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5ème Chambre
ARRÊT N°-206
N° RG 22/05830 – N° Portalis DBVL-V-B7G-TFBF
M. [S] [N]
C/
M. [L] [N]
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 07 JUIN 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 29 Mars 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [S] [N]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représenté par Me Axel DE VILLARTAY de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/006376 du 16/09/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉ :
Monsieur [L] [N]
né le [Date naissance 4] 1962 à [Localité 6]
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représenté par Me Christelle FLOC’H de la SELARL LEXOMNIA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
Par acte d’huissier de justice du 17 août 2020, M. [S] [N] a assigné M. [L] [N] devant le tribunal judiciaire de Brest faisant le grief de différentes fautes de gestion commises par son frère, M. [L] [N], dans le cadre de la gestion des sociétés civiles immobilières dont ce dernier a été le gérant.
Par conclusions signifiées le 11 octobre 2021, M. [L] [N] a saisi le juge de la mise en état d’un incident aux fins de voir dire irrecevable l’action exercée par M. [S] [N] à son encontre pour cause de prescription.
Par ordonnance du 1er février 2022, le juge de la mise en état a :
– dit que l’action engagée par M. [S] [N] est irrecevable,
– constaté de ce fait l’extinction de l’instance,
– condamné M. [S] [N] à payer à M. [L] [N] la somme de
2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [S] [N] aux dépens de l’incident.
Le 2 octobre 2022, M. [S] [N] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 10 janvier 2023, il demande à la cour de :
– annuler la signification de l’ordonnance du 1er février 2022, par la société Sed Lex, huissiers de justice à [Localité 11], suivant procès-verbal de recherches infructueuses du 22 mars 2022,
– déclarer en conséquence son appel recevable,
– réformer l’ordonnance du 1er février 2022 en ce qu’elle :
* a dit que son action engagée est irrecevable,
* a constaté de ce fait l’extinction de l’instance,
* l’a condamné à payer à M. [L] [N] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
* l’a condamné aux dépens de l’incident,
Et statuant de nouveau,
– dire et juger son action engagée recevable,
– condamner M. [L] [N] aux entiers dépens de première instance et d’appel,
– condamner M. [L] [N] à verser à maître Axel de Villartay la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– remettre l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant l’ordonnance du 1er février 2022 et les renvoyer devant le tribunal judiciaire de Brest,
– débouter M. [L] [N] de l’ensemble de ses demandes plus amples ou contraires.
Par dernières conclusions notifiées le 16 décembre 2022, M. [L] [N] demande à la cour de :
In limine litis et à titre principal,
– dire parfaitement régulière la signification de l’ordonnance du 1er février 2002 par la SELARL Sed Lex, commissaire de justice à [Localité 11], suivant procès-verbal de recherches infructueuses en date du 22 mars 2022,
En conséquence,
– dire irrecevable l’appel formé par M. [S] [N] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 1er février 2022 par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Brest pour cause d’appel tardif,
A titre subsidiaire,
– confirmer 1’ordonnance sur incident rendue par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Brest le 1er février 2022 en qu’il a dit que l’action engagée par M. [S] [N] était irrecevable et constater de ce fait l’extinction de l’instance,
– confirmer l’ordonnance rendue le 1er février 2022 par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Brest en ce qu’il a condamné M. [S] [N] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de l’incident,
– débouter en conséquence M. [S] [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause,
– condamner M. [S] [N] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel,
– condamner M. [S] [N] à lui payer les entiers dépens d’appel.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
– Sur la recevabilité de l’appel.
M. [S] [N] explique que, dans le cadre d’une autre procédure, il a pris connaissance du procès-verbal de recherches infructueuses pour la signification de l’ordonnance du 1er février 2022.
Il entend soulever la nullité de l’acte de signification. Il considère que le commissaire de justice aurait été en mesure d’obtenir l’adresse de son domicile ou de son lieu de travail s’il avait effectué l’ensemble des diligences qui s’imposait.
Il signale que le commissaire de justice a pu lui dénoncer un procès-verbal de saisie-attribution après avoir interrogé la DGFIP, Pôle Emploi et Ficoba alors qu’il ne l’a pas fait pour la signification de l’ordonnance du 1er février 2022.
En réponse, M. [L] [N] rappelle que M. [S] [N] devait interjeter appel dans les 15 jours suivant la signification de l’ordonnance querellée.
Il fait valoir que :
– l’incident de mise en état a été renvoyé pour permettre à M. [S] [N] de trouver un nouvel avocat (le précédent ayant indiqué qu’il n’interviendrait plus),
– M. [S] [N] n’a effectué aucune diligence en ce sens,
– l’ordonnance du 1er février 2022 a été signifiée à maître Gouyer qui demeurait l’avocat constitué de son frère,
– le commissaire de justice s’est présenté au domicile que M. [S] [N] avait mentionné dans son assignation du 17 août 2020,
– M. [S] [N] n’a pas répondu au mail du commissaire de justice lui demandant de lui indiquer sa nouvelle adresse.
Il considère que la SARL Sed Lex a mentionné de manière exhaustive les investigations réalisées pour retrouver le domicile de M. [S] [N].
Au visa de l’article 654 du code de procédure civile, la signification d’un acte doit être effectuée à personne.
Selon l’article 659 du même code, lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, le commissaire de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.
Le même jour ou, au plus tard le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, le commissaire de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une copie du procès-verbal à laquelle est jointe une copie de l’acte objet de la signification.
Le jour même, le commissaire de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l’accomplissement de cette formalité.
La juridiction doit vérifier si les investigations du commissaire de justice ont été suffisantes.
Le commissaire de justice s’est rendu, pour procéder à la signification, au [Adresse 3] qui correspond à l’adresse que M. [S] [N] a indiqué dans l’assignation du 17 août 2020.
M. [S] [N] ne justifie pas avoir signalé un changement d’adresse pendant le cours de l’instance, de sorte que l’ordonnance du juge de la mise en état porte la même adresse.
Ces éléments justifient le déplacement du commissaire de justice au [Adresse 3].
Le procès-verbal de signification du 22 mars 2022 indique :
Cette adresse étant le dernier domicile connu communiqué par le requérant.
Je, maître [M] [T], (…) certifie qu’un clerc assermenté s’est transporté, ce jour, à l’adresse ci-dessus déclarée par le requérant ou son mandataire, comme étant l’adresse de la dernière demeure connue du défendeur, avoir constaté qu’à ce jour, aucune personne répondant à l’identification du destinataire de l’acte, n’y a domicile ou sa résidence.
Sur place, les coordonnées du destinataire n’apparaissent ni sur les casiers postaux aux portes ni sur le tableau des occupants, ni sur aucune des sonnettes de l’immeuble de 8 logements. Poursuivant les recherches, il s’est adressé occupants qui lui ont déclaré que l’intéressé était parti sans laisser l’adresse ou ne pas le connaître.
Le lieu de travail de l’intéressé étant inconnu, il a alors interrogé les services de la mairie de [Localité 13] qui n’ont pu fournir aucune indication quant à l’adresse du sus-nommée. Il a obtenu une adresse sise [Adresse 9] auprès des services du commissariat de [Localité 13].
Sur place, les coordonnées du destinataire n’apparaissent ni sur les casiers postaux aux portes si sur les tableaux des occupants ni sur aucune des sonnettes de l’immeuble. Poursuivant les recherches, il s’est adressé aux occupants qui lui ont déclaré ne pas connaître l’intéressé. Il a pu apprendre que le syndic de l’immeuble était Barraine Immo. Il a pu apprendre auprès d’eux que M. [N] a vendu 3 logements dernièrement sur [Localité 13], obtenu le numéro [XXXXXXXX02] pour le joindre, une adresse email [Courriel 12] mais malheureusement pas de nouvelle adresse de domicile.
Il a alors tenté de le joindre au [XXXXXXXX02] en vain. Les nombreux appels sont restés vains, ainsi que les messages vocaux et sms envoyés. Il a ensuite envoyé un mail demandant à être recontacté mais sans aucun retour.
Enfin il a contacté le demandeur, M. [N] [L], le frère de l’intéressé. Il n’a plus de contact avec [S] depuis plus de 20 ans. Il ne connaît ni son numéro de téléphone, si son adresse. Il ajoute que personne dans la famille n’a de contact avec lui.
Les recherches sur le site internet des pages blanches-pages jaunes se sont révélées infructueuses afin de déterminer la nouvelle adresse du destinataire.
Les recherches sur internet via le moteur de recherches ‘google’ et celles sur les réseaux sociaux tels facebook, twitter, viadéo ou linkedin se sont aussi révélées infructueuses en raison de l’homonymie.
Il a interrogé les services de la Poste qui lui ont opposé le secret professionnel sans toutefois ni confirmer ni infirmer l’actualité de cette adresse.
En conséquence, il a été constaté que M. [S] [E] [N] n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus ; et le présent acte a été converti en procès-verbal de recherches article 696 cpc.
Il a été adressé à la dernière adresse connue de l’intéressé, une copie du procès-verbal de recherche à laquelle est jointe une copie de l’acte objet de la signification, par lettre recommandée avec avis de réception au plus tard le premier jour ouvrable suivant l’établissement du présent acte, et la lettre simple l’avisant de l’accomplissement de cette formalité a été envoyée le même jour.
Or le 6 juillet 2022, le même commissaire de justice a dénoncé un procès-verbal de saisie-attribution à M. [S] [N] à une autre adresse soit au [Adresse 5] à [Localité 7].
Dans le procès-verbal, le commissaire de justice mentionne :
Le domicile étant certain ainsi qu’il résulte des vérifications suivantes :
– le nom est inscrit sur la boîte aux lettres,
– l’adresse de l’intéressé est connue de l’étude,
– un avis de passage a été laissé dans la boîte aux lettres,
– l’adresse est confirmée par les services de la mairie.
Le commissaire de justice a expliqué au conseil de M. [L] [N] avoir préalablement à la dénonciation de saisie interrogée la DGFIP (qui a communiqué l’adresse au [Adresse 5] à [Localité 7]), Pôle Emploi (qui a transmis deux adresses au [Adresse 3] et [Adresse 10] à [Localité 13]) et Ficoba (qui a donné pour adresse : [Adresse 5] à [Localité 7], et [Adresse 10] à [Localité 13]).
S’il peut être reproché à M. [S] [N] de ne pas avoir répondu au mail du commissaire de justice, qui a été transmis à la bonne adresse email de M. [N] (si l’on en croit sa pièce n° 152), il n’en demeure pas moins vrai que la comparaison des deux actes de signification réalisés à 3 mois et demi d’écart pose question quant aux diligences du commissaire de justice.
Si le procès-verbal du 22 mars 2022 fait état de nombreuses démarches du commissaire de justice, la cour ne peut que constater que ces démarches ne sont pas complètes dans la mesure où des démarches similaires à celles réalisées pour la dénonciation de la saisie-attribution auraient permis une signification à l’adresse actuelle de M. [S] [N] et auraient éviter une signification selon les dispositions de l’article 659 du code de procédure civile.
En conséquence, il convient d’annuler la signification de l’ordonnance du 1er février 2022 suivant procès-verbal de recherches infructueuses du 22 mars 2022.
Le délai d’appel n’ayant pas couru, l’appel de M. [S] [N] est jugé recevable.
– Sur la prescription.
M. [S] [N] prétend que, pour la SCI [N], M. [L] [N] en a été le gérant jusqu’au 17 juin 2017 (date de la dissolution de la société) et qu’il n’a jamais respecté les dispositions de l’article 1856 du code civil, n’a jamais rendu compte de sa gestion. Il affirme n’avoir eu véritablement connaissance de l’ampleur des fautes de gestion de son frère qu’au moment de la dissolution.
Pour la SCI Jeanne d’Arc, M. [S] [N] affirme que M. [L] [N] en est toujours gérant aujourd’hui.
Il signale que le délai de prescription a été interrompu par l’assignation devant le juge des référés du 14 août 2020.
M. [S] [N] souligne qu’il ne formule aucune demande pour les fautes de gestion de son frère au sein de la SCI [Localité 6] Iroise au regard de leur prescription.
En réponse, M. [L] [N] écrit que :
– il a été gérant de droit de la SCI [N] (du 6 janvier 2004 au 4 avril 2008) et de la SCI Jeanne d’Arc (du 6 janvier à avril 2004), soit il y a plus de 16 ans,
– les actifs de ces deux sociétés ont été vendus en avril 2008 pour la première et en avril 2004 pour la seconde,
– il a respecté ses obligations de gérant, notamment en tenant la comptabilité des sociétés,
– la SCI [N] a fait l’objet d’une dissolution par jugement du 14 juin 2017,
– un administrateur provisoire a été désigné pour les deux sociétés.
Il prétend que M. [S] [N] a été gérant de fait (ou de droit pour la SCI [Localité 6] Iroise) des SCI et ne cesse de manipuler ses proches, et de multiplier les procédures.
La cour constate que M. [S] [N] ne formule aucune demande pour la gestion de la SCI [Localité 6] Iroise et pour la SCI Swansea.
Il est constant qu’une action en responsabilité contre un gérant de SCI se prescrit par 5 ans à compter du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’agir.
Des pièces du dossier, il résulte que :
* pour la société [N]
– M. [L] [N] a été désigné gérant le 6 janvier 2004,
– le bien immobilier, seul actif de la société, a été vendu le 4 avril 2008
– la société a fait l’objet d’une dissolution le 14 juin 2017,
* pour la société Jeanne d’Arc.
– M. [L] [N] a été désigné gérant le 6 janvier 2004,
– le bien immobilier, seul actif de la société, a été vendu le 5 avril 2008.
Ainsi depuis 2008, les deux sociétés [N] et Jeanne d’Arc sont des coquilles vides et n’ont plus d’activité et que si faute il y a, elle existe antérieurement.
Depuis au moins 2008, M. [S] [N] était en droit de s’interroger sur la gestion des deux SCI et, éventuellement, se rendre compte des fautes et erreurs de M. [L] [N] si elles existent.
M. [S] [N] ne peut affirmer qu’il s’est rendu compte de l’ampleur des fautes de son frère qu’à compter de 2017 alors qu’il avait toute possibilité de connaître les faits allégués et leur importance bien avant.
En raison de la prescription quinquennale, M. [S] [N] n’ayant pas agi avant le 4 avril 2013, son action est irrecevable.
Il en est de même pour les faits antérieurs à cette date.
En conséquence, il convient de confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état du 1er février 2022.
Succombant principalement en appel, M. [S] [N] est débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles et est condamné à payer à M. [L] [N] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, étant par ailleurs précisé que les dispositions de la décision entreprise sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe :
Annule la signification de l’ordonnance du 1er février 2022, par la société Sed Lex, commissaires de justice à [Localité 11], suivant procès-verbal de recherches infructueuses du 22 mars 2022 ;
Juge recevable l’appel de M. [S] [N] ;
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute M. [S] [N] de sa demande en frais irrépétibles ;
Condamne M. [S] [N] à payer à M. [L] [N] la somme de
3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [S] [N] aux dépens.
La greffière La présidente