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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-2
ARRÊT AU FOND
DU 28 SEPTEMBRE 2023
N° 2023/270
Rôle N° RG 22/07356 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJODE
S.C.P. BTSG²
C/
[J] [B]
[S] [X]
[W] [V]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Rachel COURT-MENIGOZ
Me Eric AGNETTI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce d’ANTIBES en date du 27 Juillet 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 20/03720.
APPELANTE
S.C.P. BTSG²
agissant par Maître [I] [F] en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL RAPHAEL, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Rachel COURT-MENIGOZ de la SCP FRANCOIS – DUFLOT – COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me François CREPEAUX, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Monsieur [U] [J] [B],
né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 8] (Maroc), de nationalité française, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Eric AGNETTI, avocat au barreau de NICE
Monsieur [S] [X],
né le [Date naissance 6] 1954 à [Localité 10] (50) de nationalité française, demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Eric AGNETTI, avocat au barreau de NICE
Madame [W] [V],
née le [Date naissance 7] 1967 à [Localité 9], de nationalité française, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Eric AGNETTI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 17 Mai 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre
Madame Muriel VASSAIL, Conseiller rapporteur
Madame Agnès VADROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2023.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2023,
Signé par Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
La société RAPHAEL a été constituée en octobre 2007 entre M. [S] [X] et sa compagne, Mme [W] [V].
Elle a eu pour gérant Mme [V] entre 2007 et 2009 et M. [U] [J] [B] à partir du 2 février 2009.
Le 31 janvier 2009, elle a racheté l’agencement et les matériels de la pizzéria La Romana à la société QUEEKY, le prix de cession, soit 397 914 euros, était payable en 80 échéances de 5 000 euros.
Par avenant du 15 mars 2009, la société RAPHAEL s’est également engagée à prendre en charge la dette de 151 755 euros de la société QUEEKY envers M. [X] et le remboursement du solde de 85 500 euros d’un emprunt bancaire que la société QUEEKY avait souscrit.
Parallèlement, les actifs objets de la cession du 31 janvier 2009 étaient revendiqués par la société LA ROMANA.
Le 2 décembre 2011, aux termes d’un crédit-vendeur, la société RAPHAEL a revendu ses actions, sa licence de débit de boissons et son matériel d’exploitation à la société ERNESTO pour la somme de 300 000 euros.
Par arrêt rendu le 30 juillet 2015 sur renvoi de cassation, la société RAPHAEL et la société QUEEKY ont été condamnées à payer à la société LA ROMANA la somme de 200 000 euros de dommages et intérêts.
Par ailleurs, la société RAPHAEL a été condamnée, le 18 mars 2016, à payer 142 105, 25 euros à la liquidation judiciaire de la société QUEEKY au titre du solde du crédit-vendeur.
Par jugement du 21 novembre 2017, le tribunal de commerce d’Antibes a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société RAPAHEL et désigné la SCP BTSG2, représentée par M. [F], en qualité de liquidateur judiciaire.
La date de cessation des paiements a été provisoirement fixée au 21 mai 2016.
Par jugement du 27 juillet 2021, assorti de l’exécution provisoire et rendu à la requête de la SCP BTSG2, le tribunal de commerce d’Antibes a :
-débouté la SCP BTSG2 de sa demande de qualification de M. [X] de dirigeant de fait de la société RAPHAEL,
-condamné M. [B] à payer à la SCP BTSG2 ès qualités l’insuffisance d’actif telle qu’elle apparaîtra à l’issue des opérations de la procédure collective,
-condamné M. [B] à verser une provision de 150 000 euros,
-prononcé à l’encontre de M. [B] un interdiction de gérer d’une durée de 5 ans,
-débouté la SCP BTSG2 de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,
-condamné M. [B] aux dépens et à payer 3 000 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour prendre leur décision les premiers juges ont retenu que :
-il appartient à la SCP BTSG2 de rapporter la preuve de la qualité de gérant de fait de M. [X], la théorie de l’apparence ne pouvant s’appliquer,
-compte tenu, notamment, de la confusion pouvant exister entre les diverses sociétés et de l’absence de documents signés par lui, les éléments produits par la SCP BTSG2 sont insuffisants pour caractériser la gérance de fait de la part de M. [X],
-concernant M. [B] :
-on peut s’interroger sur l’intérêt social des cessions d’actions, de licence et de matériel de la société RAPHAEL à un prix très faible et avec des délais de paiement très longs,
-on peut s’interroger sur l’intérêt social de la société RAPHAEL de prendre en charge la dette de la société QUEEKY et celle de M. [X],
-M. [B] ne pouvait ignorer les droits de la société LA ROMANA sur les actifs acquis,
-la déclaration de créance de la DGFP, pour un montant total de 2 874 946 euros, démontre que la société RAPHAEL n’a pas fait de déclaration exhaustive des impôts et cotisations lui incombant et n’a pas réglé les impôts afférents sur plusieurs années d’activité,
-la répétition de cette défaillance ne peut être le fruit d’une simple négligence de la part du gérant,
-au vu des états financiers, il apparaît que la société RAPHAEL n’a pas provisionné les risques relatifs au litige qui l’opposait à la société LA ROMANA,
-aucun certificat médical n’est produit pour attester de la maladie de M. [B] qui le rendrait incapable d’exercer ses fonctions,
-les faits sont graves, significatifs et répétés et ont entrainé la constitution d’un passif de 3 442 447, 17 euros,
-la vérification du passif est en cours mais l’insuffisance d’actif de la société RAPHAEL est certaine,
-M. [B] doit être condamné à supporter l’intégralité de l’insuffisance d’actif de la société RAPHAEL et, dans l’attente de la vérification, à payer une provision de 150 000 euros,
-concernant Mme [V] :
-les fautes de gestion démontrées concernent la gérance de M. [B] et ne peuvent être imputées à Mme [V],
-Sur la mesure de faillite personnelle :
-il n’a pas été retenu que M. [X] ait été gérant de fait, de sorte que la SCP BTSG2 sera débouté de sa demande à son encontre,
-il peut être retenu contre M. [B] les fautes de :
-défaut de déclaration de l’état de cessation des paiements,
-incurie et incapacité à gérer sainement une entreprise,
-il est justifié de prononcer contre M. [B] une interdiction de gérer pendant 5 ans,
-la responsabilité de Mme [V] n’a pas été établie dans ses fonctions de gérante et la SCP BTSG2 sera déboutée de sa demande formée contre elle.
La SCP BTSG2 ès qualités a fait appel de cette décision le 20 mai 2022.
Dans ses dernières conclusions, déposées au RPVA le 25 juillet 2022, elle demande à la cour de :
-la recevoir en son appel,
-confirmer le jugement frappé d’appel en qu’il a :
-condamné M. [B] à payer l’insuffisance d’actif de la société RAPHAEL, sauf à ramener cette condamnation à 10% de cette insuffisance d’actif et à la liquider à 344 000 euros,
-prononcé contre M. [B] une mesure d’interdiction de gérer d’une durée de 5 ans,
-réformer le jugement pour le surplus ;
-reconnaître la qualité de dirigeants de droit ou de fait de M. [X] et de Mme [V], de la société RAPHAEL,
-condamner avec solidarité entre eux et avec M. [B] :
-M. [X] à payer la totalité de l’insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire de la société RAPHAEIL, soit la somme de 3 442 447, 17 euros,
-Mme [V] à payer le dixième de l’insuffisance d’actif de la société RAPHAEL, soit la somme de 344 000 euros,
-condamner M. [X] à une mesure de faillite personnelle de 15 ans,
-condamner Mme [V] à une interdiction de gérer de 5 ans
-condamner in solidum, M. [B], M. [X] et Mme [V] aux entiers dépens et à lui payer ès qualités 5 000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions, communiquées au RPVA le 13 juillet 2022, M. [X], M. [B] et Mme [V] demandent à la cour d’infirmer le jugement frappé d’appel et de:
-débouter M. [F] ès qualités de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
-condamner le liquidateur judiciaire aux entiers dépens et à payer 1 000 euros à chacun d’entre-eux au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses réquisitions, communiquées au RPVA le 11 avril 2023, le ministère public demande à la cour de faire droit à l’appel du mandataire liquidateur et de prononcer les condamnations sollicitées.
Le 16 juin 2022, les parties ont été avisées de la fixation du dossier à l’audience du 17 mai 2023.
La procédure a été clôturée le 13 avril 2023 avec rappel de la date de fixation.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il conviendra de se reporter aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens de fait et de droit.
MOTIFS
1)A la lecture du jugement frappé d’appel la cour n’est pas capable de déterminer quelles sont les fautes que le liquidateur judiciaire reprochait aux intimés ni même clairement celles que les premiers juges ont examinées et retenues.
L’assignation qui leur a été délivrée par la SCP BTSG2 ès qualités devant le tribunal de commerce d’Antibes révèle, ce que l’appelante admet à l’audience, qu’elle reprochait :
A M. [X] seul deux fautes :
-avoir fait des biens de la société RAPHAEL un usage contraire à l’intérêt social,
-la poursuite abusive d’une activité déficitaire dans un intérêt personnel.
A M. [X], à Mme [V] et à M. [B] deux fautes :
-défaut de déclaration de l’état de cessation des paiements,
-tenue d’une comptabilité irrégulière ou fictive.
Cela est également confirmé par ses écritures de première instance qu’elle verse aux débats et ses dernières conclusions d’appelante (page 13).
Or, dans l’exposé de leurs motifs, les premiers juges ont vraisemblablement examiné et semble-t-il retenu plusieurs autres fautes qui ne faisaient pas partie de leur saisine et ne peuvent faire partie de celle de la cour.
En conséquence, ces fautes (notamment celle d’incurie ou de défaut de déclaration et de paiement des dettes fiscales et sociales) ne pourront donc pas être retenues ni même examinées.
2)Sur la demande de condamnation à supporter l’insuffisance d’actif de la société RAPHAEL
Ainsi que le rappelle l’article L651-2 du code de commerce, le tribunal de commerce peut condamner à supporter l’insuffisance d’actif d’une société placée en liquidation judiciaire tout dirigeant de droit ou de fait responsable d’une ou plusieurs fautes de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif.
Pour que l’action initiée par la SCP BTSG2 ès qualités puisse prospérer il faut donc que soient établis :
-une insuffisance d’actif,
-une ou plusieurs fautes de gestion imputables à messieurs [X] et [B] et à Mme [V],
-un lien de causalité entre la ou les fautes commises et l’insuffisance d’actif.
3)Sur l’insuffisance d’actif
Le montant de l’insuffisance d’actif telle que revendiquée par la SCP BTSG2, soit la somme actualisée de 3 442 447, 17 euros, n’est plus contestable puisque l’appelante démontre que le passif a été vérifié et que l’état des créances est définitivement arrêté (ses pièces 65, 66 et 67).
En l’absence d’actif (pièce 22 de l’appelante), l’insuffisance d’actif est donc égale au montant du passif.
Le jugement frappé d’appel sera complété et l’insuffisance d’actif de la société RAPHAEL sera arrêtée à la somme de 3 442 447, 17 euros.
4)La société RAPHAEL a été constituée en octobre 2007.
Entre la date de sa constitution et le 2 février 2009, Mme [V] en était la gérante de droit.
A partir du 2 février 2009 jusqu’à l’ouverture de sa liquidation judiciaire (21 novembre 2017), le gérant de droit de la société RAPHAEL était M. [B].
