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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION
DU 14 SEPTEMBRE 2023
N° 2023/ 130
Rôle N° RG 22/15275 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKKXI
S.A.R.L. TRANSPORT [N]
C/
[Y] [B]
[D] [N]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Romain CHERFILS
Me Françoise BOULAN
Me Stéphanie LEANDRI-CAMPANA
Sur saisine de la Cour faite suite à l’Arrêt n° 534 FS-B de la Cour de Cassation de PARIS en date du 21 Septembre 2022 cassant et annulant l’arrêt au fond rendu par la Chambre 3-4 de la Cour d’Appel d’Aix en Provence le 29 août 2019 (RG 18/16573) ayant statué sur l’appel d’un jugement n° 2017F02160 rendu par le tribunal de commerce de Marseille le 6 septembre 2018
DEMANDERESSE A LA SAISINE
S.A.R.L. TRANSPORTS [N],
dont le siège social est sis [Adresse 5], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Jean-marc LE GALLO de la SELARL CARLINI & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Marine CHARPENTIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant
DEFENDEURS A LA SAISINE
Madame [Y] [B]
née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 8] (83), de nationalité française, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Eric GENEVOIS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
Monsieur [D] [N]
né le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 6], de nationalité française, demeurant [Adresse 7]
représenté et assisté de Me Stéphanie LEANDRI-CAMPANA, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 25 Mai 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Marie-Amélie VINCENT, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Valérie GERARD, Président de chambre
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère
Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Septembre 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Septembre 2023,
Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
M. [D] [N] et Mme [Y] [B] ont contracté mariage le [Date mariage 4] 1970, sans contrat de mariage préalable. M. [D] [N] a déposé une requête en divorce le 27 décembre 2006. Par jugement du 7 avril 2009, le tribunal de grande instance de Marseille a prononcé le divorce des époux.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 13 juin 2007, M. [D] [N] a fait connaître à la Sarl Transports [N], créée le 1er janvier 1990 et dont son épouse était la gérante, qu’il désirait être personnellement associé à hauteur de la moitié des parts sociales, correspondant à l’apport en numéraire effectué par son épouse, soit 125 parts sociales, conformément à l’article 1832-2 du code civil.
Estimant avoir depuis cette date la qualité d’associé, il a, courant 2017 et 2018, vainement demandé communication des comptes sociaux de l’entreprise.
Par acte du 6 septembre 2018, il a assigné la Sarl Transports [N] et Mme [Y] [B] aux fins de voir constater sa qualité d’associé depuis juin 2007, et d’obtenir communication des bilans et comptes de résultat, des rapports de gestion et des procès-verbaux d’assemblées générales ordinaires au titre des exercices 2014, 2015 et 2016.
Par jugement du 6 septembre 2018, le tribunal de commerce de Marseille a’:
Dit que M. [N] avait la qualité d’associé de la Sarl Transports [N] à hauteur de 125 parts sociales à compter du 13 juin 2007 et qu’il avait donc qualité à agir dans le cadre de l’instance’;
Déclaré recevable l’action de M. [D] [N]’;
Ordonné à Mme [Y] [B], en sa qualité de gérante de la Sarl Transports [N] et en tant que de besoin à cette société de communiquer, sous astreinte, certains documents sociaux’;
Rejeté l’ensemble des demandes de la Sarl Transports [N] et de Mme [Y] [B]’;
Condamné la Sarl Transports [N] et Mme [Y] [B] à payer chacun à M. [D] [N] la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Par déclaration du 18 octobre 2018, Mme [Y] [B] a relevé appel de cette décision. La Sarl Transports [N] a également relevé appel de ce jugement le 22 octobre 2018.
Par arrêt du 29 août 2019, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé en toutes ses dispositions le jugement et, y ajoutant, a’:
Condamné in solidum Mme [Y] [B] et la SARL Transports [N] à payer à M. [D] [N] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
Rejeté toute autre demande des parties’;
Condamné solidairement Mme [Y] [B] et la SARL Transports [N] aux dépens d’appel.
Par déclaration du 27 décembre 2019, la SARL Transports [N] a formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt.
Par arrêt du 21 septembre 2022, la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation a’:
Cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 29 août 2019, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence’;
Remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt, et les a renvoyées devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée’;
Condamné M. [D] [N] aux dépens’;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes.
Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 5 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [Y] [B] soutient que’:
La revendication de la qualité d’associé se heurte à l’historique des relations entre les époux, qui démontre que ceux-ci avaient renoncé à toute association dans les sociétés qu’ils avaient respectivement constituées’; à l’origine, les époux [N] exploitaient en commun l’entreprise garage [N], entreprise individuelle immatriculée au nom de M. [D] [N]’; au début de l’année 1990, ils ont décidé de scinder en deux leur activité par la création d’une Sarl ayant pour objet d’exploiter le garage, et d’une autre Sarl exerçant une activité de transports routiers, et ont alors convenus que M. [D] [N] serait gérant de la Sarl exploitant le garage, tandis qu’elle serait gérante de la Sarl exploitant l’entreprise de transports routiers’; chacun des époux était associé à 50% de sa propre société sans être associé de l’autre et sans jamais rien revendiquer de l’autre société’;
Dans le cadre de la procédure de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, toujours pendante devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, la qualité d’associé de M. [D] [N] n’a pas été tranchée, de sorte qu’il convient d’attendre la décision à intervenir sur ce point pour qu’il soit statué sur la demande présentée par M. [D] [N] dans le cadre de la présente instance’;
L’action en revendication présentée par M. [D] [N] est prescrite en application de l’article 2224 du code civil.
Ainsi, elle sollicite de la cour de’:
Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 septembre 2018 par le tribunal de commerce de Marseille,
Constater qu’il résulte clairement des faits et du comportement de M. [D] [N] qu’il a renoncé tacitement et sans équivoque à la qualité d’associé de la Sarl Transports [N],
En conséquence, débouter M. [D] [N] de l’intégralité de ses demandes,
Le condamner au paiement de la somme de 6.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, ceux d’appel distraits au profit de Maître Françoise Boulan, membre de la Selarl Lexavoué Aix-en-Provence, avocat associé aux offres de droit.
Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 25 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Sarl Transports [N] fait valoir que’:
La concomitance dans la création des sociétés de chacun des époux, ainsi que l’indépendance dans la composition de leur capital, et la gouvernance de chacune des structures, tout comme pour le comportement de chacun des époux démontrent leur volonté de renoncer, sans équivoque, à la qualité d’associé au sein de la société constituée par son conjoint, sans qu’il soit besoin que cette renonciation ait été matérialisée de manière expresse’; qu’aucune participation active de M. [D] [N] au sein de la Sarl Transports [N] n’est démontrée’;
Dès lors que l’opération d’apport ou d’achat de parts au moyen de biens communs est nécessaire à l’exercice d’une activité séparée, seul l’époux apporteur a vocation à recevoir la qualité d’associé’; la revendication de la qualité d’associé par M. [D] [N] sera contraire aux articles 223 et 1421 alinéa 2 du code civil, qui reconnaissent à chacun des époux le droit d’exercer seul une profession et d’accomplir seul les actes de disposition nécessaires à celle-ci’; la Sarl Transports [N] a été constituée en vue d’exploiter une entreprise de transport, et seule Mme [Y] [B] est titulaire de la capacité à l’exercice de la profession de transporteur routier public de marchandises depuis le 18 juillet 1980, à l’exclusion de M. [D] [N]’;
La reconnaissance de la qualité d’associé au profit de M. [D] [N] est contraire à l’intérêt social de la Sarl Transports [N] et à sa pérennité’; il n’y aurait pas d’affectio societatis, contrairement à ce que soutient M. [D] [N] en prétendant qu’il s’est toujours occupé de la société et s’y serait investi comme associé, voire comme gérant de fait’; qu’il existerait, en outre, un risque que la qualité d’associé au sein de la société devienne l’objet d’un enjeu du divorce conflictuel des anciens époux, et que la reconnaissance de cette qualité à M. [D] [N] conduise à paralyser le fonctionnement de la société’;
Au visa des articles 223, 1421 alinéa 2, 1104 et 1832 du code civil, la Sarl Transports [N] demande à la cour de’:
Révoquer l’ordonnance de clôture en date du 11 avril 2023′;
Y faisant droit, infirmer le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 6 septembre 2018 en ce qu’il a reconnu à M. [D] [N] la qualité d’associé de la Sarl Transports [N] à hauteur de 125 parts sociales à compter du 13 juin 2007′;
Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 6 septembre 2018 en ce qu’il a ordonné à Mme [Y] [B], ès qualité de gérante de la société Transports [N] Sarl et en tant que de besoin à la Sarl Transports [N] elle-même de communiquer dans les huit jours à compter de la signification du jugement, et sous astreinte provisoire de 150 € par jour de retard pendant le délai d’un mois les documents suivants’: bilan et compte de résultat des exercices 2014, 2015, 2016, 2017, les rapports de gestion desdits exercices, les procès-verbaux,
Constater qu’il résulte clairement des faits et du comportement de M. [D] [N] qu’il a renoncé tacitement et sans équivoque à la qualité d’associé de la Sarl Transports [N]’;
Débouter M. [D] [N] de l’ensemble de ses demandes,
Condamner M. [D] [N] à lui verser la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner M. [D] [N] aux entiers dépens, ceux d’appel distraits au profit de Maître Romain Cherfils, membre de la Selarl Lexavoué Aix-en-Provence, Avocat associé aux offres de droit.
Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 11 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [D] [N] réplique que’:
Il n’a jamais renoncé à la possibilité de revendiquer la qualité d’associé’; dans son arrêt du 22 septembre 2022, la Cour de Cassation a jugé que la renonciation peut être tacite dès lors que les circonstances établissement, de façon non équivoque, la volonté de renoncer’; il ne lui a jamais été demandé de prendre parti sur sa qualité d’associé au sein de la Sarl Transports [N] en violation des dispositions de l’alinéa 1er de l’article 1832-2 du code civil’; il a toujours ‘uvré pour la Sarl Transports [N], et s’est toujours investi dans l’intérêt de celle-ci, relevant en particulier que c’est lui qui a trouvé le site sur lequel elle s’est implantée et qui a suivi les opérations du chantier’;
L’article 1832-2 du code civil dispose que la qualité d’associé est reconnue au conjoint, cette disposition étant d’ordre public, le conjoint revendiquant n’ayant nullement besoin de saisir la justice pour obtenir la reconnaissance de la qualité d’associé’; le fait de ne pas avoir la capacité obtenue par Mme [Y] [B] ne fait pas obstacle à ce qu’il soit associé, et ce d’autant qu’il a toujours agi en qualité d’associé de la société depuis sa constitution et a ainsi participé activement et personnellement au développement de la société avec l’accord exprès de sa gérante’;
Dans son arrêt du 21 septembre 2022, la Cour de Cassation a clairement indiqué que l’affectio societatis n’était pas une condition requise pour la revendication, par un époux, de sa qualité d’associé’; il appartenait à la Sarl Transports [N] d’inclure dans ses statuts des clauses d’agrément’; qu’en tout état de cause, aucun risque de blocage n’existe, étant minoritaire, et le jugement de divorce ayant été prononcé en 2009.
Au visa de l’article 1832-2 du code civil et L223-26 du code de commerce, il demande à la cour de’:
Rejeter la demande de rabat de l’ordonnance de clôture sollicitée par la Sarl Transports [N],
Subsidiairement, juger recevables ses conclusions ainsi que son bordereau de pièces communiqués le 11 avril 2023,
En tout état de cause, débouter la Sarl Transports [N], de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme étant irrecevables et infondées,
Débouter Mme [Y] [B] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions comme étant irrecevables et infondées,
En conséquence, confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 septembre 2018 par le tribunal de commerce de Marseille,
Y ajoutant, condamner la Sarl Transports [N] et Mme [Y] [B] à payer chacun à M. [D] [N] la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner la SARL Transports [N] aux dépens, toutes taxes comprises, de la présente instance.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la qualité d’associé de M. [D] [N]
Aux termes de l’article 1832-2 alinéa 3 du code civil, la qualité d’associé est reconnue pour la moitié des parts souscrites ou acquises, au conjoint qui a notifié à la société son intention d’être personnellement associé. Si cette notification est postérieure à l’apport ou à l’acquisition des parts, les clauses d’agrément prévues à cet effet par les statuts sont opposables au conjoint.
Ainsi, en l’absence de clause d’agrément opposable au conjoint, la reconnaissance de la qualité d’associé résulte de la seule notification faite à la société de l’intention du conjoint de l’associé d’être personnellement associé.
En l’espèce, il n’est pas contesté que par lettre recommandée du 13 juin 2007, dont la Sarl Transports [N] a accusé réception le 19 juin suivant, M. [D] [N] a notifié à cette société son intention d’être personnellement associé, à hauteur de la moitié des parts sociales correspondant à l’apport en numéraire effectué par son conjoint, Mme [Y] [B], épouse [N], soit 125 parts sociales, en application de l’article sus-visé, le divorce n’étant pas prononcé à cette date.
Les statuts de la Sarl Transports [N] prévoient en leur article 12 intitulé «’Cession et transmission des parts sociales’» que «’les parts sociales sont librement cessibles entre associés et au profit du conjoint et des héritiers en ligne directe du titulaire’», de sorte qu’aucune clause d’agrément ne pouvait être opposée à M. [D] [N]. En conséquence, M. [D] [N] a acquis, du seul fait de cette notification, la qualité d’associé à hauteur des 125 pars revendiquées.
La Sarl Transports [N] et Mme [Y] [B] soutiennent toutefois que les époux auraient réciproquement, tacitement et sans équivoque, renoncé à être associés de la société constituée par leur conjoint respectif.
La renonciation peut être tacite dès lors que les circonstances établissent, de façon non équivoque, la volonté de renoncer. Il importe dès lors de déterminer l’existence d’actes positifs, de nature à démontrer ce qui avait été convenu lors de la création des sociétés.
De manière liminaire, l’absence de revendication de qualité d’associé de la Sarl Transports [N] entre 1997 et 2007 ne suffit pas à établir que son titulaire a renoncé à son exercice. Il sera a contrario observé qu’il n’a jamais été demandé à M. [D] [N] de prendre position sur sa qualité d’associé au sein de la Sarl Transports [N]. En outre, l’article 1832-2 du code civil ne prévoit aucun délai pour revendiquer.
En l’absence de toute clause d’agrément prévue aux statuts de la société litigieuse, susceptible de faire obstacle à la revendication de la qualité d’associé, ou d’accord familial démontré quant à la création de structures indépendantes, excluant l’intervention de l’époux non associé, la concomitance dans la création des sociétés de chacun des époux, ainsi que la composition de leur capital (chacun des époux étant seul associé de sa structure à hauteur de 50% du capital), et la gouvernance de chacune des structures, sont insuffisants à démontrer une renonciation sans équivoque, à la qualité d’associé de chacun des époux au sein de la société constituée par son conjoint.
A contrario, les pièces versées au débat par M. [D] [N], nombreuses, anciennes et étalées dans le temps, démontrent de façon objective sa participation active au sein de la Sarl [N].
Ainsi, les pièces n°8 à 11 démontrent que M. [D] [N] a représenté de manière régulière la Sarl Transports [N] lors des litiges, et ce avec l’accord de son épouse, plusieurs pouvoirs de représentation en justice étant produits, outre un protocole d’accord signé par M. [D] [N] entre la Sarl Transports [N] et la Sas Avenir. Les pièces n°12 à 41 constituent autant de bons de commande, signés par M. [D] [N] au nom de la Sarl Transports [N], de pièces nécessaires à l’entretien de la flotte de camion, à la fourniture des vêtements de travail des salariés, comportant le cachet de l’entreprise. Ils sont à ce titre adressés, pour la plupart, «’à l’attention de M. [D] [N]’». Les pièces n°42 à 55 sont constituées par des attestations des fournisseurs de la Sarl Transports [N], lesquels confirment tous avoir eu pour interlocuteur M. [D] [N].
Ces pièces démontrent que M. [D] [N] a agi en qualité d’associé de la Sarl Transports [N] et non en qualité de représentant de la Sarl Garage [N], ès qualité de prestataire rémunéré, dans la mesure où l’ensemble de ces pièces portent mention de la Sarl Transports [N] et de ses références (adresse et numéro de Siret), et non du garage.
S’il est exact que la déclaration d’ouverture de chantier (pièce n°4) et le procès-verbal de constat du 19 octobre 2001 (pièce n°5), portent mention de la Sci [Z] et [D] (Sci PPM), il est à rappeler que celle-ci a été constituée en vue d’acquérir le terrain et de construire les immeubles destinés à héberger tant la Sarl Garage [N] que la Sarl [N] Transports. Ces pièces tendent au contraire à démontrer que chaque société intervenait en soutien de l’autre et que M. [D] [N] est intervenu, dès leur constitution, pour chacune d’elle. Ainsi, la Scp Bonnet Gaubert atteste (pièce n°6) avoir travaillé sur ce projet avec le père de M. [D] [N], et la facture en vue du dallage de la Sarl Transports [N] est adressée à M. [N] père.
Il ressort ainsi des pièces versées aux débats que M. [D] [N] s’est comporté comme l’associé de cette structure, la représentant à de multiples reprises, avec le consentement de Mme [Y] [B], sa gérante, et prenant les décisions nécessaires à son fonctionnement et à son développement.
Dès lors, en l’absence d’éléments non équivoques de nature à démontrer la volonté des parties à renoncer tacitement à la qualité d’associé, il ne peut être fait obstacle au droit de M. [D] [N] d’exercer cette revendication.
Il est à rappeler les termes de l’arrêt de renvoi de la Cour de Cassation (Com.21 septembre 2022), selon lesquels les «’articles 223 et 1421 alinéa 2 du code civil ayant pour seul objet de protéger les intérêts de l’époux exerçant une profession, séparée, la société n’est pas recevable à se prévaloir de l’atteinte que la revendication de la qualité d’associé serait susceptible de porter au droit du conjoint apporteur d’exercer une telle profession’». Ainsi, la Sarl Transports [N] n’a pas d’intérêt à soulever le moyen selon lequel cette revendication serait contraire aux articles 223 et 1421 du code civil.
De la même manière, l’arrêt de renvoi a précisé que l’affectio societatis n’est pas une condition requise pour la revendication, par un époux, de la qualité d’associé. De manière superfétatoire, aucun risque de paralysie de la société résultant de la revendication de la qualité d’associé de M. [D] [N] n’existe, sa part dans le capital ne représentant qu’un quart, alors que selon l’article 23 III des statuts, les décisions collectives extraordinaires emportant modification des statuts nécessitent qu’elles aient été prises par des associés représentant au moins les trois quarts du capital social. Enfin, et en tout état de cause, il n’est pas démontré que le comportement, et l’investissement de M. [D]'[N] soit contraire à l’affectio societatis de la Sarl Transports [N].
Si Mme [Y] [B] oppose à nouveau la prescription, ce moyen ne peut prospérer, la faculté dont dispose le conjoint de l’associé, en vertu de l’article 1832-2 alinéa 3 du code civil, pouvant être exercée pendant toute la durée du mariage, étant également observé que selon l’article 2236 de ce même code que la prescription ne court pas ou est suspendue entre époux.
Enfin, ainsi que précédemment retenu, la reconnaissance de la qualité d’associé étant indépendant de la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, dès lors qu’il est constant que le capital social de la Sarl Transports [N] a été libéré avec des fonds venant de la communauté.
Il convient dès lors de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
Sur les demandes accessoires
Mme [Y] [B] et la Sarl Transports [N], qui succombent, supporteront in solidum les dépens de la procédure d’appel, lesquels seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Elles seront tenues de payer in solidum à M. [D] [N] la somme de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne in solidum Mme [Y] [B] et la Sarl Transports [N] à payer à M. [D] [N] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
Rejette toute autre demande des parties,
Condamne in solidum Mme [Y] [B] et la Sarl Transports [N] aux dépens de la procédure d’appel, lesquels seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE