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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 22/01625 – N° Portalis DBVS-V-B7G-FYN2
Minute n° 23/00134
[W]
C/
MINISTERE PUBLIC
Jugement Au fond, origine TJ à compétence commerciale de METZ, décision attaquée en date du 07 Juin 2022, enregistrée sous le n° 19/01335
COUR D’APPEL DE METZ
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2023
APPELANT :
Monsieur [H] [W]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ
INTIMÉ :
MINISTERE PUBLIC
Représenté par M. Le Procureur Général près de la cour d’appel de Metz
[Adresse 1]
[Localité 3]
DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 16 Mai 2023 tenue par Mme Anne-Yvonne FLORES, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l’arrêt être rendu le 28 Septembre 2023.
MINISTERE PUBLIC PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Clara ZIEGLER
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme DEVIGNOT,Conseillère
Mme DUSSAUD, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Jocelyne WILD, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par jugement du 10 juin 2015, sur assignation de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (ci-après l’Urssaf), la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz a placé la SARL Steinberg en redressement judiciaire. La date de cessation des paiements a été fixée au 11 décembre 2013 et la SCP Noël Lanzetta, prise en la personne de Maître [C] [F], a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
La procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 5 août 2015.
Par requête du 7 novembre 2019, le procureur de la République de Metz a demandé qu’une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement, de droit ou de fait, toute entreprise et toute personne morale, pour une durée de 10 ans, soit prononcée à l’encontre de M. [H] [W], gérant de la SARL Steinberg.
Au soutien de sa demande, le procureur a invoqué l’omission de faire la déclaration de l’état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours, l’abstention volontaire de coopérer avec les organes de la procédure ayant fait obstacle à son bon déroulement et l’omission de tenir une comptabilité lorsque les textes applicables en font l’obligation, ou le fait d’avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.
M. [W] a constitué avocat et s’est opposé à cette demande, par conclusions du 1” mars 2021, en invoquant le fait que la société débitrice était en réalité gérée par une autre personne qui n’a jamais été entendue et qui serait responsable des manquements reprochés.
Le rapport du juge commissaire, déposé le 6 janvier 2020, a été joint au dossier.
Par jugement du 7 juin 2022, la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz a :
‘ déclaré le procureur de la République de Metz recevable en sa demande ;
‘ prononcé à l’encontre de M. [W] une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement, de droit ou de fait, toute entreprise commerciale, industrielle, artisanale, toute exploitation agricole ou toute autre entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale pour une durée de 7 ans ;
‘ ordonné la notification de la décision au casier judiciaire par application de l’article 768, 5° du code de procédure pénale ;
‘ dit qu’en application des dispositions des articles L. 128-1 et R. 128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l’objet d’une inscription au fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d’accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la circulation de ces données ;
‘ ordonné l’exécution provisoire ;
‘ ordonné les mesures de publicité prévues par la loi ;
‘ condamné M. [W] aux dépens.
Pour se déterminer ainsi, la chambre commerciale a d’abord relevé que l’extrait K-bis de la SARL Steinberg mentionnait M. [W] en tant que gérant de droit jusqu’à l’ouverture de la procédure collective et qu’à ce titre sa responsabilité éventuelle était nécessairement et légalement engagée.
Les premiers juges ont ensuite retenu que l’ouverture de la procédure collective résultait de l’assignation d’un créancier de sorte que l’omission de déclaration de cessation des paiements n’était pas contestable.
Pour caractériser le manquement relatif à l’abstention volontaire de collaboration avec les organes de la procédure, il a été retenu que M. [W] n’avait pas pu être rencontré par le liquidateur judiciaire, qu’il n’avait remis aucun document comptable et que le passif de la société avait été établi à la somme de 145 288,43 euros, essentiellement composé de créances fiscales et sociales. Les premiers juges ont également relevé qu’aucun actif n’avait pu être identifié, l’inventaire s’étant traduit par un procès-verbal de carence et l’huissier de justice mentionnant que M. [W], contacté par téléphone, l’avait informé avoir vendu tous les biens de la société pour rembourser ses dettes. Ils ont ajouté que le gérant n’avait pas comparu aux différentes audiences, toutes les décisions ayant été rendues par jugement réputé contradictoire, alors qu’il était nécessairement informé de l’existence de la procédure du fait de son contact avec l’huissier.
