Géolocalisation : 18 janvier 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/00071

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Géolocalisation : 18 janvier 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/00071
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18 janvier 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
20/00071

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

————————–

ARRÊT DU : 18 JANVIER 2023

PRUD’HOMMES

N° RG 20/00071 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LMUY

Monsieur [P] [Z]

c/

SAS EIFFAGE CONSTRUCTION NORD AQUITAINE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 décembre 2019 (R.G. n°F 19/00367) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d’appel du 07 janvier 2020,

APPELANT :

Monsieur [P] [Z]

né le 24 Décembre 1962 à [Localité 4] ([Localité 4]) de nationalité Française

Profession : Gestionnaire approvisionnement, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Philippe LAFAYE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SAS Eiffage Construction Nord Aquitaine, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 328 833 546

représentée par Me Christophe BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 12 décembre 2022 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [P] [Z], né en 1962, a été engagé en qualité de gestionnaire des approvisionnements, qualification ETAM niveau A de la convention collective nationale du bâtiment par la SAS Eiffage Construction Nord Aquitaine, par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (90,93 heures/mois) à compter du 2 mars 2011.

A compter du 2 mai 2011, la durée mensuelle du travail a été portée à 152 heures en raison du remplacement partiel d’un autre salarié sur deux mois, ayant donné lieu à un avenant à son contrat de travail le 20 mai 2011.

M.[Z] a par la suite conservé un emploi à temps plein ayant donné lieu à un autre avenant à son contrat de travail le 21 juillet 2011 et à un avenant du 29 novembre 2012.

A compter du 4 mai 2015, M. [Z] a été nommé gestionnaire véhicules Sud-Ouest.

En cette qualité, il s’est vu confier la gestion de la flotte automobile pour l’ensemble de la région Sud-Ouest et celle des téléphones portables ainsi que des vêtements de travail du personnel de la société.

Lors d’un entretien individuel avec sa hiérarchie en date du 31 mai 2017, M. [Z] a demandé qu’une évolution de sa situation soit envisagée, à laquelle son responsable a été favorable mais il n’y a pas eu de suite.

Pendant toute la durée du contrat de travail, la qualification du salarié est demeurée ETAM niveau A, correspondant au premier niveau de la catégorie employés.

A compter du 26 janvier 2018, M. [Z] a été placé en arrêt de travail pour maladie jusqu’au 27 avril 2018.

Suite au courrier de demande de rupture conventionnelle du 5 avril 2018 de M. [Z], les parties ont convenu de mettre un terme au contrat de travail par l’intermédiaire d’une rupture conventionnelle, intervenue le 8 juin 2018.

La rémunération mensuelle brute moyenne sur les trois derniers mois de M. [Z] s’élevait à la somme de 1.857,57 euros.

Estimant qu’il était fondé à revendiquer la qualification ETAM niveau F de la convention collective applicable et sollicitant, outre des rappels de salaires, des congés payés et des dommages et intérêts, M. [Z] a saisi le 8 mars 2019 le conseil de prud’hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 20 décembre 2019, a :

– débouté M. [Z] de l’intégralité de ses demandes,

– condamné M. [Z] à verser la somme de 50 euros à la société Eiffage Construction Nord-Aquitaine au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [Z] aux dépens,

– rejeté les autres demandes.

Par déclaration du 7 janvier 2020, M.[Z] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 mai 2021, M. [Z] demande à la cour de dire recevable et fondé son appel interjeté à l’encontre du jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bordeaux le 20 décembre 2019, de réformer le jugement en toutes ses dispositions et de

A titre principal,

– juger qu’il relève de la qualification ETAM niveau F de la classification conventionnelle,

– condamner la société Eiffage Construction Nord Aquitaine à lui payer les sommes de : * 20.225,78 euros à titre de rappel de salaire pour la période de juin 2015 à décembre 2017,

* 2.022,57 euros au titre des congés payés afférents,

* 485,41 euros au titre de l’incidence du rappel de salaire sur la prime de vacances,

* 1.263,53 euros au titre de l’incidence du rappel de salaire sur la prime de 13ème mois,

* 2.793,29 euros au titre de l’incidence du rappel de salaire sur l’indemnisation de l’arrêt maladie de janvier à mai 2018 inclus ;

Subsidiairement,

– juger qu’il relève de la qualification d’ETAM niveau E de la classification conventionnelle,

– condamner la société Eiffage Construction Nord Aquitaine à lui payer les sommes de :

* 10.975,65 euros à titre de rappel de salaire pour la période de juin 2015 à décembre 2017,

* 1.097,56 euros au titre des congés payés afférents,

* 263,41 euros au titre de l’incidence du rappel de salaire sur la prime de vacances,

* 1.038,73 euros au titre de l’incidence du rappel de salaire sur la prime de 13ème mois,

* 1.523,69 euros au titre de l’incidence du rappel de salaire sur l’indemnisation de l’arrêt maladie du salarié de janvier à mai 2018 inclus. ;

– condamner la société Eiffage Construction Nord Aquitaine à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts,

– condamner la société Eiffage Construction Nord Aquitaine à lui payer la somme de 2.500 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la société Eiffage Construction Nord Aquitaine de ses demandes,

– condamner la société Eiffage Construction Nord Aquitaine aux dépens de l’instance.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 9 juillet 2021, la société Eiffage Construction Nord Aquitaine demande à la cour de confirmer le jugement du 20 décembre 2019 rendu par le conseil de prud’hommes de Bordeaux en toutes ses dispositions et de :

– dire mal fondée la demande principale du salarié aux fins d’obtenir le niveau F de la classification ETAM de la convention collective du bâtiment,

– le débouter de l’ensemble de ses demandes de rappels de salaires y afférents,

– dire mal fondée la demande subsidiaire du salarié aux fins d’obtenir le niveau E de la classification ETAM de la convention collective du bâtiment,

– le débouter de l’ensemble de ses demandes de rappel de salaire y afférents,

– dire que le contrat de travail s’est exécuté de manière loyale par l’employeur,

En conséquence,

– débouter le salarié de sa demande de dommages intérêts, et en tout état de cause,

– débouter le salarié de l’intégralité de ses demandes,

– le condamner au paiement de la somme de 3.500 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– le condamner aux dépens de la présente procédure et éventuels frais d’exécution.

La médiation proposée aux parties le 11 mai 2022 n’a pas abouti.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 novembre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 12 décembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de classification

M. [Z] soutient qu’embauché en tant que gestionnaire des approvisionnements au niveau A de la classification de la convention collective applicable, de nouvelles compétences lui ont été confiées à compter du 4 mai 2015 sur le poste de gestionnaire des véhicules et téléphonie sans que sa classification et sa rémunération s’en trouvent modifiées. Il soutient que ces tâches relèvent d’une classification de niveau F et subsidiairement de niveau E.

Il expose avoir exécuté l’ensemble de ses missions sans recevoir d’instruction ni contrôle de sa hiérarchie et que précédemment, les fonctions étaient exercées par des salariés relevant du statut cadre ou d’une classification F (M. [E], M. [K] ou M. [C]) pour un revenu mensuel brut de 3.040 euros et que, depuis son départ, elles sont exercées par une salariée de niveau D percevant une rémunération mensuelle de 2.030 euros bruts.

La société s’oppose à la demande de reclassification, soutenant que les tâches confiées au salarié étaient toutes des tâches d’exécution, suivant des procédures simples à partir de documents de procédure prérédigés par le groupe. Les véhicules que M. [Z] devait attribuer aux différents collaborateurs en fonction de leur poste répondaient à une grille préétablie, ne laissant aucun pouvoir discrétionnaire ni aucune marge de manoeuvre à M. [Z]. La société rappelle que M. [Z] ne supervisait ni n’encadrait personne et mentionne pour référence que les salariés de la catégorie F sont les chefs de chantier, les conducteurs de travaux débutants. Appliqué au poste de gestionnaire, un salarié de niveau F devrait optimiser les coûts de leasing, négocier avec les fournisseurs de véhicules les contrats, une grille tarifaire avec les réparateurs automobiles, mettre en concurrence les fournisseurs, établir lui-même les procédures, décider quel collaborateur est éligible à telle catégorie de véhicule etc…

***

Si la détermination de la classification du salarié est appréciée en considération des fonctions réellement exercées, le salarié, qui prétend à une classification supérieure à celle qui lui a été appliquée, doit rapporter la preuve des fonctions réellement exercées et accomplies de façon habituelle et continue et qu’il remplit les conditions posées par les dispositions conventionnelles pour la classification de son emploi.

Aux termes de l’article 1er de l’annexe relative à la classification de la convention collective du bâtiment applicable, la grille de classification des emplois est définie par des critères d’égale importance qui s’ajoutent les uns aux autres :

Le niveau A, soit la classification retenue dans le contrat de M. [Z], est ainsi défini :

– contenu de l’activité, responsabilité dans l’organisation du travail : effectue des travaux simples et répétitifs nécessitant un apprentissage de courte durée ou travaux d’aide. Est responsable de la qualité du travail fourni, sous l’autorité de sa hiérarchie.

– l’autonomie : aucune

– l’initiative, : reçoit des consignes précises,

– l’adaptation : peut prendre des initiatives élémentaires,

– la capacité à recevoir délégation : respecte les règles de sécurité relatives à son emploi et à l’environnement dans lequel il se trouve,

– la technicité, l’expertise : pas de connaissances spécifiques requises,

– l’expérience, la formation : Initiation professionnelle ou adaptation préalable.

Relève du niveau D, classification de la salariée qui a remplacé M. [Z] :

– contenu de l’activité, responsabilité dans l’organisation du travail : effectue des travaux courants, variés et diversifiés, maîtrise la résolution de problèmes courants ; est responsable de ses résultats sous l’autorité de sa hiérarchie,

– l’autonomie : aucune,

– l’initiative : reçoit des instructions constantes,

– l’adaptation : peut être amené à prendre une part d’initiatives et de responsabilités relatives à la réalisation des travaux qui lui sont confiés,

– la capacité à recevoir délégation : peut être appelé à effectuer des démarches courantes,

– la technicité, l’expertise : technicité courante affirmée,

– l’expérience, la formation : expérience acquise en niveau C ou formation générale, technologique ou professionnelle.

Relève du niveau E, classification sollicitée à titre subsidiaire par M. [Z], :

– contenu de l’activité, responsabilité dans l’organisation du travail : réalise des travaux d’exécution, de contrôle, d’organisation, d’études… ou exerce un commandement sur les salariés placés sous son autorité, résout des problèmes à partir de méthodes et techniques préétablies. Peut transmettre ses connaissances,

– l’autonomie : agit dans le cadre d’instructions permanentes et/ou de délégations dans un domaine d’activités strictement défini,

– l’initiative : est amené à prendre une part d’initiatives, de responsabilités et d’animation

– l’adaptation, Echange des informations avec des interlocuteurs externes occasionnels

– la capacité à recevoir délégation : effectue des démarches courantes, veille à faire respecter l’application des règles de sécurité,

– la technicité, l’expertise : connaissance des principaux aspects techniques et savoir-faire de sa spécialité professionnelle. Bonne technicité dans sa spécialité ; se tient à jour dans sa spécialité,

– l’expérience, la formation : expérience acquise en niveau D ou en niveau IV de la classification ouvriers bâtiment et niveaux III et IV de la classification Ouvriers TP ou formation générale, technologique ou professionnelle ou diplôme de l’enseignement technologique ou professionnel de niveau BTS, DUT, DEUG, licence professionnelle.

Relève du niveau F, classification sollicitée à titre principal par M. [Z] :

– contenu de l’activité, responsabilité dans l’organisation du travail : réalise des travaux d’exécution, de contrôle, d’organisation, d’études, de gestion, d’action commerciale portant sur des projets plus techniques ou exerce un commandement sur un ensemble de salariés affectés à un projet, résout des problèmes avec choix de la solution la plus adaptée par référence à des méthodes, procédés ou moyens habituellement mis en oeuvre dans l’entreprise. Transmet ses connaissances,

– l’autonomie : agit dans le cadre d’instructions permanentes et/ou de délégations,

– l’initiative : est amené à prendre des initiatives, des responsabilités,

– l’adaptation : a un rôle d’animation,

– la capacité à recevoir délégation : sait faire passer l’information et conduit des relations ponctuelles avec des interlocuteurs externes ; peut représenter l’entreprise dans le cadre de ces instructions et délégations, veille à faire respecter l’application des règles de sécurité et participe à leur adaptation,

– la technicité, l’expertise : connaissance structurée des diverses techniques et savoir-faire de sa spécialité professionnelle et de leurs applications – Haute technicité dans sa spécialité – Se tient à jour dans sa spécialité,

– l’expérience, la formation : expérience acquise en niveau E ou formation générale, technologique ou professionnelle.

La fiche de poste de gestionnaire des véhicules Sud-Ouest, rédigée par M. [Z] sous le contrôle de sa hiérarchie, mentionne les fonctions suivantes :

Au titre de la gestion des véhicules :

1 – commandes/livraisons des véhicules : préparation de la fiche pour les signatures région, envoi à Vélizy pour validation, commande du véhicule sur GAC, réception des pièces (cartes grise, carte loueur), mise à jour sur GAC pour déclencher l’assurance, réception carte verte, réception carte TOTAL, établir courrier livraison Eiffage, livraison du véhicule.

Mise à jour sur GAC après livraison : carte grise originale, contrat loueur, PV de livraison , courrier Eiffage.

Concernant les utilitaires : demande de devis pour aménagement à insérer à la demande. Pour les utilitaires équipés de la géolocalisation comme à [Localité 3], prise de rendez-vous en même temps que la livraison pour transfert du boîtier.

2 – Restitution des véhicules, avec mention de la restitution en même temps que livraison du nouveau véhicule ou prise de RDV pour passage d’expert suivant la société loueuse, mise à jour du GAC après restitution.

3 – Suivi des contrats, loi de roulage, modification des contrats ou demande d’avenant si cela est nécessaire.

4 – Déclaration et suivi des sinistres.

5 – Suivi des cartes TOTAL, création, commandes, annulations, consommations.

6 – Suivi des contrôles techniques.

7 – Proratas des véhicules de [Localité 3] et [Localité 5].

Au titre des mobiles ECNA, réception et passage des commandes, activation des cartes SIM, gestion des commandes, déblocage des mobiles et activation internationales si besoin.

Au titre des vêtements ECNA, réception et préparation des commandes pour livraison des chantiers, gestion des stocks et des commandes, répondre aux besoins particulier réception et distribution des paquetages.

Il est nécessaire d’étudier les missions effectuer par M. [Z] en fonction des critères ayant permis d’établir les grilles de classification :

– S’agissant du contenu de l’activité et des responsabilités dans l’organisation du travail

M. [Z] effectuait des travaux d’exécution de commande des véhicules et de livraison, mais également d’attribution des téléphones et de livraison des matériels d’équipements suivant une procédure normée définie en amont par la direction.

S’il n’est pas contesté que M. [Z] n’avait pas de pouvoir décisionnel dans le choix du type de véhicule pour une catégorie de collaborateur, il appliquait la procédure d’attribution détaillée en pièce 3-15, tâche qui ne correspondait pas seulement à des travaux simples et répétitifs nécessitant un apprentissage de courte durée (classification A).

M. [Z] exerçait des travaux d’exécution et de contrôle du bon déroulement des opérations tant des commandes que de la gestion des documents administratifs, il réceptionnait les contrats d’assurance, vérifiait la conformité des contrats et suivait leur application en anticipant leur reconduction, s’agissant de contrats de leasing. Mais il n’effectuait aucune fonction d’étude ou d’organisation (classification E ou F).

M. [Z] ne démontre pas qu’il devait résoudre des problèmes soit avec choix de la solution la plus adaptée par référence à des méthodes, procédés ou moyens habituellement mis en oeuvre dans l’entreprise (classification F) ni à partir de méthodes et techniques préétablies (classification E) : il ne démontre pas avoir proposé de nouvelles méthodes ou avoir dû faire un choix entre plusieurs méthodes. Le processus de commande et livraison, était clairement défini, étape par étape et des documents contractuels de remise de véhicule, avec des modèles de courrier préétablis étaient à compléter avec le nom du collaborateur et le type de véhicule.

Il résulte des pièces produites que M. [Z] effectuait en réalité des travaux courants de gestion dans des domaines variés et diversifiés, touchant à la fois à la flotte des véhicules, à la téléphonie ou aux vêtements de la société, qu’il maîtrisait la résolution de problèmes courants, ayant la capacité de signer les bons de commande de livraison, de demander le transfert des véhicules après validation ou les cessions de véhicules, sans en référer en amont à sa hiérarchie, mais était responsable de ses résultats sous l’autorité de celle-ci, comme en atteste les échanges de courriels où il lui est demandé des informations complémentaires sur la situation de trois collaborateurs qui avaient des véhicules de fonction sans payer d’avantage en nature. Le contenu de son activité et ses responsabilités dans l’organisation du travail relevait ainsi d’une classification D.

– S’agissant de l’autonomie, de l’initiative et l’adaptation

Les pièces produites ne permettent pas de retenir que M. [Z] recevait des consignes précises qui l’auraient positionné dans la classification A.

Les instructions qu’il recevait étaient générales et constantes et lui permettaient de prendre une part d’initiative au sein d’un cadre préétabli pour suivre notamment le bon déroulement des commandes, des livraisons etc…, mais toujours dans le cadre des responsabilités relatives à la réalisation de ses missions confiées (classification D).

M. [Z] ne démontre pas qu’il prenait des initiatives ni qu’il exerçait des responsabilités allant au-delà de la réalisation des travaux qui lui étaient confiés (classification E ou F). Les demandes de modification des contrats de location se faisaient en fonction du dépassement du kilométrage prévu au contrat, dont l’information apparaissait sur le logiciel GAC, en fonction des dispositions contractuelles et de la politique de la direction générale de la société.

La faculté pour M. [Z] de signer les bons de commande dont l’attribution avait été validée en amont ou de signer la livraison du véhicule correspondant ne traduit pas l’autonomie qui lui aurait été reconnue dans le cadre de ses fonctions.

– Sur la capacité à recevoir délégation, M. [Z] n’a pas eu un rôle d’animation (classification F) mais a échangé des informations avec des interlocuteurs externes occasionnels (classification E) que sont les loueurs, la compagnie d’assurance et le service des ressources humaines ou de la paie en interne. Toutefois, à ce titre, M. [Z] effectuait des démarches courantes relevant de la classification D ou E.

– S’agissant de la technicité et de l’expertise

M. [Z] disposait des connaissances spécifiques requises et ne relevait donc pas à ce titre de la classification A.

S’agissant d’adapter les situation individuelles validées par la direction générale en fonction d’un processus de gestion des véhicules ou des téléphones préétabli, il ne lui était pas demandé d’utiliser un savoir-faire particulier et s’agissant des aspects techniques, il disposait d’une technicité courante affirmée (classification D) sans que celle-ci soit structurée (classification F) ni qu’il ait besoin de se tenir à jour dans sa spécialité (classification E).

Il est par ailleurs établi que M. [Z] avait été formé à l’utilisation du logiciel GAC lui permettant de gérer l’ensemble des informations relatives à chaque véhicule et de suivre l’exécution des contrats.

– S’agissant des compétences acquises

M. [Z], titulaire d’un baccalauréat professionnel en comptabilité, ne relève pas de la classification A, mais peut relever d’un niveau D avec les 15 ans d’ancienneté au sein de la société et les 3 ans au poste de gestionnaire de la flotte des véhicules.

Si les salariés ayant occupé précédemment le poste de gestionnaire de flotte ont pu relever du niveau F, la société démontre que M. [E] exerçait à titre principal des fonctions de cadre, la gestion des véhicules étant une de ses missions accessoires, que M. [K] et M. [C] étaient également cadres et avaient à gérer l’ensemble du parc matériel. Depuis le départ de M. [Z], il est établi que la fonction relève d’une salariée de niveau D.

L’annexe I de la convention collective précise par ailleurs que le niveau D est le dernier niveau des employés. ‘C’est le niveau de confirmation des salariés de niveau C. Les travaux exécutés sont identiques à ceux du niveau C mais le salarié les maîtrise. Dans le même esprit, il maîtrise également la résolution des problèmes courants ; il est responsable de ses résultats sous l’autorité de sa hiérarchie (…)’.

A partir du niveau E, la classification des ETAM comprend deux voies : la voie des techniciens jusqu’à de hauts niveaux de technicité et la voie de la maîtrise.

Le niveau E constitue le premier niveau de la catégorie des techniciens et agents de maîtrise. Pour marquer la différence avec les cadres, les fonctions de maîtrise sont identifiées par le terme « commandement ».’

Au vu de l’ensemble des missions ainsi décrites par rapport aux critères de classification définis par la convention collective, la cour constate que M. [Z] exerçait en qualité de gestionnaire de la flotte des véhicules un emploi ETAM relevant du niveau D.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes financières

M. [Z] sollicite le rappel de salaire qu’il aurait dû percevoir depuis juin 2015 si on lui avait appliqué la classification adaptée à ses missions, ainsi que les rappels liés à cette hausse soit le rappel de sommes dues au titre des congés payés, la prime de vacances calculée sur les congés payés, le rappel de salaire sur la prime de 13ème mois et au titre de l’indemnisation de son arrêt de travail à compter du 26 janvier jusqu’au 27 avril 2018.

Relevant de la catégorie D depuis juin 2015, M. [Z] justifie avoir perçu de juin 2015 à mars 2016 1.640 euros par mois, puis d’avril 2016 à mars 2017, 1.656 euros par mois et du 1er avril 2017 à décembre 2017, 1.676 euros, alors qu’il aurait du percevoir 1.773,80 euros par mois du 1er juin 2015 au 30 avril 2017, puis 1.796,34 euros du 1er mai 2017 au 30 avril 2018 puis 1.812,51 euros à compter du 1er mai 2018.

La société sera par conséquent condamnée à verser à M. [Z] les sommes de :

– 4.894,51 euros au titre des rappels de salaires du 1er juin 2015 au 31 mai 2018, comprenant la période où il était en arrêt maladie,

– 489,45 euros au titre des congés payés y afférents,

– 146,83 euros au titre du rappel de salaire sur la prime de vacances correspondant à 30% des congés payés,

– 410,65 euros au titre du rappel de salaire sur la prime de 13ème mois des années 2015, 2016 et 2017.

Sur la demande en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et résistance abusive

M. [Z] soutient avoir été victime d’un préjudice en n’ayant pas perçu la rémunération à laquelle il pouvait prétendre. Lors de l’évaluation individuelle en mai 2017, l’employeur a admis que sa rémunération n’était pas en relation avec ses responsabilités mais n’a procédé à aucune requalification.

La société conteste l’exécution déloyale, mentionnant que M. [Z] n’a jamais fait de demande officielle de re-classification.

***

En vertu de l’article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

A ce titre, l’employeur a un devoir de loyauté dans l’exécution du contrat de travail aussi bien en ce qui concerne la mise en oeuvre du contrat que l’application de la législation du travail.

L’article 3 de la convention collective nationale applicable en l’espèce prévoit explicitement que la classification doit permettre une réelle évolution professionnelle des ETAM du bâtiment, en leur permettant de développer leurs compétences et d’en acquérir de nouvelles. A cet effet, un entretien individuel tous les deux ans doit permettre de faire un bilan sur les compétences, d’examiner les possibilités d’évolution et l’information sur la possibilité de changer de classification.

En l’espèce, M. [Z] a changé d’emploi en mars 2015 en devenant gestionnaire de la flotte véhicules ; s’il a été rémunéré à un niveau supérieur à la classification A, celle-ci a pourtant été maintenue sur son contrat et ses bulletins de paie, sans faire l’objet d’une reclassification.

Il ressort du dernier entretien d’évaluation individuel du 31 mai 2017 qu’il s’était écoulé 5 ans depuis le précédent entretien dévaluation sans que soit abordée par l’employeur la question de sa classification alors que ce dernier aurait dû l’en informer.

Lors de ce dernier entretien de mai 2017, M. [Z] a clairement exprimé sa demande de percevoir une rémunération correspondant à ses fonctions de gestionnaire.

Son supérieur hiérarchique notait dans son commentaire final que M. [Z] n’avait pas eu d’évolution sur cette période malgré l’affectation sur de nouvelles tâches en complément de celles qu’il réalisait déjà.

Il est ainsi démontré que l’employeur a manqué à son obligation de loyauté dans l’exécution du contrat en ne tirant pas toutes les conséquences d’une nouvelle affectation de M. [Z] à un emploi supérieur.

En réparation du préjudice subi par M. [Z] dont le travail n’a pas été reconnu notamment par une reclassification, il lui sera alloué une indemnité de 1.000 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

La SAS Eiffage Construction Nord Aquitaine, partie perdante à l’instance et en son recours, sera condamnée aux dépens de premier instance et d’appel ainsi qu’au paiement à M. [Z] de la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cours d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que M. [P] [Z] exerçait un emploi ETAM de niveau D de la convention collective nationale du bâtiment du 1er juin 2015 au 8 juin 2018,

Condamne la SAS Eiffage Construction Nord Aquitaine à verser à M. [P] [Z] les sommes de :

– 4.894,51 euros bruts au titre des rappels de salaires du 1er juin 2015 au 31 mai 2018, comprenant la période où il était en arrêt maladie,

– 489,45 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

– 146,83 euros bruts au titre du rappel de salaire sur la prime de vacances,

– 410,65 euros bruts au titre du rappel de salaire sur la prime de 13ème mois des années 2015, 2016 et 2017,

– 1.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,

– 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Eiffage Construction Nord Aquitaine aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire

 


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