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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4IA
13e chambre
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 14 JUIN 2022
N° RG 21/07682 – N° Portalis DBV3-V-B7F-U5H3
AFFAIRE :
S.A.S. ALLIANCE
C/
[J] [N]
….
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Décembre 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2020L02388
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Oriane DONTOT
MP
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. ALLIANCE, mission conduite par Me [I] [F] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SERVICES EVENT
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20211133
Représentant : Me Stéphane CATHELY de l’AARPI AARPI CATHELY ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0986
APPELANTE
****************
Monsieur [J] [N]
né le [Date naissance 4] 1971
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Défaillant
LE PROCUREUR GENERAL
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
[Adresse 7]
[Adresse 7]
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 Avril 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller chargé du rapport et Madame Delphine BONNET, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,
En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l’avis du 02/03/2022 a été transmis le même jour) au greffe par la voie électronique.
La SASU Services event, présidée par M. [Y] [R], exploitait une activité de montage et démontage de tentes de réception, structures, matériels, tous services annexes au spectacle et à l’évènementiel.
Par jugement du 23 août 2017, le tribunal de commerce de Nanterre, saisi sur déclaration de cessation des paiements de son dirigeant, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société Services event, fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 14 février 2017 et désigné la SAS Alliance, prise en la personne de maître [I] [F], en qualité de liquidateur judiciaire.
Par actes d’huissier des 4 et 5 août 2021, la société Alliance, ès qualités, estimant que les opérations de la procédure collective avaient mis en évidence des fautes de gestion à l’encontre de MM. [R] et [J] [N], salarié de la société Services event, les a assignés respectivement en qualité de dirigeant de droit et de dirigeant de fait devant le tribunal de commerce de Nanterre, lequel, par jugement réputé contradictoire assorti de l’exécution provisoire du 8 décembre 2021, a :
– débouté la société Alliance, ès qualités, de sa demande de condamnation de M. [N] à combler l’insuffisance d’actif de la société Service events ;
– condamné M. [R] à payer la somme de 60 000 euros, augmentée des intérêts calculés au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance, entre les mains de la société Alliance, ès qualités ;
– ordonné la capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil;
– débouté la société Alliance, ès qualités, de sa demande de condamner M. [N] à une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer ;
– prononcé à l’égard de M. [R] une mesure de faillite personnelle pour une durée de cinq ans ;
– débouté la société Alliance, ès qualités, de sa demande de condamner M. [N] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [R] à payer à la société Alliance, ès qualités, la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [R] aux dépens avancés par la procédure ou à défaut par le Trésor public sur le fondement de l’article L.663-1 du code de commerce.
S’agissant de M. [N], le tribunal a considéré que la preuve n’était pas rapportée de sa direction de fait de la société liquidée.
Par déclaration du 24 décembre 2021, la société Alliance, ès qualités, a interjeté appel partiel du jugement, en intimant M. [N] et le ministère public. La déclaration d’appel a été signifiée le 4 janvier 2022 par acte d’huissier remis à M. [N] qui n’a pas constitué avocat.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 3 février 2022 et signifiées le 8 février 2022 par acte d’huissier remis au domicile de M. [N], la société Alliance, ès qualités, demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a l’a déboutée de ses demandes à l’encontre de M. [N] ; Statuant à nouveau,
– condamner M. [N] à lui payer la somme de 228 367,74 euros, correspondant à l’insuffisance d’actif de la société Services event, augmentée des intérêts calculés au taux légal à compter de l’acte introductif d’instance, en application de l’article L.651-2 du code de commerce ;
– dire que les intérêts se capitaliseront pour ceux échus depuis une année entière au moins en application de l’article 1343-2 du code civil ;
– condamner M. [N] à une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer, d’une durée minimum de cinq années, en application des articles L.653-1 et suivants du code de commerce ;
– condamner M. [N] à lui payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [N] aux entiers dépens de l’instance et de ses suites et autoriser maître Oriane Dontot, avocat au barreau de Versailles, à en recouvrer le montant pour ceux la concernant, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans son avis notifié par RPVA le 2 mars 2022, le ministère public demande à la cour d’infirmer le jugement, en particulier sur la qualité de dirigeant de fait de M. [N].
Il ajoute sur les sanctions patrimoniale et personnelle que plusieurs fautes de gestion peuvent être retenues à l’encontre de M. [N] : l’absence de déclaration de l’état de cessation des paiements dans le délai légal ; l’absence de tenue d’une comptabilité régulière ; le défaut de paiement des dettes sociales et fiscales et le détournement des actifs de la société Services event. Il souligne que ces fautes sont graves et ont directement contribué à l’aggravation du passif de sorte qu’il demande à la cour de condamner M. [N] au paiement de la somme de 228 367,74 euros à titre de sanction patrimoniale avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation.
Il est d’avis que M. [N] soit condamné à une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer d’une durée minimum de cinq ans au regard des griefs tenant au détournement de tout ou partie de l’actif social, à l’absence de déclaration de l’état de cessation des paiements dans le délai légal et au défaut de tenue d’une comptabilité régulière.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2022.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens de l’appelant, il est renvoyé à ses dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Sur la responsabilité pour insuffisance d’actif :
L’article L.651-2 du code de commerce dispose notamment que lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, peut décider que son montant sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société , sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée.
Sur la qualité de gérant de fait de M. [N] :
La société Alliance, ès qualités, après avoir rappelé que la juridiction saisie sur la direction de fait doit faire reposer son appréciation sur un faisceau d’indices, précise d’abord qu’antérieurement à la création de la société Services event M. [N] a été condamné, en qualité de dirigeant de droit de la société Bati event, à une faillite personnelle d’une durée de dix ans, ce qui ne lui permettait plus d’apparaître comme dirigeant des sociétés ultérieurement créées ; elle se réfère ensuite à l’historique des sociétés dirigées par M. [N] ou par son épouse, détaillé en première partie de ses écritures, pour indiquer notamment que celui-ci a constitué la société Services event afin de poursuivre l’activité de la société Diagonale France dont il a anticipé la défaillance, sous le couvert et avec le concours de M. [R] pour contourner la sanction prononcée, ce dernier ayant confirmé à plusieurs reprises la direction de fait de l’intimé.
Il liste en détail les actes et éléments qui démontrent selon lui l’exercice effectif d’un pouvoir autonome de M. [N] de gestion et d’administration de la société Services event mais également de direction à l’égard des salariés et de représentation à l’égard des tiers et des clients, relevant qu’il ne s’est agi nullement d’actes isolés, chacun de ces actes s’inscrivant dans l’exercice d’un pouvoir global de M. [N] sur l’entreprise, au delà de ses fonctions salariées de responsable d’exploitation.
Le ministère public considère qu’il résulte d’un faisceau d’indices concordants que M. [N] était dirigeant de fait de la société en raison de l’accomplissement d’actes positifs de gestion, de direction et d’administration en toute liberté et indépendance. Il relève notamment que celui-ci, ayant fait l’objet d’une sanction de faillite personnelle pour une durée de dix ans, a conservé ses fonctions de dirigeant soit en constituant des sociétés de droit étranger, soit en exerçant les fonctions d’un simple opérationnel dans les sociétés qu’il a constituées qui ont toutes été dissoutes ou liquidées judiciairement ; que de plus, M. [N] qui avait l’usage exclusif et permanent de la carte bancaire de la société Services event et dont la qualité de gérant de fait a été dénoncée à plusieurs reprises par le dirigeant de droit qui a déposé plainte à la suite de menaces dont il a déclaré avoir été l’objet, a été le bénéficiaire direct ou indirect de flux financiers anormaux ayant appauvri cette dernière, les sociétés qu’il a créées entretenant des relations financières croisées avec la société Services event ; qu’en outre, M. [N] percevait la rémunération la plus élevée au sein de la société et bénéficiait d’un coefficient, d’un échelon et d’un niveau inexistants sans jamais les avoir contestés, ajoutant qu’il n’était pas salarié dans la société et qu’il n’a perçu aucun versement de l’AGS ; qu’il exerçait des fonctions de représentation de la société Services event auprès des tiers, certaines factures ayant été établies avec comme numéro de l’entreprise le numéro de M. [N] et qu’enfin la comptable de la société qui lui a remis sa démission le considérait comme son employeur.
Il résulte de l’article 472 du code de procédure civile que si en appel, l’intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, la cour ne faisant droit aux prétentions de l’appelant que dans la mesure où elle les estime régulières, recevables et bien-fondées.
Ainsi, pour statuer sur l’appel lorsque l’intimé n’a pas conclu, la cour doit examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.
En première instance, M. [N] qui était représenté par son conseil, a contesté avoir eu la qualité de dirigeant de fait de la société Services event en critiquant les indices allégués par son liquidateur judiciaire.
La direction de fait d’une personne morale suppose de démontrer l’exercice en toute indépendance d’une activité positive de gestion ou de direction, étant souligné que la qualité de gérant de fait n’est pas exclusive d’une relation de travail salarié. Doivent être démontrés par le liquidateur judiciaire qui l’allègue des faits précis de nature à caractériser l’immixtion de la personne poursuivie dans la gestion de société se traduisant par une activité positive et indépendante.
Il ressort des éléments du dossier que :
– gérant de la société Bati event dont la liquidation judiciaire a été prononcée le 31 mars 2014 puis dirigeant de la société de droit britannique MV tech du 15 juillet 2014 au 16 janvier 2018, date de sa dissolution et impliqué également avec son épouse dans la société de droit britannique Diagonale events créée le 10 février 2015 dont le liquidateur judiciaire a indiqué qu’elle a été dissoute le 10 novembre 2016, M. [N] a été responsable d’exploitation au sein de la société Diagonale France, constituée le 1er juin 2015 en vue d’exploiter des activités de soutien au spectacle vivant et dirigée par M. [R] ; ce dernier, d’après le rapport du liquidateur judiciaire daté du 4 mai 2020, présidait auparavant la société JM3CE intervenant dans le même domaine du spectacle vivant, créée le 18 novembre 2013 et radiée le 8 décembre 2016 ;
– la société Services event, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre à compter du 1er février 2016, a débuté son activité, similaire à celle des sociétés Bati event et Diagonale France, le 5 décembre 2015 d’après son extrait Kbis ; le contrat de travail de plusieurs salariés de la société Diagonale France a d’ailleurs été transféré à la société Services event à compter du 1er mai 2016 selon avenants versés aux débats ; elle était présidée par M. [R], titulaire de l’intégralité des parts sociales ;
– si aucun contrat de travail n’a été signé entre la société Services event et M. [N], une déclaration préalable à l’embauche a été adressée à son nom à l’Urssaf le 24 février 2016 ; des bulletins de salaire ont aussi été établis le concernant en qualité de responsable d’exploitation, étant précisé qu’il a également bénéficié d’une reprise de son ancienneté au 1er septembre 2015 comme indiqué sur son bulletin de salaire de mai 2016 ; le dirigeant de l’entreprise, M. [R], dans son audition lors d’une plainte déposée le 19 juin 2017 pour dénoncer des menaces de la part de certains de ses salariés, a confirmé la fonction salariée de M. [N] en qualité de ‘chef d’exploitation et également chef de chantier’, précisant que celui-ci était constamment en relation avec les salariés; il a aussi déposé plainte à l’encontre de M. [N] le 29 juillet 2017 suite à des menaces de ce dernier pour qu’il lui rende ses affaires se trouvant dans son bureau, dont une tour d’ordinateur contenant les informations de la société Services event ; dans une main courante effectuée deux jours avant, il indique que M. [N] effectuait le règlement des salaires en qualité de chef d’exploitation ;
M. [N] était un des derniers salariés en poste au sein de l’entreprise lors de l’ouverture de la procédure collective et a fait l’objet d’un licenciement économique par le liquidateur judiciaire qui indique aussi qu’ayant contesté la qualité de salarié de l’intimé, celui-ci n’a perçu aucune somme de l’AGS ;
– trois cartes bancaires étaient attachées au compte bancaire de la société Services event, deux étaient établies au nom de salariés, MM. [O] et [S], et la troisième au nom du dirigeant de droit ; il a été confirmé par M. [N], dans ses conclusions de première instance, qu’il disposait de l’usage de cette carte bleue avec l’accord du dirigeant, M. [R] ayant précisé devant les services de police que celui-ci était en possession de la carte bancaire de l’entreprise pour un usage professionnel (déplacements, frais de carburant, avances sur salaire et paiements des avances des repas) et notamment à chacun de ses déplacements depuis le début de la société ;
– d’après un mail de la comptable de la société Services event, daté du 20 mai 2016, celle-ci a contacté M. [N] pour ‘transmettre à [O] pour vérification’ une facture d’hébergement jointe
au mail dont l’objet était ‘ vérification pour eq Avoriaz’, la comptable indiquant également ‘S’il peut payer c’est mieux sinon il faudra redonner la cb de JM par téléphone’ ;
– M. [N] a souscrit auprès de la société Free un abonnement téléphonique pour une ligne fixe à l’adresse de la société Services event, les factures de téléphone versées aux débats, émises entre le 2 janvier et le 2 juin 2017, mentionnant en qualité d’abonné ‘ [N] [J] (services event)’ et l’adresse de la société comme lieu de l’installation de la ligne portant le numéro [XXXXXXXX01] ; ‘l’adresse email de contact’ d’après les factures était ‘[Courriel 9]’ , étant précisé qu’elles étaient prélevées sur le compte de la société Services event d’après les références bancaires qui y figurent ; M. [R], lors de son audition à l’occasion de sa déclaration de main courante du 27 juillet 2017, a précisé que M. [N] possédait les identifiants de connexion de cette adresse ;
– une facture de la société Services event, datée du 18 novembre 2016, a été adressée à une société cliente, la société Span tech, sur laquelle le numéro de téléphone de la société correspondait, d’après le grand livre des comptes, au numéro de portable attribué à M. [N] au sein de la société, à savoir le [XXXXXXXX02] ;
– il est communiqué en appel une seconde facture de la société Services event, datée du 21 septembre 2016 et adressée à la même cliente, sur laquelle le numéro de la société, [XXXXXXXX03], est un numéro de portable qui ne correspond à aucune des lignes téléphoniques dont l’abonnement a été souscrit au nom de la société liquidée au vu du courrier de résiliation adressé par la société SFR le 7 décembre 2017 ; d’après un mail daté du 13 juillet 2017 envoyé notamment à M. [R] dans lequel M. [N] se demande ‘ qui a coupé les lignes SFR ” et le mail précité en date du 20 mai 2016, ce dernier disposait de ce numéro en plus du numéro de portable attribué par la société ;
– cette société Span tech était débitrice de plusieurs factures auprès de la société Services event comme en témoignent la lettre de mise en demeure adressée par le conseil de la société le 4 juillet 2017 et le grand livre portant sur l’exercice 2017 faisant état d’un solde débiteur de 27 075 euros ; d’après un mail adressé le 6 décembre 2017 par M. [N] à l’étude du liquidateur, il a cumulé, à compter du 13 février 2017, son emploi au sein de la société liquidée avec un emploi à temps partiel de ‘responsable de planning, chef d’atelier (gestion du stock) au sein de la société Span tech ;
– de même, aux termes de l’exercice 2017, la société MV tech dirigée par M. [N], n’avait réglé aucune des factures émises par la société Services event à son nom pour un total de 30 430 euros ; dans son rapport daté du 4 mai 2020, le liquidateur judiciaire indique que la société Services event travaillait en sous-traitance notamment pour ces deux sociétés ;
– lorsque la comptable de la société Services event a donné sa démission par lettre du 30 novembre 2016, elle l’a adressée non seulement au dirigeant de droit mais également à ‘M. [N], responsable d’exploitation’ ; outre qu’elle y déplorait ‘les problèmes constants de trésorerie rencontrés depuis des années sur l’activité’, elle y évoquait aussi son ancienneté de ‘+ de 5 ans au service de M. [N] et ses différents associés, au fil des sociétés Bati event, Mondial expo, Diagonale et Services event’ pour solliciter une indemnité de rupture de 6 000 euros ;
– un salarié de la société Services event, comme indiqué par l’intimé en première instance d’après le rappel de ses moyens effectué par le tribunal, a attesté que seul M. [R] avait la charge des salaires et des questions administratives ;
– dans son rapport établi le 4 mai 2020, le liquidateur judiciaire indique que lors du rendez-vous fixé à M. [R] le 20 mars 2918, celui-ci lui a fait part de la découverte de ‘ malversations orchestrées par M. [N] ‘ et que celui-ci ‘officiellement chef d’exploitation de la société Services event, était en réalité le dirigeant de fait de la société, aurait détourné des encaissements clients à son insu et désorganisé l’entreprise en pilotant les activités à son profit’.
M. [N], s’il n’est pas prouvé qu’il avait l’usage exclusif de la carte bancaire établie au nom de M. [R], bénéficiait cependant d’une autonomie certaine pour utiliser cette carte et pouvait librement en disposer pour des dépenses effectuées au sein de la société Services event, même s’il n’était titulaire d’aucune procuration sur les comptes bancaires.
Si l’affirmation du dirigeant de droit selon laquelle M. [N] réglait les salaires est contredite par l’attestation d’un salarié dont aucun élément du dossier ne permet de mettre en doute l’objectivité contrairement à ce qui est prétendu par le liquidateur judiciaire, il n’en demeure pas moins que M. [N] pouvait agir en toute indépendance au sein de la société Services event puisqu’il a souscrit un abonnement téléphonique à son nom et à celui de la société pour une ligne téléphonique dont l’adresse électronique de contact était la boîte structurelle de la société, cet abonnement facturé auprès de la société et toujours en cours à l’ouverture de la procédure collective excédant les prérogatives dont il disposait en qualité de responsable d’exploitation.
De plus, il intervenait en qualité de représentant de la société à l’égard de certains clients dans la mesure où le numéro téléphonique indiqué comme étant celui de la société sur les deux factures communiquées était en réalité sa ligne téléphonique portable au sein de la société ou une ligne qui lui était personnelle ; il se présentait ainsi en qualité d’interlocuteur pour le paiement de ces factures, prérogative relevant du pouvoir de direction du dirigeant.
En outre le fait que demeurent impayées les factures dont la société Services event était créancière à l’égard de la société MV tech que M. [N] dirigeait et de la société Span tech dont il était salarié, démontre également le pouvoir dont il disposait sur la gestion du compte client de la société.
Enfin, le fait que la comptable lui ait également adressé sa lettre de démission pour solliciter le paiement d’une indemnité de rupture prouve également le pouvoir qui était le sien quand à la gestion des contrats de travail des salariés.
Ces éléments pris dans leur ensemble et associés au rôle de direction que M. [N] a eu dans plusieurs sociétés ayant la même activité et qu’il ne pouvait plus exercer en qualité de dirigeant de droit du fait de la faillite personnelle dont il a fait l’objet juste avant la création de la société Services event par jugement du 16 novembre 2015, démontrent son immixtion dans la gestion de la société et son indépendance.
Il convient, infirmant le jugement, de retenir la qualité de dirigeant de fait de M. [N].
Sur les fautes de gestion et leur lien avec l’insuffisance d’actif :
Il ressort des écritures soutenues en première instance dans l’intérêt de M. [N] que celui-ci ne contestait pas le montant de l’actif et du passif détaillés dans le rapport du liquidateur judiciaire établi en mai 2020 et pris en compte par le tribunal pour indiquer que l’insuffisance d’actif s’élève à la somme de 228 367,74 euros qui sera retenue par la cour.
Les moyens invoqués par le liquidateur seront détaillés à propos de chacune des fautes de gestion reprochées à M. [N] qui a pour l’essentiel observé en première instance qu’aucune de ces fautes ne pouvait lui être reprochée dans la mesure où il n’était pas dirigeant de fait, affirmant en outre que le liquidateur judiciaire ne caractérisait pas de faute de gestion et ne démontrait pas le lien de causalité entre ces prétendues fautes et l’insuffisance d’actif.
Sur la déclaration tardive de l’état de cessation des paiements :
La société Alliance, ès qualités, après avoir observé que la date de cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture est définitive, fait valoir pour l’essentiel que l’antériorité des créances déclarées au passif de la société Services event confirme la connaissance de l’état de cessation des paiements par ses dirigeants de droit et de fait qui étaient informés de l’insuffisance de la trésorerie à tout le moins dès le mois de novembre 2016. Elle ajoute que la défaillance de M. [N] qui n’a pas respecté le délai de 45 jours pour déclarer l’état de cessation des paiements, prescrit par l’article L.640-4 du code de commerce, caractérise une faute de gestion qui a contribué, d’après les déclarations de créances, à la naissance d’un passif supplémentaire d’un montant minimum de 203 391,79 euros correspondant à 89 % du montant de l’insuffisance d’actif, soulignant que la responsabilité du dirigeant de fait est identique à celle du dirigeant de droit.
Selon l’article L.640-4 du code de commerce, l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, s’il n’a pas dans ce délai demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.
Le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours s’apprécie au regard de la date de cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture ou dans un jugement de report.
En l’espèce, le jugement d’ouverture qui est définitif l’a fixée au 14 février 2017 de sorte que la déclaration de cessation des paiements aurait dû être déposée au plus tard le 1er avril 2017.
La cessation des paiements n’a été déclarée par le dirigeant de droit que le 2 août 2017 d’après le jugement d’ouverture de la procédure collective de sorte que le retard dans la déclaration de cessation des paiements est établie à l’encontre du dirigeant de fait, comme elle a été retenue par le tribunal à l’égard du dirigeant de droit.
Il ressort des déclarations de créances versées aux débats que :
* la créance fiscale, déclarée à titre définitif à hauteur de 28 896 euros, correspond pour partie à la TVA des mois de juin et juillet 2017 qui représente un montant de 13 113 euros ;
* la créance déclarée par l’Urssaf à hauteur de 62 965 euros d’après sa déclaration de créance rectificative, correspond pour partie aux cotisations impayées en avril, mai, juillet et août 2017, exigibles postérieurement au 1er avril 2017, à hauteur de 12 866 euros ;
* la créance d’Humanis déclarée à hauteur de 45 211,99 euros correspond, à hauteur de 31 731,99 euros aux cotisations du 3ème trimestre 2017 ;
* les cotisations d’assurance impayées à la société Generali qui les a déclarées pour 2 156,92 euros correspondent à hauteur de 1 441,77 euros aux cotisations qui ont pris effet du 1er juin au 1er août 2017 ;
* la créance de l’ACMS déclarée à hauteur de 1 638,90 euros correspond aux cotisations de l’année 2017 exigibles à compter du 3 avril 2017 ;
* d’après la déclaration de créance de la société Natixis, les échéances d’un contrat de crédit-bail conclu par la société Services event sont demeurées impayées à compter du 13 juin 2017 de sorte que l’insuffisance d’actif s’en est trouvée aggravée d’au moins 24 603,86 euros.
Ainsi, du fait du retard apporté dans la déclaration de cessation des paiements, l’insuffisance d’actif a augmenté d’au moins 85 395,52 euros alors que l’actif n’a pas été renforcé dans le même temps, étant précisé qu’il n’est pas démontré le lien entre le retard apporté à la déclaration des paiements et la totalité de la créance de l’AGS évoquée par le liquidateur judiciaire à hauteur de la somme de 78 125,12 euros.
Compte tenu de la répétition des impayés et de leur ancienneté, les créances d’Humanis et de l’Urssaf n’étant plus régulièrement payées depuis l’été 2016, le retard apporté à la déclaration de cessation des paiements constitue non pas une négligence mais une faute de gestion imputable également au dirigeant de fait qui n’ignorait pas de surcroît, à la lecture de la lettre du 20 novembre 2016 de la comptable de la société, que celle-ci subissait au terme de l’exercice 2016 un ‘défaut de trésorerie conséquent’.
La faute de gestion de M. [N] et son lien avec l’insuffisance d’actif sont par conséquent démontrés.
Sur le défaut de paiement des dettes sociales et fiscales :
Le liquidateur judiciaire qui souligne que le passif de la société Services event est composé à 87,60% de créances de nature fiscale et sociale, en ce compris la créance de l’AGS, d’un montant total de 204 329,11 euros, fait valoir que l’antériorité des créances fiscales et sociales et leur nécessaire connaissance par M. [N] que révèlent les nombreux privilèges inscrits à la requête des organismes sociaux démontrent qu’il a persisté à exploiter la société au moyen du non paiement de ces créanciers, ce qui caractérise une faute de gestion.
Les déclarations de créance précitées et les éléments du dossier, les créances privilégiées n’ayant pas été contestées, établissent que M. [N], en sa qualité de dirigeant de fait, ne s’est pas acquitté de ses obligations en matière fiscale et sociale dans la mesure où demeurent impayées la somme de 28 896 euros déclarée par l’administration fiscale, celle de 45 211,99 euros déclarée par Humanis ainsi que les sommes de 52 095,40 euros et 78 125,12 euros invoquées par le liquidateur judiciaire et retenues par le tribunal s’agissant des créances de l’Urssaf et de l’AGS, toutes admises pour le calcul de insuffisance d’actif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation .
Le non paiement des créances sociales et fiscales est ainsi caractérisé et constitue une faute de gestion qui ne peut pas s’analyser en une simple négligence au regard du nombre et du montant des créances impayées. Il a nécessairement contribué à l’insuffisance d’actif alors que l’actif n’a pas été renforcé dans le même temps de sorte que cette faute de gestion et son lien avec l’insuffisance d’actif sont également démontrés.
Sur la comptabilité irrégulière :
Le liquidateur judiciaire, après avoir rappelé les dispositions des articles L.123-12 et L.123-14 du code de commerce et la jurisprudence en la matière, fait valoir que les comptes annuels au titre de l’exercice 2016 n’ont jamais été établis et que la comptabilité au titre du même exercice n’a pas été tenue conformément aux normes légales, ce que M. [N] n’a pu ignorer pour en avoir été informé à tout le moins depuis le 30 novembre 2016.
Les articles L.123-12 à L.123-28 et R.123-172 à R.123-209 du code de commerce imposent aux commerçants personnes physiques et personnes morales la tenue d’une comptabilité donnant une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise, au moyen de la tenue d’un livre journal, d’un grand livre et d’un livre d’inventaire ; les mouvements doivent être enregistrés chronologiquement au jour le jour et non en fin d’exercice, seuls les comptes annuels étant établis à la clôture de l’exercice.
Il ressort du rapport précité du liquidateur judiciaire que la comptabilité de la société Services event a été tenue en interne par la comptable jusqu’à sa démission par lettre remise en main propre le 30 novembre 2016 et qu’ensuite un cabinet d’expertise comptable a repris le suivi comptable de la société ; celui-ci a remis divers documents sociaux et comptables au liquidateur qui a précisé avoir reçu le grand livre global et la balance globale au titre des exercices 2016 et 2017, la balance des clients et fournisseurs tout en soulignant que le bilan au titre de l’exercice arrêté au 31 décembre 2016 ne lui a pas été remis.
Ce bilan n’a pas davantage été communiqué en première instance ; de plus le cabinet d’expertise a constaté que les ‘flux injustifiés étaient nombreux’ et la comptable dans sa lettre de démission souligne que ‘concernant la comptabilité il est impératif qu’elle soit faite dorénavant sur un logiciel aux nouvelles normes fiscales’.
Il est ainsi suffisamment démontré que le dirigeant de fait, qui avait l’obligation, comme le dirigeant de droit, au contraire de ce qu’a considéré le tribunal, de s’assurer de la tenue d’une comptabilité régulière et de sa sincérité a failli à cette obligation légale ; son non respect constitue non pas une négligence mais une faute de gestion qui a nécessairement contribué à l’insuffisance d’actif et au retard dans la déclaration de cessation des paiements dans la mesure où le dirigeant, de droit comme de fait, en l’absence d’une comptabilité complète et régulière, se prive d’un outil essentiel lui permettant d’apprécier l’évolution de la situation de son entreprise.
Là encore ce grief et son lien avec l’insuffisance d’actif sont démontrés.
Sur le détournement des actifs :
Le liquidateur judiciaire soutient que l’analyse d’une part des grands livres des comptes de la société Services event et d’autre part des relevés de compte bancaire de cette dernière dont il considère qu’ils constituent des pièces suffisamment probantes, a mis en évidence des paiements effectués durant l’exercice 2016 au profit des sociétés Diagonale France et Mondial expos services en précisant que M. [N] était dirigeant de fait de cette dernière, la réalisation de prestations au profit de la société MV-tech dirigée par M. [N] alors que la société Services event en a supporté le coût sans en être payée, l’existence, à compter du mois d’avril 2016, de dépenses réglées au moyen des cartes bancaires de la société pour un montant total substantiel de 134 494,82 euros dont le détail exclut qu’elles aient pu être exposées pour les besoins de l’activité de l’entreprise ainsi qu’enfin des retraits en espèce d’un montant total de 17 190 euros, sans justification pour l’entreprise, observant aussi que nombre de dépenses ont été effectuées à [Localité 8] où réside M. [N]. Il soutient que chacun de ces faits constitue une faute de gestion ayant contribué à la naissance ou à l’aggravation de l’insuffisance d’actif.
M. [N] a indiqué dans ses conclusions de première instance, à propos de la gestion de fait, qu’il n’avait aucun accès aux comptes bancaires ou à la comptabilité de l’entreprise et qu’aucun élément ne prouve que tous les retraits aient été effectivement réalisés par lui.
Il ressort des conclusions du liquidateur judiciaire que le paiement de la société Diagonale France par la société Services event a été effectué au vu de factures des 31 mars et 30 avril 2016 ; s’il indique qu’elles ont été émises immédiatement avant le transfert des salariés à la société Services event et la mise en sommeil de la société Diagonale France, à compter du mois d’août 2016, il ne prouve pas ainsi suffisamment l’absence de contrepartie à ces facturations de sorte qu’il ne peut être retenu un détournement d’actif de ce chef.
S’agissant des factures réglées à la société Mondial expo au cours de l’exercice 2016 pour un montant total de 26 600 euros sur des prestations de régie facturées à hauteur de la somme totale de 26 700 euros, l’examen du grand livre des comptes de la société Services event révèle que les paiements ont été effectués au cours de l’exercice 2016 jusqu’au 22 novembre pour le dernier d’un montant de 1 200 euros et que la dernière facture, d’un montant de 1 440 euros, a été émise le 30 novembre 2016. Si le dernier règlement et la dernière facture sont intervenus postérieurement à la liquidation judiciaire de la société Mondial expo, prononcée le 17 novembre 2016, il ne peut pour autant être conclu à l’existence d’un détournement d’actif imputable à M. [N] à hauteur de la somme de 26 600 euros, rien ne démontrant que les factures n’aient pas correspondu à des prestations réalisées avant l’ouverture de la procédure collective ; il ne ressort pas en outre des éléments communiqués que M. [N] ait été le dirigeant de fait de cette société dont il a été directeur technique d’après la pièce 15-1 de l’appelante.
Il est exact, à l’examen du grand livre des comptes de la société Services event que celle-ci, alors qu’elle a réalisé plusieurs prestations facturées à la société MV tech, dirigée par M. [N], n’en a pas été réglée ; le défaut de recouvrement de ces factures ne constitue pas un détournement d’actif.
S’agissant des dépenses opérées sur le compte de la société avec la carte bancaire que M. [N] utilisait avec l’accord du dirigeant de droit, il ressort des relevés bancaires de la société Services event et notamment du récapitulatif effectué chaque mois des débits opérés au moyen des trois cartes bancaires fonctionnant sur son compte, que le montant des débits attachés à la carte dont M. [N] disposait (carte numéro 920032377) s’est élevé non pas à la somme de 134 494,82 euros mais à celle de 72 929,86 euros pour la période d’avril 2016 à mai 2017 ; il ne peut lui être imputé les dépenses effectuées au moyen des cartes bancaires attribuées à deux autres salariés de la société, s’élevant respectivement à 31 780,24 euros et 30 333,18 euros, étant observé s’agissant des débits opérés avec la carte utilisée par M. [N], que le dirigeant de droit a confirmé devant les services de police que celui-ci était en possession de la carte bancaire de l’entreprise ‘pour un usage professionnel (déplacements, frais de carburant, avances sur salaire et paiements des avances des repas)’.
Si le liquidateur judiciaire affirme que le détail de ces dépenses exclut qu’elles aient pu être exposées pour les besoins de l’entreprise dès lors qu’elles concernent des ‘locations de vacances, repas et dépenses alimentaires personnelles, billets d’avions à l’étranger…’, ajoutant que ‘nombre de dépenses ont été effectuées à [Localité 8] où réside M. [N] et concernent des dépenses qui lui sont strictement personnelles’, il convient cependant de remarquer que la somme de 72 929,86 euros correspond à l’intégralité des dépenses effectuées au moyen de la carte bancaire et correspond pour partie, au vu des intitulés des opérations débitrices, à des dépenses en rapport avec l’activité professionnelle de M. [N] qui se déplaçait sur ‘les chantiers’ et s’inscrit dans l’usage autorisé par le dirigeant de droit ; l’examen des relevés de compte ne permet pas en outre de relever des dépenses significatives effectuées à [Localité 8].
M. [N] a par ailleurs indiqué dans ses conclusions de première instance que M. [R] était ‘le seul à utiliser la carte bancaire pour réaliser les dépenses de la société, souvent par téléphone’.
De plus, si l’expert-comptable de la société Services event, dans un message électronique en date du 4 septembre 2017, y évoque, concernant M. [N]’, ‘des flux injustifiés nombreux’, il y précise aussi qu’il s’agit ‘majoritairement des retraits en espèces, même si parmi les dépenses, il y a nombre de justificatifs de notes de restaurant à proximité de son domicile avec des repas enfants et parfois des achats personnels comme des vêtements chez Hugo Boss’.
Au vu de ces éléments et dans la mesure où le dirigeant pouvait effectuer de façon dématérialisée des dépenses à l’aide de cette carte qui était à son nom, la preuve n’est pas suffisamment rapportée que les dépenses évoquées par le liquidateur judiciaire ont été effectuées par M. [N] dans son intérêt personnel et non par le dirigeant de droit, titulaire de la carte litigieuse.
Dès lors qu’en revanche M. [N] confirme avoir eu la carte bancaire de la société en sa possession et que les débits en espèce dont il n’a pas discuté le quantum de 17 190 euros ne peuvent être réalisés que par celui qui dispose de la carte bancaire, celui-ci ne peut valablement prétendre s’exonérer en affirmant qu’aucun élément ne prouve que tous les retraits aient été effectivement réalisés par lui.
Rien ne démontrant que ces retraits ont été opérés pour faire face à des dépenses exposées dans l’intérêt de la société, il s’agit d’un détournement d’actif imputable à M. [N].
Compte tenu du caractère volontaire de ces retraits d’espèce qui ont impacté l’actif de la société liquidée, une faute de gestion et non une simple négligence est caractérisée à l’encontre de M. [N], laquelle a nécessairement contribué à l’insuffisance d’actif.
Sur la sanction pécuniaire :
La société Alliance, ès qualités, fait valoir que chacune des fautes commises par M. [N], conjointement avec le dirigeant de droit dont la responsabilité pour insuffisance d’actif a déjà été retenue, est à l’origine de la totalité de l’insuffisance d’actif de la société Services event qui représente presqu’une année de chiffre d’affaires, observant que leur gravité exclut qu’elles aient pu intervenir du seul fait de la simple négligence de M. [N].
En première instance, M. [N], pour le cas où sa responsabilité dans l’insuffisance d’actif serait engagée, a fait état de la nécessité de prendre en compte le principe de proportionnalité ; il a évoqué sa situation précaire depuis qu’il a été licencié en précisant dans ses conclusions du 23 septembre 2021 qu’il n’était dirigeant d’aucune société, qu’il n’avait pas retrouvé de nouvel emploi, la crise sanitaire actuelle ayant mis en péril le secteur de l’événementiel et que son avis d’imposition relatif aux revenus de l’année 2019 démontrait qu’avec son épouse ils n’avaient aucun revenu.
M. [N] qui n’a pas constitué avocat en appel n’a pas communiqué d’éléments sur sa situation personnelle, professionnelle et financière, en particulier concernant son dernier avis d’imposition sur les revenus 2020 ; la cour ne dispose pas d’éléments sur son patrimoine.
Au regard du nombre et de la gravité des fautes retenues par la cour et de leur lien avec l’insuffisance d’actif, il est justifié, infirmant le jugement, de condamner M. [N] à payer à ce titre entre les mains du liquidateur judiciaire, ès qualités, la somme de 75 000 euros ; s’agissant d’une créance de nature indemnitaire, cette condamnation, en application du dernier alinéa de l’article l’article 1231-7 du code civil, portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
Sur la sanction personnelle :
Le liquidateur judiciaire, au visa des articles L.653-8, L. 653-4 3° et L.653-5 6° du code de commerce, conclut à l’infirmation du jugement et sollicite le prononcé d’une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer à l’égard de M. [N] pour une durée d’au moins cinq années.
Dans ses conclusions de première instance, M. [N], après avoir souligné à titre principal qu’il ne pouvait faire l’objet d’aucune sanction dès lors qu’il était salarié et n’avait aucun droit de regard sur la comptabilité, fait valoir que quand bien même il serait considéré comme un dirigeant de fait cette sanction serait inadaptée au regard du principe de proportionnalité et de la sanction déjà prononcée à son encontre par jugement du 16 novembre 2015.
La sanction prononcée doit être proportionnée à la gravité des fautes commises.
Les éléments précédemment détaillés établissent que M. [N] a fait des biens ou du crédit de la société Services event un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles par les retraits d’espèces qu’il a opérés et qu’il a tenu une comptabilité manifestement incomplète, voire irrégulière au regard des dispositions applicables, faits qui sont respectivement sanctionnées par les articles L.653-4 3° et L. 653-5 6° du code de commerce.
M. [N] qui est âgé de 51 ans ne justifie pas de sa situation professionnelle actuelle.
Au regard de la gravité des fautes et du fait qu’il n’a pas tenu compte d’une précédente sanction personnelle prononcée à son encontre, il convient, infirmant le jugement, de prononcer à son encontre une faillite personnelle d’une durée de cinq ans.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt réputé contradictoire, dans les limites de l’appel,
Infirme le jugement du 8 décembre 2021 ;
Statuant à nouveau,
Dit que M. [J] [N] était dirigeant de fait de la société Services event ;
Condamne M. [J] [N] à payer à la société Alliance, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Services event, la somme de 75 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
Prononce une faillite personnelle d’une durée de cinq ans à l’encontre de M. [J] [N], né le [Date naissance 4] 1971, de nationalité française, demeurant [Adresse 5]) ;
Dit qu’en application des articles 768 et R.69-9° du code de procédure pénale, la présente décision sera transmise par le greffier de la cour d’appel au service du casier judiciaire après visa du ministère public ;
Dit qu’en application des articles L.128-1 et suivants et R.128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l’objet d’une inscription au Fichier national automatisé des interdits de gérer, tenu sous la responsabilité du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce auprès duquel la personne inscrite pourra exercer ses droits d’accès et de rectification prévus par les articles 15 et 16 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;
Condamne M. [J] [N] à payer à la société Alliance, ès qualités, la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [J] [N] aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés, pour ceux dont elle a fait l’avance, par maître Oriane Dontot, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La présidente,