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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8
ARRÊT AU FOND
DU 11 JUILLET 2023
N°2023/.
Rôle N° RG 22/01000 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BIXKM
S.A.S. [6]
C/
[J] [Y]
S.A.S. [7]
Société CPAM DU VAR
Copie exécutoire délivrée
le : 11/07/2023
à :
– Me Christelle HABERT, avocat au barreau de PARIS
– Me Jacques-Antoine PREZIOSI, avocat au barreau de MARSEILLE
– Me Thomas HUMBERT, avocat au barreau de PARIS
– Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du TJ de TOULON en date du 17 Décembre 2021,enregistré au répertoire général sous le n° 19/02201.
APPELANTE
La société [6], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Christelle HABERT, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
Monsieur [J] [Y], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne, assisté de Me Jacques-Antoine PREZIOSI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Marine BAZIN, avocat au barreau de MARSEILLE
S.A.S. [7], demeurant [Adresse 11]
représentée par Me Thomas HUMBERT, avocat au barreau de PARIS
CPAM DU VAR, demeurant [Adresse 9]
représentée par Me Stéphane CECCALDI de la SELASU CECCALDI STÉPHANE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mai 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Madame Isabelle PERRIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Aurore COMBERTON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Juillet 2023
Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Madame Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits, procédure, prétentions et moyens des parties
Par contrat de mise à disposition du 26 octobre au 1er novembre 2013, M. [J] [Y], salarié intérimaire de la société [7], a été mis à disposition de la société [8], aux droits de laquelle vient désormais la société [6], pour une mission temporaire en qualité de conducteur de camion-benne pour le transport de déchets verts et industriels.
Le 28 octobre 2013, alors qu’il effectuait une tournée au volant de son camion, il a été victime d’un accident de travail, dans des circonstances mentionnées par l’employeur sur la déclaration d’accident du travail comme suit : « selon les dires de la gendarmerie et selon les premiers témoignages, M. [Y] aurait fait des tonneaux avec son camion. Il a été éjecté du véhicule.»
Le bilan lésionnel initial, rédigé à l’hôpital de [4] où la victime, dont le pronostic vital était très engagé, a été héliportée, était le suivant:
* traumatisme cérébral avec pétéchies frontales,
* ‘dème cérébral,
* hémorragie méningée traumatique,
* traumatisme facial avec hémosinus maxillaire droit,
* fracture de la paroi latérale de l’orbite gauche,
* traumatisme vertébral avec fractures instables du rachis cervical C3 C4 et au niveau thoracique T7 ainsi que d’autres fractures vertébrales instables,
* traumatisme vasculaire avec dissection post-traumatique de l’artère carotide interne droite,
* traumatisme thoracique avec pneumothorax droit antérieur et supérieur, contusion pulmonaire bilatérale, hémodiastin, fractures multiples de côtes et fractures du sternum.
Cet accident a été pris en charge par la caisse primaire d’assurance-maladie du Var (la caisse) le 28 novembre 2013. L’état de santé de la victime a été déclaré consolidé le 26 avril 2017 et un taux d’incapacité permanente partielle de 80 % lui a été attribué après décision du tribunal du contentieux de l’incapacité du 13 avril 2018.
Par jugement du 11 décembre 2019, le tribunal correctionnel de Draguignan a renvoyé des fins de la poursuite la société [5] et son directeur, tous deux poursuivis pour blessures involontaires, au motif que ni la société ni son directeur n’avait de lien avec la victime.
Le 23 avril 2019, M. [Y] a saisi le tribunal de grande instance de Toulon, après échec de la tentative de conciliation, pour voir reconnaître que l’accident de travail dont il a été victime est imputable à la faute inexcusable de son employeur.
Par jugement du 17 décembre 2021, le pôle social du tribunal de judiciaire de Toulon, ayant repris l’instance, a :
– dit que l’accident de travail dont M. [Y] a été victime le 28 octobre 2013 est imputable à la faute inexcusable de la société [8] qui s’est substituée à son employeur, la société [7],
– ordonné la majoration maximale de la rente accident du travail pour son taux de 80 %,
– ordonné une expertise médicale avec mission habituelle,
– alloué une provision de 30.000,00 euros à M. [Y] à valoir sur son indemnisation complémentaire,
– dit que la caisse récupérera auprès de la société [7] les sommes qui seront allouées à la victime en réparation de son préjudice, y compris la provision,
– condamné la société [6] venant aux droits et obligations de la société [8] à garantir intégralement la société [7] des sommes qu’elle sera amenée à verser au titre de l’indemnisation des conséquences de la faute inexcusable,
– réservé la demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
Par déclaration expédiée le 17 janvier 2022, la société [6] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement en toutes ses dispositions, et dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.
Par conclusions visées et développées oralement à l’audience des débats du 16 mai 2023, l’appelante demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et de :
– débouter M. [Y] de ses demandes,
subsidiairement,
à titre principal,
– débouter M. [Y] de sa demande de majoration de rente,
à titre subsidiaire,
– réduire la demande de majoration de la rente dans des proportions qu’il appartiendra à la cour de fixer,
– exclure de la mission d’expertise le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle et les besoins de soins spécifiques au handicap pour la personne,
– débouter M. [Y] de sa demande de provision qui ne pourrait qu’être mise à la charge de la caisse,
en tout état de cause,
– débouter M. [Y], la société [7] et la caisse de l’ensemble de leurs demandes,
– condamner M. [Y] aux dépens.
Elle fait valoir essentiellement que :
– M. [Y] disposait des compétences obligatoires pour l’exercice de son travail et notamment de la [3] depuis le 21 décembre 2007 et même de l’ADR matière dangereuse depuis le 28 novembre 2007, de sorte qu’il était formé pour la recherche du meilleur compromis vitesse, rapport de boîte, utilisation des moyens de ralentissement et de freinage lors des descentes, vérifications et contrôles, forces s’appliquant aux véhicules en mouvement, utilisation des rapports de boîte de vitesse en fonction de la charge du véhicule et du profil de la route,
– il avait de plus subi la formation continue obligatoire pour le transport de marchandises du 15 au 19 avril 2013, et n’est pas en mesure d’expliciter de quelles formations complémentaires il aurait pu bénéficier qui auraient empêché l’accident,
– le rapport d’expertise de M. [F] sur lequel s’est exclusivement fondé le premier juge n’est pas contradictoire, le rapport d’expertise établie par M. [C] fait suite à une expertise privée, et ces deux rapports ne permettent pas d’établir la défectuosité du matériel, M. [C] effectuant une analyse erronée des circonstances de l’accident,
– le véhicule avait subi avec succès le contrôle technique le 4 septembre 2013, la société [5] a toujours veillé à l’entretien de son matériel et l’expert désigné dans le cadre de l’enquête pénale a conclu que le camion ne présentait pas avant sinistre de désordres ayant joué un rôle dans son renversement, les factures de maintenance fournie par la société [5] prouvant un entretien suivi,
– il ressort de l’enquête pénale que M. [Y] ne portait pas sa ceinture de sécurité, ce qui explique qu’il ait été éjecté à plusieurs mètres du véhicule,
– le camion était en réalité en parfait état, quant à la benne, pour laquelle le contrôle périodique n’existe pas, il revient au chauffeur de la contrôler avant son départ, comme il doit contrôler les chargements et déchargement, toutes vérifications que M. [Y] a reconnu ne pas réaliser,
– la déformation des rails est consécutive au choc de l’accident et non à un défaut de maintenance,
– le bras de levage de benne amovible ampliroll a été contrôlé le 29 août 2013 et pouvait être maintenu en service, les anomalies relevées lors de l’expertise étant sans lien avec l’accident,
– les causes de l’accident peuvent être liées à la vitesse, au non port de la ceinture de sécurité, à l’absence de contrôle des équipements du camion par M. [Y], à une éventuelle surcharge ou mauvaise équilibrage des déchets, tous éléments imputables exclusivement M. [Y] lui-même.
Par conclusions visées et développées oralement à l’audience des débats du 16 mai 2023, M. [Y] demande à la cour de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a limité la provision allouée à 30.000,00 euros pour la porter à 50.000,00 euros, et de :
– ajouter à la mission de l’expert désigné l’évaluation du déficit fonctionnel permanent,
– lui allouer une somme de 10.000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– statuer ce que de droit quant aux dépens.
Il soutient essentiellement que :
– l’expertise de M. [C] conforte celle réalisée par M. [F] sur la défectuosité de la benne litigieuse, démontrant que la déformation des rails, qui empêchent dès lors un verrouillage suffisant, n’est pas consécutive à l’accident, mais est liée aux multiples chocs subis et aux verrouillages seulement partiels effectués lors des trop nombreuses utilisations,
– la vitesse, qu’il avait adaptée pour la réduire à 50 km/heure, sur une voie où elle était limitée à 70 km à l’heure, n’est pas en cause,
– le témoin de l’accident qui circulait derrière lui a confirmé l’absence de comportement anormal ou dangereux,
– l’accident a pour cause exclusive le dysfonctionnement du système de verrouillage de la benne qui s’est désolidarisée du porteur en cours de circulation,
– l’éventuelle faute de la victime qui n’aurait pas respecté les consignes de sécurité est sans effet sur la faute inexcusable de l’employeur, il ne se souvient plus s’il avait attaché sa ceinture de sécurité ou pas, mais a néanmoins déclaré que les ceintures étaient quasi systématiquement défectueuses,
– les deux salariés affectés à l’entretien des véhicules décrivent des conditions de travail minimales, et l’un d’eux confirme le mauvais état des bennes utilisées.
Par conclusions visées et développées oralement à l’audience des débats du 16 mai 2023, la société [7] demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé que M. [Y] ne bénéficie pas de la présomption de faute inexcusable, de l’infirmer en ce qu’il a retenu la faute inexcusable de la société [8], et de :
– débouter M. [Y] de son recours en reconnaissance de faute inexcusable à son encontre,
à titre subsidiaire,
– renvoyer les parties devant le tribunal judiciaire de Toulon pour qu’il soit statué après dépôt du rapport d’expertise sur les préjudices de M. [Y],
– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la faute inexcusable a été commise par la société [8] en sa qualité de société utilisatrice, substituée dans la direction de l’employeur, et en ce qu’il a condamné la société [6], venant aux droits de la société [8], à la garantir de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre tant en principal, intérêts et frais qu’en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle expose essentiellement que :
– au visa de l’article L.1251-21 du code du travail, l’entreprise utilisatrice est seule responsable des conditions d’exécution du travail et notamment pour ce qui a trait à la santé et à la sécurité, elle est aussi responsable de l’obligation de formation, renforcée ou non,
– elle-même n’a commis aucune faute inexcusable, le poste de travail de M. [Y] ne présentant pas de risque particulier, et le salarié ayant bénéficié d’une formation adaptée à ce poste,
– elle ne pouvait avoir conscience du danger en sa qualité d’entreprise de travail temporaire, et les circonstances de l’accident excluent toute responsabilité de sa part.
Par observations développées oralement à l’audience des débats du 16 mai 2023, la caisse a sollicité que soit confirmée la condamnation de l’employeur à lui rembourser toutes les sommes qu’elle serait amenée à avancer à la victime au titre de la faute inexcusable.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé du litige.
MOTIFS DE L’ARRÊT
Sur la faute inexcusable de l’employeur
Les parties ne discutent pas les conditions de droit et de fait dans lesquelles la victime, M. [J] [Y], a été, par contrat de mission temporaire régularisé le 24 octobre 2013, mis à disposition de la société [8] sise à la [Localité 10] du 26 octobre au 1er novembre 2013 inclus aux fins de se voir chargé de la conduite d’un camion remorque et du transport de déchets verts et industriels ce poste n’étant pas désigné comme un poste à risque particulier, et M. [Y] disposant des compétences et formations adaptées, étant titulaire de la formation initiale minimale obligatoire dite [3] depuis 2007 et du permis de conduire adapté.
Il faut rappeler que selon l’article L.1251-21 du code du travail, pendant la durée de la mission, l’entreprise utilisatrice est responsable des conditions d’exécution du travail, telles qu’elles sont déterminées par les dispositions légales et conventionnelles applicables au lieu de travail.
Pour l’application de ces dispositions, les conditions d’exécution du travail comprennent limitativement ce qui a trait :
1° A la durée du travail ;
2° Au travail de nuit ;
3° Au repos hebdomadaire et aux jours fériés ;
4° A la santé et la sécurité au travail ;
5° Au travail des femmes, des enfants et des jeunes travailleurs.
En outre, le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur, ou celui qui s’est substitué à lui, est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Ces critères sont cumulatifs. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié : il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes ont concouru au dommage. Mais une relation de causalité entre les manquements susceptibles d’être imputés à l’employeur et la survenance de l’accident doit exister à défaut de laquelle la faute inexcusable ne peut être retenue. La faute de la victime n’a pas pour effet d’exonérer l’employeur de la responsabilité qu’il encourt en raison de sa faute inexcusable.
Il appartient au salarié de prouver que les éléments constitutifs de la faute inexcusable ‘ conscience du danger et absence de mise en place des mesures nécessaires pour l’en préserver ‘ sont réunis. Lorsque le salarié ne peut rapporter cette preuve ou même lorsque les circonstances de l’accident demeurent inconnues, la faute inexcusable ne peut être retenue.
À titre liminaire la cour rappelle que le jugement déféré, dans son dispositif, n’ayant nullement jugé que M. [Y] ne bénéficiait pas de la présomption de faute inexcusable, il n’y a pas lieu de confirmer le jugement sur ce point ainsi que le sollicite inutilement la société [7].
Les circonstances de fait de l’accident survenu le 24 octobre 2013 ont fait l’objet d’une enquête pénale approfondie, qui a donné lieu au renvoi devant le tribunal correctionnel d’une société et de son directeur, lesquels n’ont été renvoyés des fins de la poursuite que parce que ces dernières étaient mal dirigées.
M. [Y] produit à l’appui de sa demande l’intégralité de la copie de cette procédure pénale.
Il ressort de cette enquête que M. [Y] conduisait un camion portant une benne chargée de déchets verts, lorsque, dans un virage à grand rayon de courbure accusant une légère pente de 3 %, la benne a commencé à se soulever du côté droit dans jusqu’à emporter le camion sur la gauche, l’ensemble routier se couchant sur le flanc gauche et la benne se désolidarisant immédiatement du camion. Les deux éléments de l’ensemble ont glissé sur le sol, ont fait un tonneau, la benne se vidant de son contenu et s’immobilisant dans un talus, et le camion effectuant le tonneau sur l’angle de la cabine côté conducteur avant de se rétablir sur ses roues en travers de sa voie de circulation. M. [Y] a été éjecté de la cabine par la vitre côté conducteur.
Cette description factuelle de l’accident repose sur deux témoins visuels qui ont été entendus de manière détaillée.
La compagne de la victime a témoigné de ce que son conjoint s’était plaint à plusieurs reprises de l’état des camions qu’il conduisait au sein des entreprises [5] puis [8] en raison de nombreux problèmes mécaniques et d’équipements : benne trop petite pour son camion, et notamment au cours du week-end précédent l’accident.
Le voisin de la victime a également exposé que M. [Y] évoquait auprès de lui les difficultés qu’il rencontrait avec les camions de l’entreprise, par exemple du fait de ne plus avoir de freins et de devoir freiner au frein moteur puis rouler doucement pour regagner la société, ou de problèmes mécaniques récurrents, et ce dès qu’il travaillait pour les sociétés [8] et [5]. Ce témoin a précisé que quelques jours avant l’accident M. [Y] lui avait confié appréhender de conduire le camion qu’il avait en raison de problèmes de compatibilité ou d’accrochage entre la benne et le camion.
Les deux seuls salariés chargés des fonctions de mécanicien, non titulaires pour leur part du permis poids lourd, ont également été entendus.
M. [O] [L], a exposé ne pas intervenir sur les bennes utilisées par l’entreprise, expliquant que des chauffeurs s’étaient déjà plaints de l’état de ces bennes, et que bon nombre d’entre elles avait dû être changées car elles ne pouvaient plus être chargées correctement. Ce témoin a ajouté que les chauffeurs’ avaient la pression’, qu’ils devaient être rentables et effectuer un certain nombre de tournées dans la journée ce qui pouvait leur faire oublier de procéder aux vérifications de sécurité d’usage avant le départ.
M. [D] [X], mécanicien intérim, chargé du petit entretien des camions, a confirmé le bon état du camion conduit par M. [Y] le jour de l’accident, et précisé qu’il lui arrivait de vérifier l’état des bennes lorsqu’il n’avait rien à faire. Il a confirmé que des chauffeurs s’étaient déjà plaints de l’état des bennes et que 12 d’entre elles avaient été changés un an et demi auparavant. Ainsi, lorsqu’une benne devait être réparée ou changée, M. [E], le directeur, transmettait l’information au siège qui prenait la décision.
