Gérant de fait : 5 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/12813

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Gérant de fait : 5 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/12813
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRET DU 05 JUILLET 2023

(n° 101/2023, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 21/12813 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEAOJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Avril 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS – 19ème chambre – RG n° 2018045642

APPELANT

Monsieur [J] [F]

Né le 30 Mai 1982 à [Localité 6]

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté et assisté de Me Edwige Larissa OTCHE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque PC 76

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/019601 du 25/05/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

S.C.P. BTSG², prise en la personne de Maître [K] [M],

Es qualités de Liquidateur Judiciaire de MY CITY INVICTUS,

société par actions simplifiée, au capital social de 3.000 euros,

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 804 165 413

dont le siège social est sis [Adresse 2],

placée en liquidation judiciaire suivant Jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 21 octobre 2015

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Karim BENT-MOHAMED l’AARPI IKKI PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, toque K0006

Assisté de Me Hélène MARTINEZ de l’AARPI IKKI PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, toque K0006

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseillère et Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHÉE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société MY CITY INVICTUS, anciennement dénommée HAWTHORNE PICTURES, avait pour activité la réalisation et la production de programmes audiovisuels.

M. [J] [F] est titulaire de la marque «MY CITY DANCE TOUR», enregistrée auprès de l’INPI le 6 septembre 2014 sous le numéro 4116066.

Par contrat en date du 25 août 2014, la société A.G UNIVER, représentée par M. [F], a concédé à la société MY CITY INVICTUS la licence de la marque «MY CITY DANCE TOUR», à titre exclusif, sur le territoire de la France, la Belgique et la Suisse, aux fins de fabrication et de commercialisation de contenus vidéos, de campagnes publicitaires, de spectacles vivants, et de tous types de produits dérivés sur tous supports, pour une durée de deux années à compter de sa date de signature.

Le 15 avril 2015, la société MY CITY INVICTUS a conclu deux contrats de pré-achat de droits de diffusion, respectivement avec les sociétés D8 et D17 exploitant les chaînes de télévision « D8 » et « D17 » appartenant au groupe CANAL +, au titre desquels elle a cédé ses droits sur le programme de télévision « MY CITY DANCE TOUR », en cours de production, et qui devait être diffusé à compter du 17 septembre 2015.

Par courrier en date du 31 août 2015, M. [J] [F], par l’intermédiaire de son conseil, a résilié le contrat de licence sur le fondement de la clause résolutoire de l’article XIV du contrat de licence, au motif que la société MY CITY INVICTUS n’aurait pas réalisé les montants de chiffres d’affaires stipulés à l’article VIII du contrat de licence, qu’aucune redevance ne lui aurait été versée et que la marque MY CITY DANCE TOUR n’aurait pas été exploitée par la société.

Faisant valoir que M. [J] [F] l’avait ainsi empêchée de livrer aux sociétés D8 et D17 le programme dans le délai contractuel, et privée de toute perspective de revenus, la société MY CITY INVICTUS a régularisé une déclaration de cessation de paiement le 15 octobre 2015.

Le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société MY CITY INVICTUS par jugement du 21 octobre 2015 et a désigné la SCP B.T.S.G, prise en la personne de Maître [K] [M] en qualité de liquidateur.

C’est dans ce contexte que le liquidateur judiciaire de la société MY CITY INVICTUS a fait assigner M. [J] [F] le 2 août 2018, afin qu’il soit condamné à réparer le préjudice qu’il considère avoir été subi par la collectivité des créanciers de la société.

Par un premier jugement rendu le 28 octobre 2020, le tribunal de commerce a déclaré M. [F] irrecevable en sa demande d’exception d’incompétence, faute d’avoir été matériellement formée «in limine litis», et s’est déclaré compétent pour connaître de l’affaire.

Par jugement du 14 avril 2021, dont appel, le tribunal de commerce de Paris a :

– jugé que la résiliation du contrat de licence de marque du 25 août 2014 est intervenue aux torts exclusifs de M. [F] ;

– condamné M. [F] à payer à la SCP B.T.S.G., prise en la personne de Me [K] [M], ès qualités de liquidateur de la société MY CITY INVICTUS la somme de 1 234 000 euros, au titre du préjudice subi par la collectivité des créanciers de la société MY CITY INVICTUS, avec intérêts au taux légal et anatocisme ;

– condamné M. [F] à payer à la SCP B.T.S.G., prise en la personne de Me [K] [M], ès qualités de liquidateur de la société MY CITY INVICTUS la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire ;

– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

– condamné M. [F] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 139,14 euros dont 22,76 euros de TVA.

Le 7 juillet 2021, M. [F] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions, numérotées 2 et signifiées par RPVA le 21 février 2022, M. [F] demande à la cour de :

Vu l’article 1103 et 1104 du code civil,

Vu les articles 1444 et 1445 du code de procédure civile

Vu les pièces versées au débat,

A titre principal :

– juger que le tribunal de commerce de Paris était incompétent pour statuer sur les demandes formulées par la société MY CITY INVICTUS

Et en conséquence :

– infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 14 avril 2021;

– juger que seule la Cour Internationale d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale est compétente pour statuer sur le litige relatif à l’exécution et la résiliation du contrat de licence de marque

A titre subsidiaire :

– infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 14 avril 2021 en toutes ses dispositions ;

– juger que M. [J] [F] est recevable et bien fondé en ses demandes et conclusions ;

– juger que la résiliation du contrat de licence de marque est intervenue aux torts exclusifs de la société MY CITY INVICTUS ;

– condamner la SCP BTSG, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MY CITY INVICTUS à verser à M. [J] [F] la somme de 10 000 € (dix mille euros) au titre préjudice financier résultant de l’inexécution du contrat de licence de marque ;

– condamner la SCP BTSG, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MY CITY INVICTUS à verser à M. [J] [F] la somme de 10 000 € (dix mille euros) à titre de dommages et intérêts subis en raison du préjudice moral subi ;

– condamner la SCP BTSG, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MY CITY INVICTUS à verser à M. [J] [F] la somme de 5 000 € (cinq mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner la SCP BTSG, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MY CITY INVICTUS aux entiers dépens de l’instance, conformément à l’article 699 du code de la procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, numérotées 1 et signifiées le 13 décembre 2022, la SCP BTSG, prise en la personne de Me [K] [M], agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MY CITY INVICTUS, demande à la cour de :

Vu l’article L. 622-20 du code de commerce,

Vu l’article L. 641-4 alinéa 1 du code de commerce,

Vu l’article 1240 du code civil,

Vu les pièces versées au débat,

– constater que M. [F] a procédé à une résiliation immédiate du contrat de licence de marque du 25 août 2014, sans mise en demeure préalable, alors qu’une clause de résiliation anticipée figurait dans ce contrat ;

– juger que la résiliation du contrat de licence de marque du 25 août 2014, intervenue de manière abusive et aux torts exclusifs de M. [F], a causé un préjudice à la collectivité des créanciers de MY CITY INVICTUS consistant en l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire ;

En conséquence :

– confirmer le jugement du 14 avril 2021 (RG n°2018045642) rendu par le tribunal de commerce de Paris ;

– débouter M. [F] de l’ensemble de ses moyens, fins et conclusions ;

– condamner M. [F] à payer à Me [M], ès-qualités, la somme de dix mille euros (10.000 €) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [F] aux entiers dépens de l’instance et de ses suites, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 janvier 2023.

Lors de l’audience de plaidoirie du 24 mai 2023, il a été demandé aux parties leurs observations quant au jugement déjà rendu par le tribunal de commerce le 28 octobre 2020 qui a déclaré irrecevable M. [J] [F] en sa demande d’exception d’incompétence et dont il n’a pas été interjeté appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisés.

Sur l’exception d’incompétence soulevée par M. [F]

M. [F] soutient que le tribunal de commerce de Paris est incompétent pour connaître du litige puisqu’aux termes de l’article « XVIII ‘ DROIT APPLICABLE ‘ LITIGE » de la convention de licence, les parties ont expressément convenu de soumettre tout litige, prenant sa source notamment dans la résiliation du contrat, à la compétence exclusive de la Cour Internationale d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale ; qu’en vertu de l’article 1134 du code civil, cette clause doit par conséquent recevoir pleinement application en tant qu’elle est la loi des parties.

La cour constate que, dans ce litige, le tribunal de commerce, saisi à la demande de M. [J] [F] d’une exception d’incompétence au profit de la Cour Internationale d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale, l’a déclarée irrecevable et s’est déclaré compétent pour connaître du litige.

Or, cette décision rendue le 28 octobre 2020 n’a pas été contestée et est donc définitive.

En conséquence, l’exception d’incompétence à nouveau soulevée sur ce point par M. [J] [F] doit être déclarée irrecevable.

Sur la résiliation du contrat de licence de marque

M. [J] [F] constate que la société MY CITY INVICTUS n’a été en mesure ni d’exploiter la marque, ni de réaliser le moindre chiffre d’affaires, ni de lui verser aucune redevance en violation du contrat qui les liait; que c’est dans ce contexte qu’il s’est vu contraint de lui adresser une mise en demeure le 31 août 2015 et de résilier le contrat pour ces motifs; que le fait qu’il ait résilié le contrat de licence à compter du 30 septembre 2015, ne peut être considéré comme fautif puisque la société MY CITY INVICTUS aurait, dans tous les cas, été dans l’impossibilité de délivrer l’émission aux chaînes D8 et D17. M. [J] [F] en déduit que la résiliation du contrat de licence est intervenue aux torts exclusifs de la société MY CITY INVICTUS. Il conteste également tout détournement d’actifs soulignant que toutes les démarches entreprises ont été menées dans l’intérêt de la marque et en accord avec le contrat de licence et plaide que l’incapacité de la société MY CITY INVICTUS de faire face à ses engagements ne lui est pas imputable, de même que son placement en liquidation judiciaire. Il dénonce, enfin, le non respect de l’intuitu personae propre au contrat de licence, constatant que le nouveau président de la société MY CITY INVICTUS n’avait pas les compétences requises pour mener à bien les contrats en cause et est, ainsi, responsable de l’échec commercial de la société.

La société BTSG, es-qualités, constate d’abord que le contrat de licence a été consenti alors même que la marque n’était pas encore enregistrée et qu’il imposait pourtant la réalisation d’un chiffre d’affaires très conséquent; que si un chiffre d’affaires minimum avait été convenu dans le contrat, la résiliation ne pouvait être encourue qu’en cas de non réalisation de ces quotas minimums pendant 2 années consécutives et non à l’issue de la première année d’exploitation; qu’aucune redevance n’était en outre due en l’absence de réalisation d’un chiffre d’affaires; que M. [F] a résilié immédiatement le contrat de licence par courrier du 31 août 2015 sans mise en demeure préalable en violation de l’article XIV du contrat; que contrairement à ce que soutient l’appelant, l’exploitation de la marque MY CITY DANCE TOUR est établie puisque la société MY CITY INVICTUS a notamment conclu les contrats de pré-achat de droits de diffusion avec les sociétés D8 et D17 en vue de la production et de la diffusion du programme, ainsi qu’un contrat de co-production relatif au programme ; qu’il était prévu que le programme entre en production au plus tard le 1er septembre 2015 ; que la résiliation par M. [F] est donc fautive en ce qu’il a toujours été tenu informé de l’activité de la société et que, par cette résiliation, il a empêché la réalisation de ces contrats. Elle ajoute que le contrat de licence a été conclu avec la société MY CITY INVICTUS et non, personnellement, avec son ancien dirigeant, de sorte qu’il n’y a pas eu de violation de la clause de cession du contrat de licence. Elle souligne que l’appelant a en outre tenté d’exploiter la marque par le biais de sa propre société AG UNIVER, en violation du contrat, et qu’il s’est comporté comme le gérant de fait de la société MY CITY INVICTUS alors qu’il avait fait l’objet d’une interdiction de gérer pour une durée de 10 ans prononcée par le tribunal de commerce d’Evry le 24 juin 2013. Le liquidateur estime que, sans les agissements de l’appelant, la société MY CITY INVICTUS n’aurait pas fait l’objet d’une procédure collective, réduisant en outre les chances de ses créanciers de recouvrer leurs créances.

La cour rappelle qu’en vertu de l’article 1134 du code civil alors applicable, «Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.»

Il est constant que la société AG UNIVER représentée par M. [J] [F] a concédé à la société MY CITY INVICTUS, anciennement dénommée HAWTHORNE PICTURES, la licence d’exploitation de la marque «MY CITY DANCE TOUR» le 25 août 2014, moyennant un certain nombre de conditions relatives au chiffre d’affaires à réaliser, au paiement d’une redevance, ce contrat ayant été conclu pour une durée de deux années, se renouvelant ensuite par tacite reconduction.

Le contrat stipule en outre, dans son article XIV, une clause de résiliation anticipée pouvant intervenir en cas d’inexécution ou de non-respect de l’une quelconque des obligations convenues, résiliation intervenant automatiquement, un mois après une mise en demeure signifiée à la partie défaillante indiquant l’intention de faire application de la clause demeurée infructueuse.

Le conseil de M. [J] [F], par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 août 2015, invoquant l’absence de rapport d’activité, l’absence de paiement de redevances et d’exploitation de la marque, a précisé que son client est « bien fondé à résilier immédiatement le contrat de licence de marque» et a mis en demeure la société MY CITY INVICTUS de lui adresser les rapports d’activité sur le chiffre d’affaires mensuel et «le règlement y afférent» et de «cesser toute intervention pour la marque «MY CITY DANCE TOUR», à savoir toute discussion, programmation, organisation, tournage ou autre à quelque titre que ce soit».

En procédant à une résiliation immédiate du contrat de licence sans respecter les conditions posées dans son article XIV, à savoir l’envoi préalable d’une mise en demeure et nonobstant l’absence de paiement de la redevance, M. [J] [F] n’a pas respecté cette clause du contrat. À cet égard, il n’est pas fondé à invoquer, a posteriori, le non respect de « l’intuitu personae» propre au contrat de licence, le contrat ayant été, en tout état de cause, conclu avec la société MY CITY INVICTUS, anciennement dénommée HAWTHORNE PICTURES, sans condition relative à la personnalité de son président.

En outre, force est de constater que cette clause de résiliation n’a pas été mise en oeuvre de bonne foi.

Ainsi, si la société MY CITY INVICTUS s’était engagée à réaliser des chiffres d’affaires minimum, soit 1.960.000€ la première année et 2.156.000€ la deuxième année, le concédant ne pouvait engager la résiliation qu’à défaut, pour le licencié, d’avoir atteint ces quotas minimum pendant «deux années consécutives» et non à l’issue de la première année d’exploitation.

En outre, contrairement à ce qu’affirme M. [J] [F], la société MY CITY INVICTUS avait bien commencé à exploiter la marque, dans le cadre d’un projet de programme de télévision, puisque deux contrats ont été conclus le 15 avril 2015 avec deux chaînes du groupe Canal +.

À cet égard, M. [J] [F] est d’autant plus mal fondé à soutenir que la marque n’était pas exploitée que dans un courriel daté du 7 août 2015, il a indiqué «AG UNIVER [la société de M. [F]] est producteur au même titre que MCI dans le contrat de Canal. En effet, il faut que je leur demande de changer l’entité de la société de facturation. Ce qu’ils vont accepter car l’émission se nomme My City Dance Tour et que c’est moi qui négociait tout avec la chaîne. Pour tout le tournage qui se passe entre août et septembre on facture tout à AG UNIVER et non plus à INVICTUS.» Et, postérieurement à la résiliation, dans un mail daté du 2 septembre 2015 adressé à la chargée de programme des chaînes D8 et D17, il a indiqué « oui en effet je souhaiterais changer sur le contrat le nom de la société contractante. De ce fait remplacer My City Invictus par une autre entité».

Il ressort de ces échanges, outre le rôle manifeste joué, de facto, par M. [J] [F] au sein de la société MY CITY INVICTUS, que ce dernier entendait, dès avant la résiliation du contrat de licence, reprendre au nom de sa société AG UNIVER le contrat initialement consenti à la société MY CITY INVICTUS.

La résiliation ainsi provoquée, en violation des termes du contrat, s’inscrit manifestement dans la continuité de ces démarches afin que la société de M. [J] [F] puisse poursuivre l’exploitation de la marque initialement consentie à la société MY CITY INVICTUS.

M. [J] [F] ne peut donc soutenir, de bonne foi, que la société MY CITY INVICTUS était, en tout état de cause, dans l’incapacité d’honorer ces contrats.

C’est en conséquence à juste titre que le tribunal de commerce a retenu que la résiliation notifiée par M. [J] [F] le 31 août 2015 ne respectant pas les clauses contractuelles, ni son obligation de bonne foi, est intervenue à ses torts exclusifs, la cour considérant qu’il a ainsi agi de manière fautive.

M. [J] [F] doit, en conséquence, être débouté de ses demandes tendant à voir juger que la résiliation du contrat de licence de marque est intervenue aux torts exclusifs de la société MY CITY INVICTUS ainsi que de l’ensemble de ses demandes subséquentes, le jugement dont appel étant confirmé de ce chef.

Sur le préjudice

M. [F] soutient que la société MY CITY INVICTUS n’a subi aucun préjudice, puisqu’elle était en tout état de cause dans l’impossibilité de délivrer l’émission aux chaînes D8 et D17. Il en déduit que la société MY CITY INVICTUS ne peut en conséquence lui reprocher d’avoir subi une perte de ses investissements, une perte de chance ou encore un gain manqué et que ce n’est par conséquent que par la faute de celle-ci qu’une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à son encontre.

La société BTSG soutient qu’en raison des fautes commises par M. [F], la société MY CITY INVICTUS a subi un préjudice, et une fois en liquidation judiciaire, une augmentation de son passif et une diminution de son actif ; qu’elle a perdu la somme de 305 884,12 euros investie pour tourner et produire le programme; qu’en raison de la résiliation brutale du contrat de licence par M. [F], la société MY CITY INVICTUS a été privée de 15 000 euros de revenus ainsi que des chiffres d’affaires prévus dans le contrat de licence, soit un montant minimal total de 4.116.000 euros HT. Elle ajoute que compte tenu de l’impossibilité pour MY CITY INVICTUS de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, du fait de la résiliation du contrat de licence, celle-ci a été contrainte de régulariser une déclaration de cessation des paiements avant le 15 octobre 2015 soit moins de quarante-cinq jours après la résiliation du contrat de licence de marque, conduisant à son placement en liquidation judiciaire le 21 octobre 2015; que l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire a ainsi réduit les chances des créanciers de MY CITY INVICTUS de recouvrer leurs créances ; que le passif déclaré par M. [F] représente plus de 85% du passif de MY CITY INVICTUS ; que le lien de causalité entre les fautes de M. [F] et les préjudices des créanciers de MY CITY INVICTUS est établi ; que M. [F] doit être condamné à payer à la collectivité des créanciers un montant au moins égal à la créance qu’il a déclarée, celle-ci représentant la quasi-totalité du passif de la société.

La cour rappelle qu’en vertu des articles L. 622-20 et L.641-3 du code du commerce, le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers.

En résiliant le contrat de mauvaise foi et sans respecter les clauses du contrat, M. [J] [F] a causé un préjudice à la société MY CITY INVICTUS, qui s’est vue privée de la possibilité d’exploiter cette marque sur laquelle reposait intégralement le projet de programme développé, entraînant sa cessation de paiement, puis une fois son placement en liquidation judiciaire, à la collectivité des créanciers, en impactant son passif à la hausse et limitant d’autant son actif disponible.

Cependant, ce préjudice ne peut être évalué, comme l’a retenu à tort le tribunal de commerce, à hauteur de la somme réclamée par M. [J] [F] au passif de la liquidation judiciaire de la société MY CITY INVICTUS, ce passif n’étant pas directement en lien avec les fautes relevées.

De même, en l’absence de toute preuve que des fonds devant être versés à la société MY CITY INVICTUS auraient été détournés par M. [J] [F] ou que les contrats auraient effectivement été transférés au bénéfice de sa société, les allégations de détournement d’actifs ne peuvent être retenues.

Il doit donc être pris en compte le préjudice subi par la société MY CITY INVICTUS directement causé par la résiliation fautive du contrat de licence, la cour constatant que son activité reposait essentiellement sur l’exploitation de cette licence.

Dans ce cadre, cette résiliation lui a d’abord fait perdre les investissements consentis pour l’exploitation de la licence à hauteur de 155.325€ selon la pièce 15, établie par l’expert comptable, le montant de plus de 305.000 € résultant du tableau versé en pièce 10 ne pouvant être retenu, ayant été établi pour les besoins de la cause, sans certification par un professionnel du chiffre, ni autres éléments de preuve le corroborant.

Cette résiliation a également causé un gain manqué à la société MY CITY INVICTUS, les contrats de pré-achat prévoyant le versement d’une somme de 15.000€ par les deux chaînes du groupe Canal +.

Par ailleurs, la société MY CITY INVICTUS a également perdu une chance de générer du chiffre d’affaires en suite de l’exploitation de cette licence, qui doit cependant être considérée comme modérée, en l’absence de production de toute pièce attestant de l’avancée du projet et de tout élément comptable sur la marge espérée.

Enfin, en l’absence de toute perspective d’évolution favorable de sa situation financière, du fait de cette résiliation, la société MY CITY INVICTUS a été contrainte de procéder à une déclaration de cessation de paiement le 15 octobre 2015, conduisant à son placement immédiat en liquidation judiciaire le 21 octobre suivant et générant un préjudice pour la collectivité de ses créanciers. À cet égard, la cour constate que le passif déclaré à la date du 3 avril 2018 était de 1.444.786,32 euros, dont 1.234.000€ déclaré par M. [J] [F].

Au vu de cet ensemble d’éléments, le préjudice subi par la société MY CITY INVICTUS, puis par la collectivité de ses créanciers, du fait des agissements fautifs de M. [J] [F], sera justement réparé par l’octroi d’une somme de 230.000€, avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2021 et capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière en application de l’article 1343-2 du code civil.

En conséquence, le jugement dont appel est infirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

M. [J] [F], succombant, sera condamné aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés par Maître [Z] [D] conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’il a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de condamner M. [J] [F] à verser à la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [K] [M], agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MY CITY INVICTUS, une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a condamné M. [F] à payer à la SCP B.T.S.G., prise en la personne de Maître [K] [M], ès qualités de liquidateur de la société MY CITY INVICTUS la somme de 1 234 000 euros, au titre du préjudice subi par la collectivité des créanciers de la société MY CITY INVICTUS, avec intérêts au taux légal et anatocisme,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclarer irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par M. [J] [F],

Condamne M. [J] [F] à verser à la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [K] [M], agissant ès qualité de liquidateur judiciaire de la société MY CITY INVICTUS, une somme de 230.000€ en réparation du préjudice subi, avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2021 et anatocisme,

Condamne M. [J] [F] aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés par Maître Karim BENT-MOHAMED conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne M. [J] [F] à verser à la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [K] [M], agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MY CITY INVICTUS, une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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