5)Il appartient à la SCP BTSG2 ès qualités de rapporter la preuve de la qualité de gérant de fait de M. [X]. Pour ce faire il lui incombe de démontrer que ce dernier disposait d’un pouvoir de direction et de contrôle sur la société RAPHAEL et qu’il l’a exercé par des actes positifs.
Elle liste une série de sociétés dans lesquelles il aurait été actionnaire pour affirmer que M. [X], inscrit en qualité de travailleur libéral comme conseil pour les affaires et autres conseils de gestion, adopte toujours le même mode opératoire c’est-à-dire qu’il créé ou qu’il reprend des sociétés en ayant à chaque fois un gérant de paille mais qu’il en reste toujours le gérant de fait.
Comme le font valoir les intimés qui contestent formellement que M. [X] ait pu être gérant de fait de la société RAPHAEL, pour établir la qualité de gérant de fait de M. [X] la cour ne saurait tirer aucune conséquence :
-de la prétendue implication de l’intéressé dans la gestion d’autres sociétés qui auraient depuis fait l’objet de procédures collectives,
-du comportement de M. [X] dans la gestion des dossiers d’autres sociétés,
-du fait que la qualité de dirigeant de fait ait été judiciairement reconnue à M. [X] concernant la société VAOLI,
-de la qualité qu’ont pu lui donner son avocat ou les avocats adverses dans d’autres instances.
Concernant plus précisément la société RAPHAEL, la SCP BTSG2 démontre que M. [X] a :
-le 23 avril 2009, répondu en qualité de responsable de la société RAPHAEL à une sommation de justifier des droits de la société RAPHAEL qu’il a indiqué transmettre à son avocat (pièce 23),
-le 31 juillet 2009, résisté à une tentative d’expulsion de la société RAPHAEL (pièce 26),
-le 19 février 2010, répondu en qualité de directeur et associé de la société RAPHAEL à un commandement de quitter les lieux en exposant « Nous ne quitterons pas les lieux » (pièce 24),
-le 17 mai 2011, fait procéder, en qualité de directeur, à un constat dans l’établissement de Mme [R], son ex-épouse (pièce 25),
-pu régler des salariés en espèces (pièce 30).
Ce faisant, elle rapporte la preuve d’actes isolés (5 sur 6 années d’existence de la société) qui, ainsi que les premiers juges l’ont considéré à juste titre, à défaut d’actes positifs de gestion, sont insuffisants pour caractériser l’exercice plein et entier d’un pouvoir de direction et de contrôle sur la société RAPHAEL.
Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges que la cour adopte, le jugement frappé d’appel sera confirmé en ce qu’il a débouté la SCP BTSG2 de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de M. [X] en qualité de gérant de fait de la société RAPHAEL.
6)La responsabilité pour insuffisance d’actif de Mme [V] et de M. [B] peut être recherchée en leur qualité de gérants de droit de la société RAPHAEL.
Il s’évince des développements précédents que les premiers juges étaient saisis de deux fautes de gestion à l’encontre des intéressés. A savoir :
-le défaut de déclaration de l’état de cessation des paiements,
-la tenue d’une comptabilité irrégulière ou fictive.
Il n’est pas remis en cause qu’elles sont toutes les deux susceptibles d’être sanctionnées au titre de la responsabilité en insuffisance d’actif en application des dispositions combinées des articles L651-1 et suivants et L653-1 et suivants du code de commerce.
Ces fautes circonscrivent les limites de la saisine de la cour qui ne saurait, de ce fait, en examiner d’autres.
7)Le défaut de déclaration de l’état de cessation des paiements
La SCP BTSG2 soutient que la société RAPHAEL se trouvait en état de cessation des paiements dès 2010.
Comme elle le fait valoir, cette faute ne peut être imputée à Mme [V] qui n’était plus dirigeante de droit de la société RAPHAEL à partir du 2 février 2009 et en tout état de cause au moment de l’ouverture de sa procédure collective (21 novembre 2017) ni au moment où la date de cessation des paiements a été fixée (21 mai 2016) aux termes du jugement d’ouverture.
Par ailleurs, la cour tient à préciser que le fait que Mme [V] soit la compagne de M. [X] ne saurait permettre de pouvoir la qualifier de gérante de fait.
Seul M. [B] peut, dès lors, être concerné. Le jugement frappé d’appel sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la SCP BTSG2 de sa demande à l’égard de Mme [V].
Conformément aux articles L631-4 et L 640-1 du code de commerce, l’état de cessation des paiements doit être déclaré au plus tard 45 jours avant sa survenance.
Dans le cas présent, la liquidation judiciaire directe de la société RAPHAEL a été ouverte le 21 novembre 2017 sur assignation d’un créancier (Mme [R]) et le tribunal a fixé la date provisoire de cessation des paiements au 21 mai 2016.
Il n’est pas remis en cause que cette décision est aujourd’hui définitive.
Il est donc établi, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les bilans des années 2010 et 2011, qu’en qualité de gérant de droit M. [B] a omis de déclarer l’état de cessation des paiements de la société RAPHAEL dans les 45 jours prévus par les textes. Il en résulte que la faute de défaut de déclaration de l’état de cessation des paiements doit être retenue à son égard et que le jugement frappé d’appel doit être complété sur ce point.
8)Le défaut de tenue d’une comptabilité ou la tenue d’une comptabilité irrégulière ou fictive
Selon la SCP BTSG2 la comptabilité de la société RAPHAEL serait insincère depuis l’exercice 2009 en ce qu’elle aurait omis la majorité des créances fiscales.
A défaut d’irrégularités alléguées à compter de l’exercice 2008, Mme [V] ne saurait voir sa responsabilité engagée puisqu’elle n’était plus gérante de droit de la société RAPHAEL à partir du 2 février 2009.
Il ressort des pièces qu’elle verse aux débats (19, 20 et 21), que la SCP BTSG2 démontre effectivement que les créances fiscales (IS, TVA et pénalités) ont été minorées et/ou omises dans les bilans de la société RAPHAEL à partir de l’exercice 2009, c’est-à-dire sous la gérance de droit de M. [B].
C’est donc à juste titre que les premiers juges ont :
-débouté la SCP BTSG2 de ses demandes contre Mme [V],
-retenu la responsabilité de M. [B].
Le jugement frappé d’appel sera également complété sur ce point.
9)Il ne peut sérieusement être remis en cause que les fautes imputables à M. [B] ont contribué à l’insuffisance d’actif de la société RAPHAEL.
En se privant d’établir une comptabilité sincère, il s’est privé de toute visibilité sur la santé financière de son entreprise et de la mise en ‘uvre éventuelle de moyens de redressement.
En s’abstenant de déclarer l’état de cessation de paiements dans les délais, il a aggravé le passif de la société RAPHAEL aux détriments de ses créanciers.
L’aggravation ainsi constituée peut être évaluée à la somme globale de 575 000 euros qui correspond aux créances fiscales et sociales non intégrées dans la comptabilité de la société RAPHAEL.
10)Dans son dispositif, qui seul lie la cour (page 14 de ses conclusions), l’appelante forme des demandes contradictoires puisqu’elle réclame à la fois :
-la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [B] à payer l’insuffisance d’actif de la société RAPHAEL sauf à ramener cette condamnation à 10% de l’insuffisance d’actif et à la liquider à la somme de 344 000 euros,
-la réformation du jugement frappé d’appel et la condamnation solidaire de M. [X] et de M. [B] à payer la totalité de l’insuffisance d’actif de la société RAPHAEL, à savoir la somme de 3 442 447, 17 euros.
Eu égard à l’argumentaire développé en page 12 de ses conclusions, la cour s’estime fondée à considérer qu’en réalité dans son dispositif la SCP BTSG2 a entendu obtenir la condamnation de M. [B] à lui payer 344 000 euros au titre de l’insuffisance d’actif avec demande de solidarité avec M.[X] à hauteur de cette somme.
Le jugement rendu le 27 juillet 2021 par le tribunal de commerce d’Antibes comporte, lui aussi, une contradiction de ce chef puisque dans l’exposé de ses motifs il indique qu’il condamnera M. [B] à payer le dixième de l’insuffisance d’actif de la société RAPHAEL et que dans son dispositif il condamne M. [B] à payer l’insuffisance d’actif de la société RAPHAEL.
En tout état de cause, considérant le montant qui peut lui être imputé, la demande de l’appelante et le conflit ayant existé entre M. [X], actionnaire de la société RAPHAEL, et son ex-épouse, qui est à l’origine d’une part non négligeable de l’insuffisance d’actif de la débitrice, la cour estime équitable et justifié de condamner M. [B] à supporter l’insuffisance d’actif de la société RAPHAEL à hauteur de la somme de 344 000 euros.
Le jugement attaqué sera infirmé de ce chef d’autant qu’il a condamné l’intéressé à « supporter l’insuffisance d’actif telle qu’elle apparaîtra à l’issue des opérations de la procédure collective», ce qui est radicalement prohibé.
11)Eu égard aux développements précédents, la faillite personnelle et/ou l’interdiction de gérer ne peuvent être prononcées à l’encontre de M. [X] et de Mme [V].
Le jugement soumis à l’examen de la cour sera confirmé sur ce point.
Compte tenu de l’importance des fautes retenues contre lui, qui sont susceptibles d’être sanctionnées par une interdiction de gérer, le jugement frappé d’appel sera confirmé en ce qu’il a infligé à M. [B] une mesure d’interdiction de gérer pendant 5 ans.
Il sera complété en ce que cette condamnation doit être inscrite.
12)Le jugement frappé d’appel sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
La SCP BTSG2 ès qualités qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel qui seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la société RAPHAEL.
Elle se trouve, ainsi, infondée en ses prétentions au titre des frais irrépétibles.
Eu égard aux circonstances de l’espèce, aucune considération d’équité n’impose de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice des intimés.
Ils seront déboutés de leur demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, après débats publics, dans les limites de sa saisine, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;
Confirme le jugement rendu le 27 juillet 2021 par le tribunal de commerce d’Antibes en toutes ses dispositions, en ce compris celles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, sauf en ce qu’il a condamné M. [B] à supporter l’insuffisance d’actif de la société RAPHAEL telle qu’elle apparaitra à l’issue des opérations de la procédure collective ;
Statuant à nouveau du chef d’infirmation, complétant le jugement frappé d’appel et y ajoutant:
Retient à l’encontre de M. [B] les fautes de gestion suivantes :
-défaut de déclaration de l’état de cessation des paiements,
-défaut de tenue d’une comptabilité sincère,
Fixe le montant de l’insuffisance d’actif de la société RAPHAEL à la somme de 442 447, 17 euros;
Condamne M. [B] à payer à la SCP BTSG², ès qualités la somme de 344 000 euros au titre de l’insuffisance d’actif de la société RAPHAEL ;
Ordonne qu’en application des articles L128-1 et suivants et R128-1 et suivants du code de commerce, la sanction d’interdiction de gérer prononcée à l’encontre de M. [B] fasse l’objet d’une inscription au fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d’accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) 2016679 du parlement européen et du conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;
Déclare la SCP BTSG² , ès qualités, infondée en ses prétentions au titre des frais irrépétibles ;
Déboute M. [X], M. [B] et Mme [V] de leur demande au visa de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCP BTSG², ès qualités aux dépens d’appel et ordonne qu’ils soient employés en frais privilégiés de la procédure collective de la société RAPHAEL.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE