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ARRÊT N°23/
FA
R.G : N° RG 22/00755 – N° Portalis DBWB-V-B7G-FWB2
[W]
C/
S.A.S. RAVATE PROFESSIONNEL
COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS
ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2023
Chambre commerciale
Appel d’une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT DENIS en date du 27 AVRIL 2022 suivant déclaration d’appel en date du 19 MAI 2022 RG n° 2021J00166
APPELANT :
Monsieur [G] [J] [W]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Rohan RAJABALY, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMÉE :
S.A.S. RAVATE PROFESSIONNEL
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Xavier BELLIARD de l’AARPI BELLIARD-RATRIMOARIVONY-CHHANN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DATE DE CLÔTURE : 23/01/2023
DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Juin 2023 devant Monsieur ALZINGRE Franck, Conseiller, qui en a fait un rapport, assisté de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2023.
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Conseiller : Monsieur Franck ALZINGRE, Conseiller
Qui en ont délibéré
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 06 Septembre 2023.
* * *
LA COUR
FAITS ET PROCÉDURE
La société SMAK BÂTIMENT a fait l’objet d’une liquidation judiciaire le 16 décembre 2020 et, par assignation du 5 mai 2021, la société RAVATE PROFESSIONNEL a attrait M. [G] [W] devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion aux fins de le voir condamner à lui verser la somme de 105.022 euros, à titre de dommages-intérêts correspondant à la valeur d’un chèque retourné impayé par la banque (rejet pour motif de prescription de sa présentation à l’encaissement), ledit chèque ayant été établi pour le remboursement de dettes de la société SMAK.
Par jugement du 27 avril 2022, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion a statué en ces termes :
-DÉBOUTE M. [W] de son exception d’incompétence ;
-DÉBOUTE la SAS RAVATE PROFESSIONNEL de sa demande de jonction des différentes procédures ;
-CONDAMNE M. [G] [W] à payer à la société RAVATE PROFESSIONNEL la somme de 105.022 euros à titre de dommages-intérêts correspondant à la valeur du chèque n° 6691017 établi par M. [G] [W] à l’adresse de la société RAVATE PROFESSIONNEL pour une somme de 105.022 euros à [Localité 5] le 9 mai 2019 ;
-CONDAMNE M. [G] [W] à payer à SAS RAVATE PROFESSIONNEL la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
-CONSTATE l’exécution provisoire de droit de la présente décision ;
-CONDAMNE M. [G] [W] aux dépens de l’instance dont frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 62,92 euros.
* * *
Selon déclaration enregistrée au greffe le 19 mai 2022, M. [G] [W] a interjeté appel de cette décision.
L’affaire a été renvoyée au circuit de la mise en état par décision du 30 mai 2022 ; le 22 juin suivant, le greffier a informé l’appelant que l’intimé n’avait pas constitué avocat.
Par RPVA du 15 juillet 2022, l’appelant a transmis ses premières et uniques conclusions.
L’appelant a fait signifier par acte du 18 juillet 2022 la déclaration d’appel à l’intimé et, ce dernier a constitué avocat le 25 juillet 2022 par RPVA.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Par uniques conclusions transmises par RPVA le 15 juillet 2022, l’appelant sollicite de la cour de voir :
-INFIRMER le jugement querellé en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté la société RAVATE PROFESSIONNEL de sa demande de jonction ;
STATUANT À NOUVEAU :
In limine litis
DIRE que le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis ne pouvait que décliner sa compétence au profit du tribunal judiciaire de Saint-Denis ;
EN TOUTE HYPOTHÈSE
Sur le fond
DÉCLARER la SAS RAVATE PROFESSIONNEL irrecevable et mal fondée en droit et en toutes ses demandes, et l’en débouter ;
CONDAMNER la SAS RAVATE PROFESSIONNEL à payer à M. [G] [W] la somme de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la SAS RAVATE PROFESSIONNEL aux entiers dépens.
* * *
Après avoir constitué avocat, l’intimé n’a communiqué aucune conclusion.
* * *
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’appelant, il convient de se reporter à ses écritures susvisées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
In limine litis, sur l’exception d’incompétence
L’appelant estime que le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis n’est pas compétent au profit du tribunal judiciaire de Saint-Denis. Il estime en effet que M. [G] [W] n’a jamais été dirigeant de droit de la société SMAK BÂTIMENT et qu’il n’est pas démontré qu’il était dirigeant de fait.
