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Par sécurité, mieux vaut laisser les fonds perçus en première instance sur un compte de séquestre. En effet, en cas d’appel de la partie adverse, la restitution est de droit.
Un arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, augmentées des intérêts au taux légal courant à compter de la signification, valant mise en demeure, du présent arrêt ( Soc., 27 février 1991, pourvoi n° 87-44.965, Bull., 1991, V, n° 104 ; 3 ème, Civ, 19 février 2002, pourvoi n° 00-20.665; Ass. Plén., 3 mars 1995, pourvoi n° 91-19.497, Bull., Ass. plén., n° 1 ; 2ème, Civ, 9 décembre 1999, pourvoi n° 98-10.416, Bull. 1999, II, n° 188 ; 3ème, Civ, 31 janvier 2007, pourvoi n° 05-15.790, Bull. 2007, III, n° 15 ; 3ème, Civ, 12 janvier 2010, pourvoi n° 08-18.624, Bull. 2010, III, n° 6).
Etant tenu de rembourser l’intégralité des sommes qu’il a reçues dans la mesure où « même autorisée à titre provisoire, l’exécution d’une décision de justice frappée d’appel n’a lieu qu’aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge pour lui de réparer, en cas d’infirmation, le préjudice qui a pu être causé par cette exécution » (Cass. soc., 23 mai 1957, n° 46.997 ; Cass. soc., 18 janv. 2005, n° 02-45.205), l’appelant en échec est tenu de restituer à son opposant l’intégralité des sommes déjà perçues (cass. 2ème Civ. 7 juin 2012, n°11-20.294).
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 12 JANVIER 2023
MHD/PR
ARRET N° 16
N° RG 21/02394
N° Portalis DBV5-V-B7F-GK2B
S.A.S. ADVENTURE LINE PRODUCTIONS
C/
[B]
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 juillet 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes de ROCHEFORT-SUR-MER
APPELANTE :
S.A.S. ADVENTURE LINE PRODUCTIONS
N° SIRET : 722 031 283
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Mme [E] [L], agissant en sa qualité de présidente
Ayant pour avocat postulant Me Elise GALLET de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS
Ayant pour avocat plaidant Me Stéphanie DUMAS de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ :
Monsieur [Z] [B]
né le 30 septembre 1985 à [Localité 5] (26)
[Adresse 1]
[Localité 3]
Ayant pour avocat postulant Me Xavier COTTET, avocat au barreau de POITIERS
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2021/006771 du 04/10/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de POITIERS)
Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel LUDOT, avocat au barreau de REIMS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 19 octobre 2022, en audience publique, devant :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente qui a présenté son rapport
Madame Valérie COLLET, Conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseiller
Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE
ARRÊT :
— CONTRADICTOIRE
— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
— Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par contrat de travail à durée déterminée en date du 27 mai 2013, Monsieur [Z] [B] a été embauché du 27 mai au 6 juin 2013 par la société SAS Adventure Line Productions – société de production audiovisuelle – en qualité d’acteur de complément pour interpréter le rôle d’un personnage dénommé ‘Mister Boo’ dans l’émission Fort Boyard diffusée sur la chaîne France 2 – moyennant une rémunération fixée comme suit : cachets sur la base d’une rémunération horaire, heures supplémentaires non plafonnées, majorations des jours fériés, heures supplémentaires 25 et 50 % et défraiements-.
Six contrats de travail à durée déterminée se sont succédés de 2013 à 2019 suivant approximativement les mêmes périodes des mois de mai et juin.
Par courrier recommandé avec accusé de reception du 3 juillet 2020, soutenant que son client subissait un préjudice en raison du défaut de reconduction de sa mission pour l’année 2020, le conseil de Monsieur [B] a demandé vainement à la société le versement de dommages intérêts d’un montant de 100 000 €.
Par requête en date du 11 décembre 2020, il a saisi le conseil de prud’hommes de Rochefort afin de solliciter la requalification des contrats successifs en contrat de travail à durée indéterminée, le versement de dommages intérêts pour licenciement abusif et d’ indemnités subséquentes outre des dommages intérêts pour inexactitude des heures de nuit.
Par jugement en date du 8 juillet 2021, le conseil de prud’hommes de Rochefort-Sur-Mer a :
— débouté Monsieur [B] de sa demande de requalification de ses contrats d’usage en un contrat de travail à durée indéterminée ;
— débouté Monsieur [B] de sa demande de 20 000 € au titre des heures supplémentaires correspondant aux prestations de nuit ;
— condamné la SAS Adventure Line Production à verser à Monsieur [B] les sommes de :
° 5 991 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
° 2 100 € nets au titre de l’indemnité de licenciement ;
° 8 836,526 € nets au titre du licenciement abusif ;
° 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
— dit qu’il n’est pas fait droit à la demande d’exécution provisoire du jugement ;
— débouté la SAS Adventure Line Production de sa demande reconventionnelle de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
— condamné la SAS Adventure Line Production aux entiers dépens.
Par déclaration d’appel en date du 28 juillet 2021, la SAS Adventure Line Production a interjeté un appel limité aux chefs de la décision l’ayant condamnée au versement de diverses sommes au profit de Monsieur [B] qui lui-même par conclusions du 12 novembre 2021, a relevé appel du jugement en ce qu’il l’avait débouté de ses demandes de requalification de contrat de travail et de paiement des heures supplémentaires correspondant aux prestations de nuit.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions du 8 février 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens,la SAS Adventure Line Productionsdemande à la cour de :
1 – Sur les demandes relatives à la requalification et la cessation de la relation contractuelle :
* A titre principal,
— infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;
— déclarer irrecevable et rejeter l’ensemble des demandes de Monsieur [B] tendant à obtenir la requalification de ses CDDU en CDI et sa condamnation à lui verser certaines sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité de licenciement et de licenciement abusif, ainsi qu’au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
— condamner Monsieur [B] à lui verser la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
— condamner Monsieur [B] aux dépens ;
* A titre subsidiaire,
— infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;
— débouter Monsieur [B] de ses demandes tendant à obtenir la requalification de ses CDDU en CDI et sa condamnation à lui verser certaines sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité de licenciement et de licenciement abusif, ainsi qu’au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
— condamner Monsieur [B] à lui verser la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
— condamner Monsieur [B] aux dépens ;
* A titre infiniment subsidiaire,
— limiter sa condamnation à verser des dommages et intérêts à Monsieur [B] à hauteur de 1 euro brut ;
— le débouter du surplus de ses demandes.
2 – Sur les demandes relatives aux heures de nuit :
— confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a débouté Monsieur [B] de ses demandes ‘au titre des heures supplémentaires correspondant aux prestations de nuit’,
3 – En tout état de cause,
— condamner Monsieur [B] à lui restituer la somme de 10 999,27 € correspondant au montant net réglé par elle, augmenté des sommes qu’elle a dû précompter et reverser aux organismes sociaux et fiscaux au titre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu des cotisations et contributions sociales, en exécution du jugement de première instance ;
— subsidiairement, ordonner la compensation entre cette somme et toutes les autres condamnations que la cour d’appel de Poitiers estimerait devoir mettre à sa charge.
