc valoir à juste titre qu’ils n’ont pas d’intérêt à agir pour contester que ces créations ont fait naître au bénéfice de leur auteur, en l’espèce [R] [L], un droit de propriété intellectuelle tel que défini par l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Considérant qu’il en résulte qu’il y a lieu d’accueillir la fin de non recevoir opposée par Mme [P] à la demande des consorts [D] tendant à voir déclarer les meubles visés non susceptibles de protection au titre du droit d’auteur ;

Sur la création des autres meubles en cause :

Considérant, compte tenu des motifs qui précèdent relatifs à la charge de la preuve, qu’il y a lieu de rechercher si les éléments produits au débat établissent que [U] [D] a participé personnellement au processus ayant abouti à la création des autres meubles objets du litige, à savoir :

– La Bibliothèque type Tunisie et ses déclinaisons : Bibliothèque type Mexique, Bibliothèque dite « Nuage», Bibliothèque à plots et Bibliothèque de rangement,

– La table et tabouret à pieds triangulaires et fusiformes en métal déclinées en une table basse avec pieds triangulaires en métal, une table haute, une table haute dite

« forme libre» une table basse dite « forme libre », un tabouret bas à trois pieds,

– Le guéridon, table empilable dite « Air France» ou « [Localité 20] »,

– La table haute de type Tunisie,

– Une table sous-fenêtre créée pour la Maison [18],

Sur les bibliothèques :

Considérant, selon les consorts [D], que ces bibliothèques, désignées sous le nom de « bibliothèques à plots », présentent la commune caractéristique d’être constituées par des étagères, qui peuvent être de longueur différente, supportées par des plots, disposés en quinconce, ces bibliothèques ne comportant ni fond, ni côtés pour certaines, s’agissant de bibliothèques à double face ; qu’elles se définissent dès lors comme étant la combinaison de deux éléments, soit, d’une part, les étagères, d’autre part, les plots, lesquels comportent un fond bombé et deux côtés parallèles avec, à leurs extrémités, des plis ourlés permettant la fixation de tirants (bibliothèque tunisienne) ou trois côtés rectilignes (bibliothèque mexicaine) qu’il est précisé que ces plots ont des dimensions variées en largeur et en hauteur selon l’étagère de la bibliothèque sur laquelle ils sont disposés et peuvent être peints de couleur différente ;

Considérant que les consorts [D] affirment que [U] [D] est le créateur de ces plots ou niches métalliques qui bénéficient, selon eux, de la protection du livre I code de la propriété intellectuelle ;

Mais considérant que, si les bibliothèques en cause intègrent en effet dans leur structure des éléments métalliques façonnés selon la technique de la tôle pliée à laquelle [U] [D] a su trouver de multiples applications, notamment en ameublement, l’utilisation de ces éléments ne démontre pas que [U] [D], pour les avoir conçus antérieurement, aurait collaboré à la création des bibliothèques où ils sont employés ;

Que ces bibliothèques ne tirent pas leur originalité de l’assemblage des seuls éléments métalliques conçus par [U] [D] et d’étagères banales, comme le suggèrent les consorts [D], mais de multiples facteurs tels que le nombre, la longueur, l’épaisseur des étagères, l’emplacement des plots, des couleurs et leur répartition et les proportions d’ensemble en quoi consiste la création de chacun des types de bibliothèques en cause, ainsi que leur adaptation singulière à leur emploi final, chambre de la maison [18], commande d’un particulier ou chambre d’hôtel à [Localité 17], qui exprime la personnalité de l’auteur ; que, dans aucun de ces choix qui, pris ensemble, caractérisent la création d’une ‘uvre de l’esprit source de droit d’auteur, la preuve n’est apportée d’une participation active de [U] [D] ;

La table et tabouret à pieds triangulaires et fusiformes en métal :

Considérant, selon les consorts [D], que ces tables et ce tabouret se définissent par la combinaison, d’une part, d’un piètement triangulaire en tôle pliée, fusiforme, de couleur noire, d’autre part d’un plateau en bois clair, d’épaisseur et de forme diverses surmontant ce piètement ; qu’ils affirment que c’est essentiellement la forme et la couleur du piètement qui est la caractéristique distinctive de ces modèles de tables et tabouret et qui leur confèrent leur originalité et que, précisément, [U] [D] a été l’un des inventeurs de l’emploi de la tôle d’acier pliée dans le domaine de l’architecture comme dans celui de l’ameublement ; qu’ils versent au débat un certain nombre de pièces qui établissent en effet que [U] [D] a utilisé des éléments de tôle pliée fusiforme pour réaliser des pieds de tables ou une console d’éclairage public ;

Mais considérant, par analogie avec ce qui a été dit précédemment à propos des bibliothèques, qu’il est faux d’affirmer que les tables et le tabouret en cause tirent leur originalité uniquement du piètement en tôle fusiforme ; que chacun des meubles dans lesquels se retrouve en effet ce type de piètement résulte de la combinaison de plusieurs facteurs choisis par le concepteur tel que les dimensions, les formes et les proportions des pieds et du plateaux et que ce sont ces choix qui donnent à chaque meuble sa physionomie propre et en font une ‘uvre de l’esprit au sens des articles L.111-1 et suivants code de la propriété intellectuelle ;

Considérant que le fait que [U] [D] ait été à l’origine de l’idée de pieds de meubles fusiformes en tôle pliée ne démontre pas qu’il ait personnellement pris part au processus créatif qui a permis la définition des tables et du tabouret en cause ; qu’il n’est produit aucun élément au débat de nature à prouver qu’il aurait collaboré avec [R] [L] précisément pour la conception de ces meubles ;

Sur la table empilable dite « Air France» ou « [Localité 20] » :

Considérant que les consorts [D], qui qualifiaient cette table d”uvre de collaboration en première instance, affirment devant la Cour que ce modèle de table est l”uvre unique de [U] [D] et expliquent qu’il s’agit d’une table en métal plié, qui

illustre l’utilisation de la technique qui définit l”uvre de [U] [D], réalisée d’une seule pièce, dont les côtés sont ajourés de deux ouvertures, et qui se caractérise par les éléments de formes géométriques pliés en sens opposé aux angles, sur les bords de la table, qui en assurent le maintien et la rigidité ;

Mais considérant qu’il a déjà été dit que le recours à une technique caractéristique de l”uvre de [U] [D] ne prouve pas l’implication de ce dernier dans le processus créatif d’un meuble particulier réalisé au moyen de cette technique ;

Considérant que les consorts [D] s’emparent en outre d’un dessin de cette table, référencé 85404, dont ils affirment qu’il est de la main de [U] [D] en s’appuyant :

– sur la lettre de Mme [Y] [M] le 5 décembre 2001 (pièce 21),

– la note du 20 mai 2009 de M. [U] [B] [V], (pièce 37),

– le rapport d’un expert en écritures honoraires (pièce 94) ;

Mais considérant que le modèle de cette table a été déposé par [R] [L] seule au syndicat de la propriété artistique le 11 septembre 1953 ;

Considérant que cette table figure sur les plans 85 403 et 85 404 qui appartiennent à la série de plans portant les numéros 85 100 à 85 430 visés par la société Steph Simon & Cie, distributeur exclusif des meubles [U] [D], dans le contrat du 16 novembre 1954 reconnaissant les créations correspondant à ces plans comme sources de redevances pour [R] [L] seule ;

Considérant par ailleurs que, de son vivant, [U] [D] n’a jamais revendiqué aucun droit sur cette table empilable, pourtant reproduite dans le numéro 7 de la revue « Aujourd’hui Art & Architecture », paru en mars 1956 et dans le catalogue de l’exposition consacrée aux deux créateurs en 1981 au [16], pages 435 et 445 et attribuée dans tous les cas à [R] [L] seule, étant observé, d’une part, que la représentation de la table dans ce document n’a pu échapper à [U] [D] puisqu’il a donné pour ce catalogue une contribution évoquant les différentes périodes de son activité et rendant notamment hommage à [R] [L], d’autre part, que la table en cause est dans les deux cas présentée dans un environnement de créations de [R] [L], voire comme le complément naturel de la chaise empilable en contreplaqué noir dont il n’est pas contesté qu’elle est bien de sa création ;

Considérant, dans ce contexte, que la conclusion du rapport d’expertise amiable non contradictoire affirmant péremptoirement que le plan n° 85 404 est de la main de [U] [D], non plus que les opinions de Mme [M] et de M. [V] ne sont de nature à emporter la conviction que [U] [D] aurait personnellement contribué à la création de cette table, alors que rien ne vient contredire les explications de Mme [P] selon lesquelles sa mère aurait précisément créé cette table d’inspiration japonisante pour équiper l’appartement de son mari, alors responsable de la compagnie Air France à [Localité 20] ;

Sur la table haute de type Tunisie :

Considérant que les consorts [D], à propos de la table haute dite « Type Tunisie », qu’ils définissent comme une table comportant des pièces de tube métallique, se bornent à relever la contradiction entre le dépôt de ce modèle à la spadem en 1952 sous les noms de [U] [D], [R] [L] et [A] [W], et le dépôt de ce même modèle auprès du même organisme en 1954 sous le seul nom de [R] [L], non

sans contester en toute hypothèse le crédit qui s’attache aux dépôts effectués auprès de cet organisme, mais n’apportent aucun élément de nature à démontrer la participation de [U] [D] à la création de cette table ;

Mais considérant que le premier dépôt mentionne, non pas le nom de [U] [D], mais celui de la société Atelier [U] [D], et que le deuxième dépôt correspond à une deuxième version de la table ;

Qu’il peut être relevé par ailleurs que les plans de cette table, nos 85 261 et 85 430 portent les initiales « [R] [L] » et appartiennent à la série de plans reconnus par le distributeur exclusif des meubles [U] [D] comme se rapportant à des créations de [R] [L] et qu’elle a été distribuée par la société Steph Simon & Cie comme une création de [R] [L] ;

Considérant, selon ce qui précède, que [U] [D] ne peut être tenu pour le coauteur de la table haute de type Tunisie ;

Sur la table sous-fenêtre créée pour la Maison [18] :

Considérant que les consorts [D] font seulement valoir que Mme [P] ne produit aucun élément permettant d’attribuer à [R] [L] la paternité de ce meuble, qui leur paraît insusceptible de protection ; que cette argumentation n’est pas de nature à établir que [U] [D] devrait en être reconnu comme le coauteur ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que c’est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le tribunal a jugé qu’il n’était pas démontré que l’ensemble des meubles en cause seraient des ‘uvres de collaboration à la création desquelles aurait participé [U] [D], mais qu’ils sont des créations de [R] [L] seule ;

Qu’il apparaît du débat que les erreurs d’attribution qui se retrouvent dans la documentation mentionnée par les sociétés Bergerot et Sonnabend Gallery s’explique, pour l’essentiel, par une confusion entre [U] [D], personne physique, architecte ingénieur et designer, et la société Atelier [U] [D], personne morale, qui a fabriqué les meubles conçus par [R] [L] ;

Sur les actes de contrefaçon :

Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article L.121-1 du code de la propriété intellectuelle que l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son ‘uvre, que ce droit est perpétuel, inaliénable et imprescriptible et transmissible à cause de mort à ses héritiers ;

Qu’il suit de là que Mme [P] a qualité pour faire respecter le droit moral de l’auteur qu’elle a hérité de [R] [L], soit, en l’espèce, pour exiger que l”uvre de sa mère soit divulguée et reproduite avec la mention de son seul nom en qualité de créatrice et refuser qu’il soit porté atteinte à son droit d’auteur par la mention erronée d’un coauteur auquel se trouve attribuée fallacieusement une participation à la création d”uvres de collaboration ;

Considérant que la matérialité des faits sur lesquels Mme [P] fonde son action, soit la reproduction dans le livre « [U] [D] » d”uvres de [R] [L] attribuées à [U] [D] « avec [R] [L] », ou sans mention du nom de [R] [L], tels que le détail en est donné aux pages 85 à 88 de ses dernières écritures, n’est pas contestée ;

Considérant que les sociétés Bergerot et Sonnabend Gallery ne sont pas fondées à se prévaloir de l’autorisation qu’ils affirment avoir reçue de l ‘adagp pour reproduire les ‘uvres de [U] [D] puisque, précisément, les meubles reproduits ne sont pas des créations de ce dernier ;

Considérant, par ailleurs, que c’est par des motifs exacts, suffisants et pertinents que la cour fait siens que le tribunal a jugé (page 16, alinéas 6 et 7 du jugement) que la mention du nom de [R] [L] en fin de volume ne pouvait être regardée comme satisfaisante au regard des règles sur le droit moral des auteurs à la paternité de leurs ‘uvres ;

Sur les mesures réparatrices :

Considérant que les sociétés Bergerot et Sonnabend Gallery demandent la réduction à une somme symbolique des dommages-intérêts alloués par le premier juge en soulignant qu’il s’agit de réparer, non l’atteinte au droit patrimonial de l’auteur, mais à son droit moral ;

Qu’ils font en outre valoir que le retrait du commerce de l’ouvrage est matériellement impossible et concrètement irréalisable ;

Considérant, sur le premier point, que Mme [P] démontre avoir procédé à plusieurs reprises à des mises en garde contre les erreurs, volontaires ou non, d’attribution des ‘uvres de [R] [L] et insiste à juste titre sur l’étendue du préjudice compte tenu de la notoriété de l’auteur et des éditeurs de l’ouvrage incriminé et du caractère bilingue de celui-ci, appelé à être regardé comme l’ouvrage de référence sur l”uvre de [U] [D] et à recevoir une importante diffusion internationale ; que le préjudice paraît en conséquence avoir été sous évalué par le tribunal et que la Cour trouve dans les circonstances de la cause, telles qu’elles résultent des pièces versées au débat et dans les explications des parties, des éléments justifiant l’élévation à 50.000 euros du montant des dommages-intérêts alloués ;

Considérant, s’agissant du reste des mesures d’interdiction et de publication prononcées par le tribunal, qu’elles sont adaptées à la nature du dommage et proportionnées à son étendue et seront en conséquence confirmées ;

Sur la demande d’expertise présentée à titre subsidiaire :

Considérant que les sociétés Bergerot et Sonnabend Gallery demandent subsidiairement à la Cour de désigner un collège d’experts avec mission de donner son avis sur la paternité des ‘uvres ;

Considérant qu’il se déduit des motifs qui précèdent que cette demande n’est pas justifiée et doit être rejetée ;

Sur la demande de dommages-intérêts des consorts [D] :

Considérant que, dans le dispositif de leurs écritures, les consorts [D] réclament la condamnation de Mme [P] à leur payer 30.000 euros de dommages-intérêts, sans toutefois mentionner ni le fondement juridique de cette demande, ni la nature du préjudice que cette condamnation aurait pour objet de réparer ; que cette demande sera rejetée ;

* *

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement entrepris sauf sur le montant des dommages-intérêts alloués à Mme [P],

Le RÉFORMANT et STATUANT à nouveau de ce seul chef,

CONDAMNE in solidum les sociétés Bergerot et Sonnabend Gallery à payer à Mme [P] 50.000 euros de dommages-intérêts,

Y AJOUTANT,

DÉCLARE les consorts [D] irrecevables, faute d’intérêt à agir, en leur demande tendant à vois exclure du champ de la protection du droit d’auteur le tabouret de berger, le bureau en bois massif et la table à manger en bois massif,

DÉBOUTE les consorts [D] de leur demande de dommage-intérêts,

REJETTE la demande d’expertise présentée à titre subsidiaire par les sociétés Bergerot et Sonnabend Gallery,

CONDAMNE les sociétés Bergerot et Sonnabend Gallery aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile et à payer à Mme [P] 50.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile et DIT n’y avoir lieu à plus ample application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

 


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