Il convient de préciser que M. [E] est également directeur de la société [5] propriétaire du camion, et que les poursuites pénales ont été dirigées contre eux deux.
L’enquête a permis d’établir que le camion porteur était en bon état de fonctionnement.
M. [F] a été désigné en qualité d’expert par le procureur de la république à l’effet de procéder à l’expertise de l’ensemble routier en cause.
Il importe peu que cette expertise ne soit pas contradictoire au sens des dispositions des articles 273 et suivants du code de procédure civile, dès lors qu’elle a été portée à la contradiction de toutes les parties à la présente instance, l’expert, qui n’a rendu compte qu’au ministère public de sa mission, ayant accompli sa mission en toute impartialité et neutralité à l’égard de l’appelante comme des intimés.
Il résulte de cette expertise du camion et de sa benne qu’ont été mis en évidence des désordres mécaniques à l’origine du renversement du camion et par voie de conséquence du sinistre corporel, selon l’expert.
Ce dernier a confirmé que le camion porteur ne présentait pas, avant sinistre, de désordre ayant joué un rôle dans son renversement. Il a en outre vérifié que les factures de maintenance fournie par la société propriétaire démontraient la réalité d’un entretien suivi.
Ce camion porteur est ensuite équipé d’un ampliroll Marrel qui est destiné à prendre au sol, à transporter, à déposer ou à basculer des bennes amovibles conformes à la cinématique de l’équipement.
Or l’expertise de cet ampliroll suivie d’essais prolongés a abouti à mettre en évidence un désordre de fonctionnement mécanique du verrouillage de la benne et de son voyant de sécurité. Ainsi, du poste de conduite, la ligne électrique du voyant lumineux d’indicateurs au tableau de bord est coupée et ce en dépit de plusieurs réparations bricolées toujours apparentes.
Le mécanisme de verrouillage de la benne est défectueux du fait d’une course du vérin hydraulique limitée, ce qui induit un défaut de serrage de la benne, d’une coulisse droite gauche présentant un défaut de graissage et qui ne serre pas correctement les rails de la benne, d’un écrou de fixation biellette de boîtier de contact de sécurité desserré qui ne fonctionne qu’une fois sur trois, d’une usure prononcée du verrouillage, d’une fuite au vérin.
De même, si les deux précédents contrôles semestriels du 7 février 2013 et du 29 août 2013, ont conclu que le matériel pouvait être maintenu en service mais qu’il était conseillé de procéder aux travaux réclamés, ces deux contrôles ont noté trois défaillances résultant de la cassure de la traverse centrale côté droite et gauche, d’un jeu au rouleau droit et d’une fuite externe au vérin de verrouillage, toutes défaillances qui n’ont donné lieu à aucune réparation.
L’expertise de la benne qui a notamment porté sur le rail droit et gauche a en outre démontré l’existence d’une déformation très prononcée côté verrouillage, l’expert concluant que ce très mauvais état et plus particulièrement celui des rails (IPN) ne pouvait permettre correctement son immobilisation par le serrage des crochets du système de l’ampliroll.
L’appelante ne conteste pas utilement ces constatations techniques, qui sont par ailleurs conformes au témoignage de M. [B] qu’elle invoque, lequel suivait le véhicule de M. [Y], et aux termes duquel il a vu la benne commencer à se soulever du côté droit, ce qui indique qu’elle était déjà désolidarisée et non verrouillée, puis tout doucement continuer à se soulever du côté droit jusqu’à finir par emporter le camion sur la gauche. Il est ainsi démontré qu’ainsi que l’expert l’a décrit, le mécanisme d’immobilisation de cette benne par serrage des crochets du système de l’ampliroll était défaillant, en raison de l’état très dégradé du matériel.
Or, ce système de serrage est fondamental compte tenu de la taille des bennes, de leur utilisation intensive et du poids considérable des déchets transportés, ce dont l’employeur était nécessairement informé, cette condition de sécurité primordiale ne pouvant en aucun cas être méconnue comme en l’espèce.
En outre, la société ne conteste pas davantage les indications de ces deux salariés mécaniciens qui font état du mauvais état des bennes ayant nécessité le changement récent de nombre d’entre elles, selon le mécanisme décisionnel décrit par M. [X], dont il résulte que la direction de l’entreprise était nécessairement informée de la difficulté résultant du mauvais état de son parc de bennes.
Il est enfin inexact de soutenir que les rails ont subi la déformation constatée par l’expert en raison du choc de l’accident, dès lors que les circonstances de cet accident ainsi que les constatations matérielles auxquelles les enquêteurs ont procédé ont démontré que la désolidarisation entre le camion porteur et la benne était intervenue avant le choc subi par celle-ci.
C’est encore en vain que la société critique le recours par M. [Y] à un expert en accidentologie, alors que la charge de la preuve repose intégralement sur le salarié victime, qui a précisément en l’espèce assuré cette charge de manière à soumettre à la cour des éléments de preuve conséquents.
Il résulte ainsi du rapport établi par M. [A] [C] le 4 mai 2023 les mêmes constatations que celles qui ont pu être décrites par M. [F] dans son propre compte rendu d’expertise.
Cet expert affirme en effet que le facteur déclenchant du renversement du porteur n’a pas été provoqué par une vitesse inadaptée ou par un chargement trop lourd, mais qu’il est dû au mauvais état de la benne, qui n’a pas permis un verrouillage efficace de celle-ci.
Il ajoute que les rails de la benne n’ont pas été endommagés lors de la chute du porteur ou lors du grippage ou du renversement final, mais que les déformations sont liées aux multiples chocs subis et par les verrouillages partiels effectués lors des trop nombreuses utilisations, cette benne étant en très mauvais état de sorte qu’elle n’aurait jamais dû être utilisée, ainsi que l’a également estimé M. [F].
Compte tenu du caractère grossier du manquement aux règles élémentaires de sécurité résultant de la mise à disposition d’un salarié d’un matériel présentant une défectuosité telle qu’elle l’expose à un risque d’accident gravissime, c’est à juste titre que le premier juge a considéré que la preuve de la faute inexcusable de la société [8], substituée à la direction de l’employeur la société promenade industrie devait être retenue, et a statué sur les conséquences de cette faute inexcusable.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur les conséquences de la faute inexcusable de l’employeur
Aux termes de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou de ceux qu’il s’est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.
L’article L.452-2 précise que dans le cas précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre.
L’arrêt de cassation invoquée par l’appelante ( Cass.Civ. 2e 2 mai 2007, n° 06-12.514) ne peut s’appliquer au présent litige, lequel met en jeu les dispositions d’ordre public des textes précités afférents à la faute inexcusable de l’employeur, le cas d’espèce sur lequel la cour suprême ayant statué ne relevant pas de l’application de ces textes.
C’est en conséquence à juste titre que le premier juge a décidé que M. [Y] qui perçoit une rente pour un taux d’incapacité permanente de 80 % bénéficiera de la majoration maximale prévue par l’article L.452-2 précité.
Le jugement est également en voie de confirmation sur ce point
L’expertise médicale a été opportunément ordonnée.
Aux termes de l’article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale : ‘Indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit en vertu de l’article précédent, la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d’un taux d’incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.
De même, en cas d’accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n’ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l’employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée.
La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur.’
En outre, compte tenu des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale qui prévoient déjà la réparation de certains chefs de préjudice pour la victime d’une faute inexcusable de son employeur, celle-ci ne peut solliciter une nouvelle indemnisation au titre du:
– l’assistance d’une tierce personne après consolidation (couverte par l’article L.434-2 alinéa 3),
– les pertes de gains professionnels actuelles et futures (couvertes par les articles L.431-1 et
suivants, L.434-2 et suivants),
– l’incidence professionnelle, indemnisée de façon forfaitaire par l’allocation d’un capital ou d’une rente d’accident du travail (L.431-1 et L.434-1) et par sa majoration (L.452-2),
– les frais médicaux et assimilés, normalement pris en charge au titre des prestations légales, et ce même si des frais sont restés à la charge de la victime.
Elle ne peut donc solliciter que l’indemnisation complémentaire de :
– ses souffrances physiques et morales avant consolidation non indemnisées au titre du
déficit fonctionnel permanent
– son préjudice esthétique,
– son préjudice d’agrément, qui est l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs qu’elle pratiquait antérieurement au dommage,
– son préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle,
– le déficit fonctionnel temporaire, non couvert par les indemnités journalières qui se rapportent exclusivement à la perte de salaire,
– les dépenses liées à la réduction de l’autonomie, y compris les frais de logement ou de véhicule adapté et le coût de l’assistance d’une tierce personne avant consolidation,
– son préjudice sexuel, indépendamment du préjudice d’agrément,
– son préjudice d’établissement défini comme étant la perte d’espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap,
– son préjudice permanent exceptionnel, défini comme étant un préjudice extra-patrimonial atypique, directement lié au handicap permanent qui prend une résonance particulière pour certaines victimes en raison soit de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable, notamment de son caractère collectif pouvant exister lors de catastrophes naturelles ou industrielles ou d’attentats.
En outre, si depuis 2009, il a été jugé que la rente versée à la victime d’un accident du travail indemnise les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité, d’une part, et le déficit fonctionnel permanent, d’autre part, il est désormais acquis que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.
En effet, eu égard à sa finalité de réparation d’une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée à l’article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, et à son mode de calcul, appliquant au salaire de référence de la victime le taux d’incapacité permanente défini à l’article L. 434-2 du même code, la rente d’accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l’accident, c’est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité, et non le poste de préjudice personnel.
Il s’en suit que M. [Y] est bien-fondé à solliciter, en complément de la rente accident et de sa majoration, qu’il perçoit sur le fondement de l’article L.452-2 du code de la sécurité sociale, l’indemnisation de son déficit fonctionnel permanent.
Ce poste de préjudice permet d’indemniser non seulement le déficit fonctionnel au sens strict, c’est-à-dire la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel définitive, après consolidation, mais également les douleurs physiques et psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence.
Il convient donc de compléter la mission d’expertise aux fins de faire évaluer par l’expert le déficit fonctionnel permanent en tenant compte de la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel définitive, après consolidation, mais également les douleurs physiques et psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence.
Ces précisions et complément d’expertise seront fixés au dispositif du présent arrêt.
M. [Y] sollicite au titre de son appel incident que la provision allouée soit portée à 50.000,00 euros.
Sa demande apparaît justifiée au vu des pièces médicales qu’il produit. En effet, après une hospitalisation de près de deux mois, consécutive à un pronostic vital très fortement engagé compte tenu de la gravité exceptionnelle des blessures subies décrites ci-dessus, après une période de coma artificiel nécessaire pour la préparation des interventions chirurgicales, dont les suites ont été instables d’un point de vue respiratoire et neurologique, avec diverses pneumopathies du à la ventilation mécanique, des complications neurologiques graves de type hypertension intracrânienne, il était noté le 4 décembre 2013 que le patient pouvait être enfin mobilisé en fauteuil, mais que les stations assise et debout n’étaient pas possibles sans aide.
Il a ensuite été pris en charge dans une clinique spécialisée de rééducation et de réadaptation fonctionnelle neurologique à compter du 16 décembre 2013, dont le médecin-chef constatait, le 19 février 2014 que sur le plan neurologique M. [Y] présentait une paralysie du membre inférieur gauche, sur le plan cognitif : un déficit de mémorisation et une faiblesse des capacités de récupération d’informations, un déficit de mémoire, un important ralentissement psychomoteur ainsi qu’un déficit de l’attention soutenue, sur le plan orthopédique : une hémiplégie gauche compliquée d’un syndrome douloureux régional chronique du membre supérieur gauche avec augmentation de volume et impotence fonctionnelle au niveau du coude, ce médecin-chef concluant qu’au plan fonctionnel, M. [Y] restait dépendant d’une tierce personne pour les activités de la vie quotidienne, nécessitant une surveillance et un guidage, et pouvant seulement se déplacer en fauteuil roulant à l’intérieur et dans un espace connu.
L’expertise médicale réalisée le 18 décembre 2017 a constaté, au 50e mois post-traumatique et d’arrêt de travail, un état séquellaire comme suit :
* une hémi élégie gauche incomplète responsable d’une asymétrie à la marche et d’une marche ralentie, seulement possible que sur quelques centaines de mètres avec une canne,
* une récupération du membre gauche supérieur partielle avec une valeur fonctionnelle limitée,
* une récupération partielle du nerf cubital gauche après la neurolyse,
* des troubles cognitifs associant syndrome dysexécutif, troubles attentionnels, ralentissement psychomoteur,
* l’hémiplégie et les troubles cognitifs sont sous-tendus par une lésion porencéphalique étendue rétro sylvienne au niveau de l’I.R.M. cérébrale et par des pétéchies frontales,
* l’existence d’une neuro vessie centrale avec impériaux cités ayant nécessité une injection de toxine botulique intra vésicale,
* la persistance d’une épilepsie post-traumatique nécessitant un traitement matin et soir,
* la persistance d’une anosmie avec dysgueusie,
* l’allégation de troubles sexologiques,
* la persistance de lombo dorsalgies en lien avec les diverses fractures initiales ayant nécessité une arthrodèse C3-C4 et T5-T9,
rappel en outre fait que l’état de santé de M. [Y] était considéré comme consolidé par la caisse au 26 avril 2017.
Il est par conséquent justifié d’infirmer le jugement sur ce point et d’allouer à la victime une provision de 50.000,00 euros.
Les autres dispositions du jugement sont en voie de confirmation, sauf à préciser qu’il appartiendra à la caisse primaire d’assurance-maladie du Var de faire l’avance à la victime de toutes les sommes qui sont allouées à cette dernière en indemnisation au titre de la faute inexcusable de son employeur, et de condamner la société [7] à rembourser à la caisse toutes les sommes qui seront ainsi avancées par l’organisme de sécurité sociale.
L’appelante qui succombe supportera la charge des dépens.
L’équité conduit à allouer à M. [Y], qui a assumé pour faire assurer la légitime défense de ses droits en appel le coût d’une expertise en accidentologie, une somme de 10.000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du 17 décembre 2021 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a alloué à M. [J] [Y] une provision de 30.000,00 euros à valoir sur son indemnisation complémentaire.
Statuant à nouveau de ce seul chef,
Alloue à M. [J] [Y] la somme de 50.000,00 euros à titre de provision à valoir sur son indemnisation complémentaire.
Y ajoutant,
Rappelle que cette somme sera avancée à M. [Y] par la caisse primaire d’assurance maladie du Var à charge pour elle d’en recouvrer le montant auprès de l’employeur.
Rappelle que la société [7] sera tenue de rembourser à la caisse primaire d’assurance maladie du Var toutes les sommes qu’elle a été amenée à verser ou qu’elle sera amenée en application des dispositions des articles L. 452-2, 452-3 et 452-4 du code de la sécurité sociale.
Complète la mission confiée à M. Le Docteur [R] [I] comme suit :
* Évaluer le déficit fonctionnel permanent de la victime à savoir :
pour la période postérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie, les souffrances physiques et morales permanentes et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales) du fait des séquelles tant physiques que mentales qu’elle conserve, du fait d’une réduction définitive de son potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel.
Rappelle, pour le bon déroulement de l’expertise et le caractère complet qu’elle doit présenter, que l’expert doit évaluer, outre le déficit fonctionnel permanent ci-dessus précisé, les chefs de préjudice suivants :
– les souffrances physiques et morales avant consolidation,
– le préjudice esthétique,
– le préjudice d’agrément, qui est l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs qu’elle pratiquait antérieurement au dommage,
– le préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle,
– le déficit fonctionnel temporaire, non couvert par les indemnités journalières qui se rapportent exclusivement à la perte de salaire,
– les dépenses liées à la réduction de l’autonomie, y compris les frais de logement ou de véhicule adapté et le coût de l’assistance d’une tierce personne avant consolidation,
– le préjudice sexuel, indépendamment du préjudice d’agrément,
– le préjudice éventuel d’établissement défini comme étant la perte d’espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap,
– le préjudice permanent exceptionnel, défini comme étant un préjudice extra-patrimonial atypique, directement lié au handicap permanent qui prend une résonance particulière pour certaines victimes en raison soit de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable, notamment de son caractère collectif pouvant exister lors de catastrophes naturelles ou industrielles ou d’attentats.
Condamne la société [6] aux dépens.
Condamne la société [6] à payer à M. [J] [Y] la somme de 10.000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président