Pour retenir sa compétence, la juridiction commerciale précitée a déterminé que l’appelant était en réalité gérant de fait de la société débitrice à l’endroit de la société RAVATE PROFESSIONNEL.
Sur ce,
Le tribunal de commerce est compétent pour les matières qui lui ont été spécialement et exclusivement attribuées. À ce titre, par application de l’article L. 721-3 du code de commerce, le tribunal de commerce est par exception, peu important le montant du litige, exclusivement compétent pour régler les litiges entre commerçants, artisans, établissements de crédit et société de financement, entre sociétés commerciales, pour toutes personnes dans le cadre d’un litige relatif à un acte de commerce.
L’article L. 110-7 du même code vient quant à lui définir la notion d’acte de commerce. Ainsi, la loi répute acte de commerce, notamment, « toute opération de change, banque courtage, activité d’émission et de gestion de monnaie électronique et tout service de paiement, ainsi que toutes obligations entre négociants, marchands et banquiers ».
La cour constate que le litige qui lui est soumis repose sur une opération de banque (le paiement d’un chèque), laquelle relève du contentieux commercial si elle l’a effectué au nom de la société au titre de ses activités commerciales. Autrement dit, la question est de savoir si M. [W] s’est comporté en dirigeant de fait.
Cette notion, en l’absence de précision légale, a été définie de manière prétorienne.
Alors que les dirigeants de droit sont ceux qui sont légalement et statutairement investis d’un pouvoir général de gestion à titre principal – que leur activité soit rémunérée ou non ‘ les dirigeants de fait sont ceux qui exercent en fait les pouvoirs normalement attribués aux dirigeants de droit.
La Cour de cassation exige pour caractériser cette situation qu’il soit démontré, au besoin par tous moyens, que la personne mise en cause exerce en toute liberté et indépendance, seule ou en groupe, de façon continue et régulière, des activités positives de gestion et de direction qui engagent la société (Cass. com., 9 juin 2022, n° 19-24.026). La direction de fait ne peut pas être présumée et, nécessite la réunion d’un faisceau d’indices.
L’analyse des pièces versées aux débats par l’appelant, en particulier l’extrait du registre national du commerce et des sociétés correspondant à la société SMAK BÂTIMENT, atteste que le gérant de droit est Mme [Z] [E], épouse [W]. Quant aux autres pièces, elles sont celles versées en première instance par la SAS RAVATE PROFESSIONNEL qui sont présentes au dossier et dont se sont servis les juges de première instance pour fonder leur décision. Il appartient donc à la cour de les examiner.
Ces pièces sont les suivantes :
-le récapitulatif des factures impayées ;
-la mise en demeure du 4 mars 2019 ;
-le retour du chèque impayé du 25 juillet 2019 ;
-la mise en demeure du 16 août 2018 ;
-bordereau de saisie de fichier client et ouverture de compte (chez RAVATE) ;
-plusieurs lettres de change et avis d’effets de commerce rejetés ;
-chèque de 15.000 euros en date du 21 mai 2019.
Sur le retour du chèque impayé, effectué par la banque le 25 juillet 2019, il est joint la copie du chèque litigieux. Sur ce dernier, le nom du tiré est celui de M. [G] [W], ce qui permet non seulement de constater qu’il a pris l’initiative de régler les dettes de la société SMAK BÂTIMENT à la suite d’une mise en demeure qui lui a été personnellement adressée le 4 mars précédent, mais aussi qu’il utilise un chéquier à son nom propre.
Par ailleurs, sur le bordereau de saisie de fichier client et ouverture de compte chez Ravate, daté du 6 mars 2013, il est mentionné que l’ouverture est faite au profit de SMAK BATIMENT dont M. [G] [W] est le directeur. Sa photographie est même apposée avec celle de sa compagne.
De l’ensemble, il s’en déduit que l’appelant engageait à sa guise, depuis de nombreuses années et de manière continue, les finances de la société caractérisant ainsi un pouvoir de direction exercé en toute liberté et indépendance.
L’appelant doit donc être considéré comme gérant de fait, ce qui permet de retenir la compétence du tribunal mixte de commerce. La décision attaquée sera dès lors confirmée de ce chef.
Sur la jonction des procédures
Il résulte de la lecture du jugement attaqué que la société RAVATE PROFESSIONNEL a, dans ses écritures développées en première instance, sollicité la jonction des instances pendantes n°2021J00030, 2021J00031 et 2021J00166.
Le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis n’a pas fait droit à cette demande, en soulignant que « l’assignation du 5 mai 2021 vise M. [G] [W] en sa qualité de gérant de la société, sans préciser sa qualité de droit ou de fait (‘). Dans de telles conditions, au regard de l’ambiguïté initiale de l’assignation, et de l’absence à la cause de la gérante de droit, il convient de débouter la SAS RAVATE PROFESSIONNEL de sa demande de jonction ».
L’appelant conclut au rejet de la demande, considérant que la liquidation de la société SMAK BÂTIMENT a entraîné l’interruption d’instance en cours et pendante devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis et qu’il n’y a ni identité des parties (M. [W] n’a aucun lien avec la société RAVATE PROFESSIONNEL) ni identité d’objet (l’objet du litige soumis à la cour est un chèque impayé.
Sur ce,
À hauteur d’appel, force est de constater que la demande de jonction n’est pas reprise par l’intimé de sorte que la cour d’appel n’en est pas valablement saisie et n’est pas tenue de répondre à la demande de confirmation émise par l’appelant.
Sur le paiement d’une indemnité
L’appelant estime que l’action engagée par l’intimé est mal fondée en droit en ce que la preuve n’est pas rapportée de l’existence d’une créance à son encontre ‘ il n’a acquis aucune marchandise auprès de la société RAVATE PROFESSIONNEL, étant précisé tout d’abord que le chèque périmé ne vaut que commencement de preuve par écrit et doit donc être étayé par des éléments de preuve complémentaire extérieurs à l’acte – au regard de l’article 1347 du code civil – ensuite que le chèque litigieux n’a pas de valeur de reconnaissance de dette.
Le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis, pour conclure à la condamnation de M. [W], fait application des articles L. 131-12 et L. 113-13 du code monétaire et financier.
Sur ce,
L’article L. 131-12 du code monétaire et financier dispose que « quiconque appose sa signature sur un chèque, comme représentant d’une personne pour laquelle il n’avait pas le pouvoir d’agir, est obligé lui-même en vertu du chèque et, s’il a payé, a les mêmes droits qu’aurait eus le prétendu représenté. Il en est de même du représentant qui a dépassé ses pouvoirs. »
Au cas d’espèce, il est versé aux débats le chèque n° 6691017, établi par M. [G] [W] à l’adresse de la société RAVATE pour une somme de 105.022 euros à [Localité 5] le 9 mai 2011, ainsi qu’un deuxième chèque d’un montant de 15.000 euros.
Pour chacun de ces deux chèques, la banque informait le bénéficiaire de leur rejet, étant précisé que l’intimé avait adressé deux mises en demeure, la première en date du 4 mars 2019 et la seconde le 16 août suivant.
La cour observe que le récapitulatif des factures impayées établit sans conteste que le bénéficiaire des prestations correspondantes est la société SMAK BÂTIMENT et non pas l’appelant.
Toutefois, les sommes réclamées sont de l’ordre de 120.086,29 euros, soit le montant cumulé (à quelques dizaines d’euros près) de deux chèques retournés impayés, le premier établi le 9 mai 2011 (105.022 euros) et le second le 21 mai 2019 (15.000 euros).
Cette correspondance démontre que c’est bien pour régler les dettes de la société SMAK BÂTIMENT que l’appelant a consenti à établir deux chèques. Ladite correspondance est d’autant plus manifeste que les deux chèques ont été signés après la mise en demeure émanant de la société RAVATE PROFESSIONNEL.
Or, en pratiquant de la sorte, et en se comportant donc – comme il a été développé précédemment – comme un véritable gérant de fait, il s’est substitué au gérant de droit et tombe de facto sous le coup de l’article L. 131-12 précité.
Il n’est de ce fait pas nécessaire de caractériser l’existence d’une dette contractée in personam par l’appelant. Admettre qu’il puisse en être autrement aboutirait à une impasse pour les sociétés qui ne pourraient jamais recouvrer leurs créances, le tiré pouvant se cacher derrière l’absence de lien contractuel. C’est le sens manifestement poursuivi par le législateur, sécuriser les relations commerciales.
En conséquence, la décision de condamnation au paiement par M. [W] de la somme de 105.022 euros doit être confirmée. Il en sera de même s’agissant des mesures accessoires ordonnées.
Quant aux dépens d’appel, l’appelant sera condamné à les payer.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;
CONFIRME en toutes ses dispositions la décision rendue par le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion, le 27 avril 2022,
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [G] [W] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT