Intermittents : risquez-vous de rembourser vos allocations chômage ?
Intermittents : risquez-vous de rembourser vos allocations chômage ?
Ce point juridique est utile ?

Les intermittents artistes bénéficient de la présomption de contrat de travail avec leur employeur, c’est donc à Pôle emploi d’établir l’absence de lien de subordination justifiant u remboursement d’allocations.

Présomption de contrat de travail  

Selon l’article L. 7121-3 du code du travail, tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce.

La qualité de dirigeant de fait

Par ailleurs, la qualité de dirigeant de fait suppose une activité positive de gestion du personnel de l’entreprise.

Gestion sociale d’une association culturelle

En l’occurrence, en statuant sans constater une immixtion de l’intermittente redressée, dans la gestion sociale de l’association, laquelle ne résulte pas de la circonstance qu’elle établissait, seule, l’ensemble des déclarations sociales, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail.

Contexte de l’affaire

A la suite d’un contrôle, Pôle emploi a, par lettre annulé rétroactivement ses droits ouverts d’une intermittente au motif que ses contrats de travail avec l’association au titre de l’annexe 10 du règlement général annexé à la convention d’assurance chômage du 14 mai 2014 n’auraient pas dû être établis dans la mesure où elle ne pouvait justifier de l’existence d’un lien de subordination avec cette association.  

Selon l’article L. 7121-3 du code du travail, tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce.

Pour condamner l’intéressée à rembourser à Pôle emploi une somme au titre des allocations de chômage perçues, l’arrêt retient que, bien que ne bénéficiant pas à titre personnel de la licence d’entrepreneur de spectacles vivants lors de la période en litige, cette licence lui ayant été accordée pour une période de trois ans par arrêté préfectoral du 17 juin 2016 en sa qualité de représentante d’une autre association, elle s’est prévalue dans des échanges avec Pôle emploi de l’exercice de fonctions de coordinatrice pour le compte de l’association Isle 80. Il ajoute qu’elle disposait d’une procuration sur le compte bancaire de cette dernière, procédait seule à l’établissement de l’ensemble des déclarations sociales, avait signé une convention de résidence pour le compte de l’association Isle 80 en qualité de directrice de cette dernière, le 27 août 2015 et était présentée sur le site du théâtre Isle 80 comme directrice de la structure, son époux étant le président de l’association. Il en déduit qu’elle s’était en réalité comportée comme une dirigeante de fait de l’association en ce qu’elle avait pris en charge les tâches administratives afférentes au fonctionnement de la structure hors du cadre précis d’un contrat de travail correspondant à ces missions, ce qui rendait incompatible l’existence d’un lien de subordination avec l’association.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
 
_________________________
 
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
 
COUR DE CASSATION
______________________
 
Audience publique du 19 octobre 2022
 
Cassation
 
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
 
Arrêt n° 1097 F-D
 
Pourvoi n° C 20-23.496
 
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 OCTOBRE 2022
 
Mme [M] [D] épouse [P], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 20-23.496 contre l’arrêt rendu le 29 octobre 2020 par la cour d’appel de Nîmes (1ère chambre civile), dans le litige l’opposant à Pôle emploi [Localité 3], dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.
 
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
 
Le dossier a été communiqué au procureur général.
 
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme [D], après débats en l’audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
 
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
 
Faits et procédure
 
1. Selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 29 octobre 2020), Mme [D], salariée à temps partiel de l’association Isle 80 (l’association) à compter du 1er janvier 2013 en qualité d’animatrice d’atelier et de coordinatrice, a bénéficié, en sa qualité de comédienne professionnelle, à compter du 10 février 2014, du régime particulier d’indemnisation du chômage des intermittents du spectacle et a perçu à ce titre des allocations de chômage, de retour à l’emploi puis des allocations de fin de droits entre février 2014 et février 2016.
 
2. A la suite d’un contrôle, Pôle emploi a, par lettre du 12 avril 2016, annulé rétroactivement ses droits ouverts depuis le 17 janvier 2015 au motif que ses contrats de travail avec l’association au titre de l’annexe 10 du règlement général annexé à la convention d’assurance chômage du 14 mai 2014 n’auraient pas dû être établis dans la mesure où elle ne pouvait justifier de l’existence d’un lien de subordination avec cette association.
 
3. Le 18 janvier 2017, Pôle emploi a assigné l’intéressée devant le tribunal de grande instance pour obtenir sa condamnation au paiement d’une certaine somme en remboursement des allocations perçues au cours de la période du 10 février 2014 au 15 novembre 2015.
 
Examen du moyen
 
Sur le moyen, pris en sa première branche
 
Enoncé du moyen
 
4. L’intéressée fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à Pôle emploi une certaine somme, avec intérêts légaux à compter du 24 mai 2016, et de la débouter de sa demande de réadmission au régime d’assurance chômage dans le cadre de l’annexe 10 à la date d’épuisement de ses droits précédents, soit au plus tard au mois d’avril 2016 et à recalculer son indemnité de retour à l’emploi et sa durée d’indemnisation à la date de la rupture de son dernier contrat conformément aux dispositions de l’annexe 10, alors « que tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce ; qu’en l’espèce, elle a été embauchée par l’association Isle 80 en qualité d’animatrice de théâtre à compter du 1er janvier 2013 ; que, pour la condamner à rembourser à Pôle Emploi la somme de 15.542,28 euros, la cour d’appel a retenu que, bien que ne bénéficiant pas à titre personnel de la licence d’entrepreneur de spectacles vivants lors de la période en litige, cette licence lui ayant été accordée pour une période de trois ans par arrêté préfectoral du 17 juin 2016 en sa qualité de représentante d’une autre association, elle s’est prévalue dans des échanges avec Pôle emploi de l’exercice de fonctions de coordinatrice pour le compte de l’association Isle 80, qu’elle disposait d’une procuration sur le compte bancaire de cette dernière et procédait seule à l’établissement de l’ensemble des déclarations sociales ; qu’elle a ajouté qu’elle avait signé une convention de résidence pour le compte de l’association Isle 80 en qualité de directrice de cette dernière, le 27 août 2015, qu’elle était présentée sur le site du théâtre Isle 80 comme directrice de la structure et que son époux était président de l’association ; que la cour d’appel en a déduit qu’elle « s’est en réalité comportée comme une dirigeante de fait de l’association en ce qu’elle a pris en charge les tâches administratives afférentes au fonctionnement de la structure hors du cadre précis d’un contrat de travail correspondant à ces missions, ce qui rendait incompatible l’existence d’un lien de subordination avec l’association » ; qu’en statuant ainsi, sans constater que Mme [D], dont la qualité d’artiste du spectacle n’était pas discutée, exerçait son activité dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce, la cour d’appel a violé l’article L. 7121-3 du code du travail. »
 
Réponse de la Cour
 
Vu l’article L. 7121-3 du code du travail :
 
5. Selon ce texte, tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce.
 
6. Pour condamner l’intéressée à rembourser à Pôle emploi une somme au titre des allocations de chômage perçues, l’arrêt retient que, bien que ne bénéficiant pas à titre personnel de la licence d’entrepreneur de spectacles vivants lors de la période en litige, cette licence lui ayant été accordée pour une période de trois ans par arrêté préfectoral du 17 juin 2016 en sa qualité de représentante d’une autre association, elle s’est prévalue dans des échanges avec Pôle emploi de l’exercice de fonctions de coordinatrice pour le compte de l’association Isle 80. Il ajoute qu’elle disposait d’une procuration sur le compte bancaire de cette dernière, procédait seule à l’établissement de l’ensemble des déclarations sociales, avait signé une convention de résidence pour le compte de l’association Isle 80 en qualité de directrice de cette dernière, le 27 août 2015 et était présentée sur le site du théâtre Isle 80 comme directrice de la structure, son époux étant le président de l’association. Il en déduit qu’elle s’était en réalité comportée comme une dirigeante de fait de l’association en ce qu’elle avait pris en charge les tâches administratives afférentes au fonctionnement de la structure hors du cadre précis d’un contrat de travail correspondant à ces missions, ce qui rendait incompatible l’existence d’un lien de subordination avec l’association.
 
7. En statuant ainsi, sans constater que l’intéressée, dont la qualité d’artiste du spectacle n’était pas discutée, exerçait son activité dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
 
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
 
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 29 octobre 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ;
 
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;
 
Condamne Pôle emploi aux dépens ;
 
En application de l’article 700 du code de procédure civile, condamne Pôle emploi à payer à Mme [D] la somme de 3 000 euros ;
 
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
 
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-deux.
 
 
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
 
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme [D]
 
Mme [M] [D] épouse [P] fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué de l’AVOIR condamnée à payer à Pôle Emploi la somme de 15.542,28 euros, avec intérêts légaux à compter du 24 mai 2016, et de l’AVOIR déboutée de sa demande de réadmission au régime d’assurance chômage dans le cadre de l’annexe 10 à la date d’épuisement de ses droits précédents, soit au plus tard au mois d’avril 2016 et à recalculer son indemnité de retour à l’emploi et sa durée d’indemnisation à la date de la rupture de son dernier contrat conformément aux dispositions de l’annexe 10 du règlement général annexé à la convention d’assurance chômage du 14 mai 2014 ;
 
1°) ALORS QUE tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce ; qu’en l’espèce, Mme [D] a été embauchée par l’association Isle 80 en qualité d’animatrice de théâtre à compter du 1er janvier 2013 ; que, pour la condamner à rembourser à Pôle Emploi la somme de 15.542,28 euros, la cour d’appel a retenu que celle-ci – bien que ne bénéficiant pas à titre personnel de la licence d’entrepreneur de spectacles vivants lors de la période en litige, cette licence lui ayant été accordée pour une période de trois ans par arrêté préfectoral du 17 juin 2016 en sa qualité de représentante d’une autre association – s’est prévalue dans des échanges avec Pôle emploi de l’exercice de fonctions de coordinatrice pour le compte de l’association Isle 80, qu’elle disposait d’une procuration sur le compte bancaire de cette dernière et procédait seule à l’établissement de l’ensemble des déclarations sociales ; qu’elle a ajouté que Mme [D] avait signé une convention de résidence pour le compte de l’association Isle 80 en qualité de directrice de cette dernière, le 27 août 2015, qu’elle était présentée sur le site du théâtre Isle 80 comme directrice de la structure et que son époux était président de l’association ; que la cour d’appel en a déduit que « Mme [D] s’est en réalité comportée comme une dirigeante de fait de l’association en ce qu’elle a pris en charge les tâches administratives afférentes au fonctionnement de la structure hors du cadre précis d’un contrat de travail correspondant à ces missions, ce qui rendait incompatible l’existence d’un lien de subordination avec l’association » ; qu’en statuant ainsi, sans constater que Mme [D],
dont la qualité d’artiste du spectacle n’était pas discutée, exerçait son activité dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce, la cour d’appel a violé l’article L. 7121-3 du code du travail ;
 
2°) ALORS, subsidiairement, QUE la qualité de dirigeant de fait suppose une activité positive de gestion du personnel de l’entreprise ; qu’en statuant ainsi, sans constater une immixtion de Mme [D] dans la gestion sociale de l’association, laquelle ne résulte pas de la circonstance qu’elle établissait, seule, l’ensemble des déclarations sociales, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;
 
3°) ALORS, subsidiairement, QUE seul celui qui exerce, de manière constante et régulière, une activité positive de gestion et de direction a la
qualité de gérant de fait ; qu’en retenant que Mme [D] disposait d’une
procuration sur le compte bancaire de l’association Isle 80 et qu’elle avait
signé une convention de résidence pour le compte de l’association Isle 80
en qualité de directrice de cette dernière, pour en déduire sa qualité de dirigeante de fait de l’association, la cour d’appel a statué par des motifs impropres à établir l’existence d’actes réguliers ou constants de gestion et
de direction de l’association Isle 80 engageant celle-ci dans ses rapports avec les tiers, privant derechef sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;
 
4°) ALORS, subsidiairement, QUE seul celui qui, en toute liberté et indépendance exerce une activité positive de gestion et de direction, a la qualité de gérant de fait ; qu’en retenant la qualité de dirigeante de fait de Mme [D], quand elle constatait qu’« il ressort des attestations versées aux débats par Mme [D] que l’ensemble des décisions était pris par le conseil d’administration s’agissant des missions techniques qui lui étaient confiées dans le cadre de son activité salariée », ce dont il résultait que l’intéressée n’exerçait pas son activité en toute liberté et indépendance, la cour d’appel a violé l’article L. 1221-1 du code du travail ;
 
5°) ALORS, subsidiairement, QUE, pour retenir la qualité de dirigeante de fait de l’exposante, la cour d’appel a retenu que « le champ d’intervention de Mme [D] au sein de la structure excédait le strict cadre [du] contrat de travail » ; qu’en statuant ainsi par des motifs inopérants tirés de l’inadéquation entre la qualification contractuelle de Mme [D] et les fonctions effectivement assumées par elle, laquelle n’implique pas en soi l’exercice d’une activité en toute liberté et indépendance, la cour d’appel a encore privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;
 
6°) ET ALORS, subsidiairement, QUE la qualité de dirigeant de fait suppose une substitution du salarié dans les pouvoirs du dirigeant de droit, qui se trouve corrélativement privé de ses prérogatives ; qu’en se déterminant comme elle l’a fait, par des motifs inopérants tirés de la qualification de coordinatrice que Mme [D] avait donné à ses fonctions au sein de l’association Isle 80 et de celle de directrice que lui donnait le site du théâtre Isle 80 et qui lui était conférée par la convention de résidence du 27 août 2015, la cour d’appel n’a pas caractérisé une dépossession des prérogatives de M. [P], dont elle constatait qu’il était président de l’association lors de la période litigieuse, et ce, au profit de Mme [D], privant sa décision de toute base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail.
 

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