Gérant de fait : 30 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/10352

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Gérant de fait : 30 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/10352
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRET DU 30 JUIN 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/10352 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZCS

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Mai 2021 – Président du Tribunal de Commerce de MELUN – RG n° 2021O1087

APPELANTE

Madame [F] [D] épouse [U]

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 8] (63)

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Natacha SODJI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 213, avocat postulant

Représentée par Me Julien BOUZERAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0570, avocat plaidant

INTIMES

Monsieur LE PROCUREUR GENERAL – SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 4]

[Localité 5]

S.E.L.A.R.L. AJILINK – LABIS [V], en la personne de Me [N] [V], en qualité d’administrateur provisoire de la SARL IDS ANIMATIONS

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Sarah DEGRAND de la SCP FGB, avocat au barreau de MELUN, substituée par Me Laure BUREAU, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 18 mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Sophie MOLLAT, Présidente

Madame Isabelle ROHART, Conseillère

Madame Déborah CORICON, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIERE : Madame FOULON, lors des débats

MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Monsieur François VAISSETTE, avocat général, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

– contradictoire

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Sophie MOLLAT, Présidente et par Madame FOULON, Greffière .

**********

La société IDS ANIMATIONS est une société spécialisée dans l’organisation événementielle, qui organise notamment des tournages et shooting photos avec des animaux domestiques ou non.

Mme [F] [D] est la gérante et l’associé majoritaire de la société IDS ANIMATIONS. M. [S] [U], l’époux de Mme [F] [D], est associé minoritaire et salarié de la société IDS ANIMATIONS.

Le 9 avril 2021, les époux [U]-[D] ont été placés sous contrôle judiciaire par ordonnances du juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Melun, avec l’interdiction de se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale, en l’espèce toute activité professionnelle, sociale ou bénévole en lien avec les animaux.

Par requête du même jour, le substitut du procureur de la République de Melun a sollicité la désignation d’un administrateur provisoire de la société IDS ANIMATIONS, pour assurer l’administration et la gestion quotidienne de la société en lieu et place de ses organes dirigeants.

Le 12 avril 2021, le Président du tribunal de commerce de Melun a accueilli favorablement cette requête et a désigné la SELARL AJILINK – LABIS [V], prise en la personne de Maître [N] [V], en qualité d’administrateur provisoire de la société IDS ANIMATIONS.

Le 16 avril 2021, Mme [F] [D] et M. [S] [U] ont interjeté appel des ordonnances les ayant placés sous contrôle judiciaire. Par jugement du tribunal correctionnel de Paris en date du 25 mai 2021, leur contrôle judiciaire ont été maintenus. Ils ont depuis été condamnés et leur contrôlé judiciaire a pris fin.

Le 4 mai 2021, l’administrateur provisoire a donné l’ordre de paiement des provisions fixées dans l’ordonnance, pour un montant total de 1 000 euros. Il a également effectué un second virement à hauteur de 5 000 euros déposé sur la caisse des dépôts et consignation, pour faire face aux frais divers, notamment de publicité.

Par acte du 10 mai 2021, Mme [F] [D] a fait délivrer une assignation en référé-rétractation de l’ordonnance au procureur de la République de Melun et à la SELARL AJILINK – LABIS [V], aux fins de voir, à titre principal, prononcer la caducité de l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Melun du 12 avril 2021, avec effet rétroactif au jour de son prononcé et de voir la SELARL AJILINK – LABIS [V] condamnée à payer à la société IDS ANIMATIONS la somme de 6 000 euros, en remboursement de sommes indûment perçues.

A titre subsidiaire, elle demandait la rétractation de ladite ordonnance. Elle demandait en outre, en tout état de cause, le débouté du procureur de la République de ses demandes, fins et prétentions et la condamnation de l’Etat à lui payer la somme de 2 500 au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Par ordonnance du 19 mai 2021, le président du tribunal de commerce de Melun a débouté Mme [F] [D] de ses demandes de caducité et de rétractation de l’ordonnance et a confirmé l’ordonnance du 12 avril 2021 ayant désigné la SELARL AJILINK – LABIS [V] en qualité d’administrateur provisoire de la société IDS ANIMATIONS.

Par déclaration notifiée par RPVA le 2 juin 2021, Mme [F] [D] a interjeté appel de l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Melun du 19 mai 2021.

Par ordonnance du 12 juillet 2021, le président du tribunal de commerce a prorogé la mission de l’administrateur provisoire pour une durée de 6 mois.

*****

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 5 avril 2022, Mme [F] [D] demande à la cour de :

1) S’agissant de l’ordonnance rendue par le Président du Tribunal de commerce le 19 mai 2021 :

DECLARER RECEVABLE ET FONDE l’appel interjeté par Madame [F] [D],

INFIRMER en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 19 mai 2021 par le Président du Tribunal de Commerce de Melun, et en ce qu’elle a :

Débouté Mme [F] [D] de sa demande de caducité;

Débouté Mme [F] [D] de sa demande de rétractation ;

Confirmé son ordonnance du 12 avril 2021 ayant désigné la SELARL AJILINK-LABIS [V], prise en la personne de [N] [V], en qualité d’administrateur provisoire de la société IDS ANIMATIONS ;

Rejeté les demandes fondées sur l’article 700 du Code de procédure civile ;

Laissé les dépens, dont frais de greffe liquidés à la somme de CINQUANTE SEPT EUROS ET SOIXANTE CINQ CENTIMES (57,65 euros) à la charge de Madame [F] [D] »

Et, statuant à nouveau,

A TITRE PRINCIPAL

PRONONCER la nullité de l’ordonnance du 12 avril 2021 par le Président du Tribunal de commerce de Melun, portant le numéro 2021O01051 ;

Ou,

RETRACTER l’ordonnance rendue le 12 avril 2021 par le Président du Tribunal de commerce de Melun, portant le numéro 2021O01051 ;

A TITRE SUBSIDIAIRE

PRONONCER la caducité de l’ordonnance rendue le 12 avril 2021 par le Président du Tribunal de commerce de Melun, portant le numéro 2021O01051, avec effet rétroactif à la date de son prononcé.

2) S’agissant de l’ordonnance rendue par le Président du Tribunal de commerce le 12 janvier 2022 :

DECLARER RECEVABLE ET FONDE les demandes de Madame [F] [D] relative à l’ordonnance rendue par le Président du Tribunal de commerce le 12 juillet 2021.

En conséquence,

PRONONCER la nullité de l’ordonnance rendue le 12 juillet 2021 portant le numéro 2101574.

Ou,

RETRACTER l’ordonnance rendue le 12 juillet 2021 par le Président du Tribunal de commerce de Melun portant le numéro 2101574.

3) EN TOUT ETAT DE CAUSE,

CONDAMNER la société AJILINK ‘ LABIS [V] ès-qualités d’administrateur provisoire de la société IDS ANIMATIONS à payer à la société IDS ANIMATIONS la somme de 16 500 euros en remboursement des sommes qu’elle a indûment perçues ;

DEBOUTER Monsieur le Procureur Général de toutes ses demandes, fins et prétentions;

CONDAMNER le Ministère Public à supporter les entiers dépens de 1ère instance et d’appel ;

CONDAMNER le Ministère Public à verser 5 000 euros à Madame [F] [D] au titre des frais irrépétibles.

*****

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 4 octobre 2021, la SELARL Ajilink – Labis [V], prise en la personne de Maître [N] [V], en qualité d’administrateur provisoire de la société IDS ANIMATIONS, demande à la cour de :

DEBOUTER Mme [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

CONFIRMER en toutes ses dispositions l’ordonnance du 19 mai 2021 qui, en rejetant la demande de rétractation a confirmé l’ordonnance du 12 avril 2021 ayant désigné la SELARL AJILINK – LABIS [V], en la personne de Maître [N] [V] en qualité d’administrateur provisoire de la société IDS ANIMATION.

CONDAMNER Mme [D] en tous les frais et dépens.

*****

Aux termes d’un avis du 28 septembre 2021, le ministère public invite la cour à confirmer l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Melun du 19 mai 2021 en ce qu’elle a débouté Mme [D] de ses demandes de caducité et de rétractation de l’ordonnance du 12 avril 2021.

SUR CE,

Sur la rétractation des ordonnances des 12 avril et 12 juillet 2021

* Mme [F] [D] sollicite la rétractation de l’ordonnance du 12 avril 2021 rendue sur requête au motif qu’il n’est pas justifié des circonstances nécessitant de déroger au principe du contradictoire, contrairement aux dispositions des articles 493 et 875 du Code de procédure civile.

S’agissant de l’ordonnance du 12 juillet 2021 ayant prorogé la mission de l’administrateur provisoire, Mme [F] [D] estime que la dérogation au principe du contradictoire se justifie d’autant mois que la mesure était déjà en place depuis plusieurs mois.

La cour relève à titre liminaire que la déclaration d’appel établie le 2 juin 2021, qui seule saisit la cour, ne mentionne qu’un appel à l’encontre de l’ordonnance du 19 mai 2021 qui a débouté Mme [D] de ses demandes de caducité et de rétractation de l’ordonnance rendue le 12 avril 2021, et ne concerne pas, par définition, l’ordonnance rendue le 12 juillet 2021 qui est postérieure à ladite déclaration d’appel. En l’absence de toute déclaration d’appel venant compléter celle du 2 juin 2021, la cour n’est pas saisie d’un recours concernant l’ordonnance du 12 juillet 2021.

S’agissant de l’ordonnance du 12 avril 2021 il ressort de la requête du ministère public qu’elle a été sollicitée sur le fondement des articles 808 et 809 du code de procédure civile qui n’ont pas de lien avec la procédure s’agissant des anciens articles régissant les pouvoirs du juge des référés devant le tribunal de grande instance et des articles 872 et 873 du code de procédure civile qui régissent les pouvoirs du président du tribunal de commerce intervenant en qualité de juge des référés et ne concernent pas les ordonnances sur requête.

Il appartient à la cour de restituer à la demande sa qualification juridique exacte et il ressort des éléments de la requête déposée qu’elle relevait des articles 873 à 874 du code de procédure civile régissant les ordonnances sur requête rendues par le président du tribunal de commerce et en particulier de l’article 874 qui dispose que le président peut ordonner sur requête, dans les limites de la compétence du tribunal, toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elle ne soient pas prises contradictoirement.

En l’espèce il est incontestable que l’urgence imposait le recours à une mesure non contradictoire en l’état d’une société dont la gérante de droit avait été placée sous mesure de contrôle judiciaire avec interdiction d’exercer toute activité professionnelle en lien avec les animaux, alors que l’activité était réalisée avec des animaux et que la société possédait des animaux.

L’urgence est en effet caractérisée par l’impossibilité de laisser une société sans dirigeant pendant plusieurs semaines correspondant aux délais nécessaires pour qu’une ordonnance de référé soit rendue, et d’assurer l’organisation de la prise en charge immédiate d’animaux vivants au regard des soins quotidiens réclamés. En outre l’urgence était caractérisée par la nécessité d’assurer l’effectivité du contrôle judiciaire ordonné et de ne pas laisser pendant plusieurs semaines à la direction de la société une personne frappée d’une interdiction en lien avec l’activité de celle-ci.

En conséquence le recours à une procédure non contradictoire était justifié, le principe du contradictoire étant réinstauré par l’action en rétractation qui est ouverte à la personne contre laquelle a été prise la mesure litigieuse, dont Mme [D] a fait usage en critiquant le bien fondé de la désignation d’un administrateur.

Par suite, cette ordonnance ne peut être rétractée sur ce fondement.

* A titre subsidiaire, Mme [F] [D] fait valoir que l’administration provisoire de la société IDS ANIMATIONS n’est pas justifiée. Elle rappelle que la nomination d’un administration provisoire est une mesure exceptionnelle, qui suppose que soit rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d’un dommage imminent.

Elle estime que la motivation du président du tribunal de commerce dans son ordonnance du 19 mai 2021 est erronée, puisque M. [S] [U] n’est pas gérant de fait de la société, que l’ordonnance indique que des maltraitances sur animaux et des pratiques commerciales trompeuses ont été constatées au mépris de la présomption d’innocence dès lors que le tribunal correctionnel n’a pas encore statué sur ces faits et que Mme [D] et M. [U] ne sont même pas poursuivis du chef de pratiques commerciales trompeuses.

Elle explique que si le contrôle judiciaire leur interdit d’exercer une activité professionnelle, sociale ou bénévole en lien avec des animaux, il n’est pas question d’une interdiction de gérer une société, entreprise, association ou organisme en lien avec les animaux comme cela a été retenu à tort dans le jugement du 25 mai 2021, le juge des libertés et de la détention ayant pris le soin de circonscrire et limiter le périmètre de l’interdiction. Elle estime que cette interdiction ne lui interdit pas l’entretien courant d’animaux en dehors de toute exploitation.

Elle indique également que l’exploitation des animaux ne représente qu’une faible partie de l’activité de la société, à hauteur d’environ 10 % de son chiffre d’affaires, comme en atteste le comptable de la société à partir des chiffres d’affaires relatifs aux prestations animalières et aux ventes d’animaux. Le descriptif des activités de la société mentionné sur son extrait Kbis ne permet pas d’établir que l’élevage et la vente d’animaux constituent le socle de son activité.

Aussi, Mme [F] [D] indique que le contrôle judiciaire de la dirigeante ne rendait pas impossible le fonctionnement de la société. Elle fait valoir que la nomination d’un administrateur provisoire ne suppose pas une simple atteinte au fonctionnement normal de la société mais que ce fonctionnement soit rendu impossible.

Elle ajoute que dans les faits, le rôle de l’administrateur provisoire est réduit à néant, tel que cela ressort d’un de ses courriels et de sa requête du 9 juillet 2021, dans laquelle il reconnaît que l’intégralité du suivi administratif est assuré par elle pendant la durée de l’administration provisoire, en sa qualité d’associée non rémunérée.

Mme [F] [D] indique encore que les objectifs de l’administration provisoire, à savoir la mise en conformité sur le plan des autorisations d’exercer et sur le plan sanitaire, tels qu’indiqués dans l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Melun du 19 mai 2021, ne sont pas en adéquation avec la mesure prononcée, l’administrateur ayant lui-même reconnu son incompétence totale en la matière et n’hésitant pas à la solliciter à cet égard.

Mme [F] [D] ajoute qu’elle a cédé la totalité des animaux détenus par la société IDS ANIMATIONS et qu’il n’y a en conséquence plus aucune mise en conformité à assurer.

Mme [F] [D] fait aussi valoir qu’il n’existe pas de dommage imminent pour la société et qu’un tel dommage n’a pas été caractérisé par le président du tribunal de commerce de Melun dans son ordonnance du 19 mai 2021, alors qu’il s’agit d’un condition indispensable au prononcé d’une mesure d’administration provisoire.

Elle explique que si le procureur de la République s’appuyait sur la procédure pénale en cours, l’administration provisoire ne peut avoir pour objet de garantir le respect du contrôle.

Mme [F] [D] fait valoir que le prétendu dommage imminent que doit démontrer le demandeur à l’action est celui qui serait causé à la société par le maintien en fonction de son dirigeant actuel, et que le contrôle judiciaire a pour but d’empêcher tout risque de réitération et que son maintien en fonction n’aurait pas d’effet sur les frais de placement évoqués. Elle ajoute que le procureur n’explique pas en quoi la poursuite des fonctions de Mme [D] et de M. [U] nécessiterait de prendre en charge les salariés puisque la société peut fonctionner à hauteur de 90 % de son activité et qu’aucun plan de licenciement n’est envisagé. Elle fait observer que la mesure d’administration provisoire a l’effet inverse puisqu’elle doit relancer l’administrateur afin qu’il règle les salariés qui s’occupent des animaux et les fournisseurs de nourriture des animaux.

Sur les frais de placement des animaux, Mme [D] explique aussi que la société dispose d’une trésorerie confortable, que la vente des animaux est en cours et qu’il n’a donc pas lieu de penser que la garde devrait perdurer un an et que l’administration provisoire ne réduit pas les coûts relatifs au placement des animaux.

Enfin, Mme [F] [D] considère que l’administration provisoire a eu un impact négatif sur la société, alors même que l’essence de cette mesure est de préserver les intérêts de la société. Elle indique avoir du relancer l’administrateur provisoire pour qu’il règle les salariés et fournisseurs de la société alors qu’il a obtenu le paiement de ses émoluments, et a notamment réclamé qu’il lui soit versé une somme mensuelle de 5 500 euros. Elle estime qu’une telle rémunération est contraire à l’intérêt social de la société, alors que l’administrateur provisoire ne fait qu’approuver les actions de gestion de la société.

La SELARL Ajilink – Labis [V] fait valoir la nécessité pour la société IDS ANIMATION d’être pourvue d’un organe de direction et estime que c’est à juste titre que le ministère public a sollicité la désignation d’un administrateur provisoire, la société étant dépourvue d’organe de direction dès lors que le contrôle judiciaire de Mme [D] lui interdisait de gérer toute entreprise en lien avec les animaux et considère donc que c’est a juste titre que cette requête pouvait être présentée au président du tribunal de commerce de façon non contradictoire, une telle nomination ayant pour seul objet d’assurer la continuité de la gestion de la société tant que la gérance est soumise à un contrôle judiciaire strict.

Le ministère public considère que l’appelante se trouvait dans l’impossibilité de diriger la société et qu’en l’absence de dirigeant, la société était en grand danger et que ces circonstances constituaient un cas dans lequel une décision rendue non contradictoirement était nécessaire.

Le ministère public relève également que Mme [D] était soumise à un contrôle judiciaire rendant impossible la conservation du statut de gérante de la société et qu’en l’absence de gérant, une société ne peut fonctionner normalement ce qui caractèrise une menace de dommage imminent. Il considère en outre que l’objectif de la nomination d’un administration provisoire n’était pas la réduction des coûts mais d’assurer la continuité de la gestion tant que l’appelante était soumise à son contrôle judiciaire, l’intérêt de la société résidant en sa survie et sa bonne santé financière.

Il ressort de l’ordonnance de placement sous contrôle judiciaire que Mme [F] [D] a été placée sous contrôle judiciaire le 9 avril 2021 avec interdiction ‘de se livrer à toute activité professionnelle, sociale ou bénévole en lien avec les animaux’ ; que la société IDS ANIMATIONS avait alors, comme en atteste son extrait Kbis du 26 avril 2021, comme activité principale notamment l’élevage et la vente d’animaux ; que l’administrateur provisoire a du, pendant la période de son mandat, procéder à la cession de 250 animaux.

Ces éléments établissement que la société IDS ANIMATIONS avait bien une activité d’élevage et de vente d’animaux, peu important le pourcentage de chiffre d’affaires que représente cette activité dans le chiffre d’affaires total de la société et que Mme [D] était donc dans l’impossibilité d’assurer la gérance d’une société exerçant, même partiellement, une telle activité sans violer les obligations de son contrôle judiciaire. La cour relève en outre que s’il y a eu un impact négatif de cette mesure sur l’activité de la société, au demeurant non établi, il résulte du placement sous contrôle judiciaire de sa gérante et non du travail de l’administrateur provisoire.

Il s’en déduit qu’il existait bien une urgence à nommer un administrateur exerçant en lieu et place de Mme [D] la gérance, afin de respecter les termes de l’ordonnance de placement judiciaire, et de ne pas laisser sans organe de direction la société IDS ANIMATIONS propriétaire de nombreux animaux dont certains étaient placés et d’autres restés dans ses murs, étant rappelé qu’une société ne peut fonctionner sans représentant légal et se trouve ainsi dans une situation dommage imminent. Ces circonstances ont bien été caractérisées dans l’ordonnance du 12 avril 2021 ainsi que dans celle du 19 mai 2021, nonobstant une erreur matérielle quant à la qualification de la direction de Mme [D], qui était bien dirigeante de droit et non pas dirigeante de fait. Il n’y a donc pas lieu de rétracter l’ordonnance du 12 avril 2021 et d’infirmer celle du 19 mai 2021 sur ce fondement.

Sur la nullité des ordonnances des 12 avril et 12 juillet 2021

Sur le fondement de l’article 456 du code de procédure civile, Mme [F] [D] sollicite la nullité des ordonnances rendues par le président du tribunal de commerce de Melun des 12 avril et 12 juillet 2021 au motif que ces ordonnances indiquent faussement qu’elles ont été signées par le président du tribunal de commerce de Melun, M. [I] [T], puisqu’il ne s’agit pas de sa signature, et que le signataire a apposé la mention”PO’ à côté de sa signature.

Mme [D] ajoute que même à supposer que M. [Y] [X] ait été désigné suppléant du président en cas d’empêchement du président, il aurait dû participer tant aux débats qu’aux délibérément pour valablement signer les ordonnances litigieuses. Elle indique également que les ordonnances ne mentionnent pas que M. [T] ait été empêché.

Mme [D] fait enfin observer que la signature du greffier ne correspond pas à la signature habituelle de M. Philippe Modat, greffier près le tribunal de commerce de Melun.

La SELARL Ajilink – Labis [V] considère que ces affirmations sont déplacées et fait valoir que M. [Y] [X], signataire de l’ordonnance attaquée, a été désigné juge suppléant du tribunal de commerce en cas d’empêchement du président, conformément à l’article L. 722-12 du Code de commerce, de telle sorte qu’il avait compétence pour signer l’ordonnance en l’absence du président.

Le ministère public relève que le procès-verbal de l’assemblée générale du tribunal de commerce de Melun montre que M. [Y] [X] a été désigné juge suppléant du président en cas d’empêchement, au titre de l’article L. 722-12 du Code de commerce. Il relève en outre qu’il s’agit de la signature de M. [X] sur l’ordonnance du 12 avril 2021 et considère que le juge suppléant avait compétence pour signer l’ordonnance à la place du président.

La suspicion de faux de la signature du greffier est selon le ministère public infondée.

Aux termes de l’article 456 du code de procédure civile : ‘Le jugement peut être établi sur support papier ou électronique. Il est signé par le président et par le greffier. En cas d’empêchement du président, mention en est faite sur la minute, qui est signée par l’un des juges qui en ont délibéré (…)’.

La cour rappelle qu’elle n’est saisie, aux termes de la déclaration d’appel de Mme [D], que de l’appel de l’ordonnance du 19 mai 2021 de référé-rétractation ayant débouté Mme [D] de sa demande de caducité et de rétractation de l’ordonnance rendue le 12 avril 2021. Par suite, elle ne peut se prononcer sur la nullité de l’ordonnance du 12 juillet 2021, de même qu’elle ne peut se prononcer sur la nullité de l’ordonnance du 12 avril 2021, demande qui n’a pas été soumise au président du tribunal de commerce de Melun lors de la procédure de référé-rétractation engagée à l’encontre de l’ordonnance du 12 avril 2021, seule la caducité et la rétractation ayant alors été demandées.

Il n’y a donc pas lieu de se prononcer sur ces demandes de nullité dont la cour n’est pas saisie dans le cadre de l’appel de l’ordonnance de référé-rétractation.

Sur la caducité de l’ordonnance du 12 avril 2021

Mme [F] [D] rappelle que l’ordonnance du 12 avril 2021 exigeait, à peine de caducité, le paiement d’une provision entre les mains du greffe sous quinzaine, soit au plus tard le 27 avril 2021. Or elle relève que Maître [V] a donné l’ordre de virement de la provision à valoir sur sa propre rémunération seulement le 4 mai 2021, soit après l’acquisition de la caducité de l’ordonnance, ce dont il résulte que la provision était à cette date indue, comme la rémunération complémentaire qu’il s’est versée.

Elle fait grief au tribunal d’avoir retenu que le point de départ de ce délai était celui de la réception de l’ordonnance alors qu’il courrait à compter de sa délivrance.

Elle reproche également à la décision de première instance d’avoir considéré que la caducité a pour objet de sanctionner le défaut de paiement sans motif légitime de la provision et qu’elle ne pouvait donc plus être soulevée après l’acquittement de celle-ci et le commencement de la mission de l’administrateur provisoire, alors que la caducité sanctionne l’inaction des parties qui n’auraient pas effectué les diligences requises dans le délai prescrit. Elle sollicite en conséquence l’infirmation de l’ordonnance du 19 mai 2021.

La SELARL Ajilink – Labis [V] fait valoir que l’ordonnance ne précisait pas le débiteur de cette obligation de consignation ; qu’elle a néanmoins estimé que cette avance devait être faite par la société et a donc effectué dans ces conditions un virement à hauteur de 1 000 euros le 4 mai 2019, soit dans la quinzaine de la délivrance de l’ordonnance, et qu’elle aurait pu en tout état de cause été recevable à former un relevé de caducité.

Elle ajoute que Mme [D] ne peut se prévaloir d’aucun grief à cet égard, surtout que la caducité ne peut être soulevée par la partie qui a l’obligation de consigner et ne peut plus être invoquée après l’acquittement de la provision et l’ouverture des opérations ordonnées.

Le ministère public invite la cour à raisonner par analogie avec les nominations d’expert et rappelle la jurisprudence relative à l’article 271 du code de procédure civile. Il considère que la mesure était destinée à assurer à l’administrateur provisoire la couverture de ses frais grâce à la provision et que Mme [D] se prévaut d’un moyen ne lui faisant pas grief pour demander la caducité de la nomination alors qu’il incombait à la société de procéder à la consignation. Le ministère public relève également que les provisions ont été payées et que la mission de l’administrateur a débuté et en conclut que les prestations réciproques ont trouvé leur contrepartie.

Si l’ordonnance en litige n’indique pas à qui il incombe de consigner le montant de la provision, il apparaît que cette obligation était à la charge de la société IDS ANIMATIONS et donc de sa gérante qui devait se soucier du respect de cette obligation dans les 15 jours de la délivrance de ladite ordonnance. Il apparaît que Me [V] a réalisé cette consignation dans les 15 jours de la réception de l’ordonnance à son étude, ce qui n’est pas contesté. Il en ressort que Mme [D] ne peut soulever cette caducité, au regard d’une part de sa qualité de gérante de la société sur qui pesait la charge de l’obligation de consigner, et d’autre part du fait que la provision a été payée et la mesure d’administration provisoire exécutée. En outre, la date de consignation ne cause aucun grief à Mme [D], qui ne cherche par le moyen de la caducité qu’à remettre en cause l’administration provisoire qu’a nécessité son placement sous contrôle judiciaire.

Il n’y a donc pas lieu de faire droit à sa demande de caducité, et, par suite, il n’y a pas lieu de statuer sur sa demande de remboursement des sommes perçues par la SELARL Ajilink – Labis [V].

Sur l’amende civile

Aux termes des dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile: ‘Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés’.

En l’espèce, la nomination d’un administrateur provisoire s’imposait pour éviter la révocation du contrôle judiciaire auquel était soumis Mme [D] dans le cadre de l’infraction pour laquelle elle a depuis été condamnée.

Cette nomination s’imposait également pour assurer la pérennité de la société dont elle était dirigeante et qui employait des salariés, et a permis de vendre les nombreux animaux que détenait la société, ave la collaboration de Mme [D]. Ainsi, c’est grâce à cette nomination que Mme [D] a pu reprendre, à l’issue du mandat de l’administrateur provisoire la direction de la société.

Par suite, son appel et sa demande de voir l’administrateur lui rembourser des sommes apparaît abusif au regard des éléments ayant amené l’intervention de celui-ci et justifie sa condamnation à une amende civile de 10 000 euros.

Sur les demandes formées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Mme [D] demande sur ce fondement la condamnation du ministère public à lui payer la somme de 5 000 euros.

Il y a lieu de débouter Mme [D], qui succombe en ses demandes, de cette demande.

PAR CES MOTIFS

Constate que la cour n’est pas saisie d’un appel concernant l’ordonnance du 12 juillet 2021 rendue par le président du tribunal de commerce de Melun,

Déboute Mme [F] [D] de son appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance rendue le 19 mai 2021 par le président du tribunal de commerce de Melun,

Y ajoutant,

Condamne Mme [F] [D] à payer une amende civile de 10 000 euros,

Déboute Mme [F] [D] de sa demande formée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que la charge des dépens de l’instance d’appel sera supportée par Mme [F] [D].

La greffière La présidente

 


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