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ARRET
N°
[N]
C/
S.A.R.L. D.S.I. DIFFUS ARTICLE INFORMAT SPECIAL INFORMAT
copie exécutoire
le 28 septembre 2023
à
Me Doré
Me Sory
CPW/MR/SF
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2023
*************************************************************
N° RG 22/02890 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IPDI
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AMIENS DU 16 MAI 2022 (référence dossier N° RG F 21/00115)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [K] [N]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée et concluant par Me Christophe DORE de la SELARL DORE-TANY-BENITAH, avocat au barreau d’AMIENS substitué par Me Isabelle LESPIAUC, avocat au barreau D’AMIENS
ET :
INTIMEE
S.A.R.L. D.S.I. agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 3]
[Localité 2]
concluant par Me Christophe SORY de la SELARL CORNU-LOMBARD-SORY, avocat au barreau de LILLE
DEBATS :
A l’audience publique du 15 juin 2023, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.
Madame Corinne BOULOGNE indique que l’arrêt sera prononcé le 28 septembre 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 28 septembre 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Caroline PACHTER-WALD, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
*
* *
DECISION :
Mme [N] (la salariée), journaliste professionnelle, a été embauchée le 1er août 2004 par la société DSI par contrat à durée indéterminée en qualité de rédacteur à titre occasionnel, classification applicable aux journalistes des agences de presse d’informations générales, selon le statut de journaliste pigiste.
La convention collective applicable à la relation de travail est celle des journalistes.
Le 6 avril 2021, Mme [N], ne s’estimant pas remplie de ses droits au titre de l’exécution du contrat de travail, a saisi le conseil de prud’hommes d’Amiens qui, par jugement du 16 mai 2022, a :
pris acte de la régularisation par l’employeur au bénéfice de la salariée en matière de rémunération des piges suite à l’extension de l’accord du 3 juillet 2019 ;
dit que les demandes en matière de barème et de prime de photographie de Mme [N] sont inopposable à la société DSI ;
dit que le contrat de travail portait exclusivement sur des articles écrits et qu’il n’appartenait pas au conseil de prud’hommes de fixer une rémunération sans l’accord des parties ;
dit que Mme [N] ne pouvait prétendre au bénéfice des dispositions en matière d’activité partielle ;
dit que le contrat de travail a été exécuté de manière loyale ;
en conséquence, débouté Mme [N] de l’ensemble de ses demandes ;
débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné Mme [N] aux dépens.
Selon déclaration de son avocat du 10 juin 2022, Mme [N] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a pris acte de la régularisation opérée.
Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 avril 2023, elle demande à la cour, au visa de la convention collective nationale des journalistes, de l’accord du 3 juillet 2019 relatif à la classification et au salaire minima des journalistes d’agence de presse, des barèmes annexés à la convention collective nationale des journalistes, du décret n° 2020-435 du 16 avril 2020 portant mesure d’urgence en matière d’activité partielle, et de l’article L.1221-1 du code du travail, d’infirmer la décision déférée et de :
constater qu’elle n’a pu bénéficier du montant légalement fixé pour chacune de ses piges, et en conséquence condamner la SARL DSI à lui verser 7 953, 43 euros à titre de rappel de rémunération sur le montant des piges de février 2018 à décembre 2020 outre 795, 34 euros au titre des congés payés afférents ;
constater qu’elle n’a pas perçu depuis juin 2018 l’indemnité dite appareil photo et en conséquence condamner la SARL DSI à lui verser 685,98 euros au tire de cette indemnité destinée à compenser l’utilisation de son matériel personnel ;
constater qu’elle n’a perçu aucune rémunération pour les photos transmises à l’agence de presse pour la période de février 2018 à décembre 2020 et en conséquence, condamner la SARL DSI à lui verser 10 920 euros au titre des photos transmises à son employeur ;
constater qu’elle n’a pas pu bénéficier des dispositions en matière d’activité partielle et en conséquence condamner la SARL DSI à lui verser 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions en matière d’activité partielle ;
dire que la SARL DSI n’a pas exécuté de manière loyale le contrat de travail conclu et en conséquence condamner l’employeur à lui verser 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
En tout état de cause, Mme [N] demande à la cour de condamner la SARL DSI à lui verser 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 17 mai 2023, la société DSI demande à la cour de confirmer la décision déférée sauf ce qu’elle a rejeté sa demande au titre des frais irrépétibles, et de :
– juger que Mme [N] a été entièrement remplie de ses droits au titre des piges qu’elle a rendues, suite à la régularisation opérée par l’employeur après qu’il ait pris connaissance de l’arrêté d’extension du 20 décembre 2020 ;
– juger qu’aucune disposition étendue ne lui donne droit à la prime photo ;
– juger qu’à défaut d’accord entre les parties et de disposition d’ordre public ou conventionnelle applicable à la rémunération des clichés, il n’appartient pas au juge d’imposer à l’employeur le prix unilatéralement souhaité par la salariée ;
– juger que Mme [N], qui a été rémunérée de ses piges pendant le confinement, n’est pas fondée à se prévaloir du droit aux allocations de chômage partiel ;
– juger que Mme [N] ayant été intégralement remplie de ses droits, la déloyauté n’est pas établie, et juger subsidiairement qu’elle n’apporte pas la preuve de son préjudice ;
Par conséquent :
– débouter Mme [N] de l’ensemble de ses moyens, fins et prétentions, sans exception ni réserve ;
– sur le jugement entrepris, juger qu’ayant retenu le bien-fondé de l’intégralité des moyens soulevés par la société DSI, les premiers juges ne pouvaient la débouter de sa demande d’article 700 et par conséquent, condamner Mme [N] au paiement de l’indemnité d’article 700 au titre de la première instance à savoir 3 500 euros ;
– sur les demandes reconventionnelles, vu la persévérance de Mme [N] à maintenir ses demandes infondées, juger qu’il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l’intimée les frais irrépétibles inhérents à l’appel, par conséquent, condamner Mme [N] au paiement de l’indemnité d’article 700 au titre de l’appel à savoir 3 500 euros et condamner Mme [N] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 31 mai 2023 et l’affaire évoquée à l’audience du 15 juin 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées reprises oralement à l’audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour rappelle que ne constitue pas une prétention au sens de l’article 4 du code de procédure civile les formules figurant dans le dispositif des conclusions de l’appelante commençant par la locution «constater que» ou dans le dispositif des conclusions de l’intimée commençant par la locution «juger que» qui sont des moyens sur lesquels la cour n’a pas à statuer.
1 – Sur le rappel de rémunération sur le montant des piges de février 2018 à décembre 2020
Mme [N], qui sollicite l’infirmation de la décision entreprise, fait valoir en substance que sa rémunération contractuellement prévue des piges, qui n’a pas évolué depuis l’embauche, n’était pas conforme aux accords intervenus dans la profession ; qu’elle n’a pu bénéficier du montant légalement fixé pour chacune de ses piges conformément à l’article 22 de la convention collective nationale des journalistes tel qu’il résulte de l’accord du 3 juillet 2019 relatif à la classification et aux salaires minima des journalistes d’agence de presse et de ses annexes ; que si la société estime que l’accord de 2019 n’est entré en vigueur qu’au mois de décembre 2020, le tarif antérieurement appliqué de l’ordre de 27 euros le feuillet ne peut cependant être considéré comme suffisant dès lors qu’il ne constitue pas même un SMIC ; que la société DSI relève du SAPIG, ce syndicat étant rattaché à la FFAP (Fédération française des agences de presse), et elle ne peut donc faire abstraction des préconisations et normes établies par la fédération ; que s’agissant des agences de presse écrite, le journaliste pigiste occupant la fonction de rédacteur-reporteur, ce qui est son cas, doit être rémunéré en respectant le tarif minimum de 52 euros brut le feuillet de 1 500 signes alors qu’elle n’a perçu que 76 euros pour 5 000 signes pendant de nombreuses années, puis 91,47 euros pour 5 000 signes ; que lors de l’audience de conciliation devant le conseil de prud’hommes, la société a reconnu devoir à tour le moins 1 921,49 euros.
L’employeur, qui sollicite la confirmation de la décision déférée, réplique que Mme [N] a été entièrement remplie de ses droits au titre des piges rendues, suite à la régularisation opérée après qu’il ait pris connaissance de l’arrêté d’extension du 20 décembre 2020 et applicable aux piges postérieures au 25 décembre puisqu’il n’est tenu à l’application des dispositions de la convention des journalistes et des accords signés dans la branche pour les journalistes qu’il emploie que par renvoi de la convention des agences de presse et il n’est donc tenu que des dispositions de la convention des journalistes, et n’étant pas adhérent du syndicat signataire de cette convention collective nationale, il n’est donc concerné que par ses seules dispositions étendues ; que l’accord visé par la salariée auparavant non étendu, ne s’appliquait pas à la relation de travail puisqu’il n’était pas adhérent du syndicat signataire dès lors que le barème invoqué par Mme [N] est celui de la fédération nationale de la presse spécialisée alors que l’agence n’en relève pas ; que la pigiste n’offre pas d’indiquer sur quel fondement le barème applicable dans cette branche pourrait lui être étendu ; qu’il n’est pas non plus adhérent du SAPIG ni d’ailleurs d’aucun syndicat, et aucun texte ne lui impose par conséquent de suivre les préconisations de la FFAP comme le prétend sans preuve l’appelante.
Sur ce,
La convention des journalistes du 1er novembre 1976 refondée le 27 octobre 1987 étendue par arrêté du 2 février 1988 prévoit en son article Ier que :
«La présente convention collective nationale règle les rapports entre les employeurs et les journalistes professionnels, salariés des entreprises tels qu’ils sont définis à l’article L.761-2 du code du travail et à l’article 93 de la loi du 29 juillet 1982.
Le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques, ou dans une ou plusieurs agences de presse ou dans une ou plusieurs entreprises de communication audiovisuelle et qui en tire le principal de ses ressources. Le correspondant, qu’il travaille sur le territoire français ou à l’étranger, est un journaliste professionnel s’il reçoit des appointements fixes et remplit les conditions prévues au paragraphe précédent. Sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction : rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes, à l’exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n’apportent, à un titre quelconque, qu’une collaboration occasionnelle.
La présente convention s’applique à l’ensemble du territoire national, et ce dès le premier jour de la collaboration. Les dispositions de la présente convention remplaceront les clauses des contrats ou accords existants, dès lors que ceux-ci seraient moins avantageux pour les journalistes professionnels.
La convention collective nationale instaure des minima garantis tant au titre du salaire minimum national que du tarif minimum de pige. La salariée bénéficie d’un contrat de travail en qualité de journaliste pigiste, précisant qu’elle est rémunérée à la tâche et non au temps, dont la valeur a été fixée forfaitairement à 70 euros et prévoyant un minimum mensuel de 21 piges. Ses tâches sont les suivantes : saisie et gestion des bases de données, recherches documentaires, édition de reportages, gestion de piges, contacts ave les fournisseurs de photos et les utilisateurs.
Une clause d’exclusivité y est insérée, aux termes de laquelle, la salariée s’est engagée à consacrer professionnellement toute son activité et tous ses soins à l’entreprise, l’exercice de toute autre activité professionnelle, soit pour son compte soit pour le compte de tiers lui étant interdite.
Le paiement à la pige constitue une rémunération à la tâche, indépendante du temps nécessaire pour la réaliser même si un délai de délivrance du travail demandé peut être fixé.»
L’article 22 de la convention renvoie à des barèmes de salaires qui déterminent la valeur minimale des piges :
«(…) En raison de la disparité des catégories d’entreprises de presse, il est convenu que le salaire minimum national et le tarif minimum de la pige sont fixés pour chaque forme de presse. Les grilles hiérarchiques correspondant aux qualifications professionnelles, par forme de presse, sont annexées à la présente Convention. Les salaires correspondants à ces qualifications doivent être majorés, s’il y a lieu, de la prime d’ancienneté.
Ces appointements représentent la somme minimum que chacun doit percevoir pour la durée d’un mois de travail normal tel qu’il est défini à l’article 29 de la présente Convention.
Les majorations qui peuvent être apportées au barème minima tiennent compte tant de la valeur individuelle que de la place qu’il est souhaitable de voir occupée dans la hiérarchie sociale par le journaliste dont l’activité professionnelle à caractère intellectuel est la seule, parmi les travailleurs de la presse, à faire l’objet d’une loi dérogatoire au droit commun.
Toute stipulation de traitement inférieur aux dispositions que prévoit la présente Convention et ses annexes sera considérée comme nulle de plein droit (…)».
Les parties signataires de cette convention collective sont, pour les organisations syndicales patronales, la FFAP, et pour les organisations salariales, le SNJ CGT et l’USJ CFDT.
L’accord du 3 juillet 2019 relatif à la classification et aux salaires minima des journalistes d’agence de presse entré en vigueur le 1er janvier 2020 et étendu par arrêté du 18 décembre 2020 publié au journal officiel le 24 décembre 2020, s’inscrit dans le cadre de l’article 22 de la convention collective nationale des journalistes.
Les parties signataires de cet accord sont la FFAP pour les organisations d’employeurs, le SNJ CGT et l’USJ CFDT pour les organisations syndicales des salariés.
Il est précisé à l’article 1er de cet accord qu’il s’applique «aux rapports entre les journalistes professionnels tels que définis aux articles L. 7111-3 et suivants du code du travail, et leurs employeurs, dans les entreprises qui ont pour activité principale la collecte, le traitement, la synthèse, la mise en forme et la fourniture à titre professionnel de tous éléments d’informations écrites, photographiques et/ ou audiovisuelles ayant fait l’objet sous leur propre responsabilité d’un traitement journalistique, à des entreprises éditrices de publications de presse, à des éditeurs de services de communication au public par voie électronique, et à des agences de presse ; notamment :
‘ les entreprises inscrites sur une liste établie par arrêté conjoint des ministres chargés de la communication et du budget, pris sur proposition de la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) ;
‘ les entreprises ayant une telle activité principale et relevant du code 63. 91Z de la nomenclature NAF.»
L’article 10 de l’accord précise, s’agissant de la rémunération des journalistes pigistes d’agence de presse, que «la pige doit être rémunérée dès lors qu’elle a été commandée par l’agence de presse, peu importe que la production soit finalement fournie ou non par l’agence à son client. La pige est payée en salaire. Le barème minimum de piges brutes des journalistes des agences de presse figure en annexe V du présent accord. Il est précisé que :
‘ chaque agence de presse doit respecter le barème, peu importe que le journaliste soit stagiaire ou titulaire, au sens de l’article 13 alinéa 1er de la convention collective nationale de travail des journalistes ;
‘ chaque montant minimum de pige brute s’entend avant prime d’ancienneté, avant congés payés et avant 13e mois.»
L’annexe V de l’accord portant sur le barème minimum de piges brutes, prévoit que en sa rédaction applicable, pour les agences de presse écrite, «le journaliste pigiste occupant la fonction de rédacteur-reporter, qui collabore avec une agence de presse écrite, peut être rémunéré au feuillet de 1 500 signes, en respectant le tarif minimum suivant : ‘ 52 € brut minimum le feuillet de 1 500 signes.»
Avant cet accord, il n’existait pas de barème pour les piges.
En l’espèce, Mme [N] est employée par la société DSI qui est une agence de presse, depuis 2004, en qualité de rédacteur occasionnel, selon le statut de journaliste pigiste.
La convention collective des agences de presse à laquelle se réfère la société DSI, prévoit d’ailleurs en son article Ier que «les journalistes employés par les agences de presse relèvent de la convention collective nationale des journalistes (…) et n’entrent pas dans le champs d’application de la présente convention.» et ainsi le contrat de travail litigieux prévoit expressément en son article 2 qu’il est régi par les règles du code du travail, notamment les dispositions concernant les journalistes, ainsi que par la convention collective nationale des journalistes, ce qui est repris dans les bulletins de paie.
Le contrat de travail fixe la rémunération de base de Mme [N], qui est demeurée inchangée depuis l’embauche. Selon l’article 6 «rémunération et frais professionnels», Mme [N] est rémunérée à la tâche sur la base d’une pige, de la façon suivante : «la rémunération forfaitaire, incluant la cession des droits d’auteur de Mme [N] est fixée à 91,47 euros bruts pour 5 000 signes pour chaque collaboration. (…)»
Concernant les salaires, contrairement aux allégations de la société DSI, Mme [N] n’invoque pas le barème de la fédération nationale de la presse spécialisée à 47,50 euros les 1 500 signes comme point de référence, mais fait simplement état de ce barème, de manière évidente, pour en faire un point de comparaison, en invoquant sans équivoque le barème de la fédération française des agences de presse (FFAP) à 52 euros les 1 500 signes du fait de l’accord du 3 juillet 2019. Ses calculs sont ainsi très clairement établis sur le seul barème applicable aux journalistes d’agence de presse.
L’appelante invoque en revanche les barèmes de l’accord du 3 juillet 2019 relatif à la classification et aux salaires minima des journalistes d’agence de presse applicables aux membres de la FFAP qui en est signataire s’agissant des organisations d’employeurs.
Il n’est par ailleurs pas contesté que le syndicat des agences de presse d’information générale (SAPIG) est membre de la FFAP.
Toutefois, alors même qu’elle demande l’application de cet accord non rétroactif de 2019 entré en vigueur en janvier 2020, Mme [N] sollicite pourtant, sans l’expliquer, un rappel de rémunération depuis février 2018. Cette demande qu’elle ne justifie pas pour la période de février 2018 à décembre 2019, ne peut donc qu’être rejetée.
S’agissant de la demande portant sur la période qui a suivi l’entrée en vigueur de l’accord, avant toute extension, jusqu’au 24 décembre 2020, elle n’est pas non plus justifiée. Mme [N] invoque en effet le barème applicable au syndicat SAPIG sans pour autant produire le moindre commencement de preuve que la société DSI y était ou y est affiliée, ce qu’elle conteste pourtant vivement. Même à considérer équivoque la seule évocation de ce syndicat par la société dans ses conclusions, comme étant celui de la branche dont elle relève en tant qu’agence de presse, cela ne saurait en tout état de cause suffire à justifier de la réalité d’une adhésion passée ou actuelle.
Par conséquent, si l’activité d’agence de presse de la société DSI relève du champ d’application de l’accord société DSI, il n’est pas établi qu’elle était ou est membre d’une des organisations signataires, et qu’elle devait donc appliquer l’accord dès le 1er janvier 2020.
Quant à la période postérieure au 24 décembre 2020, il n’est pas contesté que la société DSI a procédé à la régularisation de la situation en versant à Mme [N] la somme non remise en cause de 1 921,49 euros qui n’est d’ailleurs pas réclamée.
La décision déférée, qui a rejeté la demande de rappel, sera donc confirmée.
2 – Sur la prime photographique
La salariée, qui sollicite l’infirmation de la décision déférée en ce qu’elle a rejeté sa demande, réclame le bénéfice de la prime de photographie applicable aux journalistes puisqu’elle a le statut de journaliste même si elle est rémunérée à la pige, et que l’ensemble des dispositions de la convention collective des journalistes lui sont donc applicables. Elle fait valoir en substance que conformément à l’accord national professionnel sur la révision quinquennale de la grille des salaires a minima des journalistes de la presse périodique régionale, il a été clairement spécifié que les journalistes bénéficient d’une indemnité de 38,11 euros s’ils utilisent leur appareil photographique personnel, ce qu’est son téléphone portable iphone qui prend des photographies avec une résolution bien meilleure que la plupart des appareils photographiques, et l’employeur n’a ainsi jamais critiqué la qualité des photographies transmises ; que la prime est également due en vertu de l’article 22 de la convention collective et du barème de salaire de la presse d’information spécialisée ; qu’elle a perçu cette indemnité mais ne la perçoit plus depuis juin 2018 ; que pour chacun des relevés n°118 à 136, elle doit donc bénéficier de l’indemnité photo.
La société qui conteste cette demande, soutient qu’aucune disposition étendue ne permet à Mme [N] de réclamer la prime d’appareil photographique ; qu’elle ne relève pas des syndicats de presse régionale alors que cette prime a d’abord été prévue par un accord du 18 décembre 2002 dans la seule branche des journalistes de la presse périodique régionale (FFPR), et remonte au 1er juillet 2003 puis a été reconduite au titre d’accords en 2005, 2006, et 2007, et aucun de ces accords n’est étendu ; qu’elle ne relève pas non plus du secteur de la presse d’information spécialisée ; que si la prime est reprise dans un accord du 7 novembre 2019 qui reconduit les dispositions des accords précédents de la FFPR à laquelle s’est adjoint le syndicat de la presse hebdomadaire régional, cet accord n’est pas non plus étendu ; qu’au surplus, la prime est censée indemniser les journalistes utilisant leur matériel photographique alors que Mme [N] utilise uniquement son téléphone portable ; que c’est par erreur que Mme [N] a perçu à trois reprises la prime en 2018 et cela lui avait été immédiatement signalé.
Sur ce,
La convention collective nationale des journalistes invoquée par Mme [N] ne prévoit pas d’indemnité d’appareil photographique et cette dernière ne peut se prévaloir, au titre de son activité pour le compte de la société DSI, des dispositions prévoyant ce type d’indemnité dans les accords conventionnels non étendus applicables aux journalistes de la presse périodique régionale, de la presse périodique hebdomadaire régionale ou encore de la presse d’information spécialisée.
De plus, Mme [N] ne justifie pas qu’une telle prime lui a été versée avec constance jusqu’en juin 2018 et qu’elle en a ensuite été privée. S’il est établi qu’elle a perçu une prime photographique à trois reprises en décembre 2017, février et avril 2018, il n’en demeure pas moins que d’une part on observe l’absence de toute régularité de ces versements y compris sur la période, et que d’autre part l’employeur a adressé dès le 13 juin 2018 un courrier à la salariée pour lui rappeler que la société ne relevait pas de la branche concernée, et que c’était donc «par erreur et suite à un changement d’organisation que [la prime photo] vous a été versée», courrier auquel l’intéressée n’avait pas donné suite. La cour ne saurait donc déduire de ces quelques versements intervenus de manière très épisodiques en plus de 18 ans de relation de travail, effectués au demeurant par erreur, une quelconque reconnaissance par l’employeur de son obligation de verser une prime de photographie, ou d’un quelconque usage.
Il convient de confirmer les dispositions du jugement déféré déboutant Mme [N] de sa demande en rappel d’indemnité conventionnelle d’appareil photographique.
3 – Sur le paiement des clichés photographiques
Mme [N], qui sollicite l’infirmation de la décision ayant rejeté sa demande, fait valoir en substance que la société doit la rémunérer pour les clichés qu’elle joint à ses articles au tarif fixé par le décret du 9 mai 2017 de 60 euros par photographie, que ces clichés soient ou non utilisés ; que le décret ne concerne pas que les photographes et illustrateurs de presse mais tous les journalistes professionnels amenés à faire des photographies, ce qu’elle est ; que son téléphone portable iphone qui prend des photographies avec une résolution bien meilleure que la plupart des appareils photographiques, et l’employeur n’a ainsi jamais critiqué la qualité des photographies transmises, à telle enseigne que ses clichés ont à plusieurs reprises été utilisés en une du magazine ; que la société lui a imposé la fourniture de photographies jointes à sa production et donc en lien étroit avec le thème abordé, au minimum trois, pour chaque article ; que les photographies transmises ne sont pas génériques mais sont adaptées au sujet abordé ; qu’il importe peu que la mention «photographie» ne figure pas aux termes du contrat de travail puisque les rédacteurs pigistes étaient contraints d’illustrer leurs publications.
La société, qui conteste la demande, réplique en substance qu’à défaut d’accord entre les parties et de disposition d’ordre public ou conventionnelle applicable à la rémunération des clichés, il n’appartient pas au juge d’imposer à l’employeur le prix unilatéralement souhaité a posteriori par la salariée ; que le prix réclamé par Mme [N] pour la rémunération de clichés ne résulte en effet d’aucune disposition légale, conventionnelle ou contractuelle ni d’aucun usage au sein de l’entreprise ; que la salariée ne fournit aucune justification d’un tel prix alors que faute de disposition impérative, la rémunération des photos ne peut résulter que d’un accord entre les parties et, en l’absence d’un tel accord, le juge à qui il n’appartient pas de suppléer la carence des parties, ne peut faire droit aux prétentions de Mme [N] par lesquelles elle tente d’imposer unilatéralement sa volonté ; que de plus, la salariée réclame une somme globale correspondant en application de son tarif à 182 photographies en prétendant qu’elles ont été transmises, mais pas qu’elles ont été publiées, ce dont elle ne rapporte pas la preuve ; que d’ailleurs, dans la réalité, les photographies transmises par Mme [N] n’ont été que rarement utilisées dans leur totalité ; qu’aucune commande portant sur un nombre de photos ne lui a jamais été passée et elle a été payée pour ses articles qu’elle peut illustrer par des photographies, le contrat ne portant que sur la fourniture d’articles écrits ; que si elle avait été informée de l’intention de Mme [N] de se faire payer les photographies destinées à illustrer ses articles, elle aurait immédiatement mis fin à la pratique alors que ces illustrations sont généralement disponible sur des banques de données, et de meilleure facture que des clichés pris à la sauvette avec un téléphone portable par une non professionnelle, rappelant qu’elle n’est qu’un magazine d’informations à dominance économique visant à informer son lectorat des évènements locaux ; que Mme [N] se prévaut également du décret du 9 mai 2019 alors qu’elle n’entre pas dans le champs d’application de ce texte qui vise uniquement les journalistes pigistes tirant le principal de leurs revenus de l’exploitation d’images fixes ce qui n’est pas son cas.
Sur ce,
La pige s’entend d’une rémunération forfaitaire à la tâche (au nombre de lignes, de photographies, de reportages, etc). Celle-ci est due dès lors que le travail a été commandé ou accepté par une entreprise de presse, indépendamment de la publication ou non de l’article. En l’absence de commande, seule la publication des articles proposés par le pigiste prouve qu’ils ont été acceptés.
En l’espèce, Mme [N] produit plusieurs photographies dont elle est l’auteur et qui ont été publiées.
Cependant, Mme [N] n’est pas une photographe professionnelle, et l’ensemble des photographies dont elle est l’auteur et qui ont été publiées, l’ont été uniquement dans le cadre de la publication de l’article fourni à la société DSI et rémunéré. La société DSI n’est d’ailleurs pas une agence photographique mais une agence de presse, et Mme [N] a été embauchée en qualité de rédactrice occasionnelle et non en qualité de rédactrice-reporter ou de reporter-photographe.
Le contrat de travail liant les parties stipule ainsi à l’article 1er qu’il a pour objet la contribution de Mme [N] à la rédaction d’articles pour l’agence DSI. A l’article 4, il est précisé que «la pigiste choisit ses sujets mais l’employeur pourra occasionnellement lui demander la rédaction d’un article sur un thème défini. L’employeur attend de la pigiste la rédaction d’articles économiques ou institutionnels au niveau régional.»
Selon l’article 6 «rémunération et frais professionnels», Mme [N] est rémunérée à la tâche sur la base d’une pige, de la façon suivante : «la rémunération forfaitaire, incluant la cession des droits d’auteur de Mme [N] est fixée à 91,47 euros bruts pour 5 000 signes pour chaque collaboration. (…)»
Il est ajouté à l’article 7 que Mme [N] doit respecter la ligne rédactionnelle du journal qui est définie comme «la rédaction d’articles objectifs traitant d’économie, de finances et de conjoncture dans le respect de la neutralité politique, excluant la diffamation ainsi que toute rédaction dommageable aux personnes physiques ou morales (dans le respect de la déontologie journalistique).»
Courant 2007, les parties ont signé un avenant à ce contrat de travail prévoyant une rémunération complémentaire versée à Mme [N] au titre de la revente ou de la réexploitation de ses oeuvres (y compris photographiques) quel que soit le support choisi, précisant qu’il est conclu «en raison du développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans les métiers de l’édition» afin de «favoriser cette évolution en permettant l’exploitation multimédia des contributions passées, présentes et futures des journalistes pigistes réalisées pour le support papier», et qu’il est donc «conclu afin de déterminer dans le cadre de la cession des droits d’auteur des journalistes (…) Les modalités de l’exploitation sur internet des contributions passées, présentes et futures de Mme [N] et les conditions de rémunération pour cette exploitation. Par contributions, il faut entendre les articles, textes, dessins ou photographies réalisées par Mme [N] et qui concourent à la fabrication des journaux dans lesquels les articles de l’agence DSI sont insérés.»
Ainsi, à aucun moment le contrat de travail ne fait référence à une obligation de fournir des photographies. Il est contractuellement prévu que Mme [N] est rémunérée pour son activité rédactionnelle, en fonction du nombre des prestations fournies selon une ligne rédactionnelle déterminée. Si cette rémunération de la production de Mme [N] est due dès lors que le travail a été commandé ou accepté par une entreprise de presse, indépendamment de la publication ou non de l’article, il est établi que la société DSI a bien rémunéré l’ensemble de la production ainsi fournie par Mme [N].
Alors qu’il se déduit du contrat de travail, des bulletins de paie et de l’avenant signé par la salariée que les clichés éventuellement fournis avec les articles, augmentant leur qualité, sont intégrés à la rémunération prévue, l’intéressée soutient néanmoins qu’elle devait, en plus de la rétribution pour ses articles, percevoir une rémunération spécifique pour les clichés transmis à titre d’illustration.
Pour autant, il n’a jamais été contractuellement défini entre les parties de rémunération spécifique à la fourniture par Mme [N] de photographies pour illustrer ses articles, ni aucune obligation à ce titre, et elle ne justifie d’ailleurs pas avoir effectué la moindre réclamation avant la présente procédure.
Elle ne prouve pas que la société DSI lui a commandé spécifiquement des photographies, ni même qu’elle aurait reçu des instructions pour la réalisation des clichés en adéquation avec les impératifs de mise en page et le contenu des articles rédigés. Elle ne produit en effet à l’appui de ses affirmations vivement contestées par l’employeur, qu’une retranscription par ses soins en pièce n°44 d’un courriel qu’elle date du 13 décembre 2019 et d’un courriel qu’elle date du 8 janvier 2021 qu’elle attribue sans preuve, le premier à M. [B] et le second à Mme [G], chef d’édition de la gazette. Si cette pièce ne fait aucune reprise des destinataires, ces messages étaient à l’évidence destinés à l’ensemble de la rédaction sans aucune référence particulière aux rédacteurs occasionnels, et ils portaient, le premier sur le mode opératoire en cas de photographies prévues et le second sur la façon de les transférer. Ces éléments, qui ne sont qu’une retranscription par Mme [N] de courriels, et qui ne permettent aucunement de vérifier ni l’identité de l’auteur ni les destinataires, ni même la date de la réception, sont d’une force probante très relative. Mme [N] produit en outre un mémo de mars 2021 d’ordre général, qui est de manière évidente là encore destinée à l’ensemble de la rédaction et non spécifiquement à Mme [N] ou aux rédacteurs occasionnels. Même à retenir le caractère probant de la pièce n°44 de la salariée, il n’en demeure pas moins que, si l’on peut déduire des courriels et du mémo produits, pris ensemble, que la prise de clichés photographiques par Mme [N] était autorisée par l’employeur, il ne peut en revanche aucunement s’en déduire une quelconque exigence ou obligation quant à la fourniture de clichés par Mme [N], qui ne justifie pas qu’il lui était, comme elle le prétend, imposé de transmettre trois photographies minimum pour accompagner la rédaction de chaque article délivré.
Mme [N] se prévaut encore du décret 2017-927 du 9 mai 2017, qui fixe les conditions de détermination du salaire minimum des journalistes professionnels auteurs d’images fixes rémunérés à la pige.
Toutefois, l’article 1er de ce décret précise que ces conditions de détermination, sont applicables «(…) aux journalistes professionnels, tels que définis par l’article L.7111-3 du code du travail, qui tirent le principal de leurs revenus de l’exploitation d’images fixes et qui collaborent de manière occasionnelle à l’élaboration d’un titre de presse (…)». Ce décret, qui prévoit que le salaire minimum est versé en contrepartie de la commande d’une image fixe ou d’une série d’image, renvoie par ailleurs au barème applicable pour les reporters photographes permanents.
Faute pour Mme [N], à qui aucune photographie n’a été commandée et qui ne démontre pas avoir été contrainte, d’une manière ou d’une autre, de fournir avec ses publications un certain nombre de clichés, de prouver qu’elle tire le principal de ses revenus de l’exploitation d’images fixes dont elle est l’auteur, le décret ne trouve pas à s’appliquer à sa relation de travail avec la société DSI.
Par conséquent, la décision déférée qui a rejeté la demande, sera confirmée.
4 – Sur l’activité partielle
Mme [N] fait valoir en substance qu’elle a été écartée du dispositif d’activité partielle pendant le premier confinement le 17 mars 2020 alors que l’employeur avait prévenu l’ensemble de son personnel que l’activité serait réduite et qu’aucun projet ne serait mis en place ; qu’elle pensait pouvoir ainsi bénéficier de ce fait des dispositions du décret 2020-435 du 16 avril 2020 prévoyant des indemnités et une allocation d’activité partielle des personnes non soumises aux dispositions classiques relatives à la durée du travail ; que dès lors que l’ensemble de la rédaction est placée en chômage partiel, les journalistes pigistes le sont également, et elle estime donc qu’elle devait être placée en activité partielle et bénéficier des indemnités et d’une allocation d’activité partielle ; que ses relevés durant cette période concernent des articles antérieurs puisés dans son stock, alors qu’elle n’a pas eu d’activité pendant deux mois ; que le fait qu’elle ait transmis des relevés de piges durant la période d’inactivité ne signifie pas qu’elle se soit trouvée en capacité de travailler, puisqu’il est possible de cumuler une activité devenue partielle avec une indemnisation compensant uniquement la période d’activité et que le journaliste pigiste ne transmet certains relevés qu’au terme de plusieurs semaines ou mois, dès que le nombre de piges apparaît suffisant ; que ce n’est que le 28 mai 2020 qu’il lui a été annoncé qu’elle pouvait proposer de nouveaux sujets ; qu’elle aurait donc dû percevoir une allocation de chômage de 480,19 euros par mois pendant deux mois et demi ; que les démarches ne pouvant plus être effectuées dorénavant, il convient de lui octroyer 1 500 euros à titre de dommages et intérêts.
La société DSI réplique en substance que l’activité de Mme [N] s’est poursuivie pendant la période considérée, et que la salariée a ainsi perçu, pour la période de confinement, une rémunération au moins équivalente à celle habituellement perçue hors confinement ; que Mme [N], qui a été rémunérée de ses piges pendant le confinement, n’est donc pas fondée à se prévaloir du droit aux allocations de chômage partiel.
Sur ce,
Les salariés qui ne sont pas soumis aux dispositions légales ou conventionnelles relatives à la durée du travail ne peuvent normalement pas être placés en activité partielle. Cependant et de manière temporaire, l’ordonnance du 27 mars 2020 a permis exceptionnellement à ces salariés d’être placés en activité partielle pour faire face à la crise sanitaire. Les journalistes pigistes réguliers ont quant à eux pu être placés en activité partielle à compter du décret du 16 avril 2020.
Il s’agissait d’une possibilité et non d’une obligation imposée à l’employeur.
En l’espèce, Mme [N] était éligible au chômage partiel à compter du 16 avril 2020.
Elle démontre certes que l’employeur avait prévu une baisse d’activité du fait de la crise sanitaire, toutefois, il est démontré et non contesté que, durant la période considérée, elle a perçu une rémunération au moins égale à celle perçue avant la crise sanitaire, étant souligné que si elle affirme avoir pour ce faire puisé dans son stock, elle ne démontre pas que sa rémunération s’en serait trouvée par la suite de ce fait diminuée. La baisse d’activité qu’elle allègue n’est pas établie, et il est indifférent que pour l’empêcher, elle ait communiqué d’anciennes piges, qui lui ont bien été payées.
En outre, elle ne justifie pas avoir d’une façon ou d’autre alerté l’employeur, à qui elle a envoyé des relevés devant être rémunérés, sur sa situation au moment de la crise sanitaire, et ne justifie pas non plus avoir été empêchée de déposer un dossier de demande d’aide exceptionnelle aux journalistes pigistes ayant subi une diminution d’activité en raison de la crise de Covid 19 prévue par le décret du 21 septembre 2020.
Ainsi, à supposer même un manquement de l’employeur caractérisé à ce titre, Mme [N] ne prouve pas l’existence d’un préjudice en étant résulté. Elle sera dès lors, par confirmation de la décision déférée, déboutée de sa demande d’indemnisation.
5 – Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Mme [N], qui sollicite l’infirmation de la décision déférée, fait valoir en substance que l’employeur a manqué à sa loyauté dans l’exécution du contrat de travail en ne lui versant pas les sommes qui lui étaient réellement dues en contrepartie de ses prestations effectuées en accord ou acceptées par le journal périodique appartenant à la société DSI, alors que le tarif minimum de la pige n’a jamais été réévalué depuis son embauche, que l’indemnité pour le matériel photo lui a été supprimé en juin 2018 et qu’elle n’a jamais perçu de paiement pour les photos fournies avec ses articles ; que les journalistes pigistes ont les mêmes droits que les journalistes permanents payés au mois d’après le principe d’égalité entre tous et la société DSI, à l’instar de nombreuses agences de presse profite allègrement d’un statut qui n’est pas toujours clairement défini ; qu’au-delà, elle n’a pu bénéficier, en sa qualité de journaliste pigiste, des mesures d’urgences en matière d’activité partielle qui lui étaient pourtant applicables ; que son activité professionnelle n’était plus suffisante pour lui permettre d’en vivre, et a occasionné une baisse de son pouvoir d’achat.
La société DSI réplique en synthèse que Mme [N] ayant été intégralement remplie de ses droits, la déloyauté n’est pas établie ; qu’au contraire, elle s’est toujours acquitté de ses obligation si l’on excepte les trois mois qui ont suivi l’extension de l’accord de juillet 2019 mais qui a donné lui à une régularisation dès qu’elle en a eu connaissance, et ce sans aucune malveillance ou déloyauté ; que la salariée qui n’hésite pas à faire rétroagir sur trois ans des réclamations de salaires pour les photos qu’elle a fournies, après s’être soigneusement gardée d’en faire état au moment où son employeur avait la faculté de les refuser, effectuant ainsi de la vente forcée alors qu’elle n’avait jamais auparavant réclamé la moindre somme à ce titre, est celle qui a adopté un comportement déloyal ; que de plus, Mme [N] n’apporte aucun élément de preuve du préjudice qu’elle allègue.
Sur ce,
Il est établi que depuis 2004, le tarif minimum de la pige n’a pas été revalorisé. Toutefois, Mme [N] ne justifie pas avoir à aucun moment interpellé sur ce point son employeur, ni avoir fait la moindre réclamation aux fins d’une revalorisation avant la présente procédure. Elle n’établit pas non plus que le prix fixé qui n’est qu’un prix minimum, serait inférieur à celui fixé pour les autres journalistes de l’agence. Ainsi, au vu des moyens débattus et des pièces produites, aucune déloyauté ne saurait sur ce point être retenue de la part de l’employeur.
De ce fait, et au regard des développements qui précèdent, Mme [N] ayant été déboutée de l’ensemble de ses demandes d’indemnités et de rappels de salaire, la déloyauté de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail portant sur ses modalités de rémunération et le bénéfice du chômage partiel, n’est pas établie.
Il s’ajoute que, même à retenir le manquement allégué, Mme [N], malgré les dénégations de la partie adverse, ne justifie pas du préjudice allégué.
Par conséquent, la décision déférée qui a rejeté la demande indemnitaire sera confirmée.
6 – Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Les dispositions du jugement déféré sur les dépens et les frais irrépétibles seront confirmées, l’équité et la situation économique des parties justifiant de ne pas la remettre en cause en ce qui concerne l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [N], partie appelante succombant sur le tout, sera condamnée aux dépens d’appel et sera en conséquence déboutée de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande en cause d’appel de faire bénéficier la société DSI de ces mêmes dispositions et de condamner Mme [N] à lui verser une indemnité de 150 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [N] à verser à la société DSI une indemnité de 150 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [N] aux entiers dépens de l’instance.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.