Gérant de fait : 16 juin 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/04074

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Gérant de fait : 16 juin 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/04074
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N° RG 21/04074 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I5DY

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 16 JUIN 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2019J00060

TRIBUNAL DE COMMERCE D’EVREUX du 30 Septembre 2021

APPELANTS :

Madame [N], [W] [T] DIVORCÉE [K]

née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 12] (02)

[Adresse 8]

[Localité 6]

Monsieur [Z] [K]

né le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 14]

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentés et assistés par Me Béatrice MABIRE MORIVAL de la SCP MORIVAL AMISSE MABIRE, avocat au barreau de ROUEN

INTIMES :

S.C.P. MANDATEAM en sa qualité de liquidateur judiciaire de la Société ETS [C][K],

[Adresse 10]

[Localité 5]

représentée et assistée par Me Christophe OHANIAN de la SELARL CAMPANARO OHANIAN, avocat au barreau D’EURE

PARTIE INTERVENANTE :

Monsieur [C] [K]

[Adresse 4]

[Localité 9]

représenté et assisté par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de ROUEN, Me Christophe BLANC de la SCP DELBOSC CLAVET BLANC CURZU-SFEG AVOCATS, avocat au barreau de TOULON

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 15 Mars 2022 sans opposition des avocats devant Madame FOUCHER-GROS, Présidente,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame FOUCHER-GROS, Présidente

M. URBANO, Conseiller

M. MANHES, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DEVELET, Greffier

MINISTERE PUBLIC : en présence de M PUCHEUS, avocat général

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

DEBATS :

A l’audience publique du 15 Mars 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 19 Mai 2022, prorogé au 2 juin 2022, prorogé au 9 juin 2022, prorogé au 16 juin 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 16 juin 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame FOUCHER-GROS, Présidente et par Mme DEVELET, Greffier.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

La SAS Etablissements [C] [K] a été constituée en 1997 par Mr [C] [K] et Mme [N] [T]-[K] et exerçait une activité de fabrication et d’installation de véranda. Elle était également distributeur de produits stores et fermetures du réseau Monsieur [P].

En 2013, Mr [Z] [K], fils des fondateurs, est devenu directeur général.

En 2018, Mr [Z] [K] et la SAS Etablissements [C] [K] ont constitué une société ETS.V [K], afin de reprendre l’activité de maçonnerie initialement exercée par la SAS Etablissements [C] [K].

La situation s’est dégradée à partir de 2018 et Mme [N] [K], en qualité de présidente de la société a effectué une déclaration de cessation des paiements de la société ETS [C] [K], le 4 mars 2019.

La procédure de redressement judiciaire de la SAS Etablissements [C] [K], dont le siège social était situé à [Localité 11] a été ouverte le 7 mars 2019. La SELARL FHB représentée par Me [I] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire et la SCP Diesbecq Zolotarrenko devenue la SCP Mandateam a été désignée en qualité de mandataire judiciaire devant déposé la liste des créances déclarées.

Par jugement du 2 mai 2019, le tribunal a prolongé la période d’observation jusqu’au 7 septembre 2019.

La liquidation judiciaire de la SAS Etablissements [C] [K] a été prononcée par jugement du 29 août 2019. La SCP Diesbecq Zolotarrenko devenue la SCP Mandateam a été désignée en qualité de liquidateur.

Par actes des 3 et 18 juin 2021 la SCP Mandateam représentée par Me [O] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société ETS [C] [K] SAS, a fait assigner Mme [K] [N] et M. [K] [Z] devant le tribunal de commerce d’Evreux aux fins, à titre principal, de les voir solidairement condamner à supporter le coût de l’insuffisance d’actif et voir prononcer à leur encontre une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

Par jugement du 30 septembre 2021, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce d’Évreux a :

-dit que Mme [K] [N], Présidente, et M. [K] [Z], Directeur général de la SAS Etablissements A [K] doivent supporter solidairement les dettes sociales de cette société a concurrence de la somme de 500.000 euros,

-en conséquence, les a condamnés à payer cette dite somme entre les mains de la SCP Mandateam représentée par Me [O], liquidateur de la liquidation judiciaire de la SAS Etablissements [C] [K],

-prononcé a l’encontre de Mme [K], prise en sa qualité de dirigeant de la SAS Etablissements [C] [K], l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale,

-dit que cette interdiction est applicable pour une durée de 12 ans,

-prononcé a l’encontre de M. [K], pris en sa qualité de dirigeant de la SAS Etablissements [C] [K], l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale,

-dit que cette interdiction est applicable pour une durée de 12 ans,

-rappelé à Mme [K] et à M. [K] que s’ils ne respectent pas l’interdiction ci-dessus, ils seront passibles des sanctions pénales suivantes : emprisonnement de deux ans et amende de 375.000 euros (article L. 654-15 du code de commerce),

-dit que le Greffier devra faire procéder aux publicités du présent jugement,

-dit qu’en application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction sera l’objet d’une inscription ou fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce,

-condamné solidairement Mme [K] et M. [K] à payer à la SCP Mandateam représentée par Me [O], ès-qualités de mandataire judiciaire, liquidateur de la SAS Etablissements [C] [K], la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-ordonné l’emploi des dépens en droits privilégiés de liquidation judiciaire.

Mme [N] [T] divorcée [K] et M. [Z] [K] ont interjeté appel ce jugement par déclaration du 22 octobre 2021.

Le 27 décembre 2021, ils ont appelé M. [C] [K] en intervention forcée.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 mars 2022.

La cour a autorisé une note en délibéré sur le caractère tardif des conclusions de M. [C] [K]. Madame [N] [T] [K] et M. [Z] [K] ont communiqué une note le 29 avril 2022 dans laquelle ils répondent au fond, aux prétentions de M. [C] [K].

EXPOSE DES PRETENTIONS :

Vu les conclusions du 17 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments de Mme [T] divorcée [K] et M. [Z] [K] qui demande à la cour de :

-infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Évreux le 30 septembre 2021 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

-dire et juger Mme [T] et M. [K] autant recevables que bien fondés en leur appel,

-joindre M. [K] à la cause,

-dire et juger que Mme [T] et M. [K] n’ont pas commis de faute de gestion susceptible d’engager leur responsabilité personnelle,

-dire et juger que Mme [T] et M. [K] n’ont pas poursuivi abusivement dans un intérêt personnel l’exploitation de la société ETS [C][K],

En conséquence,

-débouter purement et simplement la SCP Mandateam de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

-subsidiairement, réduire à de plus justes proportions toutes condamnations prononcées et dire que celles-ci devront, également, être assumées par M. [C] [K],

-condamner la SCP Mandateam à payer à Mme [T] et à M. [K] la somme de 5.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner la SCP Mandateam aux entiers dépens.

Vu les conclusions du 11 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments de la SCP Mandateam qui demande à la cour de :

-constater et juger que Mme [K] et M. [K] ont omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire de la société ETS [C] [K] dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements,

-constater et juger que Mme [K] et M. [K] se sont rendus auteurs de fautes de gestion,

En conséquence,

-confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 30 septembre 2021 par le tribunal de commerce d’Évreux,

-condamner solidairement Mme [K] et M. [K] à supporter l’insuffisance d’actif et à en payer le montant entre les mains de la SCP Mandateam, en la personne de Me [O] ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société ETS [C] [K] et ce, à hauteur de la somme de 500.000 euros,

-statuer sur la recevabilité de la mise en cause de M. [K], et en cas de recevabilité et de constatation d’une gérance de fait, le condamner solidairement avec Mme [K] et M. [K] au paiement de la condamnation prononcée au titre de l’insuffisance d’actif,

-prononcer à l’égard de Mme [K] et de M. [K] une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute personne commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci, et ce pour la durée qu’il appartiendra au tribunal de fixer,

-condamner solidairement Mme [K] et M. [K] à payer à la SCP Mandateam, en la personne de Me [O], ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société ETS [C] [K], la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

-les condamner en tous les dépens.

Vu les conclusions du 28 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments du Ministère public qui :

-dépose des conclusions par lesquelles il requiert la confirmation de l’intégralité de la décision entreprise par adoption des motifs pertinents du premier juge.

