Intervention volontaire et référé : Affaire Alhuy vs Axe et Syspak

·

·

Intervention volontaire et référé : Affaire Alhuy vs Axe et Syspak
Ce point juridique est utile ?

Intervention volontaire et référé : Affaire Alhuy vs Axe et Syspak

Sur l’intervention volontaire de la société Alhuy et la demande de mise hors de cause de la société Alhuy dépannage

L’article 328 du code de procédure civile dispose que l’intervention volontaire est principale ou accessoire. En l’espèce, la société Alhuy justifie qu’elle dispose seule de l’habilitation préfectorale lui permettant de faire réaliser des dépannages et enlèvements de véhicules sur le tronçon de l’autoroute A 6 concerné, de sorte qu’elle est seule créancière à ce titre. Son droit d’agir est donc incontestable et d’ailleurs non contesté. Par ailleurs, la société Alhuy indique que c’est elle qui a procédé à l’intervention litigieuse, ce qui n’est pas discuté. L’intervention de la société Alhuy sera donc jugée recevable et la société Alhuy dépannage sera mise hors de cause.

Sur le fond du référé

En vertu de l’article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Le montant de la provision en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Sur la demande de restitution du véhicule et le trouble manifestement illicite

Les sociétés Axe et Syspak demandent la restitution de la remorque et du tracteur retenus par la société Alhuy, se prévalant d’un trouble manifestement illicite résultant de l’exercice abusif par cette dernière de son droit de rétention. Au vu des éléments exposés, le trouble manifestement illicite n’est pas caractérisé, les sociétés Axe et Syspak devant être déboutées de leur demande de restitution du véhicule.

Sur la demande de provisions de la société Alhuy

La créance de la société Alhuy n’apparaît pas sérieusement contestable pour ce qui est de sa prestation de dépannage. En revanche, se heurtent à contestation sérieuses les sommes réclamées en sus de la prestation de dépannage, afférentes à l’exercice du droit de rétention. Les sociétés Syspak et Axe seront ainsi condamnées in solidum au paiement d’une provision de 8.091,45 euros HT soit 9.709,74 euros TTC.

Sur la demande de provision de la société Axe

La demande indemnitaire de la société Axe étant fondée sur un trouble manifestement illicite non retenu, elle est mal fondée et doit être rejetée.

Sur la demande des sociétés Axe et Syspak en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive

Les sociétés Axe et Syspak étant déboutées de leur demande de restitution des véhicules, elles sont mal fondées à se prévaloir de la résistance opposée à ce titre par la société Alhuy.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Les sociétés Axe et Syspak seront condamnées in solidum aux entiers dépens de première instance et d’appel et à payer aux sociétés Alhuy et Alluy dépannage, ensemble, la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d’appel. Au vu de ce qui est jugé par la cour, l’ordonnance sera infirmée.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/20392 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGZPG

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 23 Novembre 2022 -Président du TC d’Evry – RG n° 2022R00151

APPELANTES

S.A.R.L. AXE, RCS de Bobigny sous le n°410 336 747, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 5]

S.A.R.L. SYSPAK, RCS de Créteil sous le n°383 777 034, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 4]

Représentées par Me Jean-philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053 et assistées à l’audience par Me Sophia HAFSA, avocat au barreau de PARIS, toque : A235

INTIMEE

S.A.R.L. ALHUY DEPANNAGE, RCS d’Evry sous le n°480 624 048, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Dominique DEBUT de la SELARL 3DHÉMIS, avocat au barreau d’ESSONNE

PARTIE INTERVENANTE

S.A.S. ALHUY, RCS d’Evry sous le n°309 173 649, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Dominique DEBUT de la SELARL 3DHÉMIS, avocat au barreau d’ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 juin 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Les sociétés Axe et Syspak, spécialisées dans le transport routier de frêt de proximité ont été sollicitées pour assurer la livraison de marchandises auprès de la société GLS [Localité 8] située à [Localité 9].

L’ensemble routier utilisé était constitué d’une remorque, propriété de la société Syspak, et d’un véhicule de type tracteur, propriété de la société Fraikin, donné en location longue durée à la société Axe. La remorque est tombée en panne lors du transport de marchandises, en raison de la crevaison de quatre pneus sur l’autoroute A 6.

La société Alhuy dépannage a été contactée par le chauffeur du véhicule, salarié de la société Syspak, pour procéder au dépannage de la remorque.

Selon les dires de la société Syspak, la société Alhuy dépannage aurait procédé sur place au remplacement des pneus crevés et ce, sans établir au préalable un devis de réparation et sans attendre l’acceptation dudit devis par le dirigeant de la société Syspak. La société Alhuy dépannage a estimé pour sa part pouvoir retenir l’ensemble routier constitué du véhicule et de la remorque, qu’elle a immobilisés dans ses locaux.

Par exploit du 5 octobre 2022, les sociétés Axe et Syspak ont fait assigner la société Alhuy dépannage devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, au visa des articles 873 et 700 du code de procédure civile et des articles 1240, 1710 et 2286 du code civil, aux fins de voir :

ordonner à la société Alhuy dépannage de mettre à disposition de la société Axe le tracteur immatriculé [Immatriculation 7], à ses frais, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la première demande suivant le pronocé de l’ordonnance à intervenir,

ordonner à la société Alhuy dépannage de mettre à disposition de la société Syspak la remorque immatriculée [Immatriculation 6], à ses frais, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la première demande suivant le prononcé de l’ordonnance à intervenir,

condamner la société Alhuy dépannage à verser à la société Axe une somme de 5.230,70 euros, à titre de provision à voir sur la réparation de son préjudice,

condamner la société Alhuy dépannage au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par ordonnance contradictoire du 23 novembre 2022, le juge des référés du tribunal de commerce d’Evry a :

Au principal,

– renvoyé les parties à mieux se pourvoir,

– constaté l’existence d’une contestation sérieuse ;

– déclaré son incompétence pour connaître du litige, renvoyé les parties à mieux se pourvoir devant le juge du fond ;

– réservé l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné solidairement les sociétés Axe et Syspak aux entiers dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 60,65 euros ;

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit conformément à l’article 489 du code de procédure civile.

Par déclaration du 6 décembre 2022, les sociétés Axe et Syspak ont relevé appel de la décision.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 11 avril 2023, les sociétés Axe et Syspak demandent à la cour, au visa des articles 700 et 873 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile, et des articles 1240, 1710 et 2286 du code civil, de :

– déclarer leur appel recevable et bien fondé ;

– infirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle les a renvoyés à mieux se pourvoir sur leur demande de restitution du tracteur immatriculé [Immatriculation 7] et de la remorque immatriculée [Immatriculation 6] devant le juge du fond et s’est déclaré incompétent alors qu’elles agissaient sur le fondement du trouble manifestement illicite résultant de la rétention abusive du tracteur et de la remorque ;

– confirmer l’ordonnance entreprise en ce que le juge des référés a renvoyé l’intimée principale à mieux se pourvoir devant le juge du fond quant à sa demande reconventionnelle aux fins de paiement de ses factures de dépannage et de frais de parking et de gardiennage ;

Statuant à nouveau,

– donner acte à la société Alhuy de son intervention volontaire ;

– juger que le droit de rétention exercé abusivement et déloyalement par la société Alhuy sur le tracteur immatriculé [Immatriculation 7] caractérise un trouble manifestement illicite ;

– ordonner par conséquent la restitution immédiate par la société Alhuy à la société Axe du tracteur immatriculé [Immatriculation 7], à ses frais, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la première demande suivant le prononcé de l’ordonnance à intervenir ;

– juger que le droit de rétention exercé abusivement et déloyalement par la société Alhuy sur la remorque immatriculée [Immatriculation 6] caractérise un trouble manifestement illicite ;

– ordonner par conséquent la restitution immédiate par la société Alhuy à la société Syspak de la remorque immatriculée [Immatriculation 6], à ses frais, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la première demande suivant le prononcé de l’ordonnance à intervenir ;

– condamner la société Alhuy à verser à la société Axe une somme de 13.277,94 euros, à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice ;

– condamner la société Alhuy à leur payer une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

– débouter les sociétés Alhuy dépannage et Alhuy de leurs appels incidents et de l’ensemble de leurs demandes ;

– condamner les sociétés Alhuy et Alhuy dépannage au paiement d’une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Jean-Philippe Autier, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elles exposent notamment que :

– s’agissant de l’intervention volontaire de la société Alhuy, il lui en sera donné acte mais celle-ci n’a pas été assignée, alors que la société Alhuy dépannage n’a jamais soulevé l’irrecevabilité des demandes à son encontre,

– la rétention opérée sur le tracteur constitue un trouble manifestement illicite, puisqu’aucun contrat d’entreprise n’a été signé entre les parties, en l’absence d’accord sur les prestations à réaliser et sur leur prix, aucune intervention n’ayant eu lieu au surplus sur le tracteur, véhicule distinct de la remorque, et aucune facture n’ayant été adressée à la société Axe,

– c’est d’ailleurs seulement postérieurement à l’assignation introductive d’instance que la société Alhuy dépannage a argué d’un remplacement de la main rouge du tracteur puis facturé des frais de gardiennage à la société Axe,

– la rétention opérée sur la remorque est tout aussi abusive, alors que la preuve d’un accord sur les prestations à effectuer n’est pas rapportée, et que la créance du dépanneur n’est pas certaine, le chauffeur du véhicule n’ayant pas le pouvoir d’engager seul de telles dépenses,

– le convoyage routier jusqu’au lieu de livraison a été réalisé de manière illicite sur la foi d’un droit de rétention exercé abusivement,

– la société Alhuy dépannage n’a pas excipé, dans le cadre de la première instance, de l’application du cahier des charges de la concession de service public relatif aux opérations de dépannage, ce qui est déloyal, et de surcroît, mal fondé, puisqu’il n’est pas démontré que le dépannage survenu entrerait dans le champ d’application de ce cahier des charges, que la société Alhuy ne justifie pas de l’agrément ou de l’habilitation préfectorale pour réaliser ces opérations de dépannage ou remorquage, et que ce cahier des charges ne dispense pas le dépanneur de faire connaître au propriétaire du véhicule ses conditions d’intervention,

– la rétention abusive du véhicule cause en outre un préjudice important à la société Axe qui doit s’acquitter des échéances auprès de la société Fraikin,

– les demandes provisionnelles de la société Alhuy se heurtent à de nombreuses contestations sérieuses, en ce que le juge du fond est saisi d’une demande similaire, que la facture de dépannage est contestée, ainsi que le coût de l’escorte et les frais de gardiennage de la remorque et du tracteur,

– seule une condamnation exemplaire à des dommages intérêts serait de nature à réparer l’entier préjudice subi par les appelantes.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 10 mars 2023, la société Alhuy dépannage et la société Alhuy demandent à la cour, au visa de l’article 873 alinéa 1 et alinéa 2 du code de procédure civile et des articles 1240 et 2286 du code civil, de :

– déclarer recevables les conclusions de l’intimée principale ;

– déclarer recevable l’intervention volontaire de la société Alhuy ;

– juger recevable l’appel incident formé par la société Alhuy dépannage et la société Alhuy ;

En principal,

– confirmer l’ordonnance entreprise en ce que le juge des référés commerciaux a renvoyé les appelantes à mieux se pourvoir sur le trouble manifestement illicite allégué par elles pour soutenir leurs demandes de « mise à disposition de leur tracteur et remorque » et s’est déclaré de ce même chef incompétent ;

– infirmer l’ordonnance entreprise en ce que le juge des référés a renvoyé l’intimée principale à mieux se pourvoir devant le juge du fond quant à sa demande reconventionnelle aux fins de paiement de ses factures de dépannage et de frais de parking et de gardiennage, s’est déclaré incompétent et a réservé l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

– déclarer irrecevables toutes les demandes dirigées contre la société Alhuy dépannage par les appelantes sur le fondement de l’article 122 du code de procédure civile tant elle n’a pas la qualité que lui prêtent les appelantes et déclarer hors de cause la société Alhuy dépannage ;

Statuant à nouveau,

– juger bien fondé le droit de rétention exercé par la société Alhuy tant que les appelantes ne lui auront pas payé les prestations de dépannages sur autoroutes, fournitures de pneumatiques et de main de frein rouge, de même que ses frais accessoires de mise en parc et de gardiennage, requises par le représentant de l’Etat dans l’Essonne dans le cadre de la concession de service public du lot qui lui a été attribué sur l’A6 ;

– condamner par provision, la société Syspak à payer à la société Alhuy sa facture n°42.851 du 13 juillet 2022 de dépannage d’un montant de 12.612, 72 euros TTC et sa facture de parking et de gardiennage de la remorque n°42.853 d’un montant de 13.848 euros TTC ;

– condamner par provision, la société Axe à payer à la société Alhuy sa facture n°45.306 de mise en parc et de gardiennage du tracteur n°45.306 d’un montant de 10.002 euros TTC ;

– débouter les appelantes de leurs demandes de condamnation par provision au titre de leur préjudice d’exploitation, de dommages-intérêts pour résistance abusive comme étant mal fondées ;

– condamner la société Syspak et la société Axe à payer à la société Alhuy la somme de 4.000 euros et à la société Alhuy dépannage la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Syspak et la société Axe à supporter les entiers dépens dont la taxe fiscale de 225 euros acquittée par les intimées dont distraction pour ceux qui la concerne au profit de Me Dominique Debut, avocat aux offres de droits.

Elles exposent notamment que:

– la fin de non- recevoir tirée du défaut de qualité de la société Alhuy dépannage est fondée, celle-ci ayant procédé au dépannage et au remorquage du véhicule, mais elle n’est pas concernée par les facturations, de sorte que les demandes dirigées contre elle seront déclarées irrecevables,

– le dépannage réalisé n’est pas de droit commun, en ce qu’il est intervenu sur la concession de service public sur l’autoroute A 6, seule la société Alhuy, titulaire de cette concession autoroutière et de l’agrément-fourrière, se trouvant créancière des appelantes, son intervention volontaire étant ainsi recevable,

– il n’existe aucun trouble manifestement illicite en ce que la société Alhuy dépannage n’est pas créancière des appelantes, alors que l’urgence n’est pas démontrée, et que le droit de rétention opéré est légitime,

– les deux véhicules sont en effet indissociables et la société Alhuy dispose d’une créance, qui n’a pas à être certaine, mais seulement fondée en son principe, alors que cette créance est en lien avec l’intervention réalisée,

– la réalité et le prix du dépannage ne sont pas critiqués, et la rétention des véhicules est survenue en raison d’un défaut total de paiement,

– le préjudice allégué de la société Axe n’est pas établi, de sorte que la demande de dommages intérêts qu’elle formule sera déclarée irrecevable en ce qui concerne la société Alhuy dépannage et mal fondée en ce qui concerne la société Alhuy,

– l’ordonnance rendue sera infirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de provision sollicitée par la société Alhuy dépannage, les factures réclamées n’étant pas contestables, et établies conformément au cahier des charges de la concession de service public dont elle est titulaire.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur l’intervention volontaire de la société Alhuy et la demande de mise hors de cause de la société Alhuy dépannage

L’article 328 du code de procédure civile dispose que l’intervention volontaire est principale ou accessoire. L’article 329 de ce code prévoit que l’intervention est principale lorsqu’elle élève une prétention au profit de celui qui la forme. Elle n’est recevable que si son auteur a le droit d’agir relativement à cette prétention.

En l’espèce, la société Alhuy justifie qu’elle dispose seule de l’habilitation préfectorale lui permettant de faire réaliser des dépannages et enlèvements de véhicules sur le tronçon de l’autoroute A 6 concerné, de sorte qu’elle est seule créancière à ce titre. Son droit d’agir est donc incontestable et d’ailleurs non contesté.

Par ailleurs, la société Alhuy indique que c’est elle qui a procédé à l’intervention litigieuse, ce qui n’est pas discuté.

L’intervention de la société Alhuy sera donc jugée recevable et la société Alhuy dépannage sera mise hors de cause.

Sur le fond du référé

En vertu de l’article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

L’alinéa 2 de cet article indique, que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Le montant de la provision en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Sur la demande de restitution du véhicule et le trouble manifestement illicite

Les sociétés Axe et Syspak demandent la restitution de la remorque et du tracteur retenus par la société Alhuy, se prévalant d’un trouble manifestement illicite résultant de l’exercice abusif par cette dernière de son droit de rétention, faisant essentiellement valoir que les prestations facturées par la société Alhuy l’ont été sans leur accord préalable et pour un montant exorbitant.

Selon l’article 2286 du code civil, peut se prévaloir d’un droit de rétention sur la chose celui à qui la chose a été remise jusqu’au paiement de sa créance et celui dont la créance impayée est née à l’occasion de la détention de la chose.

En l’espèce, il ressort des faits exposés par les parties dans leurs conclusions et des pièces versées aux débats, notamment le bon d’intervention établi les 12 et 13 juillet 2022 par le représentant de la société Alhuy ayant effectué le dépannage (pièce 5 de l’intimé), les éléments suivants :

– la société Alhuy est intervenue sur l’autoroute A6 dans la nuit du 12 au 13 juillet 2022 sur réquisitions de la 5ème compagnie républicaine de sécurité (CRS 5), elle-même contactée par le chauffeur (préposé de la société Syspak) du véhicule poids-lourd en panne, composé d’un tracteur loué à la société Axe par la société FRaikin France et d’une remorque appartenant à la société Syspak,

– le dépanneur a constaté sur place que quatre pneus de la remorque étaient crevés et que le système de freinage de l’attelage reliant le tracteur à la remorque (“main de frein rouge”) était bloqué,

– au moyen de deux dépanneuses, le préposé de la société Alhuy a remplacé les quatre pneus de la remorque et la main de frein rouge sur le tracteur pour permettre la remise en circulation de l’équipage,

– le dépanneur a réclamé dans un premier temps au chauffeur le prix de son intervention soit la somme de 8.091,45 euros HT ( 9.709,74 euros TTC) correspondant au prix des pièces, de la main d’oeuvre, de l’intervention de deux dépanneuses et de la majoration de 50 % pour intervention de nuit,

– le chauffeur lui ayant opposé l’absence de moyens de paiement, le dépanneur a escorté le chauffeur jusqu’à son lieu de livraison puis n’étant toujours pas réglé, a conservé l’entier véhicule et l’a conduit en ses locaux pour l’immobiliser,

– le bon d’intervention remis au chauffeur facture un montant total de 12.654,72 euros, le coût du dépannage ayant été majoré du temps passé à escorter le véhicule jusqu’à son lieu de livraison puis jusqu’à son lieu de parking,

– a ensuite été facturé aux sociétés Axe et Syspak le coût du parking et du gardiennage de leurs véhicules respectifs, la société Alhuy réclamant à ce titre 13.848 euros TTC à la société Syspak, 10.002 euros ttc à la société Axe.

Au vu de ces éléments, il n’est nullement évident que la société Alhuy retienne abusivement la remorque et le tracteur du véhicule, alors que :

– elle dispose bien d’une créance certaine et exigible au titre de sa prestation de dépannage, dont la réalité n’est pas discutée, la contestation du montant de cette créance ne faisant pas obstacle à l’exercice du droit de rétention, la détermination de ce montant pouvant avoir lieu ultérieurement par le juge du fond, lequel a d’ailleurs été saisi par la société Alhuy,

– cette créance a pris naissance à l’occasion de la détention de la chose retenue lors du dépannage requis, de sorte qu’il existe un lien de connexité entre cette créance et le véhicule dépanné, étant rappelé que le droit de rétention peut être exercé même en l’absence de lien contractuel et que s’agissant d’un droit réel, il est opposable à tous, même aux tiers non tenus à la dette,

– cette créance porte sur l’ensemble du véhicule, la prestation de dépannage n’ayant pas seulement porté sur la remorque (remplacement des pneus) mais aussi sur le tracteur (remplacement de la main de frein rouge) ainsi qu’il ressort du bon d’intervention.

Le trouble manifestement illicite n’est donc pas caractérisé, les sociétés Axe et Syspak devant dès lors être déboutées de leur demande de restitution du véhicule.

Sur la demande de provisions de la société Alhuy

Au vu des éléments qui précèdent et en l’attente de sa liquidation par le juge du fond, la créance de la société Alhuy n’apparaît pas sérieusement contestable pour ce qui est de sa prestation de dépannage, dont l’effectivité est indiscutable et dont le prix a été facturé librement selon les dispositions de son cahier des charges (“les tarifs de dépannage sur place et de remorquage, notamment le niveau des coûts unitaires des prestations sont librement fixés par le dépanneur et sous sa responsabilité”).

En revanche, dès lors qu’il n’appartient pas au juge des référés, juge de l’évidence, de dire si les conditions de l’exercice par la société Alhuy de son droit de rétention sont bien réunies ni de liquider sa créance, se heurtent à contestation sérieuses les sommes réclamées en sus de la prestation de dépannage, afférentes à l’exercice du droit de rétention.

Les sociétés Syspak et Axe seront ainsi condamnées in solidum au paiement d’une provision de 8.091,45 euros HT soit 9.709,74 euros TTC, la société Alhuy étant déboutée du surplus de sa demande provisionnelle.

Sur la demande de provision de la société Axe

La société Axe sollicite le paiement, en réparation de son préjudice financier, des loyers qu’elle continue d’acquitter en paiement du tracteur retenu par la société Alhuy et dont elle ne dispose plus.

Cette demande indemnitaire étant fondée sur le trouble manifestement illicite invoqué, lequel n’est pas retenu, elle est mal fondée et doit être rejetée.

Sur la demande des sociétés Axe et Syspak en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive

Les sociétés Axe et Syspak étant déboutées de leur demande de restitution des véhicules, elles sont mal fondées à se prévaloir de la résistance opposée à ce titre par la société Alhuy.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Parties perdantes, les sociétés Axe et Syspak seront condamnées in solidum aux entiers dépens de première instance et d’appel et à payer aux sociétés Alhuy et Alluy dépannage, ensemble, la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Au vu de ce qui est jugé par la cour, l’ordonnance sera infirmée.

PAR CES MOTIFS

Reçoit l’intervention volontaire de la société Alhuy,

Met hors de cause la société Alhuy dépannage,

Infirme l’ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute les sociétés Syspak et Axe de leur demande de restitution de la remorque et du tracteur du véhicule,

Condamne in solidum les sociétés Syspak et Axe à payer à la société Alhuy une provision de 8.091,45 euros HT soit 9.709,74 euros TTC au titre de sa prestation de dépannage,

Déboute la société Alhuy du surplus de sa demande de provision,

Déboute la société Axe de sa demande de provision indemnitaire,

Déboute les sociétés Syspak et Axe de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Condamne in solidum les sociétés Syspak et Axe aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,

Les condamne in solidum à payer aux sociétés Alhuy et Alhuy dépannage, ensemble, la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x