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COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – COMMERCIALE
CC/CG
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 19/00277 – N° Portalis DBVP-V-B7D-EORO
jugement du 06 Juin 2018
Tribunal de Commerce du MANS
n° d’inscription au RG de première instance 17/003259
ARRET DU 28 JUIN 2022
APPELANTE :
Madame [P] [X] épouse [C]
née le 30 Juin 1973 à FLERS (61)
8 rue André Launay
61100 FLERS
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/001598 du 01/03/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle d’ANGERS)
Représentée par Me Christian NOTTE-FORZY, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 00057850
INTIME :
Monsieur [Z] [C]
né le 28 Août 1969 à KAMETONOU (TOGO)
141 Les Boutinières
72250 PARIGNE L’EVEQUE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle (55%) numéro 2019/002540 du 09/04/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle d’ANGERS)
Représenté par Me Nathalie GREFFIER, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 19044
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 22 Mars 2022 à 14H00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, Présidente qui a été préalablement entendue en son rapport et devant Mme ROBVEILLE, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, Présidente de chambre
Mme ROBVEILLE, Conseillère
M. BENMIMOUNE, Conseiller
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 28 juin 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, Présidente, et par Sophie TAILLEBOIS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
M. [Z] [C] et son épouse, Mme [P] [X], étaient associés dans la société (SARL) (Laboratoire) […], créée en 2004, faisait de la fabrication à façon de produits cosmétiques pour différentes marques dont [G] [J].
M. [C], gérant, était propriétaire de 75% des 400 parts de la SARL […], et Mme [X], son épouse, de 25% des parts.
Une mésentente s’est installée au sein du couple [C]- [X].
Selon procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 26 octobre 2011, M. [C], seul présent, après avoir convoqué Mme [X], a décidé de prononcer la dissolution anticipée de la SARL […] et sa liquidation, de sa subsistance pour les besoins de la liquidation jusqu’à la clôture de celle-ci, se désignant liquidateur amiable. Ce procès-verbal a été publié au BODACC le 23 novembre 2011.
Le 28 février 2012, un état descriptif et estimatif en valeur vénale, de matériels appartenant au laboratoire […], a été dressé par un commissaire-priseur, à la requête de M. [C].
Mme [X] a déposé une requête en divorce. Une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 11 octobre 2012.
Par acte d’huissier du 2 mars 2012, considérant que M. [Z] [C] avait abusivement liquidé la SARL […] et détourné son actif au profit de la société Laboratoire […], Mme [P] [X] épouse [C] a saisi en référé le président du tribunal de commerce du Mans aux fins, au visa de l’article 873 du code de procédure civile, de voir désigner un autre liquidateur de la SARL […], en remplacement de M. [C], pour valoriser au mieux la cession du matériel et de la clientèle dans le cadre de la liquidation amiable.
Par ordonnance du 25 avril 2012, le juge des référés du tribunal de commerce du Mans s’est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de Mme [C], renvoyant les parties à mieux se pourvoir devant le juge du fond.
Le 2 septembre 2013, M. [C], en qualité de liquidateur amiable de la SARL […], a actualisé le montant des éléments invendus de la SARL […] à une valeur d’origine de 43.264 euros, avec une valeur résiduelle de 1.704,50 euros.
M. [C], en qualité de liquidateur amiable de la SARL […], a établi un rapport final des opérations de liquidation pour l’assemblée générale extraordinaire du 27 décembre 2013, précisant que l’actif après inventaire du 28 février 2012 s’élevait à 228.539,72 euros, que l’actif disponible au 28 février 2012 était de 26.451,14 euros, l’actif réalisable après estimation du 28 février 2012 de 189.802,58 euros, soit un actif total de 200.624 euros. Ce rapport précisait que la vente du matériel avait été réalisée de gré à gré sur la base du prix déterminé par le commissaire priseur ; qu’un ensemble ‘émulsificateur plus chaudière’ pour un montant de 58.000 euros avait été vendu avec plus-value ; qu’aucune proposition d’achat n’avait été effectuée pour des ‘cloisons de salle blanche’ que le fournisseur avait accepté de reprendre. Il mentionnait un actif réalisé de 183.205,58 euros, un passif réglé de 182.155,28 euros, outre diverses remises et annulations pour un montant de 68.605,46 euros.
Suivant assemblée générale extraordinaire du 27 décembre 2013, la clôture des opérations de liquidation de la SARL […] a été prononcée à la date de l’assemblée, après approbation des comptes de liquidation, et quitus donné au liquidateur amiable, déchargé de son mandat. Une publication de cette décision a été faite dans un journal d’annonces locales le 2 janvier 2014.
Estimant que la SARL […] avait poursuivi son activité d’une façon occulte après sa liquidation, Mme [X] a, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, saisi le juge des référés du tribunal de commerce du Mans aux fins d’expertise comptable, afin de valoriser le préjudice qu’elle alléguait avoir subi lors du transfert allégué des éléments corporels de la SARL […] vers la SARL Laboratoire […] puis ensuite vers la SARL Laboratoire […] sans contrepartie.
Par ordonnance du 22 juillet 2014, le juge des référés du tribunal de commerce du Mans a ordonné une expertise confiée à M. [E] [K], expert-comptable.
Aux termes de son rapport déposé le 30 octobre 2014, M. [K] a notamment conclu que : ‘aucun chiffre d’affaires n’apparaît dans les comptes de la société […] en 2012 et 2013. De toute évidence, l’activité et le savoir-faire ont été transférés de la société Laboratoire […] à la société Laboratoire […]. Ce transfert des éléments incorporels, constitutif du fonds de commerce de la société Laboratoire […] aurait dû faire l’objet d’une valorisation et d’une cession à sa valeur vénale afin de garantir les droits des actionnaires de la société en liquidation. Ce fait pénalise gravement les intérêts des actionnaires de la société liquidée.’
Le 15 octobre 2015, Mme [X] a fait assigner M. [C] en référé devant le président du tribunal de commerce du Mans aux fins de désigner de nouveau M. [K] en vue de compléter son rapport sur l’évaluation des préjudices subis, de fournir une évaluation sur la valeur vénale des éléments transférés de la SARL Laboratoire […] aux sociétés Laboratoire […] et Laboratoire […] (marque [G] [J], chiffre d’affaires, clientèle, savoir-faire, matériel, fonds de commerce), outre de se voir octroyer une provision de 50.000 euros.
Par ordonnance de référé du 11 janvier 2016, le président du tribunal de commerce du Mans a, notamment, ordonné une expertise confiée à M. [K], lui demandant de se prononcer si le fonds de commerce avait des chances de pouvoir être cédé autrement que par la cession des actifs ; si la société […] était propriétaire de la marque [G] [J] avant sa dissolution, si les sociétés Laboratoires […] et […] occupaient chacune ses propres locaux, si la société Laboratoire […] a pris possession des actifs appartenant à […], si le prix de cession des actifs de […] comporte une anomalie au regard de leur valeur, si Melle [I] était détentrice d’un savoir-faire technique qui faisait défaut à la société […] avant son embauche. Il a débouté la demanderesse de sa demande de provision.
M. [K] a déposé son rapport complémentaire le 1er juillet 2016 aux termes duquel il a conclu que :
– ‘la valeur de la partie incorporelle du fonds de commerce (marque, chiffre d’affaires, clientèle et savoir-faire) transférée de la société […] vers Laboratoire […] ressort au montant de 87.663 euros duquel il faut déduire la valeur vénale de la marque [G] [J], 3.000 euros, qui appartenait personnellement à M. [Z] [C] soit un montant hors marque [G] [J] de 84.663 euros’,
– ‘le fonds de commerce aurait dû être valorisé et cédé à la société Laboratoire […] ou à tout autre investisseur intéressé’,
– ‘ la marque ‘[G] [J] Paris’ a été déposée par M. [Z] [C] le 20 juillet 2004 ; il en était donc personnellement le propriétaire’,
– ‘les deux sociétés (Laboratoire […] et […]) occupaient chacune des locaux mitoyens dans le même bâtiment détenu par la SCI ‘Les Pierres […]’ dont les parts étaient détenues originellement par M. [Z] [C]’,
– ‘la société ‘Laboratoire […]’ fonctionne avec des actifs acquis auprès de la société ‘Laboratoire […]’ par les sociétés MJ Distribution, le Caméléon Distribution et Santé Shop’,
– ‘ les prix de cession des actifs immobilisés de […] ne font pas apparaître d’anomalies. En revanche les modalités de la mise à disposition de certains de ces actifs au Laboratoire […] et ses contreparties éventuelles ne sont pas connues. Par ailleurs, l’assemblée générale ordinaire du 27 décembre 2013 dans sa 6ème résolution fait état d’un stock de marchandises, d’emballage et de matériels non valorisables de 43.264 euros qu’elle décide de mettre en décharge. La mise au rebut de ces stocks explique une part importante des pertes que subit […] dans cette opération de liquidation. Il est possible qu’une partie ou la totalité de ces stocks ait été transférée puis commercialisée par le laboratoire […] dont les locaux sont mitoyens’,
– ‘le savoir-faire technique (de Mme [I], salariée) a été développé par la société […] depuis sa création conformément à ses statuts’.
Par acte d’huissier du 21 mars 2017, Mme [X] a fait assigner M. [C] devant le tribunal de commerce du Mans, afin de voir, selon ses dernières écritures :
– condamner M. [C] à payer à Mme [X] la somme de 1.000.000 euros de dommages et intérêts,
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans caution,
– condamner M. [C] aux dépens.
En défense, M. [C] a conclu au rejet de l’ensemble des demandes, fins et conclusions de la demanderesse, et à sa condamnation à lui verser 1.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.
Par jugement du 6 juin 2018, le tribunal de commerce du Mans a :
– débouté M. [C] de ses demandes de condamnation de Mme [C],
– condamné M. [C] à verser à Mme [X] la somme de 21.165,75 euros au titre des dommages et intérêts,
– débouté Mme [X] de sa demande d’exécution provisoire,
– condamné M. [C] aux dépens,
– débouté les parties de toutes leurs autres demandes.
Par jugement du 19 novembre 2018, le tribunal de commerce du Mans a rectifié une erreur matérielle contenue dans le jugement du 6 juin 2018 précité en précisant que le docteur [V] avait revendu la marque [G] [J] pour une somme de 3.000 euros à la SARL Laboratoire […], nouvelle société dont M. [C] était le gérant de fait et non le gérant ; a passé les dépens en frais privilégiés, a laissé à la charge du trésor public les frais de greffe liquidés à la somme de 63,36 euros TTC, a débouté les parties de toutes leurs autres demandes.
Par déclaration du 12 février 2019, Mme [X] a interjeté appel de ces deux jugements en ce qu’ils ont, pour le premier, débouté Mme [X] de sa demande de condamnation de M. [C] à lui payer la somme de 1.000.000 euros à titre de dommages et intérêts, a débouté Mme [X] de sa demande tendant à ce que l’exécution provisoire soit ordonnée, en ce qu’il a débouté Mme [X] de toutes ses autres demandes, et pour le second, en ce qu’il a rectifié l’erreur matérielle du jugement du 6 juin 2018 ; intimant M. [C].
M. [C] a formé appel incident.
Mme [X] et M. [C] ont conclu.
Une ordonnance du 14 mars 2022 a clôturé l’instruction de l’affaire.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
– le 10 mars 2022 pour Mme [P] [X] épouse [C],
– le 21 février 2022 pour M. [Z] [C] ;
Mme [P] [X] épouse [C] prie la cour de :
recevant la concluante en ses appels, l’y déclarant fondée et y faisant droit,
infirmant les jugements entrepris et statuant à nouveau,
– condamner M. [C] à payer à la concluante la somme de 1.000.000,00 € en principal outre intérêts, à titre de dommages et intérêts, et procédant de ses préjudices au titre des ventes distraites d’une part, du produit détourné de la vente des machines d’autre part, et à parfaire,
et rejetant toute demande contraire comme non recevable en tous cas non fondée,
– débouter M. [C] de son appel incident comme aussi irrecevable que mal fondé, et tendant à ce que la concluante soit déboutée de sa demande de dommages et intérêts,
– confirmer les jugements entrepris en leurs dispositions non contraires,
– y additant, condamner M. [C] à payer à Mme [X] la somme de 5 000,00 euros par application des dispositions de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, outre celles de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [C] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
M. [Z] [C] sollicite de la cour qu’elle :
– déclare Mme [X] non fondée en ses appels ; l’en déboute,
– recevant le concluant en son appel incident du chef des deux jugements dont appel, l’y déclarer fondé et y faisant droit,
– infirmer les jugements entrepris en ses dispositions lui faisant grief et statuant à nouveau,
– débouter Mme [X] de toute demande de dommages-intérêts, le liquidateur n’ayant commis aucune faute dans le cadre des opérations de liquidation de la société […],
et rejetant toutes prétentions contraires comme non recevables en tout cas non fondées,
– condamner Mme [X] à verser à M. [C] une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur l’appel du jugement du 6 juin 2018 :
Mme [X] entend rechercher la responsabilité de M. [C] en sa qualité de liquidateur, sur le fondement de l’article L. 237-12 du code de commerce, pour les fautes commises à travers le détournement d’actifs de la société liquidée qu’elle lui reproche.
Elle fait valoir que, dans le but de la priver de ses droits d’associée dans la société […] et d’apparaître dépourvu de ressources dans la procédure de divorce, M. [C], concomitamment à la décision de liquider la société […], en a poursuivi l’activité au profit de la SARL Laboratoire […] qu’il venait de créer, qui a le même siège social, le même objet social et la même employée que la SARL […] en continuant à commercialiser ses produits et en transférant, de manière détournée, ses éléments corporels et incorporels à la société nouvellement créée. Elle indique qu’il avait cédé, à titre gratuit, la marque [G] [J] au docteur [V] qui l’a lui-même revendue, pour la somme de 3.000 euros, à la société Laboratoire […], et qu’il a créé, en janvier 2014, la société (SARL) Laboratoire […], ayant le même siège social que les sociétés […] et Laboratoire […], exerçant la même activité que ces dernières, et employant la même salariée, s’en désignant gérant.
Elle considère que la production de la société […] qui a été distraite de la société […], qu’elle évalue à 660 000 euros par année, pour un chiffre d’affaires mensuel de 55 000 euros doit être réintégrée dans les comptes de cette société, soit un total de 1 320 000 euros, base sur laquelle elle demande d’évaluer son préjudice, en y ajoutant celui tenant à la perte de valeur des actifs distraits, à la vente d’actif à un prix très largement inférieur à leur valeur (écarts de 72 666 euros pour huit machines et de 102 886 euros pour deux immobilisations).
M. [C] prétend avoir prolongé l’activité de la SARL […] seulement jusqu’au 31 décembre 2011 pour honorer les dernières commandes et épuiser les stocks existants.
Il soutient qu’il n’a pas porté atteinte aux intérêts des associés de la société […] en procédant à la cession d’une partie des actifs corporels pour 71 000 euros, factures à l’appui, et en constatant une autre partie non valorisable à hauteur de 41 559 euros.
Il conteste l’existence d’un fonds de commerce retenue par l’expert en faisant valoir que l’activité de la société […] portait sur une fabrication à façon et que l’existence même de l’entreprise était compromise en raison de la perte de la caution scientifique (obligatoire pour la mise sur le marché en vertu des dispositions de l’article L. 5131-1 du code de la santé publique et de l’arrêté du 25 août 1999) responsable de l’évaluation de la sécurité pour la santé humaine des produits fabriqués avant leur mise sur le marché. Il expose que la société […] n’était titulaire d’aucun achalandage, d’aucune marque, d’aucun brevet, d’aucune licence ni d’aucune enseigne ou nom commercial, d’aucun bail à céder.
En outre, il conteste l’évaluation qui en a été faite par l’expert s’agissant d’une très petite entreprise, faisant à peine 200 000 euros de chiffre d’affaires par an. Il estime qu’aucun élément ne permet d’établir qu’une mise en vente de la société […] sous forme d’un supposé fonds de commerce aurait été possible ni qu’elle aurait eu plus de chance d’aboutir à une vente au prix supposé par l’expert et, qu’au mieux, il s’agirait d’une perte de chance, nécessairement nulle, en l’absence de caution scientifique,
Il indique que les commandes de matières premières et de flaconnage invoquées par son épouse ont été passées avant la liquidation de la SARL […], qu’entre la date de la dissolution et le 31 décembre 2011, il n’a réceptionné que des articles commandés des mois auparavant.
Il fait valoir qu’exercer postérieurement à la dissolution d’une société la même activité que celle-ci n’est pas constitutif en soi d’un détournement d’actifs.
Sur ce,
Il ressort du rapport d’expertise judiciaire la démonstration que l’activité qui était celle de la société […] a été transférée à la société Laboratoire […], ce qui apparaît notamment en 2012 du rapprochement entre l’absence totale de chiffre d’affaires de la société […] et l’apparition d’un chiffre d’affaires de la société Laboratoire […] d’un montant quasi équivalent à celui de l’année passée de la société […] mais aussi de ce qu’une grande partie des fournisseurs et clients de la première se sont retrouvés chez la seconde.