Vu les conclusions du 10 mars 2022 de M. [C] [K] qui demande à la cour de :

-juger que l’assignation en intervention forcée délivrée à Monsieur [C] [K] le 27 décembre 2021 à la requête de Madame [N] [T] et Monsieur [Z] [K] est entachée d’un vice de forme causant un grief à Monsieur [C] [K],

En conséquence,

-juger les écritures de Monsieur [C] [K] recevables et bien fondées,

-prononcer la nullité de l’assignation en intervention forcée délivrée à Monsieur [C] [K],

-débouter Madame [N] [T] et Monsieur [Z] [K] de l’ensemble de leurs demandes formulées à l’encontre de Monsieur [C] [K],

Si par extraordinaire, la Cour ne devait pas considérer nulle l’assignation en intervention forcée délivrée le 27 décembre 2021 à Monsieur [C] [K], il est demandé à la cour de :

-prononcer l’irrecevabilité de l’action en intervention forcée diligentée pour la première fois en appel par Madame [N] [T] et Monsieur [Z] [K],

En conséquence :

-débouter Madame [N] [T] et Monsieur [Z] [K] de l’ensemble de leurs demandes formulées à l’encontre de Monsieur [C] [K],

Si par extraordinaire, la Cour ne devait ni considérer nulle l’assignation en intervention forcée délivrée le 27 décembre 2021 à Monsieur [C] [K], ni considérer irrecevable l’action diligentée par Madame [N] [T] et Monsieur [Z] [K], il est demandé à la Cour de :

-juger du défaut de qualité à agir en comblement de passif de Madame [N] [T] et Monsieur [Z] [K],

En conséquence,

-prononcer l’irrecevabilité de l’action en comblement de passif diligentée par Madame [N] [T] et Monsieur [Z] [K] à l’encontre de Monsieur [C] [K],

-débouter Madame [N] [T] et Monsieur [Z] [K] de l’ensemble de leurs demandes formulées à l’encontre de Monsieur [C] [K],

En tout état de cause :

-débouter l’ensemble des parties de leurs demandes formulées à l’encontre de Monsieur [C] [K],

-condamner Madame [N] [T] et Monsieur [Z] [K] à verser à Monsieur [C] [K] la somme de 5.000 € chacun sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

-condamner Madame [N] [T] et Monsieur [Z] [K] aux entiers dépens.

Un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère expressément à la décision critiquée et aux dernières écritures des parties.

MOTIVATION DE LA DECISION:

Sur l’intervention forcée de M. [C] [K]:

Sur la nullité de l’assignation en intervention forcée:

Monsieur [C] [K] soutient que l’acte du 27 décembre 2021 est nul en ce qu’il ne mentionne pas qu’il ne disposait que d’un mois pour notifier ses conclusions, et que cette nullité de forme lui a causé un grief dès lors qu’il n’a pu conclure dans le délai imparti.

Il résulte des dispositions de l’article 114 du code de procédure civile qu’un acte de procédure ne peut être déclaré nul qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

Aux termes de l’article 905-2 du même code : ‘L’intervenant forcé à l’instance d’appel dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d’un délai d’un mois à compter de la notification de la demande d’intervention formée à son encontre à laquelle est jointe une copie de l’avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe’

Monsieur [C] [K] a conclu pour la première fois le 10 mars 2022, au delà du délai d’un mois prévu à l’article 905-2 précité. Mais ses conclusions n’ont pas été d’office déclarées irrecevables, et dans leur note envoyée en délibéré Mme [T]-[K] et M.[Z] [K] n’ont pas fait valoir d’irrecevabilité de ces conclusions.

Il en résulte que, nonobstant l’omission dans l’acte du 27 décembre 2021 du délai pour conclure, M. [C] [K] a pu organiser sa défense, de sorte que cette omission ne lui a causé aucun grief.

Par voie de conséquence, l’exception de nullité de l’assignation en intervention forcée sera rejetée.

Sur les fins de non recevoir:

Monsieur [C] [K] soutient que l’appel en intervention forcé est irrecevable:

*à défaut d’évolution du litige,

*à défaut de qualité de Mme [T] [K] et M. [Z] [K] pour agir en comblement du passif.

Il résulte des dispositions des articles 554 et 555 du code de procédure civile que les personnes qui n’ont été ni parties ni représentées en première instance peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l’évolution du litige implique leur mise en cause.

Madame [T]-[K] et M. [Z] [K] ont assigné M. [C] [K] aux fins de voir dire que, si des condamnations sont prononcées à leur égard ‘elles devront, également, être assumées par M. [C] [K]’.

En s’exprimant ainsi, sans davantage de précision, ils demandent à la cour de condamner M. [C] [K] in solidum avec eux du montant des éventuelles condamnations pécuniaires et de le condamner également à une interdiction de gérer.

Les dispositions de l’article L651-3 et L653-7 du code de commerce restreignent la qualité pour agir en responsabilité pour insuffisance d’actif et aux fins de voir prononcer une interdiction de gérer au liquidateur, au ministère public et sous certaines conditions à la majorité des créanciers nommés contrôleurs.

Il en résulte que, quelles que soient les évolutions du litige, Mme [T] et M. [Z] [K] n’ont pas qualité pour demander une sanction personnelle à l’encontre de M. [C] [K] et un paiement au titre du comblement du passif.

Par voie de conséquence, leur action à l’encontre de M. [C] [K] sera déclarée irrecevable.

Sur l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif:

Moyens des parties :

La SCP Mandateam soutient que:

*l’insuffisance d’actif est largement supérieur à celui déclaré par Mme [T],

*Mme [T], en qualité de présidente de la société ETS [C] [K] et M. [Z] [K] en qualité de directeur général sont justiciables des dispositions de l’article L651-2 du code de commerce,

*les fautes de gestion qui leur sont reprochées ont été commises avant l’ouverture de la procédure judiciaire. Il s’agit de :

a)l’absence volontaire de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours ;

b)la poursuite volontaire d’une activité déficitaire qui ne pouvait que conduire à l’état de cessation des paiements.

Madame [T] et M. [Z] [K] soutiennent que :

*M. [Z] [K] était un gérant ‘de paille’, et Mme [T] ‘n’avait pas son mot à dire’ le gérant de fait était M. [C] [K].

*le passif invoqué par la société Madateam est celui accepté, sans contrôle par le mandataire liquidateur. Il a été aggravé par les pratiques imposées par Mme [I] et Mme [O].

*ce n’est pas volontairement qu’ils n’ont pas déclaré l’état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours.

*avant la déclaration de cessation de paiement, ils ne pouvaient pas envisager qu’ils poursuivaient une activité vouée à l’échec.

Réponse de la cour :

Aux termes de l’article L651-2 du code de commerce : ‘Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée (…)’

Il appartient au liquidateur qui invoque des fautes de gestion ayant contribué à une insuffisance d’actif de rapporter la preuve de ces fautes et du lien de causalité entre la faute et l’insuffisance d’actif.

Sur le montant de l’insuffisance d’actif:

L’insuffisance d’actif résulte de la différence entre les créances admises, telles qu’elles se trouvent à la date où l’insuffisance est caractérisée, et l’actif de la société. Il n’est pas nécessaire que la totalité du passif soit vérifiée pour que l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif soit accueillie.

Le passif déclaré et définitivement admis est de 1 205 967,22 € au 18 mai 2021. L’actif réalisé dans le cadre de la liquidation est de 96 630 €.

Ainsi, l’insuffisance d’actif est certaine à la date du présent arrêt.

Madame [T] [K] et Monsieur [Z] [K] étant dirigeants de droits, ils ne peuvent pour se soustraire à leur responsabilité, prétendre qu’ils n’ont été que les prête- noms de M. [C] [K], dirigeant de fait de la société.

Sur l’absence volontaire de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours:

Il résulte des dispositions de l’article L640-4 du code de commerce que la procédure de liquidation judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, s’il n’a pas dans ce délai demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.

Le jugement du 7 mars 2019 a fixé la date de cessation des paiements au 1er août 2018.

La date n’a pas été modifiée depuis. Il en résulte que la déclaration de cessation des paiements du 4 mars 2019 n’a pas été faite dans le délai de 45 jours qui expirait le 16 septembre 2018.

Dans sa déclaration de cessation des paiements Mme [T]-[K] a déclaré une dette de cotisations URSSAF pour un montant de 107 662 €, et une dette auprès de PRO BTP de 36 364 €.

Il ressort de la déclaration de paiement de l’URSSAF que pour l’établissement de [Localité 13], les cotisations n’étaient pas payées depuis le mois de juillet 2018, et que pour l’établissement de [Localité 11], les impayés ont débuté au mois d’août 2018. Il ressort de la déclaration de créance de PRO BTP que les cotisations Alpro n’étaient plus payées depuis le mois de mars 2017 et les cotisations Constructys depuis le mois de janvier 2017.

En outre, n’avaient pas été payées:

-une facture du 12 avril 2018 du Bureau Veritas pour 515,09 €,

-des factures Serviceplan des 28 février et 31 mai 2018 ( 840 € et 297 €),

-les cotisations Malakoff Médéric des troisièmes et 4èmes trimestres 2018,

-des factures Peugeot du dernier trimestre 2018 ( 1 762,22 €),

-des factures Velux France du dernier trimestre 2018,

-des factures Véolia du dernier trimestre 2018,

-une facture Nordis du 14 novembre 2018 (516,31 €),

-deux factures Solstis du mois de novembre 2018 (2 868,50 €),

-une factures Fenstar de novembre 2018 (21 597,09 €),

-deux factures Deloffre du dernier trimestre 2018.

Il ressort de ces éléments que la déclaration tardive a contribué à l’aggravation du passif.

Dans son rapport à l’issue de la deuxième période d’observation, l’administrateur judiciaire (la SELARL FBH) expose que les difficultés de la société Ets [C] [K] étaient antérieurs à l’année 2018. L’administrateur relate qu’ « au mois de juin 2018, la société a eu un nombre important de commandes émanant de collectivités publiques. Or, en raison d’une mauvaise anticipation des délais de paiement importants des collectivités, la situation s’est aggravée, ce qui a occasionné un incident de paiement ». Il relate en suite l’existence d’un prélèvement bancaire impayé au mois d’août 2018, suivi de la perte de la couverture de l’assureur crédit au mois de septembre, et de la dénonciation au mois d’octobre par la société BNP du découvert bancaire autorisé.

Madame [T]-[K] et M. [Z] [K] justifient d’avoir effectué deux virements de 20 000 € en décembre 2017, un virement du même montant janvier 2018 , outre un abandon de compte courant de 65 000 € au mois de décembre 2018.

Le 21 avril 1019, Mme [T]-[K], s’inquiétant des conséquences d’une déclaration tardive, a écrit à Me [I] « En août 2018, il y a eu effectivement un incident ou retard de paiement mais nous avons continué à payer les salariés, en grande partie les fournisseurs et en partie les caisses. La date où nous n’avons effectivement plus assuré nos paiements est en février 2019 ».

Me [I] lui a répondu « La sanction en cas de non déclaration (‘) est l’interdiction de gérer (‘) Enfin nous n’en sommes pas là rassurez-vous.  Certes je pense que la procédure aurait pu être ouverte avant mais comme dans tous les dossiers. »

La déclaration de cessation des paiements a été faite sept mois après l’état de cessation des paiements. Il ressort du rapport de la SELARL FHB que, si les dirigeants de la société Ets [C] [K] ont légitimement pu croire jusqu’en septembre 2018, à un redressement en raison de l’afflux de commandes. A compter du mois de septembre 2018, ils savaient que ces commandes n’empêcheraient pas la situation de se dégrader.

Au regard des dettes rapportées ci-dessus, et en particulier de celle contractée auprès de l’URSSAF, il est manifeste que leurs apports de liquidités étaient insuffisants pour redresser la situation. Mme [K] déclare dans son courriel que les fournisseurs et les caisses étaient payés « en partie », ce qui démontre qu’elle avait connaissance de l’insuffisance d’actif disponible pour régler les cotisations sociales et l’intégralité des dettes commerciales.

Enfin, la validation de la comptabilité par l’expert comptable et le commissaire aux comptes ne porte que sur ce qu’ils ont pu constater et ne dispensait pas les dirigeants de tirer toutes conséquence d’un passif auxquels ils ne pouvaient faire face.

Ce retard dans la déclaration de cessation des paiements alors que l’importance du passif accumulé ne permettait pas d’espérer un apurement, excède la simple négligence et présente un caractère fautif.

Sur la poursuite volontaire d’une activité déficitaire qui ne pouvait que conduire à l’état de cessation des paiements:

La SCP Mandateam soutient que la société ETS A [K], afin de poursuivre le plus longtemps possible une activité déficitaire, avait mis en place un système consistant à encaisser des acomptes sans mettre en fabrication les vérandas ou menuiseries commandées; qu’elle a continué à percevoir des acomptes alors qu’elle savait qu’elle ne pourrait honorer les commandes.

Il ressort des pièces produites par le mandataire liquidateur qu’entre le mois de juillet 2017 et le mois de février 2019, la société ETS A [K] a perçu des acomptes à hauteur de 153 458 € sans que les produits commandés soient finalisés.

L’exploitation déficitaire consiste pour la personne morale à ne plus faire de bénéfice et au contraire à développer des pertes, sans que la cessation des paiements soit nécessairement caractérisée à l’époque du début de ces pertes. Il convient de rechercher si la poursuite de l’exploitation ne pouvait que conduire à la cessation des paiements sans possibilité de redressement.

Il ressort du rapport de la SELARL FHB (mandataire judiciaire) que:

-le chiffre d’affaires est resté stable pour les exercices 2016 ,2017 et 2018 ( 2 741 000 €; 2 757 000 €; 2 724 000 €).

-sur la même période le résultat d’exploitation est passé de 69 000 € (2016) à -70 000 € (2017) puis -100 000 € ( 2018).

-la société ETS [C] [K] possédait, outre son siège social, deux établissements dans des locaux pris à bail ; qu’elle n’a pu régler les échéances de loyer pour l’établissement de [Localité 13] et que celui de l’établissement de Mantes a été résilié par ordonnance du 24 juin 2019 du juge commissaire.

L’administrateur judiciaire explique que:

-« le ratio qui a augmenté entre 2016 et 2018 est la masse salariale (+6,5 points en deux ans) »

-« Au sein du poste autres achats et charges externes, la société a également de nombreuses charges liées à des contrat de crédit-bail et de location (véhicules, standard téléphonique, télésurveillance, copieurs…), soit environ 42 000 € pour l’exercice 2018 ».

-« La société a été en mesure de dégager une capacité d’autofinancement positive pour 2018 de 28 000 € contre -21 000 € en 2017. En 2017, le résultat net comptable avait été en effet diminué de 30 000 € en raison de cession d’éléments d’actif »

– « En 2018, un produit exceptionnel de 65 000 € a été constaté et correspond à un abandon de compte courant assorti d’une clause de retour à meilleur fortune de la part des associés de la société ETS A [K] »

-« Depuis l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, l’activité de vérandas est très difficile, notamment en raison du mécontentement de nombreux clients ayant versé des acomptes avant la procédure de redressement judiciaire, acomptes n’ayant pas servi à acquérir la matière utiles à la réalisation de leurs commandes.

La société [K] est donc obligée depuis bientôt 6 mois de solliciter de nouveaux acomptes auprès de ses clients afin de pouvoir finaliser les commandes.(….) A ce stade, la société [K] n’est pas en capacité de démontrer que la finalisation de ces chantiers lui est profitable. Toutefois, au regard des tensions de trésorerie, il semblerait que ce ne soit pas le cas. »

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que, pendant deux exercices avant de procéder à la déclaration de paiement, Mme [T]-[K] et M. [Z] [K] ont poursuivi une activité déficitaire, sans procéder à une restructuration; que nonobstant les fonds qu’ils ont injectés et la capacité d’autofinancement positive en 2018, le passif du compte d’exploitation a continué de s’aggraver. Les acomptes perçus étaient insuffisants à eux seuls pour apurer le passif résultant des dettes sociales et commerciales. Dès lors qu’à défaut de production, la société n’a pu percevoir les liquidités nécessaires à son redressement, Mme [T]-[K] et M. [Z] [K], en n’affectant pas à la production les acomptes perçus, ont commis une faute de gestion qui n’a fait qu’aggraver le passif. La poursuite de l’exploitation dans de telles conditions ne pouvait que conduire à l’état de cessation des paiements.

Sur le montant de la contribution à l’insuffisance d’actif:

Les fautes retenues ont été commises concurremment par Mme [T]-[K] et M [Z] [K] et ils ont également contribué à l’insuffisance de l’actif, de sorte qu’il y a lieu de les condamner in solidum.

Madame [T]-[K] et M. [Z] [K] ne produisent aucun élément sur leur situation personnelle et financière. Au regard d’une part, du montant de l’insuffisance d’actif, d’autre part des fautes commises par Mme [T]-[K] et M. [Z] [K] et du retard particulièrement long à procéder à la déclaration de cessation des paiements, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il les a condamnés au paiement d’une somme de 500 000 €. Ils seront condamnés in solidum au paiement d’une somme de 300 000 €.

Sur les sanctions personnelles:

Aux termes de l’article L653-4 du code de commerce: «  Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d’une personne morale, contre lequel a été relevé l’un des faits ci-après :

(‘.)

4°Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation de paiement de la personne morale; (…) »

Il résulte des dispositions de l’article L653-8 du même code que dans les cas prévus au articles L653-3 à L653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci. La sanction d’interdiction de gérer peut également être prononcée à l’encontre de toute personne mentionnée à l’article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.

La société Mandateam soutient que c’est dans leur intérêt personnel que Mme [T]-[K] et M. [Z] [K], ont poursuivi une exploitation déficitaire. Elle se prévaut d’une somme de 1 757 € versée sur le compte de la société ETS [C] [K] et dont M. [Z] aurait voulu obtenir le reversement sur le compte de la société ETS V. [K].

La preuve d’un intérêt personnel des deux dirigeants à poursuivre une exploitation déficitaire n’est pas rapportée. Les échanges de courriels au sujet du virement de 1 757 € effectués par un client postérieurement à l’ouverture de la procédure collective , ne sont pas suffisants à démontrer la confusion alléguée par le mandataire liquidateur.

En revanche, il a été démontré plus haut que c’est sciemment que Mme [T]-[K] et M. [Z] [K] se sont abstenus de déclarer l’état de cessation de paiement dans les 45 jours.

Ce manquement justifie à lui seul que la sanction d’interdiction de gérer soit prononcée. Mais le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a prononcé à l’encontre de Mme [T]-[K] et M. [Z] [K] une interdiction d’une durée de 12 ans. La durée de l’interdiction sera de cinq années.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Rejette l’exception de nullité de l’assignation en intervention forcée de M. [C] [K] ;

Déclare irrecevable l’action de Mme Mme [T] et M. [Z] [K] à l’encontre de M. [C] [K] ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

-dit que Mme [K] [N], Présidente, et M. [K] [Z], Directeur général de la SAS Etablissements A [K] doivent supporter solidairement les dettes sociales de cette société a concurrence de la somme de 500.000 euros,

-en conséquence, les a condamnés à payer cette dite somme entre les mains de la SCP Mandateam représentée par Me [O], liquidateur de la liquidation judiciaire de la SAS Etablissements [C] [K],

– fixé la durée de l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, à 12 ans.

Statuant à nouveau :

Condamne in solidum Mme [T] et M. [Z] [K] à payer la somme de 300 000 € au profit de la société Mandateam, prise en la personne de Me [O], en sa qualité de liquidateur de la société SAS ETS [C] [K] ;

Ramène la durée de l’interdiction de gérer prononcée à l’encontre de Mme [N] [T] [K] et M. [Z] [K] à cinq ans ;

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

Y ajoutant ;

Dit qu’en application des articles R653-3 et R661-7 du code de commerce, la présente décision sera notifiée aux parties et au procureur général à la diligence du greffier de la cour dans les huit jours de son prononcé et qu’une copie de la présente décision sera transmise dans les huit jours de son prononcé au greffier du tribunal de commerce d’Evreux pour l’accomplissement des mesures de publicité prévues par l’article R621-8 du code de commerce ;

Dit qu’en application des articles 768 et R.69-9° du code de procédure pénale, la présente décision sera transmise par le greffier de la cour d’appel au service du casier judiciaire après visa du ministère public ;

Dit qu’en application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l’objet d’une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d’accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;

Condamne in solidum Mme [T]-[K] et M. [Z] [K] aux dépens en cause d’appel ;

Condamne in solidum Mme [T]-[K] et M. [Z] [K] à payer à la société Mandateam, prise en la personne de Me [O], en sa qualité de liquidateur de la société SAS ETS [C] [K] la somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles en cause d’appel ;

Déboute M. [C] [K] de sa demande aux titre des frais irrépétibles.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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