Your cart is currently empty!
11 janvier 2023
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
20/01083
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 11 JANVIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/01083 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OQ2B
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 28 JANVIER 2020
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER N° RG F15/00723
APPELANTE :
S.A.S.U SERPE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Représentée par Me REBOLLO avocat pour Me Guilhem NOGAREDE de la SELARL GN AVOCATS, avocat au barreau de NIMES
INTIME :
Monsieur [C] [E]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Mourad BRIHI de la SCP DONNADIEU-BRIHI-REDON-CLARET-ARIES-ANDRE, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
Ordonnance de clôture du 20 Octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 NOVEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Jean-Pierre MASIA, Président
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [C] [E] était embauché le 14 avril 2009 par contrat à durée indéterminée en qualité d’ouvrier forestier par la Sasu Serpe. En dernier lieu, il était chef d’équipe moyennant un salaire s’élevant à la somme de 1 818,52 €.
Le 15 septembre 2010, il était mis à pied trois jours pour ‘remise d’informations délibérément fausses sur les rapports de chantier notamment sur les heures travaillées sur chantier’
Le 19 avril 2013, un avertissement lui était notifié pour avoir ‘fait une marche arrière sur le chemin du chantier avec les véhicules de l’entreprise et avoir embouti le véhicule d’un tiers’
Le 11 mars 2014, il faisait l’objet d’un rappel à l’ordre suite à l’abattage d’un arbre ayant ‘heurté un câble HTA entraînant la chute de fil électrique’
Le 23 mai 2014, un deuxième avertissement lui était infligé pour avoir ‘perdu votre tronçonneuse 360 en route suite à l’ouverture de la fenêtre du Hard-top 4X4 mal fermée au départ du chantier’
Le 29 juillet 2014, il était sanctionné par un troisième avertissement pour avoir ‘ appelé votre responsable madame [Z] en lui criant dessus et prétextant que vous n’aviez pas de nacelle et d’arrêté de voirie pour le chantier programmé’ puis avoir tenu des ‘propos déplacés et inappropriés à son égard’.
Le 8 janvier 2015, le salarié était convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement, lequel lui était notifié par courrier du 29 janvier 2015 en ces termes:
‘(…/…)nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse avec dispense de préavis.
En effet, vous avez été engagé par notre société le 14 avril 2009, dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée et vous exerciez dernièrement les fonctions de responsable d’équipe dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée. Mais votre comportement, réitéré malgré les sanctions passées, rend impossible la poursuite de notre relation de travail.
Nous venons d’apprendre que le vendredi 5 décembre 2014, vous avez de nouveau manqué de respect à l’un de vos supérieurs hiérarchiques, en l’occurrence, votre responsable d’agence, M. [O], ce qui est déjà inacceptable.
Le lundi 8 décembre 2014, au matin, vous avez d’abord ostensiblement pris soin de ne pas saluer votre responsable d’agence, ce qui ne contribue qu’à aggraver le manque de respect déjà témoigné. Ensuite, vous avez appelé l’assistante de l’agence (Mme [G]) l’après-midi pour demander à poser une journée de congé le lendemain (mardi 9 décembre) prétendant que vous aviez cherché à joindre votre responsable d’agence par téléphone pour l’en informer ce qui est faux puisque celui-ci n’a reçu aucun appel ni aucun message. Votre supérieur hiérarchique, M. [O], a essayé de vous joindre en rentrant au bureau en milieu d’après midi et vous a laissé un message afin que vous le rappeliez au sujet de votre demande d’absence. Vous n’avez jamais rappelé M. [O] et le 9 décembre 2014, vous n’êtes pas venu travailler. Vous avez seul pris la décision de vous octroyer un jour de congés le 9 décembre 2014 alors que l’organisation du travail ne le permettait pas et ce, sans autorisation, ce qui justifie encore une absence injustifiée.
Le mercredi 10, à votre retour, M. [O] vous a demandé de justifier votre absence. A ce jour, vous n’avez toujours produit aucun document.
De surcroît, nous avons appris lors des vérifications des plannings en fin d’année 2014 que vous déclariez des heures de travail qui n’étaient pas travaillées et que vous incitiez les salariés de votre équipe à faire de même, ce dont certains nous ont attesté.
Cette attitude, évidemment préjudiciable aux intérêts de la société, est non seulement inacceptable mais de surcroît parfaitement contraire à vos fonctions telles que rappelées sur la fiche de fonction que vous avez signée.
En effet, vous êtes censé être le garant de l’application et du respect des consignes ou encore encadrer une équipe, organiser et superviser les travaux, ce qui ne peut être compatible avec un manque de respect et d’honnêteté vis à vis de votre hiérarchie, des absences injustifiées et multipliées, un mépris flagrant des règles de congés payés, des reportings volontairement mensongers quant aux heures de travail réalisées par votre équipe et une incitation des salariés de votre équipe à nous mentir quant à leur temps réel de travail qui discrédite votre responsable d’agence vis à vis de l’ensemble du personnel.
Ce n’est pas faute pourtant d’avoir sanctionné des comportements identiques par le passé puisque vous avez eu, notamment, trois jours de mise à pied pour de fausses déclarations quant aux heures travaillées et plusieurs avertissements pour violences verbales à l’encontre de votre supérieur ou pour des absences injustifiées.
Bien que de tels faits puissent largement constituer une faute grave, privative d’indemnités de licenciement et de préavis, nous avons souhaité modérer notre sanction et prononcer un licenciement pour cause réelle et sérieuse qui ouvrira, à votre profit, droit à l’indemnité de licenciement.
