Engagement de caution : 4 mars 2014 Cour d’appel de Douai RG n° 13/01473

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Engagement de caution : 4 mars 2014 Cour d’appel de Douai RG n° 13/01473
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 04/03/2014

***

N° de MINUTE : 14/

N° RG : 13/01473

Jugement (N° 2011-01081)

rendu le 23 Octobre 2012

par le Tribunal de Commerce de VALENCIENNES

REF : SVB/KH

APPELANT

Monsieur [J] [V]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 3] ([Localité 3])

de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Assisté de Me Jérôme GUILLEMINOT, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉE

SAS FIDUVAL

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Magali GRILLET, avocat au barreau de VALENCIENNES, substitué par Me Franz HISBERGUES, associé

DÉBATS à l’audience publique du 14 Janvier 2014 tenue par Sophie VALAY-BRIERE magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie HAINAUT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Patrick BIROLLEAU, Président de chambre

Sophie VALAY-BRIERE, Conseiller

Stéphanie BARBOT, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 Mars 2014 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Patrick BIROLLEAU, Président et Marguerite-Marie HAINAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 novembre 2013

***

Par acte notarié en date du 16 mars 2005, le CREDIT INDUSTRIEL D’ALSACE ET DE LORRAINE a consenti à la SARL EVASION un prêt de 60.000 € qui a été garanti par le cautionnement de la SA SOFID. Monsieur [J] [V], gérant, deux associés et un tiers se sont portés eux-mêmes cautions solidaires pour le compte de la SARL EVASION envers la SOFID à hauteur de la somme empruntée augmentée de tous intérêts, commissions et frais accessoires.

Le 3 juin 2005, Madame [G] [Q], associée, a cédé ses parts à Monsieur [V].

Par acte sous seing privé en date du 13 juin 2006, Madame [M] [Z], associée, et Monsieur [J] [V] ont cédé la totalité des parts qu’ils détenaient dans le capital social de la SARL EVASION à Messieurs [N] [O] et [I] [Y].

Par décisions du 14 mai 2007, la SARL EVASION a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire laquelle a été convertie en liquidation judiciaire le 4 février 2008.

Le 16 février 2009, la SA SOFID a mis Monsieur [V] en demeure d’honorer ses engagements de caution.

Considérant que la SAS FIDUVAL, rédacteur de l’acte de cession, avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité, Monsieur [V] a saisi le tribunal de commerce de Valenciennes aux fins de réparation du préjudice subi.

Par jugement contradictoire en date du 23 octobre 2012, cette juridiction a débouté Monsieur [V] de l’ensemble de ses demandes et recevant la SAS FIDUVAL en sa demande reconventionnelle a condamné Monsieur [V] à lui payer 1.200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 13 mars 2013, Monsieur [J] [V] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses conclusions en date du 11 juin 2013, il demande à la Cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de condamner la SAS FIDUVAL à lui payer la somme de 45.299,54 € en principal, outre 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que le rédacteur de l’acte a manqué à son obligation de conseil en ce qu’il n’a pas attiré son attention sur le maintien de son engagement de caution malgré la vente de la totalité de ses parts sociales et de son départ de la SARL EVASION ; que la veille de la signature de l’acte, le cabinet d’expertise comptable lui-même ignorait la position de la SOFID ; qu’il ne peut être soutenu qu’il aurait compris et assimilé de manière quasi instantanée le contenu d’un courrier juridique qu’il a été amené à parapher dans la précipitation lors de la signature de l’acte de cession au cours de laquelle le sujet des cautions n’a pas été abordé ; que la rédaction de l’acte de cession est incomplète et ne garantit pas les intérêts des parties en présence ; que la SAS FIDUVAL n’a pas tiré les conséquences de la position de la SA SOFID ; que son préjudice résulte du défaut d’information sur le risque encouru en cas de non remboursement du prêt par la société EVASION après la cession des parts et de l’impossibilité de demander l’insertion dans la convention de cession d’une condition suspensive consistant en une mainlevée du cautionnement ou de négocier avec l’acquéreur une contre garantie ; qu’il doit être indemnisée de la perte de chance d’obtenir la mainlevée ou une contre garantie de son engagement de caution ; enfin, que s’il avait été correctement informé, il aurait pu renoncer à la cession de ses parts.

Dans ses conclusions en date du 8 août 2013, la SAS FIDUVAL demande à la Cour de débouter Monsieur [V] de l’ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Elle soutient ne pas avoir manqué à son obligation de conseil et explique que l’acte de cession comporte en annexe une attestation de la SOFID qui a été paraphée par Monsieur [V] ce qui démontre qu’il a été informé des conditions dans lesquelles la cession s’opérait et notamment du maintien des cautions solidaires au bénéfice de la SA SOFID. Elle ajoute qu’au regard des conditions habituelles en matière de contrat de bière, il est probable que l’acte de cession de parts n’aurait jamais eu lieu sans le maintien de la caution de Monsieur [V]. Elle fait observer, enfin, que la preuve du lien de causalité entre le préjudice allégué et la prétendue faute n’est pas rapportée dès lors que le commandement aux fins de saisie vente a été délivré en vertu d’un acte notarié du 16 mars 2005 et non de l’acte de cession de parts.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 13 novembre 2013.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens selon ce qu’autorise l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

L’expert-comptable qui accepte dans l’exercice de ses activités juridiques accessoires d’établir un acte sous seing privé de cession de droits sociaux pour le compte d’autrui est tenu, en sa qualité de rédacteur, d’informer et d’éclairer de manière complète les parties sur les effets et la portée de l’opération projetée.

Il n’est pas contesté que la SAS FIDUVAL, société d’expertise comptable, est la seule rédactrice de l’acte de cession de parts du 13 juin 2006.

Celui-ci mentionne notamment que ‘Les cédants ont obtenu de la SOFID une attestation de non opposition à la présente cession de contrôle, laquelle demeurera en annexe des présentes, avec l’acte de prêt, pour la parfaite information des cessionnaires. Ces derniers s’engagent expressément à poursuivre le remboursement du prêt’.

Il comprend, en outre, des annexes parmi lesquelles figure une lettre de la SA SOFID, également datée du 13 juin 2006, adressée à M [T] [A], salarié de la SAS FIDUVAL.

Cette lettre indique : ‘Par la présente, nous vous informons que nous ne sommes pas défavorables à la cession des parts sociales, mais souhaitons que cette opération s’effectue dans les conditions suivantes :

Reprise des termes de l’acte de prêt dans l’acte de cession de parts sociales

Engagement des nouveaux associés à poursuivre les termes du remboursement dudit prêt

Maintien des garanties prises au bénéfice de la SOFID.

Les seules conditions de mainlevée des cautions solidaires des anciens associés de la SARL EVASION pourraient être :

Le remboursement anticipé partie, à hauteur de 50% du capital restant dû sur le prêt consenti à la SARL EVASION

La caution solidaire de Monsieur [Y] [I]’.

Il est constant qu’elle a été paraphée par les cédants et les cessionnaires lors de la

signature de l’acte de cession de parts.

S’il peut se déduire de ce paraphe que les parties ont été informées de l’absence

d’opposition de la SA SOFID à la cession, comme indiqué dans l’acte de cession, il ne peut en être conclu en revanche, comme l’ont fait les premiers juges, que la société d’expertise comptable avait rempli son obligation de conseil en informant Monsieur [V], électricien de formation, de manière complète et éclairée sur les risques pour lui attachés à l’absence de reprise des engagements de caution par les cessionnaires alors au demeurant, qu’il est établi qu’il n’a bénéficié d’aucun délai de réflexion.

Dès lors qu’elle n’a pas informé Monsieur [V] de la persistance de ses engagements de caution et sur les risques ainsi encourus en cas de non remboursement du prêt, la SAS FIDUVAL a manqué à son obligation de conseil.

Monsieur [V] rapporte la preuve par la production d’une lettre de mise en demeure du 16 février 2009 et d’actes d’exécution, que la SA SOFID, qui n’a pas été désintéressée dans le cadre de la procédure collective ouverte au profit de la SARL EVASION comme le démontre le certificat d’irrecouvrabilité établi par le liquidateur judiciaire, lui réclame en sa qualité de caution, le paiement de la somme de 45.099,54 € selon décompte établi par Maître [D], huissier de justice, en date du 22 avril 2013.

Le préjudice subi par Monsieur [V] s’analyse en la perte d’une chance d’obtenir la mainlevée des cautionnements lors de la cession des parts, lequel peut être évalué à la somme de 45.000 €.

Contrairement, à ce qui est soutenu il est en lien direct avec l’acte de cession de parts nonobstant la référence à l’acte notarié du 16 mars 2005 dans le commandement aux fins de saisie vente du 1er avril 2010.

Il convient, en conséquence, de condamner la SAS FIDUVAL au paiement de cette somme à titre de dommages et intérêts.

Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

La société FIDUVAL qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [V] les frais exposés par lui en cause d’appel et non compris dans les dépens ; il lui sera alloué la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant après débats publics, par arrêt contradictoire mis à disposition

au greffe,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Dit que la SAS FIDUVAL a manqué à son obligation de conseil à l’occasion de la rédaction de l’acte de cession de parts sociales du 13 juin 2006 ;

Condamne la SAS FIDUVAL à payer à Monsieur [J] [V] la somme de 45.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi outre 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS FIDUVAL aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

M.M. HAINAUTP. BIROLLEAU

 


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