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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 8
ARRÊT DU 13 JUIN 2023
(n° / 2023, 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02908 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFGPX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 janvier 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2020028792
APPELANT
Monsieur [J] [E]
Né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 9] (94)
De nationalité française
Demeurant [Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Me Nicolas DUVAL de la SELEURL NOUAL DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493
INTIMES
SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [M] [P], ès qualités,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 440 672 509,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 7]
Non constituée
Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL – SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL
[Adresse 3]
[Localité 8]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 avril 2023, en audience publique, devant la Cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,
Madame Constance LACHEZE, conseillère,
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Florence DUBOIS-STEVANT dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
MINISTÈRE PUBLIC : L’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par monsieur François Vaissette, avocat général, qui a fait connaître ses conclusions le 1er août 2022, et ses observations orales lors de l’audience .
ARRÊT :
– Rendu par défaut
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE:
La SAS APM invest avait pour objet la restauration traditionnelle et détenait à 100% la société [Adresse 6], à 50 % la SARL 72 FP et à 70% la SARL 80 FP, lesquelles exploitaient des fonds de commerce de restauration. M. [H] [U] était le président de la société APM invest et le gérant des trois sociétés [Adresse 6], 72 FP et 80 FP.
Sur déclarations de cessation des paiements et par jugements du 21 mars 2017, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard des sociétés 72 FP, 80 FP et [Adresse 6] et désigné la SELAFA MJA en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugements du 11 octobre 2017, le tribunal a arrêté les plans de redressement par voie de continuation à l’égard des trois sociétés 72 FP, 80 FP et [Adresse 6]. Ces jugements ont approuvé la cession des parts de ces trois sociétés à MM. [E] et [D], pris acte de la cession des créances en compte courant d’associés et fixé la durée des plans à huit ans. La cession a été régularisée le 23 octobre 2017 entre la SELAFA MJA ès qualités et la société La Compagnie parisienne de restauration créée par M. [E]. M. [D] a contesté avoir présenté une offre de reprise aux côtés de M. [E].
Sur requête du commissaire à l’exécution du plan et par jugements du 15 janvier 2018, le tribunal a résolu les trois plans, prononcé la liquidation judiciaire de chaque société, fixé la date de cessation des paiements pour chaque société au 11 octobre 2017 et désigné la SELAFA MJA en qualité de liquidateur judiciaire.
Sur requête du 23 juillet 2020 du ministère public et par jugement du 18 janvier 2022, le tribunal a prononcé une interdiction de gérer à l’égard de M. [E], en sa qualité de dirigeant de fait de la société 80 FP, pour une durée de deux ans.
Le tribunal a retenu les trois griefs invoqués par le ministère public, à savoir le fait d’avoir fait disparaître des documents comptables, de ne pas avoir tenu la comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation ou d’avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables (art L. 653-5, 6°), seuls les comptes annuels de l’exercice 2015 ayant été présentés, le fait d’avoir, en s’abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure collective, fait obstacle à son bon déroulement (art L. 653-5, 5°), et le fait d’avoir sciemment omis de déclarer la cessation des paiements dans les quarante-cinq jours sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation (art L. 653-8, 3°).
Par déclaration du 4 février 2022, M. [E] a fait appel de ce jugement.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 4 mai 2022 et signifiées à la SELAFA MJA ès qualités le 9 mai 2022, M. [E] demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, statuant à nouveau de juger qu’il n’y a lieu à sanction à son encontre et de dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
Il soutient qu’au 11 octobre 2017, le dirigeant de la société 80 FP était M. [H] [U], que ce dernier n’a pas démissionné de ses fonctions, que le défaut de convocation d’une assemblée générale aux fins de désignation d’un autre gérant ne caractérise pas une gérance de fait, et que le ministère public ne rapporte pas la preuve de ce qu’il aurait commis des actes de gestion positifs en lieu et place de M. [U].
M. [E] expose qu’il a été éloigné de la vie des affaires en décembre 2017 en raison d’une incarcération pour un délit routier, puis en janvier 2018 pour des raisons de santé et qu’un administrateur provisoire a été nommé par ordonnance du 12 janvier 2018 pour les sociétés qu’il dirigeait. Il soutient que ces circonstances l’empêchaient d’entreprendre toutes actions ou régularisations d’actes conformes à ses engagements et que le prononcé d’une sanction à son encontre n’est pas justifié. Il fait en outre valoir qu’une omission volontaire de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal ne peut lui être reprochée, qu’en vue de l’arrêté d’un plan de continuation les organes de la procédure de redressement ont nécessairement eu connaissance des comptes de l’exercice 2016 et qu’ils ont eu communication pendant la période d’observation des comptes mensuels d’exploitation et de trésorerie fournis par le gérant, qu’il appartenait au liquidateur judiciaire de s’adresser à M. [U] alors toujours le dirigeant de droit de la SARL 80 FP et que lui-même n’avait pas vocation à participer à la liquidation judiciaire et ce, alors que le liquidateur judiciaire ne l’a pas considéré comme gérant de fait.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 1er août 2022, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement.
Il soutient que l’existence d’un dirigeant de droit ne fait pas obstacle à ce qu’une tierce personne puisse être qualifiée de dirigeant de fait, que M. [E] a montré un intérêt pour la société 80 FP alors en plan de redressement, qu’il a formulé de nouvelles propositions de plan lors de la procédure en résolution du plan, qu’il a été l’interlocuteur des mandataires judiciaires, ne contestant pas sa qualité de dirigeant, et qu’il s’est engagé à remettre des éléments essentiels à la procédure, comme cela ressort d’un courrier de la SELAFA MJA du 23 janvier 2018.
Le ministère public soutient que M. [E] avait connaissance de la situation obérée de la société, de la nécessité de se conformer à ses obligations et qu’en l’absence de versement des apports, il ne pouvait ignorer la situation de cessation des paiements, que seule la comptabilité de l’année 2015 a été remise mais que les comptes 2016 et 2017 n’ont pas été communiqués, que si M. [E] n’était pas dirigeant sur l’ensemble des exercices, il aurait dû procéder aux régularisations idoines, qu’il ressort des courriers échangés entre le conseil de l’appelant et le liquidateur que M. [E] n’a pas répondu à de nombreuses demandes de sorte que des mises en demeures des 1er février et 5 février 2018 ont dû être émises afin que M. [E] transmette les pièces requises.
La déclaration d’appel a été signifiée à la SELAFA MJA ès qualités le 22 avril 2022 par acte déposé à l’étude de l’huissier. La SELAFA MJA ès qualités n’a pas constitué avocat.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 14 mars 2023.
SUR CE,
La direction de fait d’une personne morale suppose de démontrer l’exercice en toute indépendance d’une activité positive de direction. La charge de la preuve de la direction de fait incombe à celui qui l’invoque, en l’occurrence le ministère public qui soutient que M. [E] a été le gérant de fait de la société 80 FP à compter du 11 octobre 2017, date du jugement ayant arrêté le plan de continuation.
Il sera rappelé que le plan de continuation de la société 80 FP, de même que celui de deux autres sociétés de restauration filiales de la société Apm invest, a consisté en la cession de son capital social à une société à constituer, la société La Compagnie parisienne de restauration, la cession de la créance d’apport en compte courant détenue par la société Apm invest, ancien associé, à MM. [E] et [D] et le règlement du passif en huit annuités.
M. [D] a contesté s’être engagé aux côtés de M. [E] et, le 2 janvier 2018, le conseil de M. [E] a informé les mandataires de justice que son client n’était plus en mesure d’exécuter les conditions du « plan de cession et de reprise » ni de gérer les fonds de commerce, dont celui de la société 80 FP. Dans son jugement prononçant la résolution du plan, le tribunal a retenu dans ses motifs que M. [E] « n’assurait pas la direction de l’affaire ».
Les courriers du liquidateur des 1er et 5 février et du 8 juin 2018 adressés à M. [E] et le mettant en demeure de transmettre les pièces réclamées par courrier du 23 janvier 2018, réclamant la liste des créances puis les éléments en sa possession concernant les créances fiscales et les tickets restaurant pour procéder à leur recouvrement sont restés sans réponse. Il ressort du rapport du liquidateur judiciaire, versé aux débats par le ministère public, que M. [E] a seulement, par courriel du 12 février 2018, répondu ne pas pouvoir se déplacer à un rendez-vous donné par le commissaire-priseur.
Les déclarations du conseil de M. [E] au liquidateur, consignées dans ce même rapport, qui tendaient seulement à donner des explications sur la situation de M. [E] puis les suites données au jugement d’arrêté du plan, ne peuvent valoir preuve d’actes positifs de gestion et ce, d’autant moins que M. [E] a été incarcéré en décembre 2017, qu’il était dans l’incapacité de gérer les entreprises, ce qui n’est pas contesté par le ministère public, et que le tribunal a lui-même relevé, dans le jugement de résolution du plan, que M. [E] n’assurait pas la « direction de l’affaire ».
Ainsi le ministère public, qui se borne à produire sa requête en sanction, le rapport du juge-commissaire, les jugements d’arrêté du plan de continuation et de résolution du plan, un extrait K-bis, un état des inscriptions de privilège, la correspondance entre le liquidateur judiciaire et M. [E] et le rapport du liquidateur judiciaire, ne rapporte pas la preuve d’actes positifs de gestion en toute indépendance de la société 80 FP commis par M. [E].
Il s’ensuit que le jugement dont appel doit être infirmé en toutes ses dispositions et le ministère public débouté de ses demandes.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par défaut,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Déboute le ministère public de ses demandes ;
Laisse les dépens de première instance et d’appel à la charge du trésor public.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT