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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRET DU 22 NOVEMBRE 2023
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00612 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CE67C
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Décembre 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de FONTAINEBLEAU RG n° 20/00098
APPELANTE
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENT RE OUEST agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié ès-qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 9]
N° SIRET : 391 00 7 4 57
Représentée par Me Dominique SAULNIER de la SELARL SAULNIER – NARDEUX, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU
INTIMES
Madame [B] [H] épouse [Z]
[Adresse 6]
[Localité 7]
Monsieur [V] [Z]
[Adresse 10]
[Localité 8]
Représentés par Me Delphine GIRARD, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 03 Octobre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Marc BAILLY, Président de chambre
M. Vincent BRAUD, Président
Madame Laurence CHAINTRON, Conseillère
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M. Marc BAILLY, Président de chambre et par Mme Mélanie THOMAS, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
* * * * *
Le 11 mai 2013, 1’EURL ETA DU BOISCHAUT souscrivait auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Centre Ouest un prêt destiné à financer l’acquisition de matériel agricole d’occasion. Le prêt était d’un montant de 600.000 euros au taux de 2,65 % remboursable sur 120 mois, moyennant dix échéances annuelles.
En garantie de ce prêt, M. [V] [Z] et Mme [N] [P] [Z] se portaient cautions solidaires dans la limite de 780.000 euros couvrant le principal, les intérêts et le cas échéant les pénalités et intérêts de retard, dans la limite de 180 mois.
Le 11 mai 2013, l’EURL ETA DU BOISCHAUT souscrivait encore auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agrico1e Mutuel du Centre Ouest un contrat d’ouverture de crédit en compte courant adossé au compte professionnel de l’EURL destiné à financer les besoins de trésorerie du débiteur principal. Cette ouverture était d’un montant de 50.000 euros, à durée indéterminée avec un taux fixé selon index de référence (moyenne mensuelle EURIBOR 3 mois) + 2 l’an, soit 2,2070 % lors de l’ouverture.
En garantie de ce crédit, Mme [N] [P] [Z] se portait caution solidaire dans la limite de 65.000 euros, somme couvrant le principal, les intérêts et le cas échéant les pénalités et intérêts de retard, pour une durée de 120 mois, sans bénéfice de discussion. M. [V] [Z] donnait son consentement en sa qualité de conjoint.
Le 17 mai 2013, PEARL DE LA VALLÉE DU PERRY souscrivait auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Centre Ouest un contrat d’ouverture de crédit en compte courant. Cette ouverture était d’un montant de 50.000 euros, a durée indéterminée avec un taux de 2,2070 %. ‘
En garantie de ce crédit, Mme [N] [P] [Z] se portait caution solidaire dans la limite de 65.000 €, somme couvrant le principal, les intérêts et le cas échéant les pénalités et intérêts de retard, pour une durée de 120 mois, sans bénéfice de discussion.
Suite à un dépassement de l’ouverture de crédit, la déchéance du terme était prononcée le 8 avril 2019 après mise en demeure préalable.
L’EURL ETA DU BOISCHAUT a été placé en liquidation judiciaire le 26 juin 2018. La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Centre Ouest a sollicité à plusieurs reprises de manière infructueuse les cautions en -paiement des sommes restant dues par l’EURL ETA DU BOISCHAUT.
Saisi par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Centre Ouest en paiement de M. [V] [Z] et Mme [N] [P] [Z] en leurs qualité de caution, par voie de deux assignations délivrées toute deux le 6 février 2020 à M. [V] [Z] et Mme [N] [P] [Z], le tribunal judiciaire de Fontainebleau par un jugement en date du 1er décembre 2021 a ainsi statué :
-ORDONNE la jonction des affaires n°20/00098 et 20/00099 sous le seul numéro RG 20/00098 ;
-DEBOUTE la société CAISSE REGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST ;
-CONDAMNE la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST à verser à M. [V] [Z] et Mme [N] [P] [Z] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
-CONDAMNE la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST aux entiers dépens dont distraction au profit de Me GIRARD en application de l’article 699 du code de procédure civile ;
-REJETTE les demandes plus amples ou contraires ;
-ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration remise au greffe de la cour le 31 décembre 2021, la CAISSE REGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST a interjeté appel de cette décision contre M. [V] [Z] et Mme [N] [P] [Z] en ce qu’elle a : « ORDONNE la jonction des affaires n°20/00098 et 20/00099 sous le seul numéro RG 20/00098 ; DEBOUTE la société CAISSE REGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST ; CONDAMNE la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST à verser à M. [V] [Z] et Mme [N] [P] [Z] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST aux entiers dépens dont distraction au profit de Me GIRARD en application de l’article 699 du code de procédure civile ; REJETTE les demandes plus amples ou contraires ; ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision.».
Vu les dernières conclusions en date du 1er septembre 2022 de la CAISSE REGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST qui exposent que :
La situation des époux lors de leurs engagements n’étaient pas disproportionné car
Lors de ce montage financier, Madame [Z] était comptable et exploitante agricole, comme elle en atteste dans sa fiche caution et percevait un salaire de base de 2395 €, hors prime et 13ème mois. Elle n’a pas indiqué les 17 et 19 avril 2013, lors de l’élaboration de sa fiche caution qu’elle n’était plus salariée de CER depuis le 04 mars 2013.
La Banque n’a pas, en l’absence d’anomalies apparentes, à vérifier l’exactitude des biens et revenus déclarés par la caution.
Madame [Z] était donc censée cumuler ses salaires au sein de CER, avec les revenus d’activité agricole en sa qualité de gérante de la société emprunteuse car le fait d’être salariée en qualité de comptable n’empêche nullement à ce salarié d’avoir une activité agricole en parallèle, ce qui est même assez fréquent chez CER.
Le Crédit agricole n’a pas eu connaissance de la démission de Madame [Z]
Le Crédit agricole pouvait se fier à la fiche de renseignement car les déclarations des revenus 2012 sur les revenus 2011 indique pour Madame [Z] de revenus annuels à hauteur de 59.692 € et pour Monsieur [Z] de revenus annuels à hauteur de 28.120 €.
Monsieur et Madame [Z] avaient indiqué être propriétaire d’une maison locative évaluée à 350.000 € ainsi qu’un autre bien immobilier, sur lequel une hypothèque avait été prise par la Banque.
La banque a pris toutes garanties par la prise d’un warrant agricole renouvelé
Les époux [Z] n’ont fait aucune contestation de créance lors des opérations de liquidation et de redressement judiciaire
Les époux [Z] étaient en mesure de faire face à leurs engagements au moment où ils ont été appelés car
En décembre 2017, quelques mois avant la liquidation judiciaire de l’ETA du BOISCHAULT, qui a ensuite été étendue à la SCEA DE LA VALLEE DU PERRY, les parts sociales de la SCI DU PONT DES PLACES et de la SECA DE LA VALLE DU PERRY, dont les parts appartenaient aux époux [Z], étaient estimés à 1.470 220€ nets de tout passif
Monsieur et Madame [Z] avaient transmis à la Banque un mandat de vente pour ladite valeur, et avaient saisis un Notaire pour effectuer la vente en mars 2018 alors que le redressement judiciaire de PETA du BOISCHAULT sera acté en avril 2018.
il est apparu que lorsque l’ETA du BOISCHAULT, débiteur principal de l’engagement de caution le plus important a été placée en liquidation judiciaire , l’ETA DU BOISCHAULT ne possédait plus aucun actif immobilier, et le matériel qu’elle était censée détenir (et qui avait été financé par le prêt et fait l’objet d’un warrant au profit du CREDIT AGRICOLE) avait disparu sans la moindre explication et de façon visiblement frauduleuse
Aucune preuve n’ait jamais été versée par les époux [Z] quant à la vente de ces matériels (actes de ventes, bénéficiaires) et que le fruit de ces ventes n’a jamais servi à rembourser les créanciers de l’ETA en fraude des droits des créanciers, alors que des annonces avaient été passées
Le mandataire judiciaire, Maître [I] [T], s’est inquiété de la disparition de l’actif des sociétés concernées, il a saisi le Tribunal de Commerce de Châteauroux, pour voir condamnés Monsieur et Madame [Z] à supporter personnellement l’insuffisance d’actif des sociétés concernées, dont celle de l’ETA DU BOISCHAUT qui par un jugement du 1er décembre 2021 a retenu la responsabilité de ceux-ci et les a condamnés à hauteur de 1.000.000 €. Cette condamnation a été confirmé dans son principe par la Cour d’appel de BOURGES en son arrêt du 16 juin 2022 pour 1.400.000€ dont 500.000€ est la conséquence directe de manquements de gestion.
Peu après lesdites assignations en paiement, objets de la présente, et durant la première instance, les époux [Z] ont vendu leur bien immobilier situé à [Localité 7], le 16 janvier 2020, pour 240.000 €, sans désintéresser la Caisse Régionale de Crédit agricole Mutuel du Centre Ouest, étant précisé que le bien était alors libre de prêt et d’inscription lors de sa vente.
Les époux [Z] ne cessent depuis le début de cette procédure, de déménager, visiblement pour échapper à toute exécution de leurs engagements
De sorte qu’elle demande à la cour de :
DIRE l’appel de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Centre Ouest recevable et bien fondé
INFIRMER le jugement frappé d’appel en toutes ses dispositions,
En conséquence :
CONDAMNER Madame [N] [P] [Z] à régler à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST, en sa qualité de caution solidaire de l’ouverture de crédit en compte courant N° [XXXXXXXXXX03], adossée au compte N° [XXXXXXXXXX01] :
la somme de 65.000€ avec intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2019, date de la mise en demeure ;
CONDAMNER solidairement Monsieur [V] [Z] et Madame [N] [P] [Z] à régler à. la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST, au titre de leurs cautionnements du prêt N° [XXXXXXXXXX04] :
La somme de 530.905, 99€ avec intérêts au taux contractuel majoré de 5, 65 % à compter du 26 juin 2018, date de la liquidation judiciaire de l’EURL ETA DU BOISCHAUT
CONDAMNER solidairement Monsieur [V] [Z] et Madame [N] [P] [Z] à régler à. la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST, au titre de son cautionnement de l’ouverture de crédit en compte courant N° [XXXXXXXXXX04] adossée au compte N° [XXXXXXXXXX02]
La somme de 65.000 € avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2019, date de la mise en demeure
CONDAMNER les intimés à verser à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC, in solidum
CONDAMNER les intimés aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Vu les dernières conclusions en date du 22 juin 2022 de Madame [H] épouse [Z] et Monsieur [Z] qui exposent que :
Les engagements de cautions de Madame [H] épouse [Z] et Monsieur [Z] sont disproportionnés au moment de la conclusion des cautionnements car :
Les engagements de Madame [Z] étaient d’un montant de 780.000 € et 65.000 € soit 910.000 € et ceux de Monsieur [Z] s’élevaient à un montant de 780.000 €
Au 11 mai 2013 le patrimoine des époux [Z] était composé d’une maison avec terrain a [Localité 7] qu”ils ont vendus ainsi qu’ils s’y étaient engagés afin de pouvoir faire un apport personnel lors des acquisitions et rembourser le prêt relais visé au courrier de la banque du 14 novembre 2012. Sous la rubrique des fiches caution produites par la banque, cette maison est déclarée valoir 350.000 € mais grevée d’une hypothèque au profit de la Société Générale pour un montant restant dû de 210.000 € soit une valeur nette de 140.000 €.
Si les époux [Z] avaient indiqué être propriétaires d’une maison d’habitation, ils avaient indiqué être également propriétaires d’un autre bien immobilier sur lequel une hypothèque avait été prise. Mais en fait il s’agit sans nul doute du terrain. Au demeurant le Crédit agricole n’identifie aucun des « autres biens » qu’auraient possédés les concluants, ni ne propose aucune valorisation susceptible d’être prise en compte pour la valorisation de leur patrimoine.
Mme [Z] n’était plus salariée de CER France, son contrat de travail ayant pris fin le 4 Mars 2013. Elle n’avait donc plus de revenus le 11 Mai 2013, date de ses deux engagements de caution, ses revenus d’agricultrice n’étant que des revenus futurs escomptés de l’opération garantie.
La banque avait parfaitement connaissance lors de la mise en place du projet que la concluante allait devoir démissionner de son emploi salarié a CER FRANCE non seulement parce qu’il était incompatible avec son activité d’agricu1trice à temps plein sur une exploitation de 105 Ha mais surtout parce que cet emploi était en Seine et Marne alors que l’exploitation agricole à laquelle elle devait se consacrer était située dans l’Indre. Par ailleurs, la banque avait connaissance de la vente de la maison des époux [Z] en Seine et Marne qui était prévue dès Novembre 2012 et que l’installation du couple dans l’Indre était de l’essence même de l’opération projetée.
Il est de jurisprudence constante que la proportionnalité de l’engagement de caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l’opération garantie.
À supposer même qu’il faille considérer que la banque pouvait légitimement se fonder sur les renseignements fournis en Avril 2013 et qu’elle n’avait pas à vérifier leur actualité le 11 Mai 2013 la somme mensuelle de 2.395 € était le salaire brut et non net de Mme [Z] et l’existence d’un tel salaire n’est pas de nature à écarter la disproportion caractérisée entre ce revenu et l’importance de son engagement de caution de 910.000 €.
Il n’est produit aucune fiche de caution pour Monsieur [Z] et il est mentionné sur la fiche caution de son épouse qu’il était ouvrier agricole sans aucune précision chiffrée.
La référence aux revenus 2011 des époux [Z] par le biais de la déclaration de revenus déposée en 2012 est inopérante car les dispositions de l’article L341-4 du code de la consommation vise les revenus « lors de la conclusion » de l’engagement.
Les juges de première instance n’avaient pas à rechercher de façon spécifique si chaque cautionnement était disproportionné car il s’agit du même créancier pout une opération unique dont toutes les composantes étaient indissociables.
Les engagements de cautions de Madame [H] épouse [Z] et Monsieur [Z] sont disproportionnés au moment de l’appel des cautions car
La date à laquelle les cautions ont été appelées est le 6 Février 2020, date des assignations.
Le patrimoine des époux [Z] est alors composé de leurs parts dans la société civile immobilière du Pont des Places qui a acquis une maison d’habitation avec un terrain selon acte de Me [E] Notaire en date du 15 Mai 2013 pour un prix de 250.000€Le prix a été financé pour partie au moyen d’un prêt de 230.000 € consenti par la CRCAMO avec garantie hypothécaire, le prêt ayant été consenti aux termes de l’acte authentique du 15 Mai 2013.
Or la SCI DU PONT DES PLACES a fait l’objet d’un jugement du tribunal de commerce de CHATEAUROUX en date du 15 Février 2021prononçant sa liquidation judiciaire. A son passif figure la créance du Crédit agricole à ce titre en sa qualité de prêteur. Ce passif social grève son actif constitué par le bien acquis en 2013 de sorte que l’actif net et ce faisant la valeur de parts sociales se trouvent donc au mieux réduit à néant et que vraisemblablement la clôture de la liquidation judiciaire aboutira à une insuffisance d’actif. La valeur des parts sociales faisant partie du patrimoine des cautions est donc nulle.
Madame [Z] détenait et détient seule les parts de l’ETA DU BOISCHAUT et de l’EARL DE LA VALLEE DU PERRY. Toutefois les parts de ces deux sociétés sont en réalité dépourvues de la moindre valeur, puisqu’elles sont toutes deux en liquidation judiciaire avec un passif supérieur à leur actif.
Le Crédit agricole fait valoir qu’il n’a pas été tenu compte de la valeur réelle des parts de M. et Mme [Z] et de leurs agissements frauduleux. Or Madame [Z] est seule associée de l’ETA DU BOISCHAUT et de l’EARL DE LA VALLEE DU PERRY.
Le passif de la SCI du Pont des Places a l’égard du Crédit agricole s’élève comptes arrêtés au 2 mai 2022 à 256.319,25 €. Si l’on calcule la créance du Crédit agricole au 6 Février 2020 (date de l’assignation des cautions) il était dû 173.291,19€. Or les époux [Z] produisent un mandat de vente donné a IVBSA FRANCE sur lequel on peut voir que le prix est de 202.460 € – prix qui est certes légèrement supérieur au passif grevant le bien mais qui est un « prix de présentation » demeurant à négocier avec tout acquéreur potentiel. Il ne peut donc être reproché de ne pas avoir tenu compte dans le patrimoine des concluants de parts sociales dont la valeur est si ce n’est nulle est à tout le moins très faible.
Pour l’EARL DE LA VALLEE DU PERRY c’est la valeur des parts sociales en Février 2020 qui doit être appréciée et non les estimations dont fait état le Crédit agricole qui datent de Décembre 2017. Or l’EARL DE LA VALEE DU PERRY était en février 2020 en liquidation judiciaire.
La vente par adjudication de l’actif immobilier de l’EARL DE LA VALLEE DU PERRY a été poursuivie par le liquidateur Me [T] en 2020 pour un prix de 400.000€. Il ressort de la comptabilité de Me [T] qu’il a réalisé l’actif social pour 441.709.40 € pour un passif de 943.989.56€.
L’ETA DU BOISCHAUT n’a jamais possédé de patrimoine immobilier et avait acquis divers matériels agricoles par acte du 15 Mai 2013. Ces matériels avaient été estimé en 2016 à 400.000€. Or cela ne couvre pas les engagements des époux, surtout que le matériel se dégrade avec le temps et que devant les difficultés financières que rencontrait notamment l’ETA du BOISCHAUT le Crédit Agricole avait exigé la vente de ces matériels pour apurer ou en tous cas réduire sa créance et appréhender directement le produit des ventes.
Le Crédit agricole doit démontrer que les époux [Z] avaient appréhendé le prix de vente de matériels appartenant soit à l’ETA DU BOISCHAUT soit à l’EARL DE LA VALLEE DU PERRY mais aussi que les fonds ainsi encaissés leur permettaient de faire face à leurs engagements de caution, ce qu’il ne fait pas. De plus le cumul de prix figurant sur les annonces du Bon Coin produites est très largement inférieur aux engagements.
L’argument du déménagement des époux est inopérant car le fait pour une caution de déménager est totalement étranger a la consistance de son patrimoine le jour où elle est appelée et que le déménagement des époux [Z] n’a rien à voir avec une volonté d’échapper à leurs obligations.
De sorte qu’ils demandent à la cour de :
CONFIRMER LE JUGEMENT ENTREPRIS en ce qu’il a dit et jugé qu’étaient manifestement disproportionnée à leurs biens et revenus, lors de leur conclusion, les engagements de caution des Epoux [Z], savoir :
Les cautionnements solidaires des époux [Z] à hauteur de 780.000 € , en garantie du prêt N° 00861194359 de 600.000 € consenti le 11 Mai 2013 par la CRCAMCO a l’EURL ETA DU BOISCHAUT.
Le cautionnement de Mme [B] [Z] à hauteur de 65.000 €, en garantie de l’ouverture de crédit en compte courant de 50.000 € consentie le 11 Mai 2013 par la CRCAMCO a l’EURL ETA DU BOISCHAUT.
LE CONFIRMER en ce qu’il a dit et jugé qu’au moment où ils ont été appelés, il n’est pas établi que le patrimoine et les revenus des époux [Z] leur permettaient de faire face à leurs obligations telles que chiffrées à l’assignation du 6 février 2020.
LE CONFIRMER en ce qu’il a condamné la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Centre Ouest à payer aux époux [Z] la somme de 2.000€ au titre de l’article 700 du CPC et aux entiers dépens
Y AJOUTANT :
CONDAMNER la Caisse Régionale de Crédit agricole mutuel du Centre Ouest à payer aux époux [Z] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du CPC et aux entiers dépens d’appel dont distraction au profit de Me Delphine GIRARD,
DEBOUTER LA Caisse Régionale de Crédit agricole mutuel du Centre Ouest de toutes demandes, fins et conclusions contraires.
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 5 septembre 2023.
MOTIFS
Les époux [Z] se sont portés caution solidaires le 11 mai 2013 :
– des causes du prêt consenti à l’Eurl Eta du Boischaut dans la limite de la somme de 780 000 euros,
– pour Mme [Z] seule à la même date en garantie de l’ouverture en compte dans la limite de la somme de 65 000 euros, ce qui porte ses engagements à la somme de 845 000 euros.
Mme [Z], seule encore, s’est une nouvelle fois portée caution solidaire des obligations de l’Earl de la Vallée du Pérry le 17 mai 2013 dans la limite de la somme de 65 000 euros portant alors ses engagements à la somme de 910 000 euros.
Il ressort de l’article L341-4 du code de la consommation, devenu L 332-1, entré en vigueur antérieurement aux cautionnement litigieux, que l’engagement de caution conclu par une personne physique au profit d’un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution sous peine de déchéance du droit de s’en prévaloir.
La charge de la preuve de la disproportion incombe à la caution poursuivie qui l’invoque et celle-ci doit être appréciée à la date de l’engagement, en tenant compte de ses revenus et patrimoine ainsi que de son endettement global.
Aucune disposition n’exclut de cette protection la caution dirigeante d’une société dont elle garantit les dettes.
La banque n’a pas à vérifier les déclarations qui lui sont faites à sa demande par les personnes se proposant d’apporter leur cautionnement sauf s’il en résulte des anomalies apparentes.
Il incombe alors au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné, lors de sa conclusion, aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.
C’est par de justes motifs que la cour adopte que le premier juge a estimé les premiers cautionnements du 11 mai 2013 et, partant, celui supplémentaire souscrit 6 jours plus tard, manifestement disproportionnés en considérant :
– que le fiche de renseignement remplie par Mme [Z] et contresignée par M. [Z] le 17 avril 2013 ne faisait apparaître aucun revenu, qu’il en ressortait la propriété d’un bien estimé 350 000 euros grevé d’une charge de remboursement de 210 000 euros soit 140 000 euros de valeur nette,
– qu’à prendre en compte les revenus tels que résultant des avis d’imposition y annexés (59 692 euros pour Madame et 28 120 euros pour Monsieur) et à supposer même que Mme [Z] poursuive son activité salariée en Seine-et-Marne alors qu’elle faisait financer un projet d’installation comme exploitante agricole dans l’Indre, les engagements demeuraient manifestement disproportionnés,
– que la banque n’objectivait pas l’existence ni, partant, la valeur d’un second bien immobilier qui viendrait contre dire cette constatation.
Les époux [Z] ont été assignés le 6 février 2020 en paiement des sommes dues par l’Eurl Eta du Boischaut, respectivement, de 530 905,99 euros en, principal et 65 000 euros et en paiement des sommes dues par l’Earl de la Vallée du Perry à hauteur de la somme de 65 000 euros, soit, au total une somme de 660 905,99 euros, soit une somme totale de 660 905,99 euros réclamée à Mme [Z] et de 530 905,99 euros à M. [Z].
Il doit être précisé qu’à la diligence du liquidation judiciaire de la société Eta du Boischaut, les époux [Z], Mme en qualité de gérante de droit et M. en qualité de gérant de fait, ont été condamnés par arrêt partiellement confirmatif de la cour d’appel de Bourges du 16 juin 2022 à supporter l’insuffisance d’actif à hauteur de la somme de 500 000 euros sur le fondement de l’article L651-2 du code de commerce au motif essentiel de détournement d’actif à hauteur des sommes de 60 261,42 euros pour Mme correspondant à un paiement à partir de son compte d’associée le 30 juin 2016, à celle de 265 260 euros courant 2017 de matériel prétendument vendus à la Earl de la Vallée du Perry mais jamais payé et à des virements sur le compte personnel de M. [Z] pour un montant de 142 500 euros entre les mois d’août 2018 et mars 2017.
Outre que ces détournements ont conduit à la condamnation des époux [Z] au profit de la liquidation judiciaire au titre de laquelle la banque a vu ses créances admises, il ne peut en être tiré la conséquence, compte tenu de leurs dates de trois ou quatre années antérieures à l’assignation, que ceux-ci étaient en possession des sommes correspondantes au mois de février 2020.
La valeur des parts de chacun des époux dans les sociétés, y compris la SCI du Pont des Places qui détenait une maison d’habitation qui a fait l’objet elle-même d’un jugement de liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Chateauroux du 15 février 2021, ne peut être utilement invoquée compte tenu des procédures de liquidation judiciaire dont elle ont fait l’objet.
S’il est exact que le Crédit Agricole démontre la vente d’un bien à [Localité 7] pour la somme de 240 000 euros au mois de janvier 2020, il doit être précisé que M. [Z] n’en était propriétaire que pour une moitié indivise.
C’est donc également à juste titre que le premier juge, considérant que Mme [Z] produit une attestation de Pôle emploi sur une allocation de retour à l’emploi au mois de février 2021 et que M. [Z] fait état d’un avis d’imposition mentionnant aucun revenu au titre de l’année 2019, a estimé que la banque ébahissait insuffisamment que chacun des membres du couple était ne mesure de faire face à ses obligations au moment où il a été appelé.
En conséquence de ce qui précède, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf du chef des frais irrépétibles, de condamner la banque aux dépens d’appel, l’équité commandant de ne pas prononcer de condamnation au titre des frais irrépétibles, le jugement étant réformé sur ce point sur les frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf du chef des frais irrépétibles ;
statuant à nouveau de ce chef,
DIT n’y avoir lieu au prononcé d’une condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel du Grand Ouest aux dépens de la présente instance qui seront recouvrés par Me Delphine Girard, comme il est disposé à l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT