Indemnisation pour détention provisoire : Évaluation des préjudices moral et matériel d’un jeune incarcéré

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Indemnisation pour détention provisoire : Évaluation des préjudices moral et matériel d’un jeune incarcéré
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Monsieur [Y] [X] a été placé en détention provisoire le 6 janvier 2022 pour transport et acquisition non autorisés de stupéfiants, jusqu’à son jugement le 20 janvier 2022. Cette détention a été confirmée par la cour d’appel de Metz le 8 juin 2023, sans pourvoi en cassation. Le 5 décembre 2023, il a demandé une indemnisation pour le préjudice moral et matériel causé par sa détention de 20 jours, sollicitant 4000 euros pour le préjudice moral, 2800 euros pour la perte de revenus, et 1500 euros pour les frais d’avocat. Il a souligné la dureté de sa détention, notamment en raison du contexte du COVID et de son manque d’expérience carcérale. L’Agent judiciaire de l’État a reconnu la recevabilité de sa demande, offrant 3000 euros pour le préjudice moral, mais rejetant la demande pour le préjudice matériel, faute de justification. Le parquet général a également requis 3000 euros pour le préjudice moral et le rejet du préjudice matériel. Lors de l’audience du 5 septembre 2024, la cour a déclaré la requête recevable, allouant 3000 euros pour le préjudice moral et 1000 euros pour le préjudice matériel, tout en rejetant le surplus des demandes et condamnant l’Agent judiciaire de l’État à verser 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les dépens ont été laissés à la charge du Trésor public, avec exécution provisoire de la décision.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 octobre 2024
Cour d’appel de Metz
RG n°
23/00010
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

REFERENCES :

N° RG 23/00010 – N° Portalis DBVS-V-B7H-GCMY

Minute n°24/00005

M. [Y] [X]

C/

AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT, LE MINISTERE PUBLIC

Notification par LRAR le :

Date de réception :

1. Demandeur :

2. Défendeur :

Clause exécutoire délivrée le :

à :

Recours formé le :

par :

COUR D’APPEL DE METZ

Indemnisation à raison d’une Détention Provisoire

DÉCISION DU 17 OCTOBRE 2024

DEMANDEUR :

Monsieur [Y] [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Frédéric DUSSORT, substitué par Me Mathilde AUDRAIN, avocats au barreau de METZ

DEFENDEUR :

Monsieur l’Agent Judiciaire de l’Etat

Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie

Direction des Affaires Juridiques – Bureau de droit pénal

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Claire LALLEMENT-HURLIN, substituée par Me KASTLER Serena, avocats au barreau de THIONVILLE

EN PRESENCE DU MINISTERE PUBLIC :

pris en la personne de Monsieur le procureur général près la cour d’appel de Metz, représenté par Mme Sophie MARTIN, substitut du procureur général

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

PRÉSIDENT : M. Frédéric MAUCHE, Président de chambre, agissant sur délégation de Monsieur le premier président de la cour d’appel de Metz,

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Sonia DE SOUSA

DATE DES DÉBATS : Audience publique du 05 Septembre 2024

L’affaire a été mise en délibéré pour la décision être rendue le 17 Octobre 2024.

FAITS ET PROCEDURE :

Après avoir été déféré le 06 janvier 2022 devant le tribunal correctionnel de Metz pour transport et acquisition non autorisé de stupéfiants de stupéfiants, Monsieur [Y] [X] a été placé en détention jusqu’à la date de son jugement du 20 janvier 2022. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel de Metz par arrêt définitif du 08 juin 2023.

Suivant acte établi le 11 juillet 2023, le greffier de la cour d’appel de Metz a certifié qu’il n’avait été formé aucun pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt rendu le 08 juin 2023.

Par requête déposée le 05 décembre 2023 soutenue à l’audience du 5 septembre 2024 par son conseil, Monsieur [Y] [X] demande l’indemnisation du préjudice moral et matériel que lui a causé la détention provisoire de 20 jours qu’il a subie et il demande ainsi l’octroi des sommes suivantes :

– 4000 euros en réparation du préjudice moral,

– 2800 euros en réparation du préjudice matériel du fait de sa perte de revnu professionnel,

– 1500 euros au titre de la prise en charge des frais d’avocat qu’il a dû engager pour la présente procédure.

Il rappelle qu’il n’y a pas lieu en terme d’indemnisation de détention provisoire à rechercher l’origine de la décision de levée de détention tient à des motifs de procédure ou de fond et expose avoir subi avec dureté cette détention alors qu’il était jeune, sans aucune expérience carcérale et qu’il a du fait de celle-ci était privé de ses proches et de sa mère compte tenu des délais de permis de visite dans un univers d’autant plus anxiogène que son incarcération s’est déroulée dans le contexte difficile du COVID en prison. Il précise qu’il travaillait en interim régulièrement et que cette incarcération lui a fait perdre une rémunération tant pour sa période que pour le mois suivant qui était nécessaire pour qu’il retrouve une mission.

Dans ses conclusions reçues au greffe le 20, soutenues à l’audience par son conseil, l’Agent judiciaire de l’Etat :

– dit que la demande de Monsieur [Y] [X] du 05 décembre 2023 est recevable ;

– offre une indemnité d’un montant de 3000 euros pour réparer le préjudice moral,

– conclut pour le surplus au débouté de la demande de Monsieur [Y] [X] en ce qui concerne le préjudice matériel faute de justification d’une perte d’activité à la date de l’incarcération.