Concernant l’absence de comptabilité, la chambre commerciale a relevé qu’aucun document comptable n’avait été remis, qu’aucune comptabilité n’avait été retrouvée dans les locaux utilisés par la société et que M. [W] avait reconnu, lors de son audition par la police, qu’il n’avait pas de comptabilité propre et qu’il ne s’en était pas préoccupé, estimant que cela relevait de la compétence de son associé. À ce titre, les premiers juges ont précisé qu’il n’était pas démontré que M. [V] [L] était bien associé de la SARL Steinberg et que sa qualité de gérant de fait ne ressort que des déclarations de M. [W].
Enfin sur la sanction, la chambre commerciale, après avoir indiqué que M. [W] était dirigeant d’une SASU Ekko Car depuis le 28 mars 2019 et produisait une attestation de régularité fiscale pour cette société, a rappelé que le dirigeant de droit engageait sa responsabilité quant à la bonne gestion de la société, que M. [W] avait admis être le créateur de la SARL Steinberg et que la réalité de l’existence d’un dirigeant de fait n’était pas établie, de sorte qu’elle estimait devoir prononcer une sanction au regard des manquements retenus sur le fondement de l’article L. 653-8 du code de commerce.
Par déclaration au greffe de la cour d’appel de Metz en date du 15 juin 2022, M. [W] a interjeté appel aux fins d’annulation, et subsidiairement d’infirmation du jugement, en visant toutes ses dispositions. L’appel a été enregistré sous le n° RG 22/01625.
L’appel ayant été enregistré également sous le n° RG 22/01608, la présidente de chambre a ordonné la jonction de ces procédures sous le numéro RG 22/01625 par ordonnance du 15 novembre 2022.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions du 14 novembre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [W] demande à la cour de :
‘ ordonner la jonction des procédures 22/01608 et 22/01625 ;
‘ recevoir son appel et le dire bien fondé ;
Vu l’article L. 653-41 et suivants du code de commerce,
‘ infirmer le jugement en ce qu’il a :
déclaré le procureur de la République de Metz recevable en sa demande,
prononcé à l’encontre de M. [W] une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement, de droit ou de fait, toute entreprise commerciale, industrielle, artisanale, toute exploitation agricole ou toute autre entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale pour une durée de 7 ans,
ordonné la notification de la décision au casier judiciaire par application de l’article 768, 5° du code de procédure pénale,
dit qu’en application des dispositions des articles L. 128-1 et R. 128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l’objet d’une inscription au fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d’accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la circulation de ces données,
ordonné l’exécution provisoire,
ordonné les mesures de publicité prévues par la loi,
condamné M. [W] aux dépens ;
Et statuant à nouveau,
‘ rejeter les demandes de Monsieur le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Metz et de Monsieur le procureur général près la cour d’appel de Metz, les dire mal fondées ;
‘ juger n’y avoir lieu à prononcer à son encontre une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement, de droit ou de fait, toute entreprise commerciale, industrielle, artisanale, toute exploitation agricole ou toute autre entreprise ayant tout autre activité indépendante et toute personne morale ;
A titre infiniment subsidiaire,
‘ réduire la durée de la sanction prononcée à son encontre et juger que cette dernière ne saurait dépasser 6 mois ;
‘ rejeter l’appel incident du ministère public proposant une durée supérieure ;
‘ laisser les dépens d’instance et d’appel à la charge du Trésor Public.
Au soutien de ses prétentions, M. [W] expose en premier lieu que le jugement a omis les conditions légales aux fins de prononcer des sanctions, en l’occurrence la caractérisation de la mauvaise foi et le fait que l’abstention de déclaration ait été faite « sciemment ». Il considère que ces exigences légales sont applicables aux procédures en cours car il s’agit de peines moins sévères puisque les conditions de la sanction de l’interdiction de gérer sont renforcées.
Sur le fond, l’appelant, après avoir rappelé qu’il n’avait que 22 ans lors de l’immatriculation de la société en 2011, expose qu’il était associé avec M. [V] [L], qui était le véritable gérant de la société et qui s’occupait notamment de la comptabilité et des aspects administratifs, tandis que lui-même travaillait sur les chantiers. Il mentionne qu’il n’avait pas su quoi faire lorsque la société n’avait plus eu d’activité et qu’il a « laissé coulé ». Il indique qu’il n’avait pas connaissance de la procédure avant la prise de contact téléphonique avec l’huissier de justice, qui est postérieure aux jugements réputés contradictoires, et fait valoir qu’il a contacté ce dernier, ne cherchant pas à se soustraire à ses responsabilités. Il conteste avoir agi de mauvaise foi ou sciemment dans le but d’éviter les conséquences d’une procédure collective.
M. [W] considère que l’interdiction de gérer sollicitée par le ministère public plusieurs années après l’ouverture de la procédure collective et la date de cessation des paiements fixée par le tribunal est manifestement disproportionnée à sa situation. Il affirme qu’il n’a jamais géré la SARL Steinberg tandis qu’il a immatriculé le 28 mars 2019 une société Ekko Car d’achat, vente, importation et exportation de véhicules neufs ou d’occasion qu’il gère conformément aux dispositions légales et pour laquelle il est à jour des déclarations fiscales, comptables et sociales. Il fait valoir que l’interdiction de gérer l’empêcherait de continuer son activité, qui est pérenne et en règle.
Par conclusions écrites du 14 octobre 2022 régulièrement communiquées aux parties qui ont eu le temps nécessaire pour y répondre, le ministère public conclut à la jonction des procédures 22/01608 et 22/01625 et à l’infirmation du jugement quant à la seule durée de l’interdiction afin de réduire sa durée à 5 ans.
Le ministère public expose que M. [W] a été entendu par les policiers dans le cadre d’une enquête ouverte du chef de banqueroute par détournement d’actif et relève qu’il n’est pas démontré que l’associé du gérant s’occupait de la société, que M. [W] était le seul gérant de la société au regard de l’extrait K-bis, qu’il assume ne pas avoir été regardant sur la gestion de la société et qu’il a reconnu avoir lui-même cédé l’ensemble des actifs restant de la société, agissant alors en qualité de gérant.
Sur l’omission de déclaration de cessation des paiements, il soutient que M. [W] n’a effectué aucune démarche alors qu’il connaissait la situation de l’entreprise, le fait que son activité avait cessé après 2 ans d’exercice et qu’il existait des créances. Il relève qu’il admet s’être reposé sur son associé.
Sur l’abstention volontaire de coopérer, le ministère public souligne qu’il ressort du rapport du mandataire judiciaire que le gérant ne s’est jamais manifesté, qu’il n’a jamais été atteint par les convocations et qu’il n’a produit aucune pièce comptable. Il ajoute que la conversion en liquidation judiciaire résulte des carences du gérant, qui ne répondait à aucune sollicitation du mandataire et que la seule manifestation de M. [W] est le contact téléphonique avec l’huissier de justice, sans production d’aucun justificatif concernant les biens qu’il affirme avoir vendu. Il considère donc que les organes de la procédure n’ont pas pu avoir accès aux informations, ce qui a constitué un obstacle au bon déroulement de la procédure.
Concernant la comptabilité, le ministère public fait valoir qu’aucun document comptable n’a été produit ou retrouvé dans les locaux de la société et que M. [W] admet n’avoir jamais tenu de comptabilité pour la SARL Steinberg et ne pas savoir où se trouve le comptable de la société, s’il en existe un.
Enfin, s’agissant de la durée d’interdiction, il expose que les faits sont anciens, que M. [W] est jeune et que la société dont il est actuellement dirigeant apparaît à jour de ses déclarations fiscales, comptables et sociales de sorte que la durée de l’interdiction pourrait être réduite à 5 ans.
MOTIVATION
Sur les manquements
L’article L. 653-1 du code de commerce prévoit que lorsqu’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions relatives à la faillite personnelle et autres mesures d’interdiction sont applicables aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales.
L’article L. 653-8 du code de commerce dispose que dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.
L’interdiction prévue à l’article L. 653-8 peut également être prononcée à l’encontre de toute personne mentionnée à l’article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.
Aux termes de l’article L. 653-5, 5° et 6°, la faillite personnelle peut être prononcée à l’encontre d’un dirigeant pour avoir, en s’abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ou pour avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.
*sur l’omission volontaire de demande d’ouverture d’une procédure collective dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements
En l’espèce, la date de cessation des paiements a été fixée au 11 décembre 2013 et la procédure collective a été ouverte en juin 2015 à l’initiative d’un créancier.
M. [W] cite ses déclarations lors de son audition : « la société Steinberg ne pouvait plus travailler, j’ai laissé couler sans savoir vraiment quoi faire et où tout cela allait me mener ». Or, bien qu’il affirme, sans le prouver, qu’il n’était pas le dirigeant de fait de la société, il n’en demeure pas moins qu’il était le dirigeant de droit et qu’il lui incombait de procéder à la demande d’ouverture d’une procédure collective. Il ressort de ses conclusions et déclarations qu’il avait connaissance de la cessation d’activité de la société et l’existence de dettes et il est constant qu’il n’a pas procédé à la déclaration de cessation des paiements.
Dès lors, il sera retenu qu’il a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation. Ce manquement est établi.
*sur l’abstention volontaire de coopérer avec les organes de la procédure ayant fait obstacle au bon déroulement de la procédure
Bien que les jugements d’ouverture du redressement judiciaire puis de conversion en liquidation judiciaire soient réputés contradictoires et aient été rendus hors la présence de M. [W], il a été informé postérieurement, en mars 2016, de l’ouverture d’une procédure lors de son échange téléphonique avec l’huissier de justice et il n’est pas contesté que, malgré cette information, il ne s’est pas rapproché des organes de la procédure afin de coopérer. Le liquidateur judiciaire n’ayant obtenu aucune information sur la société, l’abstention de M. [W], gérant de droit, a fait obstacle au bon déroulement de la procédure.
Dès lors, il sera retenu que M. [W], en s’abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, a fait obstacle au bon déroulement de la procédure. Ce manquement est établi.
*sur l’absence de tenue d’une comptabilité
Il résulte de l’article L. 653-5, 6° que le fait de n’avoir pas tenu de comptabilité ne peut être sanctionné par une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer que si les textes applicables font obligation de tenir une comptabilité.
L’article L. 123-12 du code de commerce dispose que toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l’enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Elle doit contrôler par inventaire, au moins une fois tous les douze mois, l’existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l’entreprise. Elle doit établir des comptes annuels à la clôture de l’exercice au vu des enregistrements comptables et de l’inventaire. Ces comptes comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe, qui forment un tout indissociable.
M. [W] reconnaît qu’il ne s’est pas préoccupé de la comptabilité de sa société, qu’il n’est pas en mesure de justifier de son existence ni de transmettre les coordonnées de l’éventuel comptable de la société. Il ne produit aucun élément de comptabilité à hauteur de cour. En conséquence, ce manquement est établi.
Sur la sanction
L’article L. 653-11 du code de commerce dispose que la mesure d’interdiction de gérer est fixée par le tribunal pour une durée qui ne peut être supérieure à 15 ans.
La décision qui prononce une interdiction de gérer doit être motivée tant sur le principe que sur le quantum de la sanction, au regard de la gravité des fautes et de la situation personnelle de l’intéressé.
Il a été retenu que M. [W], gérant de droit de la SARL Steinberg, a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure collective dans le délai légal, qu’il s’est abstenu volontairement de coopérer avec les organes de la procédure et qu’il n’a pas tenu la comptabilité obligatoire. Il ne peut se retrancher derrière l’existence d’un associé qui aurait été le dirigeant de fait. En effet, il n’apporte aucun élément de nature à démontrer qu’il n’aurait pas été le véritable gérant de la société. En outre, il apparaît qu’il a montré un réel désintérêt pour la gestion de la société dont il était pourtant le gérant de droit.
Il y a donc lieu de prononcer à l’encontre de M. [W] la sanction prévue à l’article L. 653-8 du code de commerce, à savoir une mesure interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale.
Cependant, au regard de son âge lors de l’immatriculation de la société et du fait qu’il justifie être actuellement dirigeant d’une société à jour de ses déclarations fiscales, comptables et sociales, il y a lieu d’infirmer le jugement pour réduire la durée de l’interdiction à 3 ans.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a ordonné la notification de la décision au casier judiciaire en application de l’article 768, 5° du code de procédure pénale qui prévoit que le casier judiciaire reçoit les jugements prononçant la faillite personnelle ou l’interdiction prévue par l’article L. 653-8 du code de commerce.
Il sera également confirmé en ce qu’il a fait application des articles L. 128-1 et R. 128-1 et suivants du code de commerce relatifs à l’inscription de cette mesure sur le fichier national automatisé des interdits de gérer.
M. [W], qui succombe à la présente instance, sera condamné aux dépens d’appel, la condamnation aux dépens de première instance étant en outre confirmée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement rendu le 7 juin 2022 par la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz en ce qu’il a prononcé une mesure d’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement, de droit ou de fait, toute entreprise commerciale, industrielle, artisanale, toute exploitation agricole ou toute autre entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale, sur le fondement de l’article L. 653-8 du code de commerce, d’une durée de 7 ans à l’encontre de M. [H] [W] ;
Et statuant à nouveau,
Prononce une mesure d’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, sur le fondement de l’article L. 653-8 du code de commerce, d’une durée de 3 ans à l’encontre de M. [H] [W] ;
Dit qu’en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l’objet d’une inscription au fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d’accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;
Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;
Y ajoutant,
Condamne M. [H] [W] aux dépens d’appel.
Le Greffier La Présidente de Chambre