En revanche, votre attitude étant incompatible avec une bonne organisation de notre travail, nous vous dispensons d’exécuter votre préavis qui vous sera payé aux échéances normales de salaire(…/…)’.
Contestant notamment son licenciement, par requête du 19 mai 2015 , le salarié saisissait le conseil de prud’hommes de Montpellier, lequel, par jugement de départage du 28 janvier 2020, condamnait l’employeur à payer au salarié les sommes de 18 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 1 000 € au titre de ses frais de procédure.
Par déclaration au greffe en date du 20 février 2020, l’employeur relevait appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 11 octobre 2022, la Sasu Serpe demande à la cour de dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, de débouter le salarié de toutes ses demandes et de le condamner à rembourser la somme de 19 000 € reçue au titre de l’exécution provisoire du jugement et à payer la somme de 2 500 € au titre de ses frais de procédure.
Elle fait valoir essentiellement que le manque de respect vis à vis de M. [O] était récurrent, que le salarié a vainement tenté de justifier de son absence du 8 décembre 2014 en prétextant une panne de voiture, qu’il résulte des rapports de chantier journaliers comparés aux factures Total que le personnel ne pouvait matériellement pas se trouver sur le chantier aux heures indiquées dans les rapports de chantier. Elle ajoute qu’il est faux de prétendre comme le fait le salarié qu’elle utilisait la géolocalisation pour vérifier les horaires de travail des salariés.
Elle affirme qu’elle n’a pas épuisé son pouvoir disciplinaire, n’ayant jamais sanctionné le salarié par un avertissement le 8 janvier 2015 comme en atteste madame [H], la responsable des ressources humaines.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 août 2020, monsieur [E] demande la confirmation du jugement et sollicite l’octroi d’une somme de 3 000 € au titre de ses frais irréptibles.
Par arrêt du 9 juin 2021, cette cour a confirmé la décision du conseiller de la mise en état ayant déclaré irrecevables comme tardives les conclusions de l’intimé.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux conclusions notifiées par les parties auxquelles elles ont expressément déclaré se rapporter lors des débats.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement
Sur la régularité de la procédure de licenciement
Le salarié qui n’a pas conclu est réputé s’approprier les motifs du jugement qui a rejeté la demande au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement.
Sur l’épuisement du pouvoir disciplinaire
Les premiers juges ont décidé qu’en infligeant au salarié le 8 janvier 2015 un avertissement, l’employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire.
Ce dernier conteste formellement avoir notifié un avertissement au salarié à cette date. Il explique qu’il avait, au départ, décidé de le sanctionner par un avertissement mais, qu’ayant découvert l’ampleur des faits qui étaient reprochés au salarié, il a finalement opté pour un licenciement et ne lui a jamais notifié le projet d’avertissement.
Il produit l’attestation de madame [H], responsable des ressources humaines (pièce 13-2) qui affirme ‘nous avions envisagé de sanctionner dans un premier temps, monsieur [E] par un avertissement. Toutefois, au regard des faits nouveaux, vu l’ampleur des relations et manquements découverts dans la journée, la direction m’a demandé de changer de procédure disciplinaire. Le courrier d’avertissement rédigé initialement n’a donc pas été ni envoyé ni remis en mains propres à monsieur [E]’
Il résulte de cette attestation que le salarié ne s’est jamais vu infliger un avertissement le 8 janvier 20125 et que l’employeur n’avait donc pas épuisé son pouvoir disciplinaire.
Sur le bien fondé du licenciement
La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
Selon l’article L1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l’espèce, l’employeur formule à l’encontre de la salariée trois griefs:
-un manque de respect envers son supérieur hiérarchique
Le salarié a reconnu avoir des relations difficiles avec monsieur [O] mais affirme que ce dernier a une part de responsabilité dans la mésentente. Toutefois, cette mésentente ne peut justifier un manque de respect envers son supérieur hiérarchique consistant à l’interrompre, à refuser de l’écouter et à omettre de le saluer ainsi que cela résulte de l’attestation versée aux débats ( pièce 12-1)
Ce grief est donc fondé.
-une absence injustifiée
Malgré la demande de son employeur, le salarié qui prétendait en première instance être tombé en panne de voiture n’a jamais produit la facture de dépannage ou de réparation de son véhicule alors que, pour ce même jour, il avait souhaité prendre une journée de congé qui lui avait été refusée.
Ce grief est donc également fondé.
-de fausses déclarations des heures travaillées.
Etant rappelé que les chantiers ont lieu dans toute la région, l’employeur s’appuie sur la comparaison entre les factures de péage d’autoroute et les fiches de chantier pour établir la fausseté des horaires déclarés.
Il produit les rapports de chantier journaliers et les factures de la société Total. Il en résulte de nombreuses incohérences entre les heures déclarées d’arrivée ou de départ du chantier et les passages au télépéage. Ainsi, à titre d’exemple, le 26 novembre 2014, 3,5 heures de travail déclarées par monsieur [E] et son équipe n’ont pas été réalisées.
Ce grief est avéré et justifie à lui seul le licenciement.
Le jugement doit être infirmé.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement de départage rendu par le conseil de prud’hommes de Montpellier le 28 janvier 2020 en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de monsieur [C] [E] est fondé sur une cause réelle et sérieuse;
Déboute monsieur [C] [E] de toutes ses demandes;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile;
Ordonne à monsieur [C] [E] de rembourser à la Sasu Serpe les sommes perçues au titre de l’exécution provisoire du jugement.
Condamne monsieur [C] [E] aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT