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MM/ND
Numéro 23/2018
COUR D’APPEL DE PAU
2ème CH – Section 1
ARRET DU 13/06/2023
Dossier : N° RG 22/00407 – N° Portalis DBVV-V-B7G-IDV6
Nature affaire :
Demande en nullité de la vente ou d’une clause de la vente
Affaire :
[G] [U] [L]
[W] [U] [L]
C/
S.A.R.L. ANDD
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 13 Juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 03 Avril 2023, devant :
Monsieur Marc MAGNON, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l’appel des causes,
Marc MAGNON, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Joëlle GUIROY et en a rendu compte à la Cour composée de :
Monsieur Marc MAGNON, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Joëlle GUIROY, Conseillère
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur [G] [U] [L]
né le 09 Octobre 1973 à Medroes (Portugal)
de nationalité portugaise
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Audrey LACROIX, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
Madame [W] [U] [L]
née le 06 Septembre 1970 à [Localité 6] (Portugal)
de nationalité portugaise
[Adresse 3]
[Localité 2]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 022/4804 du 16/12/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PAU)
Représentée par Me Audrey LACROIX, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
INTIMEES :
S.A.R.L. ANDD
immatriculée au RCS de Bobigny sous le n° 515 398 790, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
Centre d’activité tertiaire
[Localité 5]
Représentée par Me François PIAULT, avocat au barreau de PAU
Assistée de Me Paul ZEITOUN (SELARL PZA PAUL ZEITOUN), avocat au barreau de PARIS
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
immatriculée au RCS de Paris sous le n° 542 097 902, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Philippe BORDENAVE, avocat au barreau de PAU
Assistée de la SCP RAMAHANDRIARIVELO – DUBOIS -DEETJEN ‘RED’, avocat au barreau de MONTPELLIER
sur appel de la décision
en date du 09 NOVEMBRE 2021
rendue par le JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE [Localité 7]
RAPPEL DES FAITS ET PROCÉDURE :
Selon bon de commande n°/00193 en date du 26 décembre 2018, M. [G] [U] [L] a conclu avec la SARL ANDD un contrat d’achat relatif à une installation solaire aérovoltaïque et de production d’eau chaude comprenant notamment : 10 panneaux photovoltaïques, un système GSE Air System avec trois bouches, 10 optimiseurs de production et un système de gestion de I’énergie et de régulation du chauffage, ainsi qu’un ballon thermodynamique de marque Thermor, le tout au prix de 32000 euros TTC.
L’installation photovoltaïque était destinée à l ‘autoconsommation et non à la revente d’électricité.
Le même jour, pour ‘nancer cette opération, M. [G] [U] [L] a souscrit auprès de la SA BNP Paribas Personal Finance un contrat de crédit affecté pour un montant total de 32000,00 euros remboursable en 180 échéances mensuelles de 252,88 euros au taux d’intérêt effectif global annuel de 4,80 %.
Les travaux d’installation ont été réalisés le 22 janvier 2019.
Par courrier du 11 février 2019, Mme [W] [U] [L] a mis en demeure la SARL ANDD de mettre en conformité le système de production d’air chaud.
En date du 14 février 2019, le Consuel a attesté de la conformité de l’installation aux normes en vigueur.
Par actes d’huissier de justice en date du 19 novembre 2020, Monsieur [G] [U] [L] et Madame [W] [U] [L] ont fait assigner la SARL A.N.D.D et la SA BNP Paribas Personal Finance devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan, sur le fondement des dispositions du code de la consommation, pour demander la nullité du contrat de vente et par voie de conséquence celle du contrat de crédit, en demandant que la banque soit privée notamment de sa créance de restitution du capital emprunté, pour faute.
Par jugement du 9 novembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan a :
Rejeté la ‘n de non recevoir soulevée par la SA BNP Paribas Personal Finance tirée du défaut d’intérêt et de qualité à agir de Mme [W] [U] [L] ;
Débouté Monsieur [G] [U] [L] et Mme [W] [U] [L] de toutes leurs demandes;
Débouté la SARL ANDD de sa demande au titre du caractère abusif de l’action intentée par les époux [U] [L];
Condamné in solidum Monsieur [G] [U] [L] et Mme [W] [U] [L] à payer à la SARL ANDD et à la SA BNP Personal Finance chacune la somme de 1000 euros ( mille euros) sur le fondement de l’ article 700 du Code de procédure civile;
Rejeté toute demande plus ample ou contraire ;
Condamné in solidum Monsieur [G] [U] [L] et Mme [W] [U] [L] aux entiers dépens de l’instance ;
Ordonné 1’exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 9 février 2022, les époux [U] [L] ont relevé appel de ce jugement.
L’affaire a été clôturée par ordonnance du 8 mars 2023, l’affaire étant fixée au 3 avril 2023.
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l’espèce des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Vu les conclusions notifiées le 9 mai 2022 par les époux [U] [L], par lesquelles ils demandent à la cour, de réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :
Constater que Monsieur [G] [U] [L] ne maîtrise pas la langue française,
Juger que le contrat de vente en date du 26 décembre 2018 est nul et non avenu compte tenu d’un défaut de consentement total,
Juger que le contrat de vente du 26 décembre 2018 n’est pas conforme aux dispositions d’ordre public du Code de la consommation, ce que ne pouvait ignorer la SA BNP Personal Finance,
Juger que l’absence de toutes les mentions obligatoires dans le contrat de vente doit
être assimilée à des man’uvres dolosives,
Juger irrégulier le contrat de crédit souscrit par la SA BNP Personal Finance en date du 26 décembre 2018,
Juger que la SA BNP Personal Finance a manqué à son devoir d’information en finançant une opération objet d’un contrat de vente qu’elle savait illicite,
Juger que la SA BNP Personal Finance a manqué aux obligations incombant à tout organisme dispensateur de crédit découlant des articles L311-6, L311-8 et L311- 19 du Code de la Consommation,
Juger que le démarcheur de la société A.N.D.D n’est aucunement accrédité pour dispenser du conseil financier, pour rédiger un contrat de crédit et prévenir du risque de surendettement du consommateur,
Juger que laisser à un démarcheur le soin de prévenir du risque de surendettement au consommateur est un manquement grave aux obligations d’informations et de conseil
de la SA BNP Personal Finance,
Juger que la SA BNP Personal Finance a manqué à son devoir de vigilance en décaissant les fonds au profit de la société prestataire en l’absence de l’autorisation administrative préalable aux travaux expresse ou induite d’un accord tacite acquis trente jours après le dépôt de la déclaration en cas de silence de l’Administration.
Juger que la SA BNP Personal Finance a encore manqué à son devoir de vigilance en décaissant les fonds au profit de la société A.N.D.D en l’absence de d’achèvement complet de la prestation,
Juger que la SA BNP Personal Finance a violé nombre de dispositions d’ordre public de Code de la Consommation et du Code Civil
Juger nul et non avenu le contrat de vente du 26 décembre 2018 aux torts de la société A.N.D.D,
Juger que l’annulation du contrat de vente a pour conséquence l’annulation de plein droit des contrats de crédit affecté,
Juger nul le contrat de crédit intervenu entre la SA BNP Personal Finance et Monsieur et Madame [G] [U] [L],
Débouter la SA BNP Personal Finance de ses demandes, fins et conclusions,
Juger en conséquence que la SA BNP Personal Finance sera privée de sa créance de restitution au titre du capital prêté et de tous frais annexes,
Juger que la SA BNP Personal Finance fera son affaire personnelle de la somme versée et indûment perçue par la société A.N.D.D,
Donner acte à Monsieur et Madame [U] [L] qu’ils tiennent à la disposition de la SA BNP Personal Finance et de la société A.N.D.D les matériels objets du contrat de vente,
Condamner solidairement la société ANDD et la SA BNP Personal Finance à payer à Monsieur et Madame [U] [L] [G] la somme de 1.915,30 EUR à titre de dommages et intérêts au titre des frais de remise en état,
Condamner la société A.N.D.D et la SA BNP Personal Finance à payer à Monsieur et Madame [U] [L] la somme de 2.000 EUR sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.
*
Vu les conclusions notifiées le 19 juillet 2022 par la société BNP Paribas Personal Finance, par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles 9 du code de procédure civile, 1315, 1134 et 1147, 1338 du code civil, et de l’article L311-31 ancien, L312-48 nouveau du code de la consommation, de :
Au principal,
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Débouter les époux [U] [L] de l’intégralité de leurs moyens et demandes,
A titre subsidiaire, dans l’hypothèse d’une annulation du contrat de prêt par accessoire,
Dire et juger qu’il ne pèse sur l’établissement de crédit aucune obligation de contrôle de la conformité du contrat principal aux dispositions impératives du code de la consommation, ni aucun devoir de conseil quant à l’opération économique envisagée par le maître d’ouvrage,
Dire et juger que toute privation du droit à restitution du capital mis à disposition en application de l’article L311-31 du code de la consommation implique que la prestation principale ne fut pas fournie, ce qui n’est pas le cas de Monsieur [U] [L] dont les obligations à l’égard du prêteur ont bien pris effet au sens de l’article L311-31 (L312-48), et ce à compter de la mise en service de la centrale photovoltaïque le 22/01/2019,
Dire et juger qu’il n’est justifié d’aucun préjudice qui devrait être réparé par l’exonération pour l’emprunteur de son obligation de restituer le capital mis à disposition,
Débouter Monsieur [U] [L] de ses moyens et demandes tels que dirigés contre la SA BNP PARIBAS Personal Finance, en ce compris sa demande de déchéance des intérêts conventionnels,
Condamner en conséquence [G] [U] [L] à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance, au titre des remises en état entre les parties, la somme de 32.000,00€ avec déduction des échéances déjà versées, avec garantie due par la SARL ANDD en application de l’article L312-56 du code de la consommation,
Condamner la SARL ANDD à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 32.000€ au titre de son engagement contractuel de restituer les fonds à première demande,
Dire et juger qu’entre [G] [U] [L] et la SARL ANDD la condamnation sera prononcée in solidum au profit de la SA BNP Paribas Personal Finance,
En toute hypothèse :
Condamner tout succombant à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 1.500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Le Condamner aux entiers dépens.
*
Vu les conclusions notifiées le 28 juillet 2022 par la société SARL ANDD, au visa des articles L.111-1 et suivants L.312-56 du code de la consommation, 1112-1, 1130, 1137, 1182 et 1303-1 et suivants, du code civil et de l’article 32-1 du Code de procédure civile,
Déclarer la Société ANDD recevable et bien fondée en toutes ses demandes ;
Rejeter toutes les prétentions et demandes formées à son encontre par les consorts [U] [L];
Rejeter toutes les prétentions et demandes formées à son encontre par la société BNP Personal Finance ;
Y faisant droit,
Confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Mont de Marsan en date du 9 novembre 2021 en ce qu’il a :
Débouté les consorts [U] [L] de leur demande de nullité du bon de commande pour non-respect des dispositions du droit de la consommation ainsi que de leur demande de résolution du bon de commande ;
Débouté les consorts [U] [L] de leur demande indemnitaire à l’encontre de la société ANDD ;
Débouté la société BNP Paribas Personal Finance de ses demandes indemnitaires à l’encontre de la société ANDD ;
Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société ANDD de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Statuant à nouveau :
A titre principal,
Sur la confirmation du jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Mont de Marsan en date du 9 novembre 2021 en ce qu’il a débouté les consorts [U] [L] de leur demande de nullité du contrat conclu le 26 décembre 2018 :
Juger que Monsieur [U] [L] a donné son consentement libre et éclairé au contrat contesté ;
Juger que les dispositions prescrites par les articles L.111-1 et suivants du code de la consommation ont été respectées par la société ANDD ;
Juger qu’en signant le bon de commande aux termes desquels étaient indiquées les conditions de forme des contrats conclus à distance imposées par le Code de la consommation, en ayant lu et approuvé le bon de commande (conditions générales de vente incluses), les consorts [U] [L] ne pouvaient ignorer les prétendus vices de forme affectant le bon de commande souscrit ;
Juger qu’en laissant libre accès à son domicile aux techniciens, que par l’acceptation sans réserve des travaux effectués par la société ANDD au bénéfice des consorts [U] [L], qu’en laissant le contrat se poursuivre et en procédant au remboursement des échéances du prêt souscrit auprès de la banque, ces derniers ont manifesté leur volonté de confirmer l’acte prétendument nul ;
Juger que par tous les actes volontaires d’exécution des contrats accomplis postérieurement à leur signature, les consorts [U] [L] ont manifesté leur volonté de confirmer le bon de commande prétendument nul ;
Juger l’absence de dol affectant le consentement des époux [U] [L] lors de la conclusion du contrat de vente ;
En conséquence,
Débouter les consorts [U] [L] de leur demande tendant à faire prononcer l’annulation du contrat de vente conclu auprès de la société ANDD sur le fondement de manquements aux dispositions du code de la consommation et sur le fondement d’un vice du consentement ;
A titre subsidiaire,
Sur la confirmation du jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Mont de Marsan en date du 9 novembre 2021 en ce qu’il a débouté la société BNP Personal Finance de ses demandes indemnitaires à l’encontre de la société ANDD :
Juger que la société ANDD n’a commis aucune faute dans l’exécution du contrat de vente conclu ;
Juger que la société BNP Personal Finance a commis des fautes dans la vérification du bon de commande et la libération des fonds, notamment au regard de sa qualité de professionnel du crédit ;
Juger que la société ANDD ne sera pas tenue de restituer à la Société BNP Personal Finance les fonds empruntés par les consorts [U] [L] augmenté des intérêts ;
Juger que la Société ANDD ne sera pas tenue de garantir la société BNP Personal Finance ;
Juger que la relation entre la Société ANDD et la société BNP Personal Finance est causée nonobstant l’anéantissement du contrat conclu entre ANDD et le consommateur ;
En conséquence,
Débouter la Banque BNP Personal Finance de toutes ses demandes formulées à l’encontre de la société ANDD ;
En tout état de cause,
Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté les consorts [U] [L] de leurs demandes indemnitaires à l’encontre de la société ANDD ;
Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la société ANDD de ses demandes indemnitaires et Condamner solidairement les consorts [U] [L] à payer à la société ANDD, la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère parfaitement abusif de l’action initiée par ces derniers ;
Condamner solidairement les consorts [U] [L] à payer à la société ANDD, la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
Condamner in solidum les consorts [U] [L] aux entiers dépens.
MOTIVATION :
Sur la nullité du contrat de vente pour défaut de consentement de Monsieur [G] [U] [L] :
Les époux [U] [L] soutiennent que le contrat a été rédigé dans une langue que M [U] [L] ne pouvait pas comprendre, puisqu’il est de nationalité portugaise et ne maîtrise aucunement la langue française, de sorte qu’il n’a pu valablement consentir au contrat, c’est-à-dire comprendre ce que son engagement impliquait d’un point de vue juridique et patrimonial, alors que lors du démarchage à domicile son épouse n’était pas présente.
Ils en veulent pour preuve les différentes attestations qu’ils versent aux débats émanant de [J] [D], [N] [S], [X] [A] [I], [V] [H], [Z] [M] et [R] [I].
Ils considèrent que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 février 2019, Madame [U] a tenté de prendre attache avec la société ANDD pour remettre en cause le contrat souscrit.
Cependant, si ces attestations font état de la difficulté de Monsieur [U] à utiliser correctement la langue française ou à la lire et écrire, alors que celui-ci vit en France depuis plus de vingt ans, il lui appartenait de faire traduire les documents contractuels s’il ne les comprenait pas, aucune disposition du code de la consommation n’imposant au professionnel de remettre au consommateur étranger résidant en France une information pré contractuelle et un exemplaire du contrat dans sa langue maternelle.
Il ressort par ailleurs de la lettre écrite par Madame [W] [U] [L], le 11 février 2019, que cette dernière maîtrise le français, a pris connaissance du contrat et des engagements du vendeur et a pu en conséquence éclairer son époux sur le contenu précis des conventions signées par ce dernier.
De fait, Monsieur [U], en accord avec son épouse, a, en connaissance de cause, accepté la livraison et la pose de l’installation, renoncé à exercer son droit de rétractation et signé, le 22 janvier 2019, le procès-verbal de fin de chantier et l’attestation sur l’honneur attestant que l’installation était à cette date en fonctionnement, et que la société ANDD avait procédé au contrôle de la mise en service de l’installation des panneaux photovoltaïques en autoconsommation.
Il s’ensuit que la nullité du contrat principal n’est pas encourue de ce chef.
Sur la nullité du contrat principal pour non respect du formalisme imposé par le code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date du contrat :
Les époux [U] [L] rappellent les dispositions de l’article L. 111-1 du code de la consommation sur le contenu de l’information qui doit être délivrée au consommateur, de manière lisible et compréhensible.
Ils considèrent que le bon de commande signé méconnaît les exigences de ce texte puisque sont absentes les mentions obligatoires suivantes :
‘ les caractéristiques précises des produits (dimension, poids, aspect, composition..)
‘ le prix hors taxe : ne figure aucune indication sur le prix hors taxe
‘ les mentions sur le lieu et le support de la pose des matériels
‘ La date de livraison et de pose des matériels vendus ainsi que la fin des travaux qui comprend le raccordement au compteur de production.
Ils rappellent que le contrat demeure totalement indigent sur la date à laquelle l’installation devait pouvoir effectivement permettre une économie d’énergie et constituer une source de revenus pour les acquéreurs, alors que faire l’économie de ces mentions revient à vider de sa substance l’exigence légale d’indication des caractéristiques précises et des modalités d’exécution de la prestation de service.
La société ANDD et la BNP Paribas Personal Finance répliquent que le bon de commande comporte bien les caractéristiques essentielles des biens achetés, le prix, le délai de livraison de la prestation, les conditions d’exécution du contrat, conformément aux dispositions du code de la consommation.
En droit :
Il ressort des dispositions du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date du contrat, que le bon de commande signé hors établissement, entre autres dans le cadre d’un démarchage à domicile comme au cas d’espèce, doit répondre aux exigences suivantes :
‘ L. 221-9 du code de la consommation dans sa version en vigueur du 01 juillet 2016 au 28 mai 2022 :
Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties.
Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l’article L. 221-5.
Le contrat mentionne, le cas échéant, l’accord exprès du consommateur pour la fourniture d’un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l’expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l’exercice de son droit de rétractation.
Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l’article L. 221-5.
‘ L. 221-5 version en vigueur du 01 juillet 2016 au 28 mai 2022 :
Préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’État ; 3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;
4° L’information sur l’obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d’un contrat de prestation de services, de distribution d’eau, de fourniture de gaz ou d’électricité et d’abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l’exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l’article L. 221-25 ;
5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l’article L. 221-28, l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;
6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l’utilisation de la technique de communication à distance, à l’existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’État.
Dans le cas d’une vente aux enchères publiques telle que définie par le premier alinéa de l’article L. 321-3 du code de commerce, les informations relatives à l’identité et aux coordonnées postales, téléphoniques et électroniques du professionnel prévues au 4° de l’article L. 111-1 peuvent être remplacées par celles du mandataire.
‘ Article L. 111-1 version en vigueur du 01 juillet 2016 au 12 février 2020 :
Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;
3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte ;
5° S’il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en ‘uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;
6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d’État.
Les dispositions du présent article s’appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d’eau, de gaz ou d’électricité, lorsqu’ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel. Ces contrats font également référence à la nécessité d’une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l’environnement.
Selon l’article L. 242-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue de l’ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016, les dispositions de l’article L. 221-9 précité sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
En l’espèce et comme l’a retenu exactement le premier juge, le bon de commande n° 700 193 précise que le contrat d’achat porte sur :
‘ un ballon thermodynamique de marque Thermor dont le volume et le coefficient de performance sont indiqués ;
‘ une installation solaire aérovoltaïque dont la puissance globale est de 3000 Wc (watt crête), composée de 10 panneaux photovoltaïques de 300 Wc chacun certifiés NF 61215 classe II ;
‘ les équipements et prestations complémentaires : câblage, protections électriques, boîtiers AC/DC, interrupteur sectionneur, parafoudre, DDR 30 m, coupe circuit, câbles solaires 4 mm², mise en service et tirage des câbles ;
‘ un système GSE AIR SYSTEM avec 2/3 bouches, qui correspond à un système de récupération de la chaleur générée par les panneaux photovoltaïques, produit par la société GSE ;
‘ un forfait démarches administratives comprenant la déclaration préalable de Travaux et « demande ENEDIS » ;
‘ 10 optimiseurs de production de marque Enphase avec passerelle de communication de même marque, modèle Envoy S, et un monitoring Enphase Enlighten ;
‘ un système domotique de gestion de l’énergie et de régulation de chauffage de marque Mylight avec contrôleurs Smartplay.
Ces informations constituent bien les caractéristiques essentielles de l’installation commandée, à l’exclusion de mentions telles que le poids, la surface, l’aspect, la composition ou des détails techniques relatifs à l’installation du matériel, qui n’ont pas à être précisés, le vendeur-installateur ayant l’obligation de poser l’équipement conformément aux règles de l’art et recommandations techniques en la matière, qu’il est tenu d’appliquer sous peine d’engager sa responsabilité ou sa garantie.
S’agissant du prix, le bon de commande détaille le prix des différents postes d’équipement TTC, en précisant à chaque fois le coût de pose, puis en indiquant le prix global TTC de l’ensemble de l’installation. Cette présentation est conforme à la jurisprudence et à la réglementation en la matière, le prix donné n’ayant pas à figurer hors taxe, s’agissant d’un achat par un consommateur qui n’a pas vocation à récupérer la TVA.
Il apparaît cependant que figure sur le bon de commande une autre caractéristique essentielle de l’installation aérovoltaïque, sur laquelle les parties ne s’expliquent pas, et qui pose difficulté au regard de leurs conclusions.
Le bon de commande prévoit en effet que l’installation aérovoltaïque est destinée à fonctionner en autoconsommation (cette seule case étant cochée) et non en revente, totale ou partielle, d’électricité à EDF.
Or, la société ANDD soutient en page 5 de ses conclusions que sur le fondement du mandat qu’elle a reçu des consorts [U] [L], elle a effectué toutes les démarches administratives auprès de la société ERDF afin que l’installation des consorts [U] [L] soit raccordée ; qu’elle s’est acquittée des frais de raccordement ; que l’installation ainsi raccordée est parfaitement fonctionnelle, a été mise en service en janvier 2020 et produit de l’électricité revendue à EDF par le biais d’un contrat de rachat.
Les époux [U] [L], indiquent quant à eux, en page 7 de leurs conclusions, que le contrat est ‘ indigent ‘ sur la date de raccordement au réseau public ainsi que sur la mise en service de l’installation, c’est-à-dire « la date à laquelle l’installation va pouvoir effectivement permettre une économie d’énergie et constituer aussi une source de revenus pour les acquéreurs ».
Ils affirment en outre en page 9 de leurs conclusions que l’installation n’a jamais été raccordée au réseau ERDF.
Et, il n’est justifié, de part et d’autre, ni d’une demande de raccordement adressée à ENEDIS (ex ERDF) pour produire de l’électricité destinée à être injectée dans le réseau de distribution, ni d’un contrat de rachat d’électricité par EDF, ni d’une convention d’autoconsommation sans injection conclue avec ENEDIS qui constitue, en l’absence de revente, un préalable nécessaire à la mise en service de l’installation du producteur.
A cet égard, si l’attestation signée par Monsieur [U] [L], le 22 janvier 2019, indique que l’installation fonctionne, que tous les travaux et prestations prévues au bon de commande ont été réalisées par la société ANDD, laquelle a procédé au contrôle de la mise en service en autoconsommation de l’installation des panneaux photovoltaïques, ce document ne suffit pas à établir qu’une convention d’autoconsommation sans injection avait été signée à cette date.
Compte tenu de la contradiction relevée par la cour entre les conclusions des parties et les termes du bon de commande, quant au mode de fonctionnement de l’installation aérovoltaïque choisi,(autoconsommation, revente totale, autoconsommation plus revente du surplus) il convient de rouvrir les débats en demandant à la société ANDD de justifier des démarches accomplies sur mandat de l’acheteur, auprès d’ENEDIS (ex ERDF) et éventuellement auprès d’EDF, en cas de revente d’électricité, les parties étant invitées plus généralement à s’expliquer sur ce point.
Dans l’attente, il sera sursis sur les autres prétentions des parties.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement en ce qu’il a débouté les époux [U] [L] de leur demande de nullité du contrat de vente pour défaut total de consentement de Monsieur [U] [L],
Avant-dire droit,
Rabat l’ordonnance de clôture,
Rouvre les débats
Enjoint la société ANDD de justifier des démarches accomplies sur mandat de l’acheteur, auprès d’ ENEDIS (ex ERDF) et éventuellement auprès d’ EDF, en cas de revente d’électricité, les parties étant invitées plus généralement à s’expliquer sur ce point.
Renvoie l’affaire à la mise en état du 11 octobre 2023,
Sursoit à statuer sur le surplus des prétentions des parties,
Réserve les dépens jusqu’en fin d’instance.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Marc MAGNON, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.
La Greffière, Le Président,