Par conclusions du 12 novembre 2021 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Monsieur [B] demande à la cour de :
— déclarer la SAS Adventure Line Productions recevable mais mal fondée en son appel ;
— confirmer le jugement attaqué dans toutes ses dispositions sauf en ce qu’il l’a débouté de sa demande de requalification de ses contrats d’usage en un contrat de travail à durée indéterminée et l’a débouté de sa demande de 20 000 € au titre des heures supplémentaires correspondant aux prestations de nuit ;
— et statuant à nouveau,
— ordonner la requalification des divers contrats à durée déterminés d’usage des 27 mai au 6 juin 2013, 22 mai 2014 au 3 juin 2014, 14 mai 2015 au 28 mai 2015, 28 mai 2016 au 10 juin 2016, 18 mai 2017 au 2 juin 2017, 17 mai 2018 au 1er juin 2018, et 4 mai 2019 au 24 mai 2019, en contrat à durée indéterminée ;
— condamner la SAS Adventure Line Productions au paiement de la somme de 20 000 € en réparation du préjudice lié à l’inexactitude des heures de nuit déclarées sur les bulletins de paie en application de l’article L. 3122-3 du code du travail ;
— condamner la SAS Adventure Line Productions au paiement d’une somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
— condamner la SAS Adventure Line Productions aux dépens.
SUR QUOI,
I – SUR L’EXECUTION DU CONTRAT :
A – Sur la prescription applicable :
En application de l’article L. 1471-1 alinéa 1 du code du travail dans sa vigueur au jour de l’introduction de l’action :
‘Toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.’
L’action en requalification d’un ou plusieurs contrats à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée s’analyse en une action portant sur l’exécution du contrat de travail, soumise au délai de prescription de 2 ans prévu à l’article L. 1471-1 du code du travail qui court à compter notamment du terme du contrat ou en cas de succession de contrats de travail à durée déterminée, du terme du dernier contrat lorsque l’action est fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat.
En l’espèce, la SAS Adventure Line Productions soutient que le dernier contrat de travail à durée déterminée d’usage conclu par Monsieur [B] a pris fin le 24 mai 2019, qu’il aurait dû saisir la juridiction prud’homale le 24 mai 2020 au plus tard alors qu’il n’a introduit sa requête que le 11 décembre 2020.
Elle en déduit que ses demandes sont prescrites et irrecevables.
***
Cela étant, compte-tenu des principes sus-rappelés qui prévoit que l’action en requalification de contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée est soumise à la prescription biennale, il convient de juger que l’action engagée à cette fin par Monsieur [B] n’est pas prescrite dans la mesure où le dernier contrat de travail à durée déterminée à usage du salarié s’est achevé le 24 mai 2019 alors que celui-ci a saisi le conseil de prud’hommes le 11 mai 2020.
En conséquence, il convient de rejeter la fin de non-recevoir tirée de ce chef par la société Adventure Line Productions et de déclarer l’action du salarié recevable.
B – Sur la requalification des contrats de travail :
En application de l’article L. 1242-2 du code du travail, les entreprises peuvent conclure des contrats à durée déterminée pour pourvoir les postes pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
Trois conditions doivent être réunies pour qu’une succession de contrats de travail à durée déterminée d’usage soit jugée régulière, à savoir :
— la première condition tient aux secteurs d’activité visés qui sont définis par l’article D. 1242-1 du code du travail qui inclut notamment les spectacles, l’action culturelle et l’audiovisuel,
— la deuxième condition tient à la preuve par l’employeur de l’existence d’un usage – dans le secteur d’activité visé – de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée,
— la troisième condition tient à la démonstration par l’employeur que ‘le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.’ (Cass. soc., 21 mai 2008, no 07-41.287 ; Cass. soc., 26 nov. 2008, no 07-41.189 ; Cass. soc., 19 mai 2009, no 07-41.319 ; Cass. soc., 26 mai 2010, no 08-43.050 ; RJS 2010. 584, no 644 ; JCP S 2010. 1396, obs. [X]).
Il en résulte que la conclusion de contrats de travail à durée déterminée d’usage successifs avec le même salarié est possible à la seule condition qu’elle soit justifiée par des raisons objectives.
En revanche, la requalification de contrats à durée déterminée d’usage en contrat de travail à durée indéterminée s’impose ‘ même si les conditions relatives au secteur d’activité et au caractère naturellement temporaire de l’emploi sont remplies ‘ dès lors que l’employeur ne présente pas d’éléments concrets établissant, dans le cas précis, le caractère par nature temporaire de l’emploi.
***
En l’espèce, confrontée à la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée d’usage en contrat de travail à durée indéterminée présentée par Monsieur [Z] [B] qui expose :
— que la société l’a rémunéré selon les indications figurant sur ses bulletins de paie, en fonction du nombre de jours de présence sur le site Fort Boyard sur une base journalière variant entre 123 € et 160 € outre les heures supplémentaires et les heures de nuit alors qu’elle aurait dû le rémunérer pour les mois précédant les jours de tournage sur les lieux,
— qu’en effet, l’analyse des photographies du personnage ‘Mister Boo’ laisse apparaître, sans contestation possible, une préparation physique extrêmement éprouvante qui nécessitait pour apparaître dans l’émission sous une forme particulièrement musclée un entraînement journalier important de 2 heures pendant les 6 mois qui précédaient l’enregistrement de l’émission et des restrictions alimentaires imposant un régime très particulier,
— qu’ainsi, son contrat de travail se poursuivait, au-delà de sa présence physique sur les lieux en raison des besoins d’entraînement liés strictement aux conditions du tournage,
La société réplique :
— que Monsieur [B] n’a jamais contesté la régularité des CDDU qu’il concluait,
— qu’il n’a tourné que dans l’émission de Fort Boyard, à l’exclusion des autres émissions qu’elle produisait, que le personnage de Mister Boo avait un caractère précaire et pouvait à tout moment disparaître, que l’émission elle-même dépendait de l’aléa de l’audience,
— qu’il n’y a jamais eu pendant les périodes intercalaires entre deux contrats de lien de subordination entre elle et l’intimé,
— que la participation de Monsieur [B] à l’émission Fort Boyard ne constituait pour lui qu’une activité très secondaire et qu’il exerçait (à l’exception des deux semaines de l’année où il se trouvait sur le Fort) le reste et la majeure partie du temps une activité de culturisme pour son propre compte tout en exploitant un commerce.
***
Il résulte de ce qui précède qu’au cas particulier, si les deux premières conditions, – à savoir l’inscription sur la liste de l’article D. 1242-1 du code du travail de l’activité litigieuse et l’usage existant dans ce secteur d’avoir recours à des contrats de travail à durée déterminée – ne sont pas discutées, la troisième condition en revanche, est contestée.
Il appartient donc à la cour de rechercher si l’employeur rapporte des éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi, justifiant le recours aux contrats de travail à durée déterminée à usage.
A ce titre, il convient de rappeler :
— que l’émission Fort Boyard est un jeu télévisé français, créé en 1990, tourné sur la fortification éponyme et diffusée chaque année en période estivale, sur la chaîne France 2,
— que Monsieur [B] – qui pratique le culturisme depuis 2005 et qui a participé, en qualité de culturiste à diverses émissions télévisées – a été remarqué au cours de l’une d’entre elles en 2013 par la société ALP, productrice de l’émission,
— que c’est dans ces conditions qu’il a conclu avec elle, 7 contrats de travail successifs intitulés ‘contrat à durée déterminée d’usage’ pour occuper l’emploi ‘d’acteur de complément’ en interprétant le personnage de ‘ Mister Boo’ selon les plages temporelles suivantes :
° du 27 mai au 6 juin 2013, soit une semaine de cinq jours et quatre jours
° du 22 mai au 3 juin 2014, soit une semaine de cinq jours et quatre jours
° du 14 au 28 mai 2015, soit une semaine de six jours et six jours
° du 26 au 10 juin 2016, soit deux semaines de cinq jours et deux jours
° du 18 au 2 juin 2017, soit deux semaines de cinq jours et deux jours
° du 17 mai au 1er juin 2018, soit deux semaines de cinq jours et deux jours
° du 4 au 24 mai 2019, soit treize jours,
— que parallèlement, il a ouvert le 9 septembre 2014 un magasin connu sous l’enseigne ‘Mister Boo nutritions’ destiné à la vente de compléments alimentaires, de vêtements, matériel et accessoires de sport,
Il en résulte :
1) – que compte-tenu des aléas s’attachant à l’audience chaque année de l’émission, le maintien de celle-ci dans la grille des programmes d’une année sur l’autre n’était et n’est jamais acquis,
— qu’il en va de même pour le maintien de la présence des personnages de l’émission d’une année sur l’autre qui non seulement est lié à l’audience recueillie sur les performances desdits personnages mais qui dépend également de la nécessité pour l’émission de toujours renouveler son contenu pour rester attractive aux yeux de ses téléspectateurs et remporter des parts d’audimat,
— que la réponse de Monsieur [B] le 27 juillet 2013 apportée à un journaliste du quotidien en ligne ‘le Dauphiné’ qui lui posait la question au terme de sa première saison dans l’émission : ‘participerez-vous à la 25ème édition du jeu, l’année prochaine ” ‘J’aimerais bien. Malheureusement, je ne sais pas si Mister Boo sera reconduit en 2014. J’ai bon espoir car les retours des spectateurs, notamment par internet, sont globalement positifs.’ démontre que dès son premier contrat, le salarié était parfaitement conscient des contraintes imposées par l’audimat et des conséquences qui en découlaient quant à la survie de son personnage.
2) qu’en dépit de ses affirmations, Monsieur [B] ne produit aucun élément pour établir que durant toutes les périodes interstitielles séparant chacun des contrats de travail qu’il avait conclus avec la société, il restait à l’égard de celle-ci dans un lien de subordination, c’est-à-dire sous son autorité, sous ses ordres et ses directives et qu’elle en contrôlait l’exécution et sanctionnait ses manquements.
— qu’en effet, même s’il prétend qu’il était obligé ‘ dans les 6 mois précédants la réalisation de ses prestations pour l’émission Fort Boyard ‘ de se préparer physiquement et de développer sa musculature, il ne rapporte aucun élément permettant d’établir que c’était son employeur qui lui imposait cette préparation, lui donnait des ordres et des directives à cette fin et pouvait sanctionner ses manquements dès lors qu’aucune clause de son contrat ne le prévoit et qu’il ne produit aucun élément sérieux en ce sens, à savoir écrit, courriel de la société lui donnant des ordres durant cette période… ; les attestations de sa famille n’étant pas pertinentes pour ce faire en raison d’un risque de partialité des témoins résultant des liens de parenté et de l’impossibilité pour eux de connaître le contenu exact des contrats de travail litigieux,
— que tout au contraire, les articles de presse versés au dossier de la société – dont il ne conteste pas la teneur – confirment que même s’il travaillait une dizaine de jours par an pour le compte de la société, il consacrait les autres jours de l’année tout à la fois à son commerce, ouvert le 9 septembre 2014, sous l’enseigne ‘Mister Boo nutritions’ qui l’amenait à participer à des salons ou des expositions, aux séances de coaching qu’il assurait (perte de poids, prises de muscles, préparation de compétitions) et à la pratique du culturisme, sa passion, qui le conduisait à participer à des salons de body fitness et autres,
— que ces éléments établissent à eux seuls que compte tenu de ses diverses activités, il ne pouvait pas se tenir à la disposition de son employeur comme il le prétend pendant les six mois précédents ses prestations.
En conséquence, même si sept contrats de travail se sont succédés pendant 7 ans pour des missions similaires d’une dizaine de jours chacune, l’emploi de Monsieur [B] dépendait de deux aléas ‘ tenant tout à la fois à la poursuite de l’ émission décidée par les directeurs de France 2 et au maintien de son personnage dans ladite émission voulue par la société de production ‘ qui eux-mêmes étaient soumis aux impératifs de l’audimat.
Ces deux aléas constituent les éléments concrets qui caractérisent la nature temporaire de l’emploi qu’il occupait et justifient la conclusion de contrats de travail à durée déterminée à usage successifs.
Le jugement attaqué doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [B] de sa demande de requalification.
C – Sur les heures de nuit :
En application des articles :
* L.3122-3 du code du travail (inséré sous une section 1 « Ordre public ») :
‘Par dérogation à l’article L. 3122-2, pour les activités de production rédactionnelle et industrielle de presse, de radio, de télévision, de production et d’exploitation cinématographiques, de spectacles vivants et de discothèque, la période de travail de nuit est d’au moins sept heures consécutives comprenant l’intervalle entre minuit et 5 heures’.
* VI.10 de la convention collective de la production audiovisuelle prévoit :
‘Compte tenu des spécificités de la production audiovisuelle, les partenaires sociaux conviennent, au regard des dispositions de l’article L. 213-1-1 du code du travail, que sera reconnue comme travail de nuit toute activité entre 24 heures et 7 heures du matin. Les employeurs veilleront à restreindre le travail de nuit aux seules nécessités artistiques, éditoriales, ou de programmation
de la production.
Dans le cas de la production de fiction et de documentaire, la période de travail de nuit est cependant fixée à :
— 20 heures à 6 heures en hiver (du 21 décembre au 20 mars) ;
— 22 heures à 7 heures le reste de l’année.
Les heures de travail de nuit seront alors majorées à hauteur de 25 %. Par dérogation, elles sont majorées à hauteur de 50 % pour les salariés des fonctions suivantes : dessinateur en décor, 2e assistant décorateur, régisseur d’extérieur, accessoiriste, chef d’équipe décor, constructeur de décor, menuisier-traceur-toupilleur de décor, staffeur de décor, peintre en lettre / en faux bois de décor, maçon de décor, peintre de décor, métallier / serrurier / mécanicien de décor, tapissier de décor, électricien déco / machiniste déco, rippeur, assistant décorateur adjoint, chef électricien, chef machiniste, conducteur de groupe, blocker / rigger, électricien/ éclairagiste, machiniste.’
Par ailleurs, en application de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
***
En l’espèce, Monsieur [B] soutient :
— qu’une lecture attentive de ses bulletins de paie laisse apparaître que les majorations de nuit sont ‘basses d’une amplitude allant de 3h à 5h du matin,’ (sic),
— qu’il verse des pièces au dossier qui établissent à titre d’exemples qu’en 2019, il a tourné de nuit et a fini souvent au petit matin,
— qu’entre le 7 mai et le 12 mai 2019, il y a eu 5 tournages de nuit qui ne figurent pas intégralement sur ses bulletins de paie et que pour les années précédentes, les tournages de nuit étaient moins intenses mais la rémunération tout aussi inexacte,
— qu’au regard de ses amplitudes de travail, la période nuit telle que calculée par la société est contraire aux textes du code du travail régissant le travail de nuit.
Pour étayer ses affirmations, il verse :
— des attestations de sa famille – ses parents et sa compagne – précisant que lorsqu’il quittait Fort Boyard il avait l’habitude de les appeler successivement et que de ce fait, ils peuvent témoigner de la réalisation d’heures de nuit,
— les extraits de sites de réseaux sociaux mentionnant ses commentaires : ‘Au bout de la 7 ème saison Sur le Fort, j’ai enfin la chance de connaitre les tournages de nuit !!! le #fort Boyard by night. Juste magnifique’ (7 mai 2019) ou encore ‘Tournages de nuit sur le # fort Boyard tout simplement magique et magnfique’ (10 mai 2019), ‘petite visite nocturne du #fort Boyard’.
***
Cela étant, sans qu’il soit nécessaire d’analyser par le menu les contradictions relevées par l’employeur affectant les déclarations du salarié dans lesquelles celui-ci affirme tout à la fois qu’il a fait des heures de nuit durant les années antérieures à 2019 et qu’il n’a connu le travail de nuit qu’en 2019, il convient de relever que même pris dans leur ensemble et mis en perspective, les attestations de sa famille et les commentaires que le salarié a pu faire sur les réseaux sociauxn’établissent pas que ce dernier a effectué des heures de nuit non rémunérées dans la mesure où lorsqu’il téléphonait à ses parents en partant du fort, ces derniers n’étaient pas sur place pour vérifier que son départ effectif correspondait à la fin de son travail et où les commentaires qu’il a pu faire sur les réseauxsociaux ne précisent ni ses heures de travail de nuit et ni son amplitude de travail.
En conséquence, contrairement à ce que soutient Monsieur [B], il ne rapporte aucun élément permettant d’étayer sa demande de dommages intérêts pour la réalisation d’heures de nuit non rémunérées d’autant que l’émission litigieuse qui constitue un jeu télévisé – et donc un programme de ‘flux’ et non ‘de stock’ comme les documentaires, ou fictions – relève de la combinaison du paragraphe 1 de l’article VI-10 de la convention collective applicable en l’espèce et de l’article L. 3122-3 du code du travail qui prévoient que seules les heures accomplies entre 24 heures et 7 heures du matin ouvrent droit à majorations.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes présentées à ce titre après avoir pointé les heures de rotations des embarcations et notamment les rotations du soir et avoir relevé que sur ces bases, les 9, 13, 22 et 23 mai 2019, Monsieur [B] avait été rempli de ses droits au titre des heures de nuit qu’il avait réalisées.
II – SUR LA FIN DES RELATIONS CONTRACTUELLES :
En application de l’article L1471-1 alinéas 2 du code du travail dans sa vigueur au jour de l’introduction de l’action :
‘Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.’
***
En l’espèce, la SAS Adventure Line Productions soutient :
— que le dernier contrat de travail à durée déterminée d’usage conclu par Monsieur [B] a pris fin le 24 mai 2019,
— qu’il aurait dû contester la cessation de la relation contractuelle le 24 mai 2020 au plus tard alors qu’il n’a introduit sa requête que le 11 décembre 2020.
Elle en conclut que son action est prescrite.
En réponse, Monsieur [D] [Y] fait valoir :
— que la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture,
— que cependant, ce n’est qu’ à la date du 14 mai 2020 que la rupture est devenue officielle entre la société et lui-même puisqu’au dernier jour du précédent tournage, il était persuadé de pouvoir poursuivre son activité,
— que de ce fait, le délai de prescription ne lui est pas opposable.
***
Cela étant, il convient de relever :
— que le dernier contrat de travail à durée déterminée à usage a pris fin le 24 mai 2019,
— qu’il ne comportait aucune clause de reconduction,
— qu’il ne constitue pas un contrat de travail saisonnier ouvrant droit à reconduction, contrairement à ce qu’a décidé le conseil de prud’hommes, d’office, sans rouvrir les débats pour recueillir les observations des parties, dès lors que l’activité litigieuse ne rentre pas dans le cadre de la définition des emplois saisonniers et la liste des branches d’activité prévoyant le recours possible aux contrats saisonniers,
— que Monsieur [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Rochefort-sur-Mer le 11 décembre 2020.
Il en résulte que titulaire d’un contrat de travail à durée déterminée à usage ne comportant aucune clause de reconduction et précisant même très clairement que ‘le présent contrat n’est pas renouvelable par tacite reconduction quand bien même l’oeuvre ne serait pas terminée ; il cesse de plein droit au terme fixé par son expiration sans préavis ni indemnité. Le présent contrat pourra éventuellement faire l’objet, d’un commun accord, d’un avenant de reconduction. … Le Producteur ne prend aucun engagement auprès de l’Artiste de lui confier une nouvelle mission en cas de production d’une saison suivante du Programme…’, Monsieur [B] devait saisir dans le délai de la prescription annale le conseil de prud’hommes de sa contestation de la rupture du contrat de travail, d’autant qu’il avait annoncé lui-même le14 mai 2020 dans le quotidien national ‘le Figaro’ son départ de l’émission ayant plusieurs projets dont la construction de sa maison et l’ouverture de sa salle de sports.
En conséquence, il convient de faire droit à la fin de non-recevoir soulevée par la société Adventure Line Productions tirée de la prescription annale afférente à la rupture du contrat.
Le jugement attaqué doit donc être infirmé en ce qu’il avait condamné la société à payer au salarié les indemnités afférentes à la rupture d’un contrat de travail.
IV – SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :
Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par la société aux fins d’obtenir la condamnation de Monsieur [B] à lui restituer les sommes qu’elle a versées en vertu du jugement assorti de l’exécution provisoire, avec intérêts au taux légal.
En effet, le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, augmentées des intérêts au taux légal courant à compter de la signification, valant mise en demeure, du présent arrêt ( Soc., 27 février 1991, pourvoi n° 87-44.965, Bull., 1991, V, n° 104 ; 3 ème, Civ, 19 février 2002, pourvoi n° 00-20.665; Ass. Plén., 3 mars 1995, pourvoi n° 91-19.497, Bull., Ass. plén., n° 1 ; 2ème, Civ, 9 décembre 1999, pourvoi n° 98-10.416, Bull. 1999, II, n° 188 ; 3ème, Civ, 31 janvier 2007, pourvoi n° 05-15.790, Bull. 2007, III, n° 15 ; 3ème, Civ, 12 janvier 2010, pourvoi n° 08-18.624, Bull. 2010, III, n° 6).
Cependant, – en tant que de besoin – il convient de rappeler qu’étant tenu de rembourser l’intégralité des sommes qu’il a reçues dans la mesure où « même autorisée à titre provisoire, l’exécution d’une décision de justice frappée d’appel n’a lieu qu’aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge pour lui de réparer, en cas d’infirmation, le préjudice qui a pu être causé par cette exécution » (Cass. soc., 23 mai 1957, n° 46.997 ; Cass. soc., 18 janv. 2005, n° 02-45.205), Monsieur [B] est tenu de restituer à la société l’intégralité de la somme alors même que l’employeur ne lui en avait versé qu’une partie, de laquelle avaient été soustraites les cotisations sociales, payées à l’URSSAF(cass. 2ème Civ. 7 juin 2012, n°11-20.294).
***
Les dépens doivent être supportés par Monsieur [B].
Il n’est pas inéquitable de débouter les parties de leur demande respective formée en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’exécution du contrat de travail soulevée par la SAS Adventure line productions,
Déclare recevable l’action engagée par Monsieur [D] – [Y] tenant à l’exécution de ses contrats de travail,
Déclare prescrite l’action engagée par Monsieur [D] – [Y] tenant à la rupture de son contrat de travail,
Confirme le jugement prononcé le 8 juillet 2021 par le conseil de prud’hommes de Rochefort-Sur-Mer en ce qu’il a :
— débouté Monsieur [B] de ses demandes de requalification de ses contrats d’usage en un contrat de travail à durée indéterminée et de dommages intérêts au titre d’ heures supplémentaires correspondant aux prestations de nuit,
— débouté la SAS Adventure Line Production de sa demande reconventionnelle de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Déboute Monsieur [B] de ses demandes de paiement d’indemnité de préavis, d’indemnité de licenciement, de dommages intérêts pour licenciement abusif et de remboursement de frais irrépétibles,
Condamne Monsieur [B] aux dépens de première instance,
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l’exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;
Rappelle qu’en exécution du présent arrêt infirmatif, Monsieur [D] [Y] sera tenu de restituer à la SAS Adventure Line Productions les sommes perçues en exécution du jugement de première instance, augmentées des sommes précomptées et reversées aux organismes sociaux et fiscaux au titre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu et des cotisations et contributions sociales,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [B] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,