Il est également établi que la société Laboratoire […] a démarré son activité avec les matériels et le savoir faire de la société […] grâce à du matériel de production que cette société a vendu par la suite à trois sociétés qui, pour l’une d’elle, l’a donné en location à la société Laboratoire […], les modalités et les contreparties éventuelles de la mise à disposition des autres matériels par les deux autres sociétés n’étant pas connues, et du fait que la société Laboratoire […] a embauché l’employée de la société […] qui connaissait le process de fabrication.
Il résulte de ces constatations qu’alors que le liquidateur n’a vendu que des biens matériels à des tiers, c’est en réalité une partie du fonds de commerce de la société […] qui a été transférée à la société Laboratoire […] tenant, au delà du matériel de production, aux éléments incorporels que sont la clientèle avec laquelle étaient conclus des contrats de développement, ainsi que le savoir faire, et ce, indépendamment de la marque [G] [J] qui n’était pas la propriété de société […] et dont M. [C] pouvait en disposer dès lors qu’il n’est plus contesté qu’il en était le détenteur des droits.
En effet, bien qu’aucun texte ne définisse la composition du fonds de commerce, il est acquis qu’il s’agit d’une universalité distincte des éléments qui le compose et qu’y sont inclus la clientèle, élément essentiel d’un fonds de commerce, et le savoir-faire, étant précisé que le fonds de commerce, constitué d’éléments corporels et incorporels, peut faire l’objet d’une cession partielle.
La perte de la caution scientifique en la personne du docteur [V] n’était pas un obstacle à la cession partielle du fonds.
La fabrication à façon, technique consistant à réaliser une prestation sur un produit appartenant à un tiers, selon les spécificités de ce dernier et à lui retourner ou à l’envoyer au destinataire qu’il lui désigne, ne fait pas obstacle à la constitution d’un fonds de commerce dès lors que la société dispose d’une clientèle. Or, précisément, l’expert a constaté que les onze premiers clients de la société Laboratoire […], qui représente 70 % de son chiffre d’affaires, figuraient tous parmi les quinze premiers clients de la société […].
L’expert estime que le fonds de commerce de la société […] aurait dû être valorisé. Il observe qu’aucune démarche n’a été faite par le liquidateur pour le céder. Ce dernier n’apporte aucun élément contraire.
Ainsi, M. [C], en tant que liquidateur de la société […], en s’abstenant de réclamer à la société Laboratoire […], dont il était gérant de fait, le prix de cession de ces éléments incorporels qui lui avaient été transmis, a commis une faute qui l’oblige à en réparer les conséquences dommageables en application de l’article L. 237-12 du code de commerce.
L’expert judiciaire a procédé à l’évaluation des éléments incorporels transférés à la société Laboratoire […], à savoir 84.663 euros, selon les méthodes qu’il a explicitées, sur la base des comptes de la société de 2009 et de 2010, et qui ne sont pas critiquées par M. [C]. Par suite, la contestation de ce dernier sera écartée et les premiers seront confirmés en ce qu’ils ont dit que Mme [X] est en droit d’obtenir indemnisation de la perte de cet actif dans la proportion de ses droits dans la société […], soit la somme de 21.165,75 euros.
Mme [X] prétend, en outre, que la société Laboratoire […] aurait commercialisé des biens produits par la société […] sans que celle-ci les ait comptabilisés. Elle considère que la société Laboratoire […] a nécessairement vendu des flacons produits par la société […] puisqu’au moment de leur vente, elle n’était pas autorisée par l’ANSM à vendre des produits cosmétiques et qu’elle n’a pu les fabriquer avant d’avoir reçu les machines nécessaires à leur production, en rappelant que les machines n’ont été cédées que le 31 mars 2012. Elle verse diverses factures dont une facture au nom de la société Laboratoire […], du 14 avril 2012, d’un montant de 201,50 euros qui mentionne ‘la marchandise reste la propriété de […] Sarl jusqu’au paiement total de la facture’, et fait état de contradictions entre les déclarations de M. [C] sur l’absence de ventes en 2012, d’une part, et l’existence de ventes enregistrées en 2012 dans les comptes de la société […], des exportations faites en février 2012 ainsi qu’à une importante livraison de flacons le 31 décembre 2011, d’autre part. Elle estime que le grand livre de compte de 2011 et le compte de résultat 2011 de la société […] présentent de nombreuses anomalies tenant notamment à une augmentation délibérée par M. [C] de charges immobilières de 22 %, outre une différence entre les deux comptes de 13 685 euros et une mauvaise ventilation d’achats de machines et de matières premières, diminuant ainsi leurs valeurs, elle invoque. Elle accuse M. [C] d’avoir détourné une partie du stock de la société […] d’une valeur de 43 264 euros.
En examinant les postes ‘achats de matières premières’, ‘achats de fournitures emballages et consommables’ et ‘variation de stocks’, s’il n’a pas constaté d’anomalie comptable et n’a fait aucune observation sur les achats de matières premières en 2011, en baisse de 17 136,08 euros par rapport à l’année précédente, l’expert judiciaire a constaté que les achats de fournitures emballages et consommables avaient, au contraire fortement augmenté, passant de 38 190,34 euros en 2010 à 67 166,21 euros en 2011, soit une augmentation de 28 975,87 euros alors que les stocks diminuaient entre les deux exercices. Il a signalé un achat important de flacons d’un montant de 21 945,61 euros le 25 novembre 2011. Il a estimé qu’il ne faisait pas de doute que ce surcroît de fournitures et emballages se retrouvait dans le stock de marchandises prétendument mis au rebut selon la déclaration qui en a été faite par le liquidateur en assemblée générale de la société. Il indique que ce stock peut, en partie ou en sa totalité, avoir été transféré puis commercialisé par le laboratoire […] dont les locaux étaient mitoyens de ceux de la société […].
L’importante commande de fournitures a été facturée le 25 novembre 2011, soit postérieurement à la décision de liquidation, mais elle a pu être passée avant. M. [C] prétend que le stock valorisé 43 264 euros aurait été mis au rebut. En dépit des suspicions exprimées par l’expert, il n’est pas démontré que ce stock aurait été, en réalité, mis à la disposition de la société Laboratoire […] alors que les photographies prises par le service régional de police judiciaire lors de la perquisition dans les locaux de l’entreprise, le 6 novembre 2013, à la suite d’une plainte déposée le 13 septembre 2012 par Mme [X] montre la présence d’importants lots de cartons dans les locaux de la société […] et qu’il en est de même d’un procès-verbal de constat d’huissier de justice dressé à la demande de M. [C] le 19 juin 2017 qui fait apparaître des lots de cartons stockés dans son garage contenant d’autres ‘laboratoire […]’. S’il n’est pas possible d’affirmer au vu de ce constat que tout le stock de la société […] inventorié par le commissaire-priseur le 28 février 2012 se retrouvait là, la preuve contraire n’en est pas rapportée. L’attestation de Melle [C], fille du couple, sans que son âge ne soit d’ailleurs indiqué, qui déclare avoir constaté au cours d’un stage dans la société […] réalisé au mois de janvier 2012, que M. [C] continuait une activité avec non seulement les machines mais aussi les flacons de […] ne présente pas de garantie d’objectivité suffisante pour le démontrer.
Les quelques factures du début de l’année 2012 ainsi qu’une fiche d’exportation de produits de beauté facturés le 1er février 2012 au nom du Laboratoire […] et quelques autres pièces sur lesquelles Mme [X] s’appuie montrent que la production s’est poursuivie. L’expert a retenu que cette production s’est faite à travers la société Laboratoire […], ce qui l’a conduit à valoriser la cession partielle du fonds de commerce à cette date. Les pièces produites par Mme [X] ne suffisent pas à démontrer le contraire et que la société […] aurait poursuivi sa propre activité en 2012 ni que la société Laboratoire […] aurait vendu des biens produits en 2011 par la société […]. Le transfert de l’activité de l’une à l’autre société n’induit pas en lui-même la preuve que les biens produits l’auraient été à partir d’autres biens détournés qui auraient été la propriété de la société […].
Enfin, l’expert a retenu que les prix de cession des actifs immobilisés de […] ne font pas apparaître d’anomalies et Mme [X] n’en rapporte pas la preuve contraire.
Il en résulte que Mme [X] sera déboutée de son appel.
Sur l’appel du jugement rectificatif :
Aucune critique n’est apporté à ce jugement qui ne peut, en conséquence, qu’être confirmé.
Sur les demandes accessoires :
M. [C] qui succombe principalement sera condamné aux dépens d’appel.
Le bénéfice des dispositions de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peut revenir qu’à l’avocat et non à la partie bénéficiaire de l’aide juridictionnelle. La demande de Mme [X] formée à ce titre sera rejetée.
PAR CES MOTIFS :
la cour, statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Confirme les jugements attaqués,
Rejette les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991,
Condamne M. [C] aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
S. TAILLEBOIS C. CORBEL