Le parquet général, dans ses réquisitions écrites reçues le 20, et à l’audience, requiert qu’il plaise à la cour de déclarer recevable la requête en indemnisation présentée, d’accorder à Monsieur [Y] [X] la somme de 3000 euros au titre de son préjudice moral, de rejeter la demande au titre du préjudice matériel et indique s’en rapporter sur la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions et réquisitions pour un exposé complet des moyens et prétentions.

A l’audience tenue le 5 septembre 2024 l’affaire a été mise en délibéré pour une mise à disposition au greffe au 17 octobre 2024.

SUR CE

Sur la recevabilité :

Conformément aux exigences de l’article 149-2 du code de procédure pénale, la requête a été déposée le 05 décembre 2023 soit dans les six mois de la décision mettant fin aux poursuites prononcée par cour d’appel de Metz le 08 juin 2023, le caractère définitif de celle-ci ne pouvant plus être contesté au vu du certificat établi par le greffier de cette chambre de la cour d’appel de Metz en date du 11 juillet 2023 attestant que l’arrêt du 08 juin 2023 de cour d’appel de Metz n’a fait l’objet d’aucun pourvoi en cassation.

En conséquence, la requête de Monsieur [Y] [X] est recevable.

Sur le fond :

En application de l’article 149 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. Toutefois, aucune réparation n’est due lorsque cette décision a pour seul fondement la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l’article 122-1 du code pénal, une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire, ou la prescription de l’action publique intervenue après la libération de la personne, lorsque la personne était dans le même temps détenue pour une autre cause, ou lorsque la personne a fait l’objet d’une détention provisoire pour s’être librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l’auteur des faits aux poursuites. A la demande de l’intéressé, le préjudice est évalué par expertise contradictoire réalisée dans les conditions des articles 156 et suivants.

En l’espèce, Monsieur [Y] [X] a été détenu du 06 janvier 2022 au 26 janvier 2022. Cette détention provisoire ayant abouti le 08 juin 2023 à une décision de renvoi des fins des poursuites envers le requérant confirmée par la cour d’appel de Metz, il doit être indemnisé pour cette période de détention provisoire de 20 jours.

Le préjudice moral, au sens de l’article 149 du code de procédure pénale, résulte du choc carcéral, qui correspond à l’émotion violente et inattendue provoquée par la perturbation physique et psychique éprouvée par une personne écrouée, et qui est ressenti, au regard des éléments relatifs à sa personnalité et à son mode de vie, par une personne brutalement et injustement privée de liberté ; ce choc carcéral peut en outre être aggravé, notamment, par une séparation familiale et des conditions d’incarcération particulièrement difficiles ; il peut au contraire être minoré par l’existence de périodes d’incarcération déjà effectuées en exécution de condamnations antérieures.

En l’espèce, il est relevé que, même si 7 mentions de condamnation figurent au casier judiciaire B1 de Monsieur [Y] [X] ce dernier n’a jamais été incarcéré pour d’autres causes et le choc d’une première incarcération pour le jeune homme qu’il était avec ces conséquences de privation brutale de liens avec sa mère chez laquelle il vivait et a subi un enfermement dans un contexte de promiscuité et de confinement pour cause de COVID correspond à un préjudice certain.

Au regard de l’ensemble de ces éléments et du barème de la commission nationale de réparation des détentions, le préjudice moral subi par Monsieur [Y] [X] sera justement réparé par l’allocation de la somme de 3000 euros.

Le préjudice matériel déclaré par Monsieur [Y] [X] ne peut pas être constitué par la perte d’un travail qu’il allègue mais n’occupait pas à la date de sa détention. Pour autant il justifie de la régularité d’embauche de périodes de travail en intérim de 26 jours par mois sur les deux mois de novembre et décembre 2021 précédant sa détention pour 1400 euros par mois net de sorte qu’il doit lui être alloué 1000 euros au titre de sa perte de chance de poursuivre un contrat en intérim du fait sa détention. Par contre le surplus de la demande faite pour la période postérieure à la détention doit être écartée, le requérant ne rapportant pas la preuve d’un empêchement à reprendre sans délai une activité professionnelle ou un droit à indemnisation.

Ainsi, l’agent judiciaire de l’État doit régler à Monsieur [Y] [X] la somme de 1000 euros au titre de son préjudice matériel.

Sur les frais irrépétibles :

Compte tenu de l’issue du litige, l’Agent judiciaire de l’Etat doit régler également la somme de 800 euros à Monsieur [Y] [X] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l’article R 40 du code de procédure pénale, la présente décision est assortie de plein droit de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort :

DECLARE recevable la requête présentée par Monsieur [Y] [X] ;

ALLOUE à Monsieur [Y] [X] la somme de 3000 euros en réparation de son préjudice moral et la somme de 1000 euros en réparation de son préjudice matériel ;

REJETTE le surplus de ses prétentions ;

CONDAMNE l’Agent judiciaire de l’Etat à payer à Monsieur [Y] [X] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;

RAPPELLE que la présente décision est assortie de plein droit de l’exécution provisoire.

La greffière Le président de chambre


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