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Dans cette affaire, la Cour d’appel de Versailles avait estimé qu’un contrat d’édition musicale était entaché de nullité comme contrevenant aux dispositions légales en ce que l’éditeur y était dispensé de l’obligation d’édition graphique de l’œuvre musicale (édition de partitions). En limitant l’obligation de reddition des comptes à ceux de l’édition graphique, le contrat dispensait l’éditeur de son obligation de reddition des comptes. Saisie, la Cour de Cassation a cassé cette décision, en jugeant que le contrat qui dispense l’éditeur de procéder ou de faire procéder à la publication graphique de l’oeuvre ne contrevient pas aux dispositions légales dans la mesure où il fait obligation à l’éditeur de faire figurer l’oeuvre sur un support adapté à la clientèle à laquelle il est destiné et que, par ailleurs, aucune stipulation contractuelle expresse du contrat d’édition ne vient déroger à l’obligation légale de rendre compte.
L’affaire, de retour devant la Cour d’appel, a été rejugée. L’auteur a maintenu que les éditeurs ne pouvaient, sans qu’il y ait sur ce point infraction aux dispositions du Code de la propriété intellectuelle, être dispensés de l’obligation d’éditer les partitions de ses œuvres. Selon les dispositions de l’article L.132-10 du Code de la propriété intellectuelle, il doit dans le contrat d’édition être indiqué le nombre minimum d’exemplaires constituant le premier tirage, cette obligation ne s’appliquant pas aux contrats prévoyant un minimum de droits d’auteur garanti par l’éditeur.
En défense, l’éditeur musical faisait valoir qu’une telle cause de nullité (d’un contrat d’édition littéraire) n’entraîne pas nécessairement celle du contrat d’édition musical invoqué ; pour que soient respectées les dispositions de l’article L. 132-12 du Code de la propriété intellectuelle, l’éditeur doit assurer une reproduction de l’oeuvre musicale permettant son exploitation, sa diffusion et sa commercialisation, conformément aux usages pour le type d’oeuvre dont il s’agit; compte tenu de la spécificité du secteur de l’illustration sonore, il revient aux sociétés éditrices de choisir le support le plus adapté à l’exploitation eu égard à la finalité des oeuvres, et ce dans l’intérêt de l’auteur. L’éditeur musical arguait également du fait que les oeuvres en cause étaient destinées à être exploitées en accompagnement de publicités radiophoniques, télévisuelles ou cinématographiques, ainsi que pour illustrer musicalement des oeuvres audiovisuelles de toute nature ; dans ce secteur d’activité, une exploitation des oeuvres sous forme graphique (partitions) devrait être considérée comme accessoire eu égard à l’évolution des technologies. Il entrerait dans les usages de la profession de ne pas procéder aune publication des oeuvres sous forme d’édition graphique qui n’aurait d’ailleurs aucune espèce d’utilité, faute de mettre en valeur les illustrations sonores, dans un secteur d’activité qui se veut toujours plus innovant.
En réponse, les juges ont considéré que l’article L.132-10 du Code de la propriété intellectuelle concerne “l’édition muette” ou graphique d’une oeuvre et n’était donc pas applicable en l’espèce, puisque l’édition en cause n’est pas soumise à une obligation d’édition graphique. Les usages invoqués par les sociétés éditrices ne sauraient primer les dispositions de l’article L.132-10 du Code de la propriété intellectuelle aux termes desquelles il n’est opéré aucune distinction entre les oeuvres éditées, selon qu’elles sont destinées à être exploitées sous une forme graphique ou correspondant à une illustration sonore ; les dispositions du chapitre II du titre troisième de ce code et plus spécialement celles de l’article L. 132-10 étaient donc applicables en l’espèce, peu important à cet égard la revendication d’une prise en compte plus satisfaisante par l’éditeur des intérêts bien compris de l’auteur, celui-ci étant en droit de veiller lui-même à leur protection, en invoquant l’application d’un texte de loi qui ne saurait, connaître une restriction à la mise en oeuvre de ses dispositions par l’effet d’exceptions qui ne sont pas prévues par la loi.
Il est indifférent qu’il ait été mentionné dans le contrat d’édition en cause un minimum concernant le premier tirage, dès lors que cette stipulation est anéantie par l’effet d’une clause subséquente; dans ces conditions il apparaît que, comme le soutient à juste titre l’auteur, il n’a pas été indiqué dans le contrat d’édition le nombre minimum d’exemplaires constituant le premier tirage, ce qui aurait pourtant dû être fait, dès lors qu’il n’a pas été prévu un minimum de droits d’auteur garanti par l’éditeur ; cette violation des dispositions de l’article L.132-10 du Code de la propriété intellectuelle qui fait nécessairement grief à l’auteur entraîne donc la nullité du contrat d’édition musicale. Source : CA Paris, 28 mars 2008, RG n° 06/15233