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N° RG 21/02167 – N° Portalis DBVM-V-B7F-K3Z3
C3
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SELARL GABARRA GUIEU PRUD’HOMME – AVOCATS
Me Cyrielle DELBE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 14 MARS 2023
Appel d’une décision (N° RG 12/02752)
rendue par le Juge de l’exécution de GRENOBLE
en date du 22 mars 2021
suivant déclaration d’appel du 06 mai 2021
APPELANTS :
M. [T] [V]
né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Mme [X] [K] épouse [V]
née le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentés par Me Valérie GABARRA de la SELARL GABARRA GUIEU PRUD’HOMME – AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
La Sté MY MONEY BANK, nouvelle dénomination de la Sté GE MONEY BANK,
société anonyme, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 784 393 340,
dont le siège social est [Adresse 8], représentée par ses dirigeants en exercice
représentée par Me Cyrielle DELBE, avocat au barreau de GRENOBLE plaidant Fançois VERRIELE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Catherine Clerc, président de chambre,
Mme Joëlle Blatry, conseiller
Mme Véronique Lamoine, conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 24 janvier 2023, Madame Clerc président de chambre chargé du rapport, assistée de Anne Burel, greffier, en présence de Catherine Silvan, greffier stagiaire, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
******
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon acte sous seing privé du 3 septembre 2007, la société GE Money Bank nouvellement dénommée My Money Bank (la Banque) a accordé à M. [T] [V] et Mme [X] [V] née [K] un prêt immobilier n°10207423384 d’un montant de 261.734€ au taux de 4,45’% l’an, destiné au financement de l’acquisition d’un appartement en l’état futur d’achèvement à [Localité 7] dans le cadre du programme immobilier de défiscalisation développé par la société Apollonia (acquisition de biens immobiliers à visée locative permettant de bénéficier du régime fiscal des loueurs en meublé non professionnels).
Ce prêt était garanti par le cautionnement de la SACCEF devenue CEGC.
M. et Mme [V], comme de nombreux autres emprunteurs, se sont constitués partie civile en novembre 2009 dans l’instruction ouverte au tribunal de grande instance de Marseille (devenu depuis tribunal judiciaire) à l’encontre notamment de la société Apollonia pour faux, usage de faux et escroquerie.
Ils ont (également comme de nombreux autres emprunteurs) assigné le 11 décembre 2009 la société Apollonia, la Banque , des notaires et d’autres établissements financiers devant ce même tribunal en responsabilité et indemnisation de leur préjudice en lien avec la surévaluation des biens vendus et des financements excessifs qui ont pu être accordés.
Le prêt n’étant plus remboursé à compter de l’échéance d’avril 2010, la Banque , après mises en demeure préalables, a prononcé la déchéance du terme le 13 juillet 2010.
Suivant acte extrajudiciaire du 25 avril 2012, la Banque a assigné M. et Mme [V] devant le tribunal de grande instance de Grenoble en paiement.
Par ordonnance du 24 septembre 2014, confirmée en appel le 23 février 2016, le juge de la mise en état a débouté les emprunteurs de leurs incidents de connexité, de sursis à statuer et de communication de pièces.
M. et Mme [V] ont régularisé un nouvel incident aux fins de sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale au motif qu’ils avaient demandé la nullité du prêt’; ils en ont été déboutés par ordonnance du juge de la mise en état du 11 juin 2019.
Par jugement contradictoire du 22 mars 2021, le tribunal précité de Grenoble, devenu tribunal judiciaire, a’:
dit irrecevable la demande de sursis à statuer formulée par M. et Mme [V],
dit recevable l’action en paiement de la Banque à l’encontre de M. et Mme [V],
dit irrecevable la demande de déchéance du droit aux intérets conventionnels formulée par M. et Mme [V] au motif d’un taux effectif global (TEG) erroné,
rejeté les demande de M. et Mme [V] de déchéance du droit aux intérêts pour non-respect des articles L.121-21 et suivants, L.312-7 et L.312-10 du code de la consommation,
condamné M. et Mme [V] à payer à la Banque’:
la somme de 257.892,20 € outre intérêts au taux de 4,45’% à compter du 23 juillet 2010 au titre du solde du prêt n° 10207423380
la somme de 1€ au titre de la clause pénale outre intérêts au taux légal à compter du jugement,
débouté M. et Mme [V] de leur demande de dommages et intérêts,
rejeté la demande d’anatoscisme formulée par la Banque,
dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné M. et Mme [V] aux dépens avec recouvrement conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration déposée le 6 mai 2021, M. et Mme [V] ont relevé appel.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 12 décembre 2022au visa’de’:
l’article 4 du code de procédure pénale,
les articles 10, 1108 et suivants, 1134 et suivants, 1382, 1384, 1907 et suivants, 2222 et suivants du code civil,
les dispositions des articles L.519 ‘ 1 et suivants du code monétaire et financier,
l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’Homme,
les articles 9, 11,15,31, 32, 74,138, 423, 427,700, 771 du code de procédure civile,
les articles L.121-21 et suivants, L.312-7, L. 312-10, L.312-27, L. 312-34, L. 313-1 et suivants du code de la consommation,
les articles L 214-42-1 et suivants, L .214-43 et suivants, L. 214-49-6 et suivants, D’.214-102 du code monétaire et financier,
du décret du 26 novembre 1971,
M. et Mme [V] sollicitent que la cour’, les recevant dans leur appel, infime en toutes ses dispositions le jugement déférés sauf en ce qu’il a rejeté la demande d’anatocisme formée par la Banque et dit n’y avoir lieu à exécution provisoire, et ,
à titre principal,
ordonne qu’il soit sursis à statuer jusqu’à la fin des instances pénales et civiles pendantes par-devant le tibunal judiciaire de Marseille,
déboute purement et simplement la Banque de l’ensemble de leurs fins et conclusions contraires,
ordonne à tout le moins qu’il soit sursis à statuer jusqu’à la fin de l’instruction,
à titre subsidiaire
constate la prescription de la créance de la Banque,
à titre encore plus subsidiaire,
constate que la Banque ne rapporte pas la preuve de la non-cession du prêt qu’elle leur a accordé,
constate que la Banque ne produit pas le récapitulatif des créances cédées par voie de titrisation,
en l’état, en conséquence,
constate que la Banque n’a pas d’intérêt à agir,
déclare la Banque irrecevable,
déboute la Banque de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
à titre infiniment subsidiaire,
prononce la déchéance du droit aux intérêts de la Banque pour inexactitude du TEG,
juge que la créance de la Banque n’est dès lors ni liquide, ni certaine, ni exigible,
déboute la Banque de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
en toute occurrence,
constate les irrégularités contenues dans les actes notariés et la procuration,
constate l’existence d’un taux TEG irrégulier,
constate la violation manifeste du délai Scrivener,
constate la violation manifeste des dispositions du code monétaire et financier notamment en ses articles L.519-1 et suivants,
constate la violation manifeste des dispositions du code de la consommation notamment en ses articles L.121-21 et suivants, L.312 et suivants, L.313 et suivants.
constate l’absence de mention du taux de période et de la durée de période,
constate l’absence au titre du TEG de toute mention touchant à la commission perçue par la société Apollonia,
constate l’absence dans le calcul du TEG des frais de notaire et des frais de garantie,
constate la violation manifeste notamment de la loi Scrivener, et des dispositions légales impérative touchant à la détermination du TEG,
constate la déchéance du droit aux intérêts de l’emprunt,
constate que la créance de la Banque n’est dès lors ni liquide, ni certaine ni exigible,
juge que la Banque n’a pas respecté son obligation de mise en garde,
prononce la déchéance du droit aux intérêts de la Banque pour inexactitude du TEG,
constate que leur consentement donné à l’acte n’était en rien un consentement éclairé,
constate l’illicéité de la cause du contrat de prêt en débat,
en conséquence,
déboute la Banque de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, subsidiairement sur point,
prononce alors à tout le moins la déchéance du droit aux intérêts de la Banque au visa des dispositions de la loi Scrivener, comme encore eu égard à l’existence d’un TEG erroné au contrat de prêt,
en toute occurrence,
condamne la Banque à leur payer la somme de 300.000€ de dommages et intérêts,
ordonne la compensation éventuelle entre leur créance et celle de la Banque,
condamne la Banque à leur verser une somme de 6.000€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamne la même aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées le 22 décembre 2022, la Banque demande à la cour de’:
confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de sursis à statuer de M. et Mme [V],
infirmer le jugement en ce qu’il a :
condamné M. et Mme [V] à lui payer au titre du prêt n° 1020 742 338 0 la somme de 257.892,20€, outre les intérêts au taux de 4,45 % à compter du 23 juillet 2010,
condamné M. et Mme [V], à lui payer une somme de 1€ au titre de la clause pénale, outre les intérêts au taux légal à compter de la date du jugement,
l’ a déboutée de sa demande de condamnation de M. et Mme [V], de paiement d’une indemnité de 10.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance,
en conséquence, débouter M. et Mme [V] de’:
leur demande au titre d’une prescription de sa créance,
leur demande au titre d’une titrisation de sa créance,
leur demande de déchéance des intérêts conventionnels, au titre d’un manquement au formalisme Scrivener des articles L.312-7 et L.312-10 du code de la consommation, comme infondée,
leur demande de déchéance des intérêts conventionnels, au titre d’une irrégularité du TEG, comme irrecevable et infondée,
leur demande de dommages et intérêts comme infondée,
débouter M. et Mme [V], de l’ensemble de leurs fins, prétentions et demandes condamner M. et Mme [V], codébiteurs au titre de leur obligation indivisible, à lui payer au titre du prêt 1020 742 338 0 la somme de 277.320,94€ avec intérêts au taux de 4,45% à compter du 13 juillet 2010,
condamner in solidum M. et Mme [V] à lui payer la somme de 10.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance et celle de 6.000€ en appel,
les condamner in solidum aux dépens qui seront recouvrés par Me [E] [M] dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 janvier 2023.
MOTIFS
A titre liminaire, il doit être rappelé qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif, et que les «’demandes’» tendant à voir «’constater’» ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour , en étant de même des «’demandes’» tendant à voir «’dire et juger’» lorsque celles ci développent en réalité des moyens.
Il est précisé qu’à défaut d’indication contraire, les articles visés dans le présent arrêt sont issus du code de la consommation.
Sur la demande de sursis à statuer
Sans plus ample discussion, cette demande doit être jugée recevable dès lors que depuis la dernière décision ayant statué sur ce sursis à statuer, est intervenu un fait nouveau, à savoir l’ordonnance de règlement du 25 mai 2022 du magistrat instructeur communiquée en pièce 148 par les appelants ; le jugement déféré du 22 mars 2021 ayant dit l’irrecevabilité de cette demande pour absence de fait nouveau au visa des dispositions de l’article 789 du code de procédure civile n’est donc plus d’actualité.
M. et Mme [V] soutiennent le sursis à statuer est nécessaire pour une bonne administration et un bon fonctionnement de la justice et à titre de préservation de l’ordre public en exposant qu’il n’est pas concevable qu’une décision judiciaire puisse rendre recouvrable une créance issue d’une escroquerie et qu’il n’est pas contestable qu’il existe un risque de contrariété grave entre l’action en paiement initiée à leur encontre par la Banque pouvant aboutir à une décision de condamnation et l’action publique éventuelle exercée par le parquet de Marseille contre la Banque du fait de son action à leur encontre, l’existence de deux décisions incompatibles étant constitutive d’un déni de justice ouvrant la voie d’un pourvoi en cassation’; or lorsqu’ils seront éventuellement fondés à se pourvoir en cassation (si la procédure pénale donne lieu à une condamnation pénale contre la Banque pour recel) ils auront été exécutés en paiement par la Banque et leur pourvoi sera vain.
Ils ajoutent qu’il doit être sursis jusqu’à l’aboutissement des procédures pénales et civiles pendante devant le tribunal «’de grande instance’» de Marseille afin de leur permettre d’invoquer en défense à la demande en paiement de la Banque la faute de la société Apollonia (ainsi que celle des notaires) dans le prêt litigieux qui rejaillit sur la Banque, et ce d’autant que l’issue de l’instance pénale est proche, l’ordonnance de renvoi ayant été rendue le 25 mai 2022 et l’audience de jugement arrêtée au 8 septembre 2023′.
Ils défendent également leur demande de sursis à statuer au visa de l’article 312 du code de procédure civile en exposant que l’instance pénale en cours porte sur les conditions de formation des prêts et que la Banque ne peut pas utilement soutenir que cette procédure pénale et les éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées par suite à l’encontre des notaires et des banques seraient sans incidence sur l’action en paiement dont ils font l’objet. Ils considèrent par ailleurs que la décision de sursis à statuer ne portera pas atteinte aux intérêts de la Banque.
Les protestations de la Banque quant au bien fondé de cette demande de sursis à statuer doivent être retenues.
En effet, l’action engagée au civil devant le tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Marseille par M. et Mme [V] et d’autres emprunteurs, tend à l’obtention de dommages-intérêts en réparation des fautes commises par la banque et non à l’annulation des contrats de vente et de prêt. Elle n’est dès lors pas susceptible d’influer sur le présent litige fondé sur l’exécution du contrat de prêt immobilier.
Quant à la procédure pénale en cours il convient de retenir tout à la fois que
l’article 312 du code de procédure civile n’est pas invoqué de façon pertinente dès lors que le prêt litigieux a été consenti par acte sous seing privé et non par acte authentique, -en vertu de l’article 4 du code de procédure pénale, la mise en mouvement de l’action publique n’impose le sursis que sur le seul jugement de l’action civile exercée devant la juridiction civile en réparation du dommage causé par l’infraction,
les autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, ne sont pas soumises à l’obligation de suspendre l’instance, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil,
la décision de suspendre l’instance relève donc du pouvoir discrétionnaire conféré au juge en vue d’une bonne administration de la justice.
Or, la Banque (et pas davantage la caution CEGC) ne sont ou n’ont pas été mises en cause dans le cadre de l’information ouverte au tribunal judiciaire de Marseille, la Banque ayant toujours son statut de partie civile depuis le 17 décembre 2009 tandis que sa salariée mise en examen n’est pas renvoyée devant le tribunal correctionnel, comme ne l’est pas davantage son intermédiaire en opération de banque (IOB), la société French Riviera Invest (FRI). Dès lors, la décision pénale définitive qui interviendra dans un délai qu’il est impossible d’évaluer à ce jour, sera sans incidence sur la présente instance.
Il n’y a donc pas lieu de surseoir à statuer et le jugement déféré est infirmé en ce sens.
Sur la créance de la Banque
A titre liminaire, il est relevé que si la Banque conteste la qualité de consommateur des emprunteurs pour conclure qu’ils ne peuvent donc pas se prévaloir des dispositions des articles L.312-7 et L.312-10 du code de la consommation ni de la prescription biennale, elle n’a pas repris ce chef de prétention au dispositif de ses dernières conclusions, n’ayant formé appel incident que sur le rejet de sa demande de capitalisation des intérêts. Dès lors les emprunteurs relèvent des dispositions du code de la consommation comme dit par les premiers juges au visa de l’article L.312-2 rappelant la faculté pour les parties de se soumettre volontairement aux dispositions du code de la consommation.
Etant rappelé que la demande de «’constater’» n’est pas une prétention, la cour n’a pas à statuer sur la demande des appelants tendant à voir «’constater l’illicéité de la cause du contrat de prêt en débat’» pour contester le bien fondé de la créance de la Banque, concluant pour ce faire que le prêt est «’le résultat de man’uvres frauduleuses et est constitutif du délit de tromperie et de pratiques commerciales déloyales, objet d’une enquête préliminaire à [Localité 6]’» et ce d’autant qu’ils ne demandent pas la nullité de ce prêt.
S’agissant de la recevabilité de l’action en paiement,
M. et Mme [V] excipent des dispositions de l’article L.137-2 selon lesquelles l’action des professionnels, pour les biens ou services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans, pour soutenir la prescription de cette action’; relevant que le premier incident de paiement non régularisé étant survenu au plus tard à l’échéance d’avril 2010 et la déchéance du terme ayant été prononcée le 13 juillet 2010, ils soutiennent que l’action de la Banque est prescrite pour chacune des échéances impayées en avril 2012, mai 2012, juin 2012 et juillet 2012 , et pour le capital restant dû au 13 juillet 2012, en concluant que «’l’action en paiement’» (comprendre l’assignation) est insusceptible d’interrompre ce délai biennal de prescription, cette interruption ne pouvant être acquise que par des mesures d’exécution, au moins conservatoires.
La Banque réplique à bon droit que son assignation en justice délivrée le 25 avril 2012 a interrompu le délai biennal de prescription conformément aux dispositions de l’article 2241 du code civil, rappelant justement qu’elle ne dispose pas d’un titre exécutoire notarié (le prêt ayant été passé par acte sous seing privé) pour interrompre le délai de prescription par l’engagement d’une mesure conservatoire ou d’une mesure d’exécution forcée.
Son action en paiement est donc recevable car formée avant l’expiration du délai biennal de prescription, que ce soit à l’égard de chacune des échéances impayées à partir d’avirl 2010 ou à l’égard du capital restant dû au 11 juillet 2010.
S’agissant de l’intérêt à agir de la Banque
M. et Mme [V] affirment que la Banque a cédé par titrisation la créance qu’elle détient à leur encontre . Alors qu’il leur appartient conformément à l’article 9 du code de procédure civile ne prouver cette titrisation, sans qu’ils soient fondés à dénoncer un renversement de la charge de la preuve, ils procédent pas simples affirmations non étayées par des offres de preuve’; ils ne sauraient dès lors réclamer la communication des bordereaux de titrisation, la Banque qui conteste avoir procédé à une telle titrisation, étant dans l’impossibilité de produire une preuve négative.
Le jugement est dès lors confirmé sur le rejet de cette fin de non-recevoir.
S’agissant de la déchéance du droit aux intérêts
Pour voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la Banque , les appelants soutiennent tout à la fois que le TEG est irrégulier, que la banque n’a pas satisfait aux prescriptions édictées par les articles L.121-23 L.121-24 et L.121-26 (dans leur version applicable au litige antérieure à celles issues de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014) qui «’conditionnent le caractère liquide et exigible du prêt accordé’» et qu’en violation des articles L.312 -7 et L.312-10 anciens l’offre de prêt ne leur a pas été envoyée par la Poste et que le délai de 10 jours entre sa réception et son acceptation n’a pas été respecté.
S’agissant du TEG, les appelants défendent la recevabilité de leur contestation comme n’étant pas prescrite en soulignant qu’elle s’analyse en une défense au fond à la demande en paiement de la Banque.
Sur le fond, il soutiennent qu’il est erroné car ne prenant pas en compte les frais de notaire ni les commissions de l’intermédiaire, la société Apollonia (alors que l’IOB était la société’FRI) comme prescrit par l’article L.313-1, mais également que le taux de période et la durée de période du prêt ne leur ont pas été communiqués.
Le jugement déféré est infirmé en tant qu’ayant dit prescrite l’action en contestation du TEG et la Banque déboutée de sa demande aux fins d’irrecevabilité de celle-ci’; en effet, dès lors que les emprunteurs ne réclament pas la restitution des intérêts consécutivement à la déchéance du droit aux intérêts tirée de l’irrégularité du TEG, leur action n’est pas de nature reconventionnelle mais est une défense au fond qui est imprescriptible.
Alors que la charge de la preuve du caractère erroné du TEG incombe à l’emprunteur, M. et Mme [V] s’abstiennent de justifier qu’ils ont payés des frais de commission d’intermédiaire lesquels ne figureraient pas dans le calcul du TEG du prêt’; il résulte de plus fort de l’offre de prêt que ces frais étaient inexistants («’incidence en taux des frais de mandat de recherche de capitaux’: néant’«’)’; concernant les frais de notaire, ils ne discutent pas ni ne dénoncent comme inexacte l’indication de la Banque disant que la garantie du prêt par le cautionnement de la CEGC n’a généré aucun frais de notaire (les seuls à devoir être mentionnés dans le coût du TEG), et que les frais de notaire exclusivement liés à l’acquisition n’avaient pas à être inclus dans le TEG’; dès lors, celui-ci n’encourt aucune irrégularité de ces chefs.
L’article R. 313-1 II du code de la consommation prévoit la communication à l’emprunteur’:
du taux de période, à savoir le taux d’intérêt pour la durée de la période, un taux de période proportionnel équivalant au taux annuel divisé par le nombre d’échéances par an .
de la durée de la période ; l’unité de période correspondant à la périodicité des versements, la durée de période doit s’entendre comme étant le délai qui s’écoule entre deux remboursements’; ainsi, en présence de 12 échéances mensuelles par an, la durée de la période est d’un mois.
Or, l’offre de prêt comporte un tableau récapitulatif indiquant’le taux de période (0,426%) indépendamment du taux débiteur et sa nature, de la durée en mois du crédit, sa périodicité (mensuelle) et le jour de l’échéance constante, le nombre d’échéances et leur montant unitaire.
Ainsi, l’exigence de communication du taux de période et de la durée de période par l’article R.313-1 II qui n’impose aucun formalisme quant aux modalités d’exécution de cette obligation d’information, est remplie.
Les articles L.121-23, L.121-24 et L. 121-26 tels que visés par les appelants figurent à la section III ancienne du code de la consommation qui traite du démarchage et qui s’applique selon l’article L.121-21 à quiconque pratique ou fait pratiquer le démarcharge (‘) pour l’achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d’achat de biens ou la fourniture de services’; M. et Mme [V] sont en conséquence mal fondés à exciper d’une quelconque violation de ces textes par la Banque dès lors qu’ils ne sont pas applicables au prêt immobilier litigieux.
Enfin, M. et Mme [V] ne peuvent pas utilement solliciter la déchéance du droit aux intérêts pour violation des dispositions de l’article L.312-10 alors même que la sanction de l’inobservation du délai de réflexion est, comme rappelé à bon droit par les premiers juges, la nullité qu’ils ne demandent pas.
Ils ont par ailleurs signé l’offre de prêt comportant la mention selon laquelle ils reconnaissaient avoir reçu l’offre par voie postale’; dès lors, ils ne peuvent se prévaloir d’une violation de l’article L.312-7.
Dès lors, la Banque n’encourt pas la sanction de la déchéance du droit aux intérêts.
M.et Mme [V] qui ne discutent pas plus en appel qu’en première instance le quantum de cette créance en son principal, qui est certaine, liquide et exigible, et ne s’opposent pas à la demande de la Banque tendant à obtenir également paiement des intérêts majorés tels que prévus à l’article 8 des conditions générales du prêt par référence aux dispositions de l’article L.312-22 du code de la consommation, soit une somme de 1.375,59€ , sont en conséquence condamnés à payer à la Banque la somme de 259.267,79€’, laquelle produira intérêts au taux contractuel à compter du 13 juillet 2010.
Cette condamnation sera dite en leur qualité de codébiteurs d’une obligation indivisible comme sollicité par la Banque au vu des énonciations du contrat de prêt.
Il est également confirmé en ce qu’il a réduit l’indemnité de résiliation de 7’% à la somme de 1€ , cette clause contrairement à l’analyse qu’en fait la Banque, étant bien une clause pénale manifestement disproportionnée au regard du préjudice effectivement subi par celle-ci au regard du taux d’intérêt du prêt.
Il ne peut qu’être confirmé sur le refus de capitalisation des intérêts, la Banque n’ayant pas formé appel incident sur ce point pour obtenir le bénéfice de l’anatocisme.
Sur la responsabilité de la banque
Au soutien de leur réclamation de dommages et intérêts, M. et Mme [V] développent avec force détails tout en étant contredits par la Banque que’:
la Banque a violé ses obligations dans la convention passée avec son IOB , la société FRI, en ce qu’elle savait que les dossiers apportés par celle-ci l’étaient en réalité par la société Apollonia,
il existait des anomalies apparentes sur les demandes de prêts qui lui étaient présentées et a manqué à son obligation de contrôler le dossier présenté et n’a pas contrôlé l’activité de la société Apollonia,elle a manqué à son devoir de contrôle et de surveillance par le fait qu’elle n’a eu aucun rapport direct avec eux, avant ou lors de la conclusion du prêt.
Pour autant, étant au demeurant relevé que les appelants procédent majoritairement par affirmations et considérations générales sans se référer utilement à leur cas personnel, les moyens soutenus par les parties ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a excellement répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour ne peut qu’adopter sauf à devoir paraphraser le jugement déféré, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d’une discussion se situant au niveau d’une simple argumentation.
Le jugement dont appel est donc confirmé sur le rejet de la demande de dommages et intérêts de M. et Mme [V] fondée sur la responsabilité de la Banque.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Parties succombantes, M. et Mme [V] sont condamnés aux dépens d’appel avec droit de recouvrement et conservent leurs frais irrépétibles exposés devant la cour’; ils sont dispensés en équité de verser une indemnité de procédure à la Banque en cause d’appel.
Les dispositions du jugement déféré du chef de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens sont par ailleurs confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a’:
dit irrecevable la demande de sursis à statuer formulée par M. et Mme [V],
dit irrecevable la demande de déchéance du droit aux intérets conventionnels formulée par M. et Mme [V] au motif d’un taux effectif global (TEG) erroné,
condamné M. et Mme [V] à payer à la Banque’la somme de 257.892,20 € outre intérêts au taux de 4,45’% à compter du 13 juillet 2010 au titre du solde du prêt n° 10207423380,
Statuant à nouveau sur les chefs ainsi infirmés et ajoutant,
Dit recevable mais mal fondée la demande de sursis à statuer de M. [T] [V] et Mme [X] [V] née [K] dans l’attente de l’issue des procédures civiles et pénales en cour devant le tribunal judiciaire de Marseille,
Dit recevable mais mal fondée l’action en contestation du taux effectif global de M. [T] [V] et Mme [X] [V] née [K],
Dit que la société GE Money Bank nouvellement dénommée My Money Bank, n’encourt pas la déchéance du droit aux intérêts,
Condamne M. [T] [V] et Mme [X] [V] née [K] en leur qualité de codébiteurs d’une obligation indivisible à payer à la société GE Money Bank nouvellement dénommée My Money Bank, la somme de 259.267,79€’, avec intérêts au taux contractuel à compter du 13 juillet 2010,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en appel,
Condamne in solidum M. [T] [V] et Mme [X] [V] née [K] aux dépens d’appel avec recouvrement par Me Cyrielle